La Chute de Cadia

De Omnis Bibliotheca
Aller à :navigation, rechercher




LogoChuteCadia.jpg

UN ÂGE DE TÉNÈBRES

Triumvirat de l’Imperium.
La fin des temps semble proche. Les traîtres, les mutants et les hérétiques se multiplient. La malédiction du Psyker ravage la conscience collective de l’Humanité. Les énergies infernale du Warp se pressent contre le voile de la réalité, au point que chaque jour apporte son lot de catastrophe…
Vivre dans l’Imperium, c’est vivre un cauchemar éveillé au sein de la société la plus dystopique qu’on puisse imaginer. Les masses de l’Humanité ne sont que le grain à moudre sous la meule de la survie de l’espèce, une matière première abondante dont le sang huile les rouages d’une machine de guerre impitoyable. Des milliards d’âmes triment dans les manufactures éclairées par des torches de mondes-usines, des générations entières naissant et mourant sans jamais voir le ciel. Les Cités-Ruches gémissent sous le poids d’une population délirante, dont l’existence est rythmée par le travail et la douleur. Des ventres de navires stellaires titanesques aux allées bourdonnantes de scriptorums aussi vastes que des cités, des profondeurs obscures des sous-mondes à la surface stérile et glaciale d’astéroïdes miniers, chaque jour est synonyme d’épreuves et de désespoir dans les domaines de l’Empereur. Et ce n’est pas un mal, car ceux qui courbent l’échine sous l’effort et la mélancolie ne peuvent lever les yeux vers le ciel et les horreurs qui s’agglutinent dans ses étendues insondables.
On ne peut pas en dire autant des chefs de l’Humanité, car ils portent le terrible fardeau de la responsabilité, et savent quels dangers guettent leur peuple. L’Imperium a été en péril de nombreuses fois au cours de l’histoire, à l’occasion d’événements toujours plus graves. Les Orks se multiplient dans toute la galaxie et détruisent tout sur leur passage. Les légions sans vie des Nécrons se lèvent de leurs Mondes-Nécropoles et se mettent en devoir d’exterminer la vermine humaine qui a envahi leur empire de jadis. Sur la Bordure Orientale, l’Imperium doit faire face à la menace grandissante de l’Empire T'au à la technologie avancée, alors que les vrilles des Flottes-Ruches Tyranides arrivent d’une autre galaxie afin de dévorer toutes les planètes qu’elles croisent. Pire encore, toutes ces menaces ne sont rien comparées à celle du Chaos, car par-delà le voile de la réalité, les Puissances de la Ruine exhortent leurs serviteurs mortels à commettre des actes diaboliques, tandis que des légions de Démons se manifestent dans l’univers réel en nombre sans cesse croissant.
Les défenseurs de l’Imperium tiennent bon face à ces horreurs indicibles. Les rangs populeux de l’Astra Militarum et de l’Adeptus Mechanicus combattent au côtés ds guerriers d’élite de l’Adeptus Astartes, de l’Adepta Sororitas, des Chevaliers Gris et de bien d’autres encore. Cependant, en dépit de leurs efforts, de nouvelles planètes sont perdues chaque année. Même des bastions réputés imprenables comme Enceladus et Ministoria ont sombré dans l’anarchie. Les présages funestes se multiplient. Lorsque l’Oracle d’Ulandros parla pour la première fois depuis dix générations, il prophétisa des destructions à une échelle inimaginable. Les célèbres Saints d’Argent de Callisto II pleurèrent des larmes de sang. Les sages et les mystiques de l’Imperium sont assaillis par des visions d’anges et de démons qui s’affrontent dans un ciel de feu. Alors que le Segmentum Pacificus est plongé dans un silence étrange, les chœurs astropathiques du Segmentum Solar reçoivent des milliers d’appels à l’aide. La guerre fait rage d’un bout à l’autre de l’Imperium, et malgré cela ceux dotés du don de prescience annoncent des heures toujours plus sombres. Les ténèbres s’amoncellent à l’horizon. Un raz-de-marée de noirceur se rapproche à chaque heure qui passe, et menace d’engloutir l’Humanité dans des abysses d’où elle ne reparaîtra jamais.

Chapitre I : L'OMBRE S'ABAT

« L’Omnimessie a rempli la galaxie de mystères afin que nous puissions les découvrir et pour nous rapprocher de Sa perfection. Les ignorer même en temps de guerre, est une hérésie. »
- Archimagos Belisarius Cawl.

Dans l'Étreinte de la Guerre

Les Pylônes de Cadia
PlaneteCadia.jpg

Dans une galaxie pleine de mystères, les pylônes de Cadia figurent parmi les plus étranges. Il existe plus de cinq mille de ces édifices à la surface de Cadia, mesurant chacun près de cinq cents mètres de haut, et s’enfonçant dans le sol sur près de deux cent cinquante mètres. Les rapports divergent, mais on estime qu’il pourrait y en avoir deux ou trois mille de plus enfouis dans le sol suite aux mouvements tectoniques survenus au cours des âges.

En dépit de longues études menées sur ces monolithes, l’Adeptus Mechanicus n’a pas encore découvert leur fonction. Les Serviteurs envoyés les inspecter tombent invariablement en panne, et toute tentative visant à pénétrer leur surface luisante s’est soldée par un échec. Les maigres informations glanées sont soit fragmentaires, soit contradictoires. Même l’identité des créateurs des pylônes est mystérieuse, certains au seins du Culte Mechanicus pensent que ces spires sont l’œuvre des Nécrons ou de leurs prédécesseurs mortels, alors que d’autres sur Mars sont convaincus que les pylônes furent construits par les Anciens, précisément dans le but de détruire les Nécrons et les C'tan.

Le seul point sur lequel tout le monde s’accorde, c’est que les pylônes assurent la stabilité du couloir Warp de la Porte Cadienne. Il en émanerait un signal calmant les remous de l’Immaterium, même si en dehors de cette affirmation, leur véritable fonction originelle reste inconnue de tous.

Depuis dix mille ans, les étendues démentielles de l’Œil de la Terreur rongent le tissu de la réalité et déversent leurs horreurs dans l’Imperium de l’Humanité. Pourtant, au cours de ces dix mille ans, Cadia a tenu bon, tel un bastion d’adamantium puisant sa force dans le sang, le chair et les âmes de ses défenseurs. Nul ne sait précisément combien d’hommes sont tombés pour protéger les Mondes-Forteresses de la Porte Cadienne. Leur sacrifice a permis de tenir continuellement en respect les nuées de traîtres d’hérétiques et de Démons. Il a aussi permis à un millier d’autres mondes de connaitre une paix relative en cette époque troublée.

Toutefois, tandis que les ténèbres s’étendent et que la lumière de l’Astronomican est soufflée comme une chandelle dans le vent, l’Œil de la Terreur enfle et ses énergies s’en échappent. Abaddon, l’héritier de l’Architraître Horus, déchaîne sa Treizième Croisade Noire. Tel un cri terrifiant résonnant de Medusa à Ultramar, sa flotte s’est élancée. Sa cible n’est que trop évidente. Cadia l’invaincue, le plus grand bastion de l’Imperium, va finalement tomber sous ses coups.

Cadia est prête. La campagne d’Abaddon a été anticipé depuis longtemps par les mystiques et les stratèges de l’Imperium, si bien que les forteresses qui gardent la Porte ont été renforcées. Les bâtiments de guerre des flottes impériales sillonnent les courants glacés de l’espace. Des désolations irradiées de Prosan jusqu’au steppes gelées de Solar Mariatus, les murs épais des Kasr sont plus solides que jamais. Leurs garnisons de troupes de choc ont reçu des renforts originaires de tout l’Imperium. Les couleurs chamarrées des maisons de Chevaliers flottent aux côtés de l’Adeptus Astartes. Les machines étranges de l’Adeptus Mechanicus progressent sur les flancs des formations de l’Adepta Sororitas. Et partout les guerriers de Cadia, entraînés dès leur plus jeune âge, attendent la bataille qui décidera du sort de la galaxie pour les milliers d’années à venir.

Des millions périrent dès les premières heures de l’assaut, et bien plus encore au cours des affrontements qui s’ensuivirent. Des mondes brûlèrent. D’innombrables combattants luttèrent jusqu’à leur dernier souffle pour quelques arpents de terre stérile. Des cimetières d’épaves dérivaient dans les vents solaires, derniers vestiges de flottes qui auraient été capables de dévaster des systèmes entiers. Les défenseurs de Cadia se battirent sans répit, sans avoir le temps de laisser le désespoir les étreindre avant que la mort les prenne.

Si cette guerre avait été une simple épreuve de force, l’Imperium aurait pu avoir confiance dans les défenses de Cadia. Toutefois, les armes d’Abaddon ne se limitaient pas aux technologies des mortels. Il bénéficiait de la bénédiction des Dieux Sombres et commandait à leurs légions. La décrépitude rongeait les forteresses avant que les premiers tirs soient échangés. La folie s’emparait des profanes aussi bien que des dévots. Pire encore, la trahison, induite par les fausses promesses des prophètes de la damnation, était l’arme la plus terrible d’Abaddon. Des combats fratricides éclatèrent. Des bastions qu’on pensait imprenables furent détruits de l’intérieur tandis que leurs garnisons s’entre-déchiraient.

