Assaut sur Refusal

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Une Beauté Hideuse

Les Hémoncules s’attaquent systématiquement aux races inférieures, mais leurs attentions maléfiques ne se limitent pas aux habitants de l’espace réel. Lorsque les Bataillons Cadiens de la planète à la peau métallique Refusal sont tombés sous le regard des Prophètes Charnels, la garnison de la planète n’a pas été la seule à ressentir les effets néfastes de la Coterie…

Bien que les Hémoncules préfèrent paraître distants, ils trouvent extrêmement divertissantes les trahisons et les rivalités de leurs confrères Commorrites. Ce n’est d’ailleurs pas la seule raison pour laquelle les Coteries s’intéressent aux intrigues de la Cité Crépusculaire. Bien qu’ils aimeraient se croire à l’abri des complots et des manigances de ceux qu’ils considèrent comme leurs inférieurs, les Hémoncules doivent s’assurer d’être au courant des événements de la ville s’ils veulent rester au centre des filets de causalité qu’ils tissent. C’est pourquoi il n’est pas rare qu’un Hémoncule s’aventure dans les hautes sphères pour traiter avec les Archontes et les Succubes. Certains daignent même assister aux fêtes meurtrières organisées par les Cultes Cérastes, observant impassiblement sous des auvents de peaux tendues et encore vivantes ce qui se fait de mieux en matière de divertissement dans le Commorragh d’aujourd’hui.[1]

Du Sang dans le Sable

L’un de ces spectacles gorgés de sang était organisé par Yctria Ghularis, une doyenne des arènes connue dans son dos sous le nom de "Reine Tueuse". Autrefois du Premier Sang, aujourd’hui Succube du Culte du Chagrin Rouge, Yctria était aussi ravissante qu’ambitieuse. Elle était également dotée d’un tempérament très agressif. Chaque fois qu’Yctria se sentait lésée, elle entrait dans une rage spectaculaire. La frénésie des armes blanches qui s’ensuivait était un excellent divertissement, et les écorchements qui s’ensuivaient, administrés par Yctria elle-même, étaient une puissante source de nourriture psychique.

C’est ainsi que le Croniarque Sekh et plusieurs autres Prophètes Charnels se retrouvèrent à assister à l’un des bains de sang nocturnes du Chagrin Rouge. Contrairement aux Drukharis qui réclamaient du sang autour de lui, Sekh n’était pas là pour voir Yctria se battre. Il était plutôt impatient de voir sa rival, la beauté sombre connue sous le nom de Kariasche la Marquée.

Kariasche était un personnage très discuté dans la société souterraine des Hémoncules. Seule parmi les reines de l’Hekatarii, elle n’avait jamais cherché à se procurer des pommades ou des élixirs d’embellissement dans les Coteries. Au contraire, Kariasche portait avec fierté ses nombreuses cicatrices qui la défiguraient. Cela la rendait extrêmement impopulaire dans les rangs élitistes des Cultes - et surtout auprès d’Yctria, qui prenait l’apparence de la Succube cuirassée comme un affront personnel. Néanmoins, l’élégance de Kariasche et son habileté à manier le Neurocide la rendirent suffisamment populaire pour qu’on l’autorise à contrecœur à fouler le sable.

Ce soir-là, Kariasche devait affronter un Chevalier Impérial asservi par l’esprit dans un combat auquel elle n’était pas censée survivre. Malgré la puissance brute du marcheur, la succube balafrée remportait le duel, s’éloignant de chaque explosion en faisant la roue et arrachant câbles et tendons à chaque coup de Neurocide. Yctria, toujours aussi impatiente de voir ses plans se réaliser, entra dans l’arène et transperça Kariasche d’un coup de javelot empoisonné dans le dos. La Reine Tueuse fit alors un geste du poignet en direction du Chevalier qui s’approchait. De sa main impeccablement manucurée s’échappa une grenade qui explosa dans le carter du moteur du monstre de fer. La lame tronçonneuse du chevalier-esclave s’arrêta à quelques centimètres de la tête d’Yctria, qui passa en trombe. La Reine Tueuse se dirigea sur la pointe des pieds vers sa rivale, crachant délicatement sur la forme molle de Kariasche avant de la porter sur une épaule. Tirant la Succube déchue sur le marcheur incapable comme un hyperfélide traînant un zellion tué dans un arbre, Yctria se baigna dans l’adoration de la foule avant d’écorcher lentement et soigneusement Kariasche vivante.

Alors qu’Yctria nouait la peau volée de sa rivale autour de son cou comme une robe de soie, le Croniarque Sekh sortit de l’arène plus tôt que prévu, le visage tordu dans un masque de rage mal dissimulée. L’Hémoncule demanda quelques faveurs, et une partie du cadavre de Kariasche se retrouva dans les cercueils de stase des Prophètes Charnels. Ce ne serait pas la dernière fois que Sekh croiserait la route des reines guerrières du Chagrin Rouge.[2]

Une Proposition Sombre

Les roues de la Cité Crépusculaire tournèrent, et une nouvelle génération de captifs fut réduite en désolations sanglantes. Cependant, avant qu’un seul cycle ilmaean ne se soit écoulé, le Culte du Chagrin Rouge se rendit dans les titanesques cités de stalactites qui se trouvaient sous Commorragh. Ils amenèrent avec eux sept cent soixante-dix-sept esclaves, chacun d’une espèce différente, pensant que cela plairait aux Hémoncules. Et ce fut le cas, suffisamment pour que le Culte obtienne une audience dans les salles inférieures.

Il ne fallut pas longtemps pour que la reine Yctria se retrouve devant Croniarch Sekh en personne. Les ombres de la herse du donjon jouaient sur leurs peaux, accentuant encore la différence entre le physique sculpté de la guerrière et l’enveloppe atténuée que Sekh avait choisie comme dernière forme de chair. La peau écorchée voltigeait sur les épaules parfaites d’Yctria tandis qu’elle parlait, les restes séchés de sa rivale capturés par les bouches d’aération des oubliettes en contrebas.

Le Culte du Chagrin Rouge souhaitait être le fer de lance d’un événement en espace réel, d’une violence si débridée qu’elle surpassait même ceux lancés par Lelith Hesperax elle-même. Yctria avait identifié un endroit parfait pour ses objectifs : Ghulavast, un Monde-Forteresse qui avait été renforcé par les soldats de l’Humanité pour se défendre contre le Vaisseau-Monde Saim-Hann. Bien qu’ils ne le sachent pas, la distorsion Warp de l’Astra Militarum les avait désolidarisés du temps, car Saim-Hann avait depuis longtemps pris ce qu’ils voulaient sur la planète. Les bouffons sans cervelle de Cadia avaient veillé pendant des mois, attendant avec une patience bovine un ennemi déjà disparu depuis longtemps.

Yctria avait l’intention de leur donner la guerre qu’ils désiraient tant, et dans une large mesure. S’il obtenait non seulement l’allégeance des Prophètes Charnels mais aussi l’élixir rare que la rumeur disait être en possession de Sekh, le massacre exhibitionniste du Culte Céraste serait en effet mémorable. Yctria s’assurerait que la Coterie reçoive la part du lion du butin, y compris - à ce stade, la Succube souriait radieusement - plusieurs pelotons d’Abhumains Ogryn ; la matière première parfaite pour forger de nouvelles terreurs de chair.

Le compagnon de l’Hémoncule Sekh, Quvelich l’Émaciateur, recula imperceptiblement devant la présomption d’Yctria. C’était un grave manquement à l’étiquette que de parler aux Coteries de leurs propres affaires, sans parler de dicter leurs conditions d’emploi. Croniarch lui-même se contenta de sourire, esquissant une légère révérence alors qu’il acceptait de participer au raid en espace réel proposé par Yctria. Il avait en effet mis au point l’Elixir Barghesi - un millésime si rare et si original que même Asdrubæl Vect n’en possédait pas d’échantillon. « À quoi bon avoir créé une telle merveille, » pensa Sekh à voix haute, « sans avoir l’occasion de l’essayer ? »