Pourtant, ce fut d’un tel acte de trahison que l’espoir renaquit, lorsque le Haut Commandement de Cadia périt suite aux terribles événements des Champs de Tyrok. C’est à cette occasion qu’Ursarkar E. Creed, le commandant du 8e Cadien, assuma le rôle de Seigneur Castellan et coordonna la contre-attaque des forces de Cadia. Sa promotion forcée changea le cours du conflit : sa détermination et ses talents de chefs lui assurèrent le respect des troupes, des confréries de l’Adeptus Astartes et même, dit-on, des Xenos qui semblaient avoir joué un rôle dans la défense de Cadia.

Grâce aux efforts de Creed, mais aussi à ceux de milliers de héros anonymes, l’incursion du Chaos fut ralentie puis repoussée. Elle laissa derrière elle une planète en lambeaux, et des défenseurs trop exténués pour célébrer leur victoire. De plus, ils n’avaient aucun moyen de contacter les autres planètes du système, car les relais de communications et les chœurs astropathiques avaient été détruits. Les Astropathes survivants qui risquèrent leurs esprits dans le Warp subirent des possessions ou furent dévorés par les entités qui les guettaient. Alors que les troupes du génie s’affairaient à réparer les défenses et que des affrontements sporadiques éclataient entre les Cadiens et les poches de résistance du Chaos, Creed contacta les quelques vaisseaux impériaux encore en orbite, et ordonna à ceux qui pouvaient se mouvoir d’effectuer des reconnaissances dans le système.

Pendant leur absence, Creed gagna la conviction qu’un nouvel assaut se préparait. Au fil des mois de combats, aucun rapport n’avait fait état de la présence d’Abaddon. Est-ce que l’ennemi juré de l’Imperium pouvait se permettre de lancer une telle attaque sans se manifester personnellement ? L’instinct de Creed le persuadait du contraire, et Ursarkar était trop expérimenté pour ignorer ce qu’il lui soufflait.

Creed savait qu’il ne pouvait pas empêcher la flotte d’Abaddon de passer librement à travers la Porte Cadienne, car les derniers vaisseaux de la Marine Impériale n’étaient guère plus que des épaves en perdition, à l’exception notable de la Barge de Bataille des Space Wolves Firemane's Fang, qui avait échappé de justesse à une surchauffe de son réacteur grâce au talent de ses Prêtres de Fer. C’était l’ultime bâtiment apte au combat. Les autres étaient encore capables de faire feu si l’ennemi approchait, mais ils ne pourraient en aucun cas le poursuivre.

La Treizième Croisade Noire ne faisait que commencer.

Néanmoins, Creed suspectait qu’ils n’en auraient pas besoin. Cadia était le symbole de la résistance de l’Imperium et des échecs répétés d’Abaddon. Son orgueil l’empêcherait d’ignorer la planète. Même si elles allaient périr, les armées de Cadia allaient pouvoir remplir une dernière fonction essentielle. Chaque jour, chaque heure gagnée permettrait à des renforts d’arriver pour renvoyer pour de bon la flotte d’Abaddon dans le Warp. Creed se mit donc à l’œuvre afin de lancer à son ennemi un défi qu’il ne pourrait pas refuser.

Une seule des forteresses majeures de Cadia avait survécu à l’invasion. Kasr Kraf se trouvait aux abords des Champs Elysion, une grande plaine de Cadia Secundus parsemé e de nombreux pylônes. Creed localisa son état-major à l’intérieur des murs de Kasr Kraf et se mit en devoir de préparer la forteresse pour la bataille inéluctable à venir. Sous son regard sévère, les tunnels creusés par les archéologiques furent étayés et garnis de défenses mortelles. Les adeptes du Culte Mechanicus trimèrent nuit et jour pour récupérer des pièces détachées sur les bastions en ruine et les réutiliser pour renforcer les protections de Kasr Kraf.

Ces scènes se répétaient partout sur Cadia Secundus. Des régiments de troupes de choc s’affairaient à réparer les défenses endommagées par les combats et les bombardements , et ils n’étaient pas les seuls. Des compagnies décimées de l’Adeptus Astartes, parfois réduites à une poignée d’escouades, se postèrent au sein des défenses, leurs couleurs contrastant fièrement avec les treillis kaki Cadiens. Au nord de Kasr Kraf, Orven Highfell posta ses Frères de Bataille dans les ruines de Kasr Jark. Cependant, la Grande Compagnie de Fenris ne se trouvait jamais derrière les murs, car elle préférait traquer les Démons dans les plaines constellées de cratères. Même s’ils étaient toujours hantés par le souvenir des événements récents et par le coût terrible qu’ils avaient dû payer, les Space Wolves étaient déterminés à honorer aussi bien leur nouveau Seigneur Loup que son prédécesseur Egil Loup de Fer, dont la compagnie portait encore le nom et l’emblème, jusqu’à ce que la honte de sa mort puisse être lavée dans le sang.

Encore plus au nord , la 4e Compagnie des Dark Angels renforçait la coque dévastée de son Croiseur d'Attaque écrasé, le Sword of Defiance. La majorité des armes étaient encore fonctionnelles malgré le crash, ce qui faisait de l’épave une forteresse presque inexpugnable. Des prières gutturales résonnaient le long des lignes de bastions en ruine au sud de Kasr Kraf chaque syllabe reprenant les rites de bataille sacrés des Black Templars. Le Sénéchal Marius Amalrich n’avait qu’une confiance limitée dans le courage des Cadiens, et il avait réparti ses guerriers parmi les régiments de Gardes Impériaux pour renforcer leur ardeur combative.

Dans la vallée qui s’étendait au pied de la forteresse de Creed, les sœurs de Notre Dame des Martyrs occupaient la ligne défensive de Saint Morrican. Quand le vent soufflait de l’est, il portait une odeur d’encens jusqu’aux murs de Kasr Kraf. Creed était satisfait de voir qu’elle renforçait la détermination de ses troupes, même si ces effluves n’avaient aucun effet sur la sienne. Il préférait placer sa foi dans le rugissement des canons et la bravoure de ses Cadiens. À ses yeux, les seuls miracles possibles étaient ceux qu’on préparait minutieusement, c’est pourquoi il prenait soin du moindre détail dans sa planification.

Au cours des jours qui suivirent, Creed intensifia l’entraînement de ses soldats, jusqu’à ce qu’ils soient trop éreintés pour ressentir des doutes ou de la peur. Pour la première fois, les régiments de Cadia connaissaient la même formation rigoureuse que celle du 8e d’où Creed était originaire, et dont il avait fait un instrument de guerre redoutable. Quant au 8e lui-même, il observait avec une certaine satisfaction les épreuves que subissaient leurs camarades. Ses vétérans comprenaient parfaitement les motivations de Creed, et ils écoutaient imperturbablement ses sermons, en sachant qu’ils endurciraient les autres régiments de la même façon qu’ils avaient endurci le 8e.

De plus, les préparatifs de Creed ne se limitaient pas au renforcement de l’âme et de la chair. Il avait ordonné la récupération d’une balise astropathique dans les ruines de Kasr Luten et l’avait installée à Kasr Kraf. Les Astropathes étant morts, Creed réquisitionna des Psykers et leur demanda de faire de leur mieux pour réactive la balise. Très peu d’entre eux avaient des talents d’Astropathes, la plupart étant des Psykers assermentés de la Scholastica Psykana. Néanmoins, Creed espérait qu’ils seraient en mesure d’aider les quelques Astropathes à franchir les turbulences psychiques pour requérir des renforts.

Cette stratégie suscita des objections au sein même de l’état-major de Creed. Certains voyaient là un gaspillage de ressources précieuses, d’autres craignaient que des esprits insuffisamment entraînés attirent de nouvelles horreurs du Warp sur Cadia. Néanmoins, la décision de Creed était irrévocable. C’est alors qu’une corvette, la dernière survivante d’une flotte de reconnaissance, reparut dans l’orbite de Cadia.

Le flanc tribord de Pyrax Orchades n’était plus qu’un amas de métal tordu. Les deux tiers de son équipage étaient morts, et les survivants allaient mourir sous peu à cause de la dose massive de radiations qu’ils avaient reçues. L’unique officier encore en vie fit son rapport d’une voix râpeuse, et les données des Auspex ne laissaient planer aucun doute : la flotte d’Abaddon venait vers Cadia. Elle était si vaste qu’elle éclipsait les étoiles, et était menée par une des terrifiantes Forteresses Noires, un bâtiment tueur de planètes.

La situation était pire que ce que Creed avait imaginé. La Treizième Croisade Noire ne faisait que commencer.

L’odeur métallique de l’huile et des onguents emplissait les narines de Creed. Des lumières clignotaient sur les panneaux d’accès et des lignes de données défilaient sur les écrans de surveillance, toutefois leur signification était aussi énigmatique que la silhouette en robe qui les observait en silence.

« Est-il prêt ? »

Magos Klarn se tourna vers Creed et le toisa. Il était plus humain que les autres Adeptes que Creed avait côtoyés au fil des années, du moins en apparence, cependant ses gestes restaient d’une précision plus insectoïde qu’humaine. Klarn ressemblait ainsi à une araignée au milieu de sa toile de consoles et d’écrans.

« Plus ou moins. » Sa voix avait des accents métalliques. « Ce ne sera pas sans risque. »

Creed regarda en direction des dizaines de capsules placées dans la pièce en trois cercles concentriques. Chacune contenait un Psyker dont le corps et l’âme avaient été connectés aux systèmes de la balise astropathique. Des câbles segmentés allaient d’une capsule à l’autre, tels les fils de Klarn l’araignée s’enroulant autour de leurs proies. Au-dessus de l’estrade centrale, un unique Astropathe était suspendu à un ensemble de câbles et de fils de données : la balise avait besoin d’un catalyseur afin de modeler le signal de détresse psychique avant de l’envoyer à travers l’Imperium. Avec un peu de chance, il parviendrait à traverser la tempête Warp qui faisait rage autour de Cadia.

Creed approcha de l’estrade et plongea son regard dans les orbites vides de l’Astropathe. « Tu sais ce que tu dois faire ? »

Les traits émaciés de l’Astropathe se figèrent tandis qu’il chassait un instant la douleur pour répondre : « Je le sais. »

Creed hocha la tête. Il y avait rien à ajouter. Il se détourna de l’Astropathe pour s’adresser au Magos. « Allez-y… »

Le Magos se pencha au-dessus de la console, mécadendrites et mains bioniques pianotant sur le clavier. Creed sentit la pression augmenter. Tous ses cauchemars, toutes ses craintes se manifestèrent dans son subconscient à l’appel de centaines de voix piaulantes. Des étincelles jaillirent des capsules et leur surface se mit à noircir. L’Astropathe pencha la tête en arrière et émit un cri de douleur pathétique. La pression devient intolérable dans l’esprit de Creed. L’Astropathe devint une masse inerte et morte dans l’entrelacs de câbles. Un liquide noir et huileux s’écoulait de ses orbites vides.

« Taux de mortalité de quatre-vingt-douze pour cent, » annonça le Magos sur un ton mécanique. « Dans les limites des prévisions. »

Creed déglutit et chassa ses cauchemars de ses pensées. « Est-ce que ça a fonctionné ? »

« Les données sont incomplètes, » répondit le Magos en haussant les épaules, ses mécadendrites imitant le mouvement de celles-ci. « Quels sont vos ordres ? »

« Mes ordres ? » maugréa Creed. « Que des renforts arrivent ou pas ne change rien au fait que Cadia va se battre. Jusqu’à son dernier souffle. »

« Que des renforts arrivent ou pas ne change rien au fait que Cadia va se battre. Jusqu’à son dernier souffle. »

Secrets Enfouis

Les navires de Cawl avaient été attirés à Eriad par la promesse de connaissances.

Loin de Cadia, sur les désolations poussiéreuses et venteuses d’Eriad VI, un labeur de cinquante années était au bord du désastre.

Depuis des milliers d’années, le système Eriad avait été considéré comme dénué de valeur. Baignées dans la lueur radioactive d’une étoile mourante, ses planètes n’avaient presque aucune ressource qui justifiait une colonisation. Au niveau stratégique, le système était jugé secondaire. Au début de M32, la Marine Impériale avait établi un avant-poste orbital au-dessus d’Eriad VI. La planète avait servi de camp d’entraînement pendant quelque temps, puis avait été abandonnée lorsque la quatrième Croisade Noire d’Abaddon avait dévasté le système en M34. La citadelle de Kromarch étant menacée par les forces du Chaos, l’amiral de la flotte avait décidé de rapatrier les ressources de l’avant­ poste. C’est ainsi que la défense d’Eriad VI fut symbolique, puis la Croisade Noire poursuivit sa route.

Eriad n’attira pas l’attention des scribes de l’Administratum au cours des six millénaires qui suivirent, jusqu’à ce que la tempête Warp Storael force le vaisseau explorateur Wayward Eye à effectuer un saut de rapatriement d’urgence vers l’univers réel. Bloqué dans le système Eriad à cause des turbulences de Storael, le Capitaine du Wayward Eye occupa son temps à passer en revue ses planètes. Il découvrit alors que la surface d’Eriad VI avait subi des bombardements intensifs. Des investigations au sol révélèrent des fragments technologiques d’origine inconnue à la surface du continent septentrional, qui suggéraient la présence d’autres secrets enfouis dans le sol. Il était étrange que de tels trésors fussent passés inaperçus au cours de la présence impériale dans le système, cependant le Capitaine du Wayward Eye supposait que le bombardement ultérieur avait mis à jour certains des secrets d’Eriad VI.

La tempête se dissipa avant qu’il puisse aller plus avant. Il fit un rapport au sujet de ses découvertes et quitta le système. Ce dernier n’allait pas rester inhabité très longtemps.

Pendant les années qui suivirent, deux flottes arrivèrent à Eriad. La première était celle du Conclave Acquisitorius de l’Archimagos Belisarius Cawl. Ayant reçu le rapport du Wayward Eye alors que ce dernier reprenait sa route vers sa destination d’origine, Cawl s’empressa de se rendre sur Eriad pour découvrir ses secrets. L’ancien Technoprêtre avait passé l’essentiel des dix derniers millénaires à travailler sur Mars, mais l’attrait de nouvelles fouilles archéotechnologiques était devenu trop fort. Il établit une base de recherche au milieu du continent septentrional jonché de débris, et commença un minutieux travail de récupération et de recherche. Les artéfacts retrouvés étaient de tailles variables. Certains n’étaient pas plus gros qu’un Servocrâne, d’autres surplombaient les Kataphrons qui montaient silencieusement la garde autour des sites de fouilles. Toutefois, leur état de délabrement ne laissait transparaître aucun indice quant à leur fonction originelle. Ce mystère attisait la curiosité de Cawl, qui décida de creuser plus profondément. C’est alors que la deuxième flotte arriva dans le système.

Les navires de Cawl avaient été attirés à Eriad par la promesse de connaissances, mais les nouveaux venus, une flotte d’Orks sous les ordres du Big Mek Gangrek, avaient tout simplement capté la signature énergétique des propres navires de Cawl. Gangrek désirait s’emparer des bâtiments du Mechanicus pour les ajouter à son armada. Toutefois, ses capacités n’étaient guère à la hauteur de ses ambitions. Ses vaisseaux furent anéantis au cours d’un affrontement spatial non loin de l’orbite, et ses équipages n’échappèrent à la mort qu’en se téléportant juste avant l’explosion de leurs navires. Satisfait de voir que la victoire avait été remportée selon les paramètres prévus, Cawl put de nouveau se consacrer à ses fouilles.

Néanmoins, les Boyz de Gangrek qui se trouvaient désormais à la surface d’Eriad VI s’adaptèrent rapidement à son environnement irradié, et parvinrent même à se multiplier. Échappant aux bombardements orbitaux grâce aux incessantes tempêtes de sable, ils commencèrent à attaquer la base de Cawl. Lors de chacun de leurs raids, ils volaient des pièces détachées et des épaves qu’ils s’empressaient de combiner avec les débris de leurs Vésso Kikraint, qui étaient tombés sur les étendues désertiques de la planète.

Les adeptes de Cawl considéraient ces attaques comme de simples nuisances, sans se rendre compte de ce que les Orks tramaient (sans doute parce que même dans l’esprit de Gangrek, ses plans étaient pour le moins nébuleux). En effet, c’était un Ork imprévisible même selon les standards de son espèce, il était donc le parfait opposé des guerriers de l’Omnimessie, aux méthodes strictes et méthodiques, qui avaient toujours des difficultés à vaincre les ennemis dont ils ne pouvaient cerner les intentions. Les patrouilles de Skitarii commencèrent à tomber dans des embuscades. Les Ferro-Échassiers bravèrent les tempêtes de sable pour détruire les repaires des Orks, mais quand ils arrivaient, ils ne trouvaient que des bâtiments piégés.

Cawl finit par abandonner momentanément ses recherches pour prendre le commandement de ses troupes. Afin de leurrer Gangrek, il ordonna que le prochain pont aérien ait lieu juste à l’extérieur de la base, car le besoin du Mek en matériel était la seule constante de cette guerre incertaine. Quand les Boyz de Gangrek attaquèrent la piste d’atterrissage, ils s’aperçurent que les navettes de transport ne débarquaient pas du matériel, mais des Skitarii. L’affrontement dura une bonne partie de la nuit, mais grâce au commandement de Cawl, l’Adeptus Mechanicus remporta sa première réelle victoire contre les Orks à la surface d’Eriad VI, et Gangrek lui­-même fut carbonisé par l’Atomiseur Solaire de Cawl. Néanmoins, il restait des milliers d’Orks, qui s’éparpillèrent à l’intérieur de la base. L’Archimagos pesa le pour et le contre. Il avait perdu trop de temps et mis de précieuses ressources en péril. Finalement, il décida d’abandonner ses fouilles pour retourner sur Mars. Mais avant cela, il s’aventura une dernière fois dans les tunnels…

Cawl passa la main sur la surface noire et lisse. Si seulement il avait eu plus de temps ! Plus il creusait profondément sous la surface d’Eriad VI, plus les fragments étaient en bon état. Il n’était plus qu’à quelques jours, peut-être même quelques heures, d’une découverte d’envergure.