Avant la fin de la nuit, une magnifique flotte quitta le port de l’Infinie Tristesse. Ses vaisseaux, gracieux et semblables à des requins, glissèrent hors de la Cité Crépusculaire et traversèrent les portails stellaires au-delà. Leur départ a été diffusé dans un million de rêves éveillés, comme un clin d’œil au carnage à venir. Dans le boudoir de commandement de son vaisseau amiral, Yctria examina son prix : un éclat de cristal tranchant imprégné d’une seule goutte de l’élixir inestimable qu’elle recherchait. Elle avait déjà échangé le tesson qu’elle avait reçu de l’Hémoncule avec celui de son second, la Succube Idyliane, au cas où. La jeune prétendante au trône d’Yctria devenait trop populaire pour son propre bien, et si l’instinct de la reine de l’arène avait été correct, le masque de politesse de Sekh cachait une morsure empoisonnée. À son avis, les sculpteurs de chair avaient accepté un peu trop facilement sa proposition. Seule une ingénue pouvait faire confiance à un Hémoncule, et elle était bien trop rusée pour se laisser prendre dans leurs filets.[3]

Une Forteresse Réveillée

« Ah, la mort ! Une vieille amie bienvenue. Un jour, nous ne ferons plus qu’un, mais pas aujourd’hui. Elle a encore tant à m’apprendre… »
- Iridivyst, Épicurien Pourpre.

Le soleil du milieu de l’hiver scintillait faiblement depuis la forteresse du monde à la peau métallique de Refusal, ne parvenant pas à réchauffer les Cadiens qui occupaient chaque rempart et chaque bastion. Le souffle des soldats de l’Astra Militarum s’est figé tandis qu’ils regardaient impassiblement la ligne d’horizon. Ils s’attendaient à affronter des Aeldaris, une race dont on disait qu’elle pouvait surgir de nulle part. Si une telle notion pouvait sembler terrifiante pour un citoyen de l’Imperium non entraîné, elle n’avait rien de nouveau pour des guerriers comme eux, car chaque Cadien passait sa jeunesse à s’entraîner sur le seuil hanté par le Chaos de l’Œil de la Terreur.

Les Cadiens avaient passé des mois d’inactivité dans le froid constant et rongeant. À présent, même les Soldats des Glaces de Valhalla auraient un peu baissé leur garde, passant les heures à discuter et peut-être à jouer un peu pour se procurer des bâtons de lho de contrebande. Ce n’était pas le cas de la garnison de Refusal. Le fait que leur réponse à l’invasion des Drukharis ait pris moins de trois secondes est tout à l’honneur de l’état d’esprit cadien.

Dans l’ombre, des dizaines de Raiders surgirent de nulle part et se précipitèrent vers les emplacements cadiens perchés sur les épaules de la forteresse métallique montagneuse. Dès que la première silhouette d’un Raider survola le paysage argenté, les trompettes de guerre retentirent et l’artillerie lointaine lança des obus de gros calibre dans le ciel. Les Cadiens qui occupaient les forteresses brandissaient leurs lasers avec un calme professionnel, tirant sur les Écumeurs squelettiques qui se dirigeaient vers eux alors même que les obus d’artillerie s’enfonçaient pour exploser au milieu d’eux.

Chaque vaisseau attirait une tempête de Missiles et de Canons Laser tandis que les gardes visaient devant les transports qui s’élançaient - leurs ordres étaient de frapper là où les cibles se trouveraient plutôt que là où elles se trouvaient. Et pourtant, leurs tirs n’avaient aucun effet. Les Cadiens fronçaient les sourcils sous leurs casques réglementaires tandis que les Missiles Antichar et les lasers traversaient les transports scintillants.

Les Hémoncules, sachant que les rangs ternes de l’Humanité n’avaient jamais maîtrisé le vol, avaient programmé leur attaque apparente pour frôler les plaines d’acier. Les Cadiens, dont l’imagination limitée avait inconsciemment supposé un vecteur d’invasion horizontal, avaient émergé des créneaux de la forteresse pour lancer un ouragan de puissance de feu sur les vaisseaux en approche. Ce n’est que lorsque l’armada d’Écumeurs s’est approchée que la tromperie est devenue évidente. L’attaque n’était rien d’autre qu’une illusion, un mirage d’ombre acheté aux alliés d’Ælindrach de Commorragh à un prix élevé en âmes royales.

L’invasion illusoire traversa les défenses cadiennes comme de la fumée, se dispersa en vrilles ténébreuses et s’évanouit dans le néant. Puis le ciel se mit à hurler comme une bouche ouverte, et la véritable attaque de la Coterie commença. Un groupe de vaisseaux à coques noire descendit soudain comme des couteaux lancés depuis les nuages. Des pelotons de soldats se reformèrent avec l’efficacité d’une parade bien organisé, plissant les yeux sous le soleil de midi en tirant des coups de feu à l’aveuglette sur les vaisseaux déchiquetés au-dessus d’eux. Les batteries de DCA Hydre levèrent leurs Autocanons pour tirer sur les nouveaux arrivants, perdant chacune un quadruple barrage qui cribla le ciel de nuages de fumée noire. Les Venoms et les Raiders s’élancèrent et virèrent de bord, mais la pluie d’artillerie projetée par la défense aérienne cadienne était si dense que trois des vaisseaux Drukharis furent pris en tenaille et taillés en pièces.

Les Gorgones qui s’étaient accrochées au fuselage de leur vaisseau tombèrent en flèche, leurs corps à moitié nus s’écrasant sur les emplacements d’armes en contrebas avec une telle force que leur sang jaillit en halos dispersés. Aussi incroyable que cela puisse paraître, certaines Gorgones traînaient encore leurs corps déchiquetés vers les équipes d’armes lourdes cadiennes, leurs masques sans visage les fixant avec une intention silencieuse. D’autres faisaient craquer leurs os en tordant leurs corps mutilés en de nouvelles formes arachnéennes et en se tortillant vers les défenseurs de l’Astra Militarum horrifiés. Les équipes d’armes lourdes cadiennes ne purent repositionner leurs Mortiers à temps. Au lieu de cela, elles saisirent leurs Fusils Lasers et tirèrent à bout portant. Beaucoup d’entre elles réussirent à tirer juste à temps, mais beaucoup d’autres tombèrent sous les coups des lames en acier argenté des épaves qui se tordaient sur le ventre dans leur direction.

Un escadron d’Écumeurs arriva en rase-mottes, plusieurs cellules de Gorgones sautant des ponts ouverts de leurs Venoms pour atterrir pieds nus sur les grilles argentées de la Plate-Forme d’Artillerie. Les Cadiens se précipitèrent pour engager le combat, mais bien que leurs tirs de lasers tirés à la hâte aient brûlé les carcasses musclées des envahisseurs, ils ne ralentirent pas le moins du monde la progression de la Coterie. Des rires creux retentirent lorsque les Gorgones entrèrent en action, leurs outils chirurgicaux scintillant dans la lumière émeraude du portail de La Toile situé en hauteur. En quelques secondes, les artilleurs avaient été démembrés, leurs blessures cautérisées et leurs torses sans membres posés près des ponts d’artillerie pour mieux apprécier leur propre impuissance.

D’un cri sec, un peloton de soldats usés par le temps émergea d’une porte de chambre forte sur les pentes supérieures. Une pluie d’objets métalliques rebondit sur la pente, et les Gorgones furent tués à leur tour, leurs corps déchiquetés par des charges de démolition et des Grenades Krak. Pourtant, le travail des cellules avait été fait - l’avant-garde de la Coterie avait éliminé la menace des retranchements avec une précision digne d’un scalpel. Bénéficiant d’un sursis, les Raiders et les Talos jaillissant des portails s’approchaient sans rencontrer d’opposition.

Un trio de Raiders se dirigea vers les soldats de l’Astra Militarum qui occupaient les balcons inférieurs de la forteresse, et les Cérastes qui s’accrochaient à leur fuselage sautèrent et firent des sauts périlleux pour atterrir au milieu des rangs serrés avec une précision acrobatique. Les couteaux de maître s’enfonçaient dans les cous et les orbites, les Gantelets-Hydre enfonçaient leurs lames dans les torses et les dos, et les Épées-Fouets se transformaient en fouets segmentés tandis que leurs victimes tentaient en vain de les esquiver. Pourtant, malgré la vitesse et la précision des meurtres, il n’y avait rien qui n’ait été vu des milliers de fois auparavant dans les arènes de Commorragh.