Cependant, l’impatience ne payait jamais. Quels que fussent les trésors de cette planète, ils pouvaient encore attendre. Il ne pouvait pas mettre plus longtemps en péril la relique qui se trouvait à bord de l’Arche Mechanicus. « Je reviendrai… » se dit-il.

Il allait provoquer l’effondrement des tunnels et priver les Peaux-Vertes de ce qu’ils convoitaient. Et lorsqu’il reviendrait, les Orks connaîtraient la fureur de l’Omnimessie.

Cawl allait partir, puis il hésita. Il jeta un coup d’œil circulaire aux parois de la caverne, ses optiques bioniques ronronnants et cliquetants alors qu’ils sondaient les ombres. Il était seul, mais son instinct lui disait le contraire. Était-ce le spectre d’un ricanement qu’il venait d’entendre ?

« Montrez-vous ! »

Une ombre furtive glissa sur la pierre. Cawl entrevit une silhouette féminine encapuchonnée, un masque lisse à la surface ondulante.

La recalibration s’opéra sans qu’il ait besoin d’ordonner. Ses implants passèrent en mode guerrier. L’atomiseur bourdonna, lui donna l’impression qu’un flux sanguin inondait ce membre artificiel jusqu’à présent engourdi.

Des données binaires emplirent son esprit, des algorithmes divins qui tendaient d’analyser l’intrus.

Celle-ci approcha. « Tu ne te souviens pas de moi, Belisarius ? »

Cawl compara ses fétiches aux souvenirs enfouis dans sa mémoire morte. Des bribes surgirent, et un nom. Marchemonde.

Les données affluèrent dans son esprit. Elle était venue le voir dans sa forge sur Mars, alors qu’il s’affairait sur l’œuvre de sa vie. Elle l’avait poussé à quitter la Planète Rouge pour emmener sa précieuse cargaison jusqu’à sa destination. « L’heure est venue, » avait-elle chuchoté sans qu’il puisse lui résister. Comment avait-il pu oublier cette rencontre ?

Le masque de la Prophète de l’Ombre se figea, formant un visage que Cawl n’avait pas vu depuis des millénaires. Il y perdura un instant avant de se dissoudre dans un vortex de lumière.

« Si tu es là pour me rappeler d’anciennes promesses, Xenos, alors tu arrives trop tard. Mes vaisseaux se préparent déjà à partir. »

Marchemonde rit. « Le tempe du destin a changé. Les danseurs doivent appendre ses nouvelles notes ou chuter mortellement. » Cawl ne répondit pas. « Je te conseille de continuer à creuser… » déclara Sylandri Marchemonde avant de disparaître soudainement dans un éclair de lumière.


Un Douloureux Avertissement

Trazyn l’Infini.

La première alerte fut sonnée par la Cloche de Saint Gerstahl. Elle était restée silencieuse sur son piédestal pendant des milliers d’années, observant l’éternité au milieu de l’immense collection de Trazyn l'Infini. Puis, à l’occasion d’un jour qui semblait aussi calme que les autres dans les halls immobiles de Solemnace, la cloche se mit inexplicablement à sonner, en dépit de son socle et du champ de stase qui l’englobait.

La première note douloureuse brisa le dôme du champ de stase, libérant un fluide réfrigérant qui décomposa le dernier exemplaire de sculpture de sable d’Ooliac existant dans la galaxie. La deuxième note provoqua une cascade d’impulsions électroniques dans le circuit du programme logique de Solemnace, qui ordonna inconsidérément à tous les guerriers de la légion de Trazyn de replonger dans leur sommeil de stase. Lorsque la troisième note s’éleva, ses ondes étaient si destructrices que même l’alliage composite qui formait le corps des Nécrons ne put lui résister. Trazyn perdit cinq de ses incarnations alors qu’il tentait en vain d’atteindre l’objet pour le réduire au silence. Au bout de la treizième note, et alors que les dégâts étaient devenus si importants que les gardiens Mécarachnides de Solemnace ne parvenaient plus à les réparer suffisamment vite, la cloche se tut.

Prenant juste le temps de jeter la cloche dans les profondeurs de la Toile, où il espérait qu’elle importunerait les Aeldaris de la même façon qu’elle venait de le faire avec lui, le seigneur de Solemnace se mit à réfléchir à la signification de cet événement énigmatique.

Finalement, Trazyn quitta Solemnace pour se rendre sur Thanatos, monde primordial de la Dynastie Oruscar, où se trouvait le Planétaire Céleste. Sa venue en ce lieu fut accueillie froidement, notamment parce que lors de sa visite précédente, le Glyphe de Domination d’Oruscar avait disparu mystérieusement. Néanmoins, après quelques pourparlers et maintes promesses, Trazyn fut enfin autorisé à aller consulter le Planétaire, sous l’étroite surveillance des Factionnaires.

Alors qu’il se plaçait au milieu de la sphère en mouvement de métal vivant et de projections holographiques, Trazyn s’aperçut que quelque chose n’allait pas. Les minuscules maillons du planétaire étaient illuminés par une tache rougeoyante. Celle-ci pulsait entre les planètes telle une plaie béante, une tumeur qui cherchait à faire surface. Quelque chose se préparait. Un événement qui allait changer à jamais la galaxie. Pour l’heure, seul le Planétaire Céleste pouvait l’annoncer, car il était une représentation parfaite de la galaxie, jusque dans ses moindres détails.

Trazyn comprit que la Dynastie Oruscar était au courant de cette corruption rampante depuis des siècles, peut-être même des millénaires, toutefois elle n’avait rien fait pour la combattre, car en échange de la garde du Planétaire, la Dynastie n’avait pas le droit d’intervenir dans le déroulement des événements de la galaxie. Pour sa part, Trazyn n’était pas lié par un tel serment. D’ailleurs, après des millénaires d’égoïsme, l’idée de faire preuve d’un peu d’altruisme ne lui déplaisait pas. Mais par où commencer ? D’où venait la corruption ?

Trazyn perdit toute notion du temps alors qu’il inspectait le Planétaire à la recherche de l’origine des maux de la galaxie, du mal qui rongeait lentement son cœur. Il la trouva enfin, loin dans le nord-ouest galactique, aux abords de l’Œil de la Terreur. Le Planétaire cataloguait ce monde par une simple ligne de code trinaire dont Trazyn ne jugea pas utile de relever les spécificités. L’Imperium le connaissait sous le nom de Cadia. Trazyn ne se souvenait pas l’avoir visitée par le passé, car c’était une planète insipide constamment ravagée par la guerre. D’un autre côté, lorsqu’il se lasserait de son rôle de sauveur, Cadia lui donnerait l’occasion d’agrandir sa collection…

La porte bourdonna puis s’ouvrit dans un chuintement. Du givre apparut sur le corps métallique de Trazyn. Il n’eut pas besoin de vérifier les consoles de statut pour savoir que les Phalanges ZX/48 à ZX/128 ne seraient pas prêtes au combat rapidement, car elles étaient totalement gelées.

« Pourquoi ai-je volé cette cloche… ? » marmonna Trazyn, même s’il connaissait pertinemment la réponse.

Les gardiens du monde-sanctuaire s’étaient montrés aussi déterminés à défendre la Cloche de Saint Gerstahl que la Black Legion était décidée à la détruire. Des milliers de vies avaient été perdues au nom de ce simple objet, qui jusqu’à alors avait paru totalement ordinaire. Cependant, la guerre qu’il avait provoquée avait persuadé Trazyn de l’ajouter à sa collection. Et désormais, la moitié de ses cryptes de stase s’étaient effondrées ou étaient inondées de liquide réfrigérant, tandis que ses légions étaient immobilisées à cause d’un bug de l’ordinateur central…

Trazyn appuya sur le bouton et la porte se referma. Il ne pourrait pas se lancer dans un tel voyage sans escorte. Cadia était une zone de guerre, et il n’avait pas survécut au passage des éons en se fiant uniquement au Biotransfert.

Peut-être qu’un de ses pairs consentirait à lui prêter une phalange ? Imotekh de Sautekh, sans doute ? Non… Pas après ce qui s’était passé à Somonor. Trazyn réalisa que personne ne l’aiderait. Pire, on tenterait sans doute de l’assassiner.