Yctria lança alors un seul ordre depuis la proue de son Raider personnel. Sa voix était aussi claire qu’une cloche de verre carillonnante - musicale et pure, mais néanmoins un glas. Avec un sourire féroce, les Cérastes de la Reine Tueuse enfoncèrent leurs cristaux d’élixir dans leurs poignets. En quelques instants, la bataille passa du spectacle au massacre.

Les escouades de Cérastes s’élancèrent les unes après les autres sur la pente de la forteresse montagneuse à une vitesse vertigineuse, sautant d’une gargouille à l’autre, franchissant les créneaux et enfonçant leurs lames dans les visages des hommes qui les suivaient. Les portes de métal se refermèrent avec fracas lorsque les pelotons cadiens se retirèrent en bon ordre, avant d’être arrachées avec une force inouïe par les Drukharis qui les poursuivaient. Les murs argentés des couloirs étaient éclaboussés de rouge par le sang cadien, avant d’être tachés de noir de suie par les feux des équipes de Lance-Flammes qui contre-attaquaient. Mais même les flammes ne parvenaient pas à éloigner les Cérastes de leur proie, qui se nourrissaient d’élixir. Ricanant follement, les gladiatrices se glissèrent habilement sous les flammes huileuses pour bondir, lames en avant, sur les humains abasourdis au-delà.

Yctria elle-même était sous l’effet revigorant de l’élixir Barghesi. Surpassant tout le monde, à l’exception d’Idyliane et de ses propres Succubes, la Reine Tueuse sprintait de meurtre en meurtre impeccable, laissant une traînée de corps humains décapités qui impressionnait même les Hémoncules qui les observaient depuis leurs Raiders en vol stationnaire. Se léchant ses longs doigts, Quvelich se tourna vers Croniarch Sekh et leva un sourcil chauve, mais un hochement de tête de l’ancien lui fit comprendre que ce n’était pas pour tout de suite.

Loin en dessous, les Cadiens et leurs alliés Abhumains ripostaient avec toute la ténacité des voyous de leur espèce. Les chars d’assaut Wyvern avaient quitté les portes arrière de la forteresse, leurs mortiers Stormshard lançant des fléchettes d’acier sur les Gorgones dépouillées qui étaient descendues à la recherche de viande fraîche. Partout où les Aquilas de métal rasé explosaient, les muscles étaient déchiquetés et les os brisés, mais les Gorgones se contentaient de frissonner d’une joie silencieuse. Ils s’élancèrent vers l’avant pour encercler les chars les plus proches, tapotant leurs flancs comme des insectivores sondant un arbre creux. Une autre rafale explosa à proximité, les fléchettes tranchant les doigts et clouant les dos. La plus grande des Gorgones arracha trois Aquilas d’acier de ses blessures et accrocha le bout de ses ailes dans le muscle strié de sa poitrine, de sorte qu’elles brillent dans le crépuscule, comme un simulacre de médailles impériales.

Non loin de là, l’Hémoncule gourmet Iridivyst s’élevait du milieu de ses préposés sans peau, scrutant les lignes cadiennes à la recherche d’un ennemi plus intéressant. Il y avait tant de morts ici, et pourtant l’Imperium n’avait fait qu’explorer le thème éculé des traumatismes cinétiques. Ici et là, une explosion de plasma était tirée, carottant le torse d’un Grotesque ou incinérant une Gorgone malchanceuse, mais même cela était une fin que l’Hémoncule avait déjà connue. Malgré le délicieux pic d’agonie que procure le plasma, sa résurrection avait pris beaucoup trop de temps.

Les yeux de l’Hémoncule s’illuminèrent lorsqu’il vit un Psyker humain à barbe blanche se pencher sur les créneaux, deux fouets aveuglants d’énergie psychique jaillissant de ses tempes pour réduire en atomes les Cérastes qui s’élançaient en contrebas. Iridivyst coupa un de ses doigts noueux avec un appendice en forme de ciseau et le tendit à la Gorgone la plus proche - une précaution inutile compte tenu de ses vastes réserves de chair, mais qui était devenue un rituel agréable pour lui au fil des millénaires. La Gorgone rangea le doigt dans un mince tube de cristal.