Il réfléchit alors à ses contacts au sein de l’Imperium, mais ils étaient trop prudes. Il repensa à cette Inquisitrice… Son destin avait été tragique, mais comme beaucoup d’humains, elle aimait trop persécuter ses semblables. Elle ne lui apporterait aucune aide, mais peut-être détenait-elle la solution. De plus, cela permettrait de la punir d’une façon appropriée et ironique. Reprenant espoir, Trazyn s’enfonça dans ses catacombes à la recherches d’un crypte en particulier.


Le Destin de Phalanx

Les Imperial Fists firent preuve d’une obstination digne de leur Primarque.

Alors que la lame de fond de la Treizième Croisade Noire s’abattait sur la Porte Cadienne, des yeux avides épiaient d’autres planètes.

Le Maître de Forge Shon’tu des Iron Warriors et le Prince Démon Be'lakor cherchaient à profiter de l’attaque d’Abaddon pour s’en prendre directement à Terra. Jaillissant d’une faille Warp au cœur de même de la forteresse de bataille Phalanx, ils tentèrent de prendre le contrôle de ce puissant vaisseau de guerre afin de déchaîner ses armes redoutables contre le Palais de l’Empereur.

La victoire semblait acquise. Cinq Compagnies des Imperial Fists participaient à la Croisade de la Vengeance, et libéraient la colère de Dorn contre les citadelles de Medrengard. Trois autres étaient disséminées dans le Segmentum Obscurus pour accomplir des missions vitales. Il ne restait donc qu’une trentaine de Frères de Bataille de la 1ère Compagnie et de nouvelles recrues de 3e pour repousser l’assaut contre le navire le plus sacré des Imperial Fists.

Le Capitaine Tor Garadon, maître de la 3e Compagnie, rallia les serfs formant l’équipage de Phalanx aux côtés de ses Frères de Bataille. Bien qu’ils fussent dépassés en nombre, les défenseurs de la vénérable forteresse de bataille connaissaient parfaitement ses moindres recoins et tirèrent profit de cet avantage tactique. Ils tinrent leurs positions pour attirer les Démons dans des embuscades. Les castellum, c’est-à-dire des bastions au sein même de la forteresse, tirèrent jusqu’à épuiser de leurs munitions, avant d’être finalement capturés par les machines de guerre des Iron Warriors.

Pourtant, cela ne suffit pas. Attaqué par la corruption des Dieux Sombres et par les virus cybernétiques des Techmanciens de Shon’tu, le métal de Phalanx muta. Les défenses automatisées se retournèrent contre leurs créateurs. Les pompes à radiations se coupèrent et des salles entières furent envahies par les ondes mortelles des réacteurs à plasma. Les modules de supports vitaux tombèrent en panne dans tout le navire. Les portes des hangars s’ouvrirent subitement. Partout où les Iron Warriors avançaient, les sculptures en pierre et les cloisons de métal doré datant de l’époque de Dorn se tordirent, laissant apparaître des visages hurlants. Bientôt, des ponts entiers prirent une apparence similaire aux citadelles cauchemardesques de Medrengard.

Les Imperial Fists firent preuve d’une obstination digne de leur Primarque, mais ils étaient forcés de céder du terrain. Les Esprits des Machines contrôlant les batteries dorsales commencèrent à succomber aux virus insidieux des Techmanciens. Garadon savait qu’un bombardement planétaire allait suivre. La fin de Phalanx serait marquée du sceau de la défaite. Pire : du sceau de la trahison.

Face à un tel risque, Garadon choisit la seule solution envisageable. Ses ennemis ne pouvaient être vaincus par la force, ni même par la bravoure de l’Adeptus Astartes. Il retira ses troupes des sections infectées et ordonna que les canons de Phalanx soient tournés vers lui. Il allait les utiliser pour exciser le mal, comme un chirurgien retirant une tumeur. Il ressentit chaque rayon à fusion qui pénétrait la coque du navire comme un coup de couteau dans sa propre chair, mais il n’avait pas le choix.

Plus de dix pour cent de la masse de Phalanx fut réduite à néant, ou découpée par les rayons à fusion avant de tomber vers Terra. Cependant, ce sacrifice était nécessaire. Alors que l’atmosphère réduisait en cendres les morceaux infectés de Phalanx, l’emprise du virus sur le bâtiment de guerre diminua. Garadon saisit cette occasion et effectua un saut à l’aveuglette dans le Warp, afin de l’éloigner de Terra. Ayant ainsi évité le pire, Garadon rassembla ses derniers Frères de Bataille et se mit en devoir de débarrasser Phalanx de la présence de Shon’tu et de ses guerriers.

Malheureusement pour lui, Garadon avait sous-estimé ses ennemis. Même si la majorité des Iron Warriors avait péri au cours du martyre de Phalanx, la fureur et la détermination des Démons de Be’lakor s’étaient trouvées décuplées par le saut dans le Warp. Même si Shon’tu mourut sous les coups vengeurs des Gantelets Énergétiques de l’escouade Terminator Furan, et qu’ainsi l’honneur des Imperial Fists fut partiellement lavé, cela ne suffit pas à sauver Phalanx. Ses forces étant exténuées et amoindries, Garadon décida d’organiser son dernier carré dans les Chambre des Tempêtes, sous le regard sévère des statues en granite de Maîtres de Chapitres d’antan, afin qu’ils soient témoins du courage de leurs héritiers. Alors que la bannière dorée de la 3e Compagnie était fièrement déployée au centre de la salle, le rire moqueur de Be’lakor se fit entendre.

Les défenseurs de Phalanx ne reculèrent pas. Le rugissement des Bolters accompagna les cris des Démons bannis dans le Warp et les malédictions proférées par les renégats. Un feu noir dévora les murs et les âmes des blessés. Be’lakor n’économisait pas ses troupes car il était sûr de l’emporter grâce au poids du nombre. Malgré tout, il ressentait du doute et de la frustration, car le plongeon dans l’Immaterium de Phalanx l’empêchait d’accomplir le plan grandiose qu’il avait imaginé pour tenter d’égaler la gloire d’Abaddon. Une fois de plus, le Premier Damné restait dans l’ombre du champion mortel. Il passait sa frustration en sacrifiant ses guerriers, tout en sachant que le Warp lui amènerait de nouveaux renforts, alors que les défenseurs de Phalanx ne pouvaient compter sur aucune aide.

Néanmoins, les forces présentes dans le Warp ne sont pas toutes soumises au Chaos. Tandis que Be’lakor décidait enfin de se joindre personnellement au combat, une nouvelle faction se manifesta. Le feu maudit se retrouva contré par les flammes du sacrifice lorsque les Frères de Bataille spectraux de la Légion des Damnés apparurent. Les Démons s’étiolaient à cause de leur présence, et Be’lakor se retrouva incapable d’invoquer des serviteurs, et ce malgré ses suppliques aux Dieux Sombres.

Pris en étau entre les Fils de Dorn et les guerriers sépulcraux de la Légion des Damnés, les Démons faiblirent. La Chambre des Tempêtes n’était plus le lieu d’un baroud d’honneur, mais l’endroit où les Imperial Fists pouvaient remporter une grande victoire. Quand Be’lakor fut grièvement blessé par le Gantelet Énergétique de Garadon et se dématérialisa dans l’éther, au-delà du Champ de Geller de Phalanx, la victoire fut définitivement acquise. Phalanx avait été sauvé.

Pendant que l’équipage s’attelait à la tâche visant à reprendre le contrôle de Phalanx, Garadon évalua ses pertes. Le coût de la victoire était élevé. Le navire avait été amputé d’un dixième de sa structure. Le reste était ravagé. Les armes automatisées étaient détruites, de même que les baies de lancement et les générateurs de boucliers. Près de la moitié de l’équipage avait péri. Quant aux Sentinelles de Terra, la 3e Compagnie de Garadon, seuls quarante-huit Frères de Bataille avaient survécu. La demi-compagnie du Sergent Furan ne comptait plus que quinze membres. Comme souvent pour les Fils de Dorn, ils remportaient une grande victoire, mais ils payaient aussi un lourd tribut.

Étrangement, la Légion des Damnés n’avait pas disparu à la fin des combats. Ses guerriers se tenaient immobiles et silencieux dans la Chambre des Tempêtes. Leurs alliés évitaient donc cet endroit et leurs occupants effrayants dont la présence rendait l’air glacial, alors même que des flammes spectrales dansaient sur leurs armures. Seul Garadon osait les approcher, cependant il ne parvenait pas à rassembler assez de courage pour s’adresser au Sergent qui menait ces spectres. Ils semblaient attendre quelque chose, mais quoi ?

Le Commodore Trevaux, l’officier supérieur le plus gradé encore en vie, conseilla de ramener Phalanx à Terra, voire aux docks de Mars pour effectuer des réparations. Garadon voulait suivre ce conseil, toutefois il avait le sentiment que le vénérable bâtiment de guerre avait encore un rôle à jouer.