Son rituel traditionnel de pré-mort achevé, l’Hémoncule grimaçant se dirigea droit vers le vieux Psyker humain, pulvérisant les aiguilles empoisonnées de son Pistolet Éclateur sur les Gardes Impériaux entassés en contrebas, afin de prouver qu’il était une menace. Les malheureux qu’il touchait convulsaient en se noyant dans leur propre sang.

Iridivyst se rapprochait de plus en plus, mais le Psyker humain l’ignorait toujours. L’Hémoncule était sur le point de rouler des yeux d’impatience lorsque le sorcier cadien ouvrit grand la bouche et hurla une impulsion de feu aveuglant qui consuma Iridivyst de sa tête pâle à ses orteils atrophiés. Alors qu’il brûlait, le Seigneur de la Coterie tremblait d’extase, ses convulsions atteignant un pic flou avant qu’il n’éclate dans un nuage de cendres.

Non loin de là, le sombre artisan Maestru Thrylemnis envoya ses Machines de Tourment vers une meute de Taurogryns qui s’affairaient à piétiner un groupe de Gorgones par terre. En voyant les macabres machines s’approcher, les brutes Abhumaines levèrent leurs boucliers en forme de dalle et les verrouillèrent pour former un mur improvisé, se protégeant non seulement eux-mêmes mais aussi les Cadiens qui se redéployaient à l’arrière. Les créations de Thrylemnis se contentèrent de flotter au-dessus du mur de boucliers, Synistrex, le Talos arrachant les boucliers de ses doigts musclés tandis que le Cronos Dextrisyn aspirait de grandes quantités d’essence de vie abhumaine. Tandis que les membres de l’appareil du Talos ouvraient les boîtes crâniennes et en retiraient les objets pulsants avec une efficacité clinique, Thrylemnis s’approcha des Taurogryns qui avaient été vidés de leur sang par son Cronos et les repoussa simplement d’une série de coups de poing. Le Talos signala la fin de son travail par un carillon métallique. Tandis que le trio avançait, Thrylemnis retira soigneusement la peau de la main qui avait touché les Abhumains et jeta les restes contaminés de côté.

La précision minutieuse de l’Artisan Noir contrastait fortement avec l’orgie d’engins de chair qui jaillissait des défenses d’Aegis. Trois autres Machines de Tourment Talos avaient rejoint la ligne cadienne - des machines que Thrylemnis considérerait comme des copies risiblement inférieures de ses propres appareils, mais qui n’en étaient pas moins terrifiantes. Ils tailladaient, perçaient et empalaient tout ce qu’ils pouvaient attraper dans un tourbillon de sang, transformant ceux qui étaient trop lents pour esquiver en une sélection de friandises qu’ils prenaient en eux avant de chercher une nouvelle proie.

À quelques pas de là, l’Hémoncule Xeryndtuil regardait avec un désarroi presque comique ses Grotesques se faire marteler par les Canons Gatling Punisher d’un escadron de chars de combat cadiens. Deux de ces monstres furent pulvérisés dans une gerbe de fluides noirs, mais leurs camarades masqués n’avaient pas semblé s’en apercevoir. Fronçant les sourcils, l’Hémoncule frappa deux fois dans ses mains primaires, et les Grotesques restants poussèrent des rugissements frémissants tandis que les distributeurs d’ichor situés dans leur dos déversaient de puissants hyperstéroïdes dans leur circulation sanguine.