De fait, à peine Phalanx avait commencé à se diriger vers Terra que les Archivistes interceptèrent un signal de détresse désespéré de Cadia. Trevaux et Furan argumentèrent que ni Phalanx ni son équipage n’étaient en mesure d’y répondre favorablement, néanmoins Garadon balaya leurs objections. Cadia était une planète vitale, et le devoir de Phalanx était évident. C’est ainsi que l’antique bâtiment replongea dans le Warp. Garadon aperçut alors une silhouette dans un recoin sombre du sanctum de commandement. C’était le Sergent de la Légion des Damnés. Garadon le vit hocher la tête en guise d’approbation avant de s’évanouir…


La Puissance d'Abaddon

Le Will of Eternity

Cette immense Forteresse Noire est un miracle technologique qui n’a plus jamais été égalé par l’Humanité. Six de ces merveilles furent découvertes dans le Secteur Gothique, et l’Imperium s’empressa de les ajouter à son arsenal. Même si l’Adeptus Mechanicus ne parvint qu’à comprendre partiellement les technologies des Forteresses Noires, cela fut suffisant pour les utiliser en tant que fortifications navales à la puissance de feu terrifiante.

Au cours de la Douzième Croisade Noire, quatre des six Forteresses Noires furent capturées par le Chaos avant d’être détruites, mais avant cela, l’Imperium souffrit de leur puissance de feu basée sur les énergies du Warp. Une seule Forteresse Noire était capable de détruire une planète. Trois d'entre elles pouvaient anéantir une étoile. C’est ainsi que furent détruits le Système Taranis et tous ses défenseurs.

Les deux Forteresses Noires restantes furent utilisées par Abaddon pour parvenir à ses fins. Les rapports indiquent que celle qui apparut dans le Système Cadia lors de la première phase de la Treizième Croisade Noire est contrôlée par un esprit démoniaque à la puissance incommensurable. On affirme sans pouvoir le prouver que cette Forteresse Noire a été détruite, ce qui signifierait que le Will of Eternity est la dernière Forteresse Noire existant dans toute la galaxie.

Telle une lance projetée depuis les profondeurs de l’Œil de la Terreur, la Flotte Noire filait vers Cadia, le plus grand bastion de résistance de la Porte Cadienne.

L’avant-garde de la Flotte Noire n’avait été que de la chair à canon destinée à protéger la progression des navires de guerre à la proue sombre qui suivaient. Elle avait été formée de chalutiers et de cargos armés médiocrement, même si leurs équipages faisaient preuve du prosélytisme typique des troupes récemment converties au Chaos. Derrière cette nuée arrivaient des dizaines de vaisseaux blasphématoires, non seulement les bâtiments couleur d’ébène d’Abaddon, mais aussi des navires de la peste d’où suintait du mucus au moindre changement de cap, des navires cabalistiques des Thousand Sons ou encore les léviathans écarlates des World Eaters. Au cœur de cette armada se trouvaient des navires légendaires, comme le Terminus Est, le Fortress of Agony ou encore le Will of Eternity, une des dernières Forteresses Noires.

Rares étaient ceux sous le commandement d’Abaddon à connaître ses réelles motivations pour détruire Cadia, mais de toute façon, la plupart n’en avaient cure. Pour les prophètes des Word Bearers et leurs innombrables disciples, ils ne faisaient qu’accomplir leur destin, prédit voilà bien longtemps par les Dieux Sombres. Pour les Night Lords et leurs sbires, c’était l’occasion de répandre la terreur. Pour l’Alpha Legion, c’était l’étape suivante d’un plan complexe, ni plus important ni moins important que toutes les autres missions secrètes menées concomitamment.

D’autres seigneurs de guerre étaient là pour répandre les bénédictions de leurs dieux, pour forger leur légende ou pour assouvir une haine envers l’Imperium ressassée depuis dix mille ans. Certains ne suivaient aucune logique, car ils étaient en proie à une démence guerrière.

Tous ceux qui tentèrent de s’opposer à l’avance de cette flotte le payèrent de leurs vies. Les survivants des flottes de guerre Corona et Scarus, déjà éprouvées par la première vague d’assaut de la Treizième Croisade Noire, rencontrèrent les premiers éléments de l’armada d’Abaddon dans l’orbite de Vigilatum. Leurs équipages combattirent jusqu’à leur dernier souffle, en entonnant des mantras de foi alors même qu’ils étaient consumés par les ondes de chaleur atomique des réacteurs à plasma fissurés de leurs navires.

Lorsque les premiers croiseurs du Chaos pénétrèrent dans le Cimetière de Fer, c’est-à-dire les débris d’une flotte cadienne détruite lors de la première Croisade Noire, ils furent pulvérisés par des tirs de Canons Nova. L’amiral Dostov avait dissimulé ses derniers navires de classe Victory, et ils étaient déterminés à venger leurs camarades morts à Vigilatum. Toutefois, le courage seul ne faisait pas le poids face au nombre dont disposait Abaddon, et de nouvelles épaves rejoignirent le Cimetière de Fer…

La Porte Cadienne.

La garnison de Kasr Kraf hurla des vivats lorsque le Firemane’s Fang quitta l’orbite.

Sur Cadia, l’information selon laquelle Abaddon disposait encore d’une Forteresse Noire plongea l’état-major de Creed dans l’effervescence. Ce bâtiment disposait à lui seul de la puissance de feu nécessaire pour dévaster les dernières défenses orbitales de Cadia, puis annihiler la planète et ses habitants.

Il restait un unique espoir. Dès l’heure où Abaddon avait démontré le potentiel des Forteresses Noires, au cours de la Guerre Gothique, le Culte Mechanicus avait essayé de trouver comment contrer les tirs d’armes utilisant l’énergie du Warp. Les défenses conventionnelles étaient inefficaces, car aucun matériau ne pouvait détourner le flux de l’Immaterium. Cependant, un pis-aller fut trouvé. En combinant les technologies des Boucliers Void et celles du Champ de Geller, il était possible de former une bulle d’énergie à même de dissiper, ou tout au moins d’amoindrir, les effets des rayons Warp. Ce bouclier anti-Warp avait été mis en place sur Cadia peu de temps avant de début de la Treizième Croisade Noire, toutefois aucun des générateurs n’était sorti intact du premier assaut.

<Rapport X049/4000>

Origines : Ruche Pénale St Josmane’s Hope

Destinataire : Poste d’Ecoute Hextus Gamma

Expéditeur : Gouverneur-Adepte Richelieu

    • <

Mes Seigneurs,

J’ai le regret de vous informer que je dois mettre St Josmane’s Hope en quarantaine jusqu’à nouvel ordre.

Il y a trois rotations, des révoltes ont eu lieu dans le module d’incarcération primaire, menées par le Mouvement de Réhabilitation et de Correction (MRC). Comme mes rapports précédents le confirmeront, j’ai des doutes sur cette organisation depuis longtemps, sans toutefois que le Haut Commandement Cadien m’ait prêté une oreille attentive.

Je pensais au départ à une simple émeute, initiée par les condamnés du Bloc Oméga. Toutefois, depuis la coupure de toute communication avec Cadia et l’arrivée d’une flotte de renégats en orbite, je sais qu’un pouvoir sombre se cache derrière ces événements. En dépit de son apparente loyauté, le MRC a préparé secrètement une invasion.

A l’heure où le vous écris, 87% de mes Adeptus Arbites sont morts, et les troupes de choc Cadiennes servant d’auxiliaires ont fui ou ont rejoint l’insurrection. Sachez toutefois que le Gouverneur-Lieutenant Vashon aura accompli son devoir jusqu’au bout en tenant le Sanctum Judicium afin que je puisse battre en retraite dans la Citadelle Ordinalis. Nous allons tenir aussi longtemps que possible, mais je crains que le feu de l’Exterminatus soit désormais tout ce qui peut sauver St Josmane’s Hope.

L’Empereur Protège.
<<

Jusqu’à présent, Creed avait consacré ses efforts à réparer les défenses nécessaires pour mener à bien une guerre conventionnelle. Cependant, en apprenant l’arrivée du Will of Eternity, ses priorités changèrent. Chaque adepte du Dieu-Machine fut chargé de remettre en état de marche les générateurs du bouclier anti-Warp. Ils travaillèrent d’arrache-pied, leur corps cybernétique leur permettant de ne pas se reposer dans le but d’accomplir l’impossible.

Quand la flotte d’Abaddon se trouva à une journée de l’orbite, il devint évident que tous ces efforts ne suffiraient pas. Cadia disposait de ressources humaines, de foi et de détermination, mais pas de temps. Le Magos Klarn rapporta sombrement que même selon les projections les plus optimistes, le bouclier anti-Warp de Kasr Kraf ne pourrait pas fonctionner selon son plein potentiel. Il lui fallait plus de temps.

Ce fut alors que Sven Hurle-au-Sang des Space Wolves proposa une solution, ou tout du moins, laissa entrevoir un espoir. Sa Barge de Bataille Firemane’s Fang était le dernier navire en orbite autour de Cadia capable de se déplacer. Ses Hurle-au-Sang allaient plonger au cœur de l’armada ennemie, aborder le Will of Eternity, et faire de leur mieux pour le détruire.