Les bêtes gonflées se précipitèrent vers l’avant, en plein dans la grêle de balles qui arrachaient des morceaux de chair de la taille d’un poing sur leurs torses. Sans se soucier des autres, les constructions de chair s’attaquèrent aux chars Leman Russ, martelant leur coque supérieure et grimpant dessus. L’un des Grotesques arracha le canon chauffé au rouge qui l’avait criblé de trous et le lança dans les rangs des fusiliers cadiens qui tentaient désespérément d’effectuer un tir d’abattage. Un autre arracha une plaque de la coque et s’engouffra à l’intérieur du char, disloquant ses articulations pour pouvoir s’y enfoncer comme un serpent forçant l’entrée d’un souterrain. Un troisième fit un trou dans la coque du char à côté de lui et enfonça son canon à liquide dans l’interstice. Un instant plus tard, les cris de l’équipage en fusion à l’intérieur se mêlèrent aux soufflets étouffés de leur tueur. Alors que le chœur de la terreur, de la rage et de la douleur s’élevait, le froncement de sourcils de Xeryndtuil se transforma en une expression de tranquillité absolue.

Sur les pentes de la forteresse argentée, des scènes d’une puissance surréaliste et inquiétante se déroulaient. Un vétéran cadien fut frappé par un Ossefactor juste au moment où il retirait la goupille du détonateur de sa grenade à fragmentation, son corps éclatant en lances épineuses qui empalèrent ses camarades quelques instants avant que la zone entier ne soit mis à mal par l’explosion. Un Ogryn enragé mordit à pleines dents dans l’une des Gorgones qui le portaient au sol, mais ses mâchoires se dissolvaient dans l’ichor acide qui jaillissait de la plaie. Un sniper Ratling tira une balle de Fusil à Aiguilles dans le cœur de l’une des Gorgones qui remontait l’éboulis vers lui, et le reste de la cellule de la Coterie se jeta sur le cadavre agité de leur compagnon, de longues langues sondant la plaie pour goûter au poison impérial. Un Grotesque chancelant fut percuté par un Commissaire de forte carrure, qui fit exploser la tête de la chose avec son Pistolet Bolter avant d’être étranglé par le cadavre.

Chacun des événements que les Hémoncules jugeaient dignes d’attention était absorbé par des hybrides de Medusae et modifié par un Cronos pour une délectation ultérieure. Le spectacle de la violence battait son plein, le dénouement macabre d’années d’artisanat de la chair se déroulant de cent façons différentes. Cependant, pour Croniarch Sekh, l’attraction principale était encore à venir.

Au sommet de la montagne à la peau métallique, Yctria et ses Épouses Sanglantes se faufilaient parmi le haut commandement cadien. Une traînée de Cérastes mortes témoignait de la ténacité sanglante avec laquelle l’Astra Militarum s’était battu, mais leur destin était désormais tout tracé. Même les éclairs psychiques crépitant du conseiller Psyker du commandant cadien n’étaient pas assez rapides pour attraper la Succube Yctria qui pirouettait, ni la moindre de ses servantes.

Sekh fit un signe de tête, et le sourire de Quvelich atteignit le coin de ses yeux. Il agita son aiguille d’activation. Chacun des Cronos positionnés sur les épaules de la montagne éructa de sa carapace un gaz plus léger que l’air, dont les émissions se combinèrent en une brume violacée qui s’éleva pour envelopper Yctria, les Épouses Sanglantes et leurs jouets cadiens.

Le gaz engloutit Yctria et ses Épouses ; toutes, à l’exception d’Idyliane - qui avait reçu un antidote en récompense de son rôle dans la trahison de la Coterie - toussèrent et eurent une respiration sifflante tandis que le miasme filtrait dans leurs poumons. Ils perdirent leur concentration alors que la brume violacée brouillait leurs sens. L’une des Cérastes s’effondra, empalé par l’Épée Tronçonneuse d’un Cadien balafré, tandis que les autres s’éparpillaient dans le désordre.

Le Raider de Sekh s’approcha, tandis qu’une étrange transformation s’opérait. La chair parfaite d’Yctria commença à se déformer et à se tordre, des tendons de muscles rugueux et des bourrelets de viande dégoûtante s’échappant de chaque membre taché de sang. Éloignant d’elle ceux qui se trouvaient à proximité, la Succube se mit à gonfler comme un fruit mûr, doublant, puis triplant de volume tandis que sa colonne vertébrale sortait de son dos avec une profusion choquante. Les Épouses Sanglantes s’écroulèrent sous le choc, et bien qu’ils battaient en retraite, toutes, même l’agile Idyliane, furent abattus par des vétérans cadiens qui profitaient de leur soudain avantage. Yctria s’agitait et rugissait, sa voix de soprano se réduisant à une basse salivaire au fur et à mesure que la terrible transformation s’opérait. La peau écorchée qu’elle portait autour du cou se détacha, flottant comme un hideux drapeau pris dans la brise.