C’était un plan désespéré, mais la situation était si grave qu’ils n’avaient guère le choix. Toutefois, la Grande Compagnie de Hurle-au-Sang n’entreprit pas cette mission seule. Au total, près de deux cents guerriers de l’Adeptus Astartes embarquèrent à bord du Firemane’s Fang, dont cinquante-huit seulement faisaient partie de la confrérie de Sven. Les autres provenaient de compagnies décimées pendant l’invasion, de Frères de Bataille solitaires ou d’escouades déterminées à porter un dernier coup violent aux forces d’Abaddon pour venger la mort de leurs camarades. Ces Space Marines furent rejoints par les survivants du 13e Cadien, et par un manipule de Skitarii martiens.

La garnison de Kasr Kraf hurla des vivats lorsque le Firemane’s Fang quitta l’orbite, mais tout contact fut perdu peu de temps après, et les acclamations cessèrent bientôt. La devise "Debout Cadia !" de Creed résonnait toutefois dans les redoutes et les bastions. Quelques-uns la reprirent, sans que les contestataires osent exprimer leurs doutes à voix haute. Cadia avait déjà coupé la main droite d’Abaddon, peut-être pourrait-elle faire de même avec la gauche. Cependant, tous savaient que le Will of Eternity serait difficile à détruire.

Creed était au fait de l’humeur maussade de ses soldats. Leurs doutes l’étreignaient aussi. L’inactivité lui pesait, et il faisait tout pour la combattre. Alors que les heures s’égrenaient, il s’affairait, inspectait les défenses de Cadia Secundus, saluait ses officiers d’un regard perçant empli de conviction, serrait fermement des mains, s’adressait à ses vétérans comme à la bleusaille avec une détermination capable de déplacer les montagnes. Elle rassurait les cœurs les plus chancelants, chassait les craintes des hommes et des femmes. Cadia allait tenir bon. Elle allait tenir bon au nom de l’Empereur, mais aussi parce que Creed l’avait décidé, et parce que sa conviction était inébranlable.

Nul n’aurait pu imaginer que Creed ressentait les mêmes peurs que ses subalternes, peut-être même encore plus, car au fil des heures, il se persuadait que la lumière de l’Empereur n’atteignait plus la Porte Cadienne, que le Père de l’Humanité les avait abandonnés dans les ténèbres. Il se réprimandait intérieurement d’éprouver ces doutes. De telles pensées étaient celles d’un apostat, d’un hérétique. Néanmoins, il ne parvint pas à les chasser entièrement, bien qu’il réussît à les dissimuler au monde en dehors d’une personne. Jarran Kell était conscient de l’humeur sombre qui envahissait l’esprit de Creed, toutefois il n’évoqua pas cette question et n’en parla à nul autre.


L’avant-garde de la flotte d’Abaddon arriva à l’aube et fut accueillie par une salve, en guise de défi. Les navires en perdition présents en orbite ouvrirent en effet le feu, ainsi que les batteries terrestres réparées au prix de lourds efforts. Les réacteurs à plasma des traîtres explosèrent, condamnant plusieurs navires renégats à plonger en flammes vers le sol de la planète. Les cieux rougirent sous les explosions des vaisseaux des deux camps.

Toutefois, ce n’était qu’un prologue. Alors que le dernier vaisseau défendant Cadia était disloqué par des tirs soutenus, une lune en forme d’étoile à huit branches apparut dans le ciel. En son centre rougeoyait un œil gigantesque.

Cadia retint son souffle. Le Will of Eternity était là. Hurle-au-Sang avait échoué. Son sacrifice et celui de ses frères avaient été vains.

Un rayon jaillit de l’œil en direction de la planète, mais il se dissipa avant d’atteindre les nuages.

Des acclamations tonnèrent depuis Kasr Kraf, dont celle de son Seigneur Castellan en personne. Seul le Magos Klarn restait silencieux. Il avait vérifié la grille de projection de Kasr Kraf moins d’une heure plus tôt. Les cadavres de ses Adeptes jonchaient le sol, néanmoins des machines extraterrestres avaient été greffées au générateur de bouclier anti-Warp pour améliorer son efficacité, au point qu’il était désormais en mesure de protéger toute la planète. Ce nouveau mystère le troublait grandement, car même sans la mort de ses Adeptes, l’apparition énigmatique d’une technologie Xenos n’était pas rassurante. Mais pour l’instant, alors que les vivats cessaient et que les premiers vaisseaux de transport noircissaient le ciel, le Magos concentra toute son attention sur la tempête à venir. Le siège de Cadia Secundus commençait.


Le Siège de Cadia Secundus

Les combats les plus violents se déroulèrent aux abords du Temple de Saint Morrican.

À un signal invisible, des feux étincelants apparurent sur les silhouettes noires des navires de la flotte d’invasion, puis dans un rugissement dantesque, la première salve du bombardement orbital dépassa les vaisseaux de transport et s’abattit sur les défenses de Cadia.

Le socle rocheux de Cadia Secundus avait déjà été ébranlé lors de la première invasion, et il frémit lorsque la pluie d’obus de macrocanons, de rayons à fusion et de torpilles le toucha. Les Boucliers Void crépitèrent sous cet ouragan de feu et les Skyshields se fissurèrent. Beaucoup finirent par s’effondrer dans des geysers de flammes, lorsque des explosions secondaires ravagèrent la pierre et les malheureux défenseurs.

Des flammes jaillirent des bastions de Kasr Kraf comme les lasers de défense et les batteries antiaériennes ouvraient le feu sur les vaisseaux de transport. La plupart tiraient à l’aveuglette, cependant la précision était secondaire tant le nombre d’appareils d’assaut était important.

À l’ouest de Kasr Kraf, les macrobatteries de Kasr Stark rugirent une dernière fois avant qu’une torpille à fusion atteigne le magasin de munitions et provoque sa détonation. Au nord, l’épave du Sword of Defiance tirait vers le ciel avec ses bordées. Les obus explosifs détruisaient les vaisseaux de transport aux proues en forme de crânes, et les Métadracs qui les escortaient. Des Valkyries des Howlings du 119e de Clavin Strekka s’élancèrent dans les couloirs de vol prédéterminés entre les zones de tir des défenseurs, puis se dispersèrent dans le ciel en bravant les tirs des deux camps pour chasser leurs proies. Dans les redoutes de Cadia Secundus, des âmes anxieuses priaient pour que l’ennemi perde courage, pour que le siège soit brisé dans le ciel, sans que les combats éclatent sur les murs de Kasr Kraf et des autres citadelles.

Bien entendu, cet espoir était vain. Les vaisseaux de transport étaient innombrables, et les défenses insuffisantes. La partie sud du Rempart des Martyrs de Kasr Kraf s’effondra quand ses Boucliers Void disjonctèrent. Des salves s’ensuivirent pour élargir la brèche. Elles renversèrent des canons de la taille d’un immeuble et ensevelirent vivants des centaines de soldats sous les décombres. Creed ordonna aux survivants de battre en retraite. Kasr Kraf disposait encore de trois lignes concentriques intactes autour de son donjon. Il n’y avait aucun intérêt à perdre des troupes dans une zone vulnérable alors que les autres défenses pouvaient les accueillir.

Les défenseurs abandonnèrent donc le Rempart des Martyrs, et se risquèrent à découvert sous le bombardement ennemi pour rallier la ligne défensive suivante de Kasr Kraf. Plusieurs centaines d’entre eux ne l’atteignirent jamais et bientôt, le no man’s land entre le rempart au sud et la muraille suivante fut jonché d’épaves et de cadavres noircis. Néanmoins, quatre cinquièmes des défenseurs parvinrent à se mettre à l’abri. Les officiers les disposèrent alors dans les redoutes. Seuls les Black Templars ne bougèrent pas d’un iota. Le Sénéchal Amalrich n’avait cure des ordres de Creed. Il avait choisi son terrain, et il allait le défendre coûte que coûte.

Alors que les vaisseaux de transport entamaient leur phase d’approche, les Métadracs qui les escortaient virèrent de bord pour mitrailler les remparts de Kasr Kraf et les défenses improvisées du Temple de Saint Morrican. Un son nouveau emplit l’air ; il ressemblait aux hurlements insupportables de damnés brûlant dans les flammes du purgatoire. Quelques secondes plus tard, les premiers Dreadclaws tombèrent sur les murs de Kasr Kraf. Leurs rampes s’abaissèrent et vomirent des guerriers des Word Bearers et de l’Alpha Legion au cœur des défenses de Creed. Au départ, les salves disciplinées de l’Astra Militarum tinrent les envahisseurs en respect, mais quand des icônes blasphématoires furent brandies, le tissu de la réalité se déchira et des Démons se joignirent au carnage.

Ces scènes se répétaient partout. Le rugissement des Bolters des traîtres se mêlait aux cris déments des Démons. Les garnisons livraient des fusillades désespérées avant d’être mises en pièces à coups de griffes et de lames infernales. Certains pelotons cédèrent à la terreur, jetèrent leurs armes et s’enfuirent, cependant la plupart combattirent jusqu’au dernier, galvanisés par les prêches des Prêtres du Ministorum, et convaincus que nulle échappatoire n’était possible. La seule liberté accordée aux soldats était leur façon de mourir, et la plupart choisirent de périr le Fusil Laser à la main.