D’un geste du doigt, Sekh lança son Raider à l’assaut du manteau de cicatrices d’Yctria. Se penchant, les doigts allongés, Quvelich arracha des cieux le linceul de cicatrices et le tendit respectueusement à Sekh, qui le caressa un instant avant de l’enfermer dans un coffre de stase. L’aîné des Hémoncules hocha la tête une fois, les yeux fermés. Sa Gorgone fit un geste vers un panneau de contrôle, et les cieux au-dessus de la forteresse se mirent à pulser en blanc.

Avec une étrange synchronisation, chaque Gorgone, Grotesque et Talos abandonna simplement le carnage qu’il était en train de commettre et partit en retraite. Les Cadiens envoyèrent des volées de lasers dans le dos de leurs ennemis qui battaient en retraite, ne pouvant croire que le vent avait tourné si soudainement. Chaque fois qu’une Coterie tombait, ses compagnons aux épaules affaissées ramassaient sans cérémonie ses restes, les chargeant sur des Raiders et des Venoms en attente avant de partir en masse vers les portails de la Toile au-dessus d’eux. Au sommet, la chose nommée Yctria était ligotée dans des filets à aiguilles crépitants et des chaînes à crochets avant d’être soulevée comme une prise de pêche sous la plus grande des flottes d’Écumeurs. Les rayons d’une nouvelle aube commencèrent à poindre à l’horizon alors que les Drukharis s’en allaient, laissant derrière eux un terrain vague jonché de cadavres et une poignée de Cadiens qui revendiquaient la victoire.

Sept cycles ilmédiens plus tard, les Prophètes Charnels revinrent dans le grand amphithéâtre du Chagrin Rouge. Croniarch Sekh et ses compagnons observaient la scène avec un sourire tranquille depuis leur balcon ombragé. Ils s’abreuvèrent de la vue de la nouvelle reine du Chagrin Rouge, tandis que Kariasche, redevenue entière, pénétrait dans l’arène. Chacune des cicatrices et des taches que la Succube sombre portait si fièrement dans son ancienne vie était parfaitement intacte, un réseau de souvenirs préservés dans la même peau que celle que ses mystérieux bienfaiteurs avaient prise à Yctria au sommet de la forteresse cadienne.

Dans le sillage de Kariasche, mené par une chaîne d’os, venait une bête grumeleuse de taille impressionnante. Son angoisse était évidente : elle gémissait et bavait d’une douzaine de bouches semblables à des plaies. Applaudissant d’abord avec hésitation, puis crescendo au fur et à mesure que la vérité du spectacle s’imposait, les Drukharis présents dans l’arène se levèrent jusqu’à ce que toute l’arène soit unie dans une ovation. Il n’y avait rien de plus gratifiant pour les citoyens de Commorragh que d’assister à la douleur d’autrui, après tout, et la nouvelle incarnation d’Yctria en avait assez pour durer un millier d’années. Subtilement, mais de façon inoubliable, les Prophètes Charnels avaient rappelé aux habitants de la Cité Crépusculaire que défier les Hémoncules revenaient à s’exposer à un destin bien plus sombre que la simple mort.[4]

Source

  • Haemonculus Covens : A Codex : Dark Eldar Supplement
  1. Haemonculus Covens : A Codex : Dark Eldar Supplement - A Hideous Beauty (traduit de l'anglais par Trazyn l'Infini)
  2. Haemonculus Covens : A Codex : Dark Eldar Supplement - Blood in the Sand (traduit de l'anglais par Trazyn l'Infini)
  3. Haemonculus Covens : A Codex : Dark Eldar Supplement - A Dark Proposal (traduit de l'anglais par Trazyn l'Infini)
  4. Haemonculus Covens : A Codex : Dark Eldar Supplement - A Fortress Awakened (traduit de l'anglais par Trazyn l'Infini)