Les combats les plus violents se déroulèrent aux abords du Temple de Saint Morrican. La foi des sœurs était l’anathème des Démons, toutefois le fait de massacrer les plus pieuses servantes de l’Empereur les attirait en masse. Parmi tous les défenseurs, les guerrières de l’Ordre de Notre Dame des Martyrs ne faiblirent pas une seule fois. Sous la supervision des Chanoinesses Genevieve et Eleanor, elles accueillirent les hordes hurlantes à coups de Bolter et de flammes sacrées, s’assurant que nulle corruption n’atteignait les murs de leur sanctuaire. Ceux qui combattaient sur les murs de Kasr Kraf avaient l’impression que la fumée et la poussière des combats épargnaient le Temple de Saint Morrican, car elles étaient chassées par la lumière dorée qui émanait de ses beffrois.

À l’est, les premiers appareils de transport atterrirent dans les vallons constellés de cratères. Des Machines-Démons en sortirent et se dirigèrent vers les murailles à l’est de Kasr Kraf. Des obusiers rugirent depuis des postes camouflés tandis que les chars du 252e Cadien ouvraient le feu. Le fer de lance de la Black Legion fut réduit à un amas de métal cabossé et de chair corrompue, mais des centaines d’engins similaires arrivaient dans son sillage. Les Baneblades du Chaos arrivèrent pesamment et broyèrent les épaves sous leurs imposantes chenilles, puis leurs obus commencèrent à pleuvoir contre les murs. Une brèche fut ouverte à l’est lorsque tout un pan s’écroula dans un bruit de tonnerre et ensevelit trois escadrons de Leman Russ. Leurs moteurs rugissant comme s’ils anticipaient la victoire à venir, des Rhinos embossés de crânes jaillirent de derrière les chars super-lourds pour se ruer vers la brèche.

Loin au nord, les défenses éparses de Kasr Jark souffraient sous les tirs des batteries de siège des Iron Warriors postées dans les Plaines de Kolarak. Refusant de se laisser anéantir derrière ses murs, Orven Highfell ordonna à ses frères d’embarquer dans leurs transports. Le Maître de Forge Krom Gat s’était toutefois préparé à une contre-attaque, et il avait fortifié sa position avec des bastions largués depuis l’orbite basse et des lignes Aegis maudites destinées à ralentir des assaillants, afin de lui laisser le temps de repositionner ses canons. Malgré cela, la prudence n’avait jamais été une qualité de Highfell, et aucun rejeton des forges démoniaques n’allait échapper à la fureur de Fenris. Balayant tout sur leur passage, les Loups de Fer se précipitèrent vers les défenses de Krom Gat, en utilisant à leur avantage les tranchées et les bastions pour rester hors de vue.

Les heures passèrent, puis les jours, sans que la violence des combats diminue. Les défenseurs grappillaient un peu de sommeil dès qu’ils en avaient l’occasion, entre deux assauts, et pendant les courts répits que leur laissaient les bombardements. Ils repoussaient les limites de leurs corps et de leurs esprits, ayant souvent recours à des stimulants chimiques pour éviter de tomber dans un sommeil empli de cauchemars.

Les murs de Kasr Kraf étaient sans cesse attaqués par des Démons. Kasr Jark, qui avait été sauvé du pilonnage de Krom Gat, fut détruit par la sorcellerie de la Cabale Cyclopia d’Elek Stane. Les World Eaters lancèrent trois assauts consécutifs contre le Sword of Defiance qui furent repoussés par les Dark Angels, mais ils n’abandonnèrent pas.

En dépit de l’intervention des Chevaliers de la Maison Raven, la brèche dans le mur est ne faisait que s’élargir. Des Raptors et des meutes de terreur des Night Lords prenaient l’avantage et se lançaient à la recherche de proies. Les défenseurs battirent en retraite en bon ordre, les régiments se couvrant mutuellement afin de ralentir les assaillants. Néanmoins, les Raptors étaient rapides et avides de carnage. Les traînards furent massacrés, puis ils s’attaquèrent à l’arrière-garde des troupes impériales qui tentait de fuir.

Creed ordonna de fermer les portes de la deuxième muraille. Il sacrifiait ainsi des milliers de soldats afin que des dizaines de milliers survivent. Huit des portes furent fermées et coupèrent leurs lignes de retraites aux troupes à l’extérieur. Des centaines de soldats moururent au pied des portes en suppliant qu’on les laisse entrer. Les autres firent face à l’ennemi dans un ultime baroud d’honneur. Mais deux portes restèrent ouvertes…

« Les portes ont été fermées, Seigneur Castellan. »

Creed fit signe au Lieutenant de s’écarter de l’hologrille topographique, car c’était la seule source de lumière du bunker. Il ne connaissait pas le nom de cet officier, et il ne s’attendait pas à ce qu’il vive assez longtemps pour que cette information ait un quelconque intérêt. Six mois. Tel était l’humour noir du 8e : si on survivait six mois sous les ordres de Creed, alors il prenait la peine d’apprendre votre nom.

Le siège se déroulait mal, mais il pouvait s’y attendre. Aveuglé par son orgueil, Abaddon cherchait à humilier Cadia, même si cela lui coûtait du temps et des ressources. En cela, était-il si différent de Creed ? L’orgueil empêchait Abaddon de passer son chemin, comme il avait poussé Creed à défendre Cadia malgré la supériorité numérique de l’ennemi.

Et il y avait cette histoire de bouclier anti-Warp installé sous ce bastion de commandement. Celui qui était parvenu à le faire fonctionner avait fait gagner des jours précieux à Cadia.

Mais qui était cet inconnu ? Pourquoi avait-il agi ainsi ? Le Magos Klarn n’en avait aucune idée. En tout cas, il ne disait rien. Les escouades de Kasrkins avaient fouillé les tunnels en vain. Cela aurait dû rassurer Creed, mais l’idée que des intrus puissent parcourir discrètement sa forteresse ne le quittait pas. Ces doutes s’ajoutaient à ceux que le Seigneur Castellan éprouvait depuis des jours. Seul Kell le savait.

Il devait garder espoir afin qu’il devienne réalité. Peut-être que Cadia pourrait repousser une fois encore les assauts d’Abaddon…

Creed se détourna de l’hologrille. « Quel est votre nom, Lieutenant ? »

Le jeune homme haussa les sourcils d’un air surpris, et un peu anxieux. « Kormachen, monsieur. Du 88e. »

Creed hocha la tête d’un air grave. « Venez avec moi, Kormachen. Il est grand temps que j’observe cette bataille de mes propres yeux. »


C’est alors que la Black Legion intervint, formant une vague d’acier que les défenseurs n’avaient aucune chance de stopper.

À l’est, le commandant de la barbacane avaient tenu les portes ouvertes trop longtemps tant il désirait protéger ceux qui se précipitaient à l’intérieur des fortifications. Alors que les portes se fermaient enfin, des Métabrutus se précipitèrent et les maintinrent ouvertes. Des tirs s’abattirent depuis les murs de la barbacane. Les Métabrutus rugirent et s’écroulèrent en agitant convulsivement leurs Fouets Énergétiques, toutefois leur sacrifice avait donné le temps à une bande de Possédés de passer entre les battants. Les Novamarines de la 2e Compagnie et les soldats du 403e Cadien se sacrifièrent alors pour les retenir à l’ombre de la redoute Jorus le temps que les chars du 185e Cadien arrivent et les réduisent en bouillie. À peine cent conscrits du 403e survécurent, quant au dernier Novamarine encore en vie, il succomba à ses blessures avant que les obusiers des chars aient achevé les Possédés.

À l’ouest, les mécanismes de la porte se grippèrent à cause d’une corrosion fulgurante qui n’était visiblement pas due à des causes naturelles. Le commandant de la barbacane ordonna à la compagnie de Baneblades du 113e Death’s Heads d’obstruer l’ouverture avec leur masse, mais l'ordre arriva trop tard. Une nuée de cultistes s’élança à travers la tempête de tirs. Il y en avait des milliers. Les Bolters Lourds et les Autocanons tombèrent à court de munitions avant que tous les assaillants soient abattus, si bien qu’il fallut les achever à coups de Fusils Laser. C’est alors que la Black Legion intervint, formant une vague d’acier que les défenseurs n’avaient aucune chance de stopper. La porte ouest tomba, et avec elle la deuxième ligne de défense.


Le septième jour de combats débuta par un nouveau bombardement. Jusqu’alors, le Sword of Defiance protégeait le mur nord de Kasr Kraf, aussi les attaquants décidèrent de réduire ses canons au silence une bonne fois pour toutes. Les obus s’abattirent sur la coque du navire et le pulvérisèrent. Korahael aurait préféré continuer à tenir ses positions, car telle était la nature des fils de Caliban, toutefois ce n’était pas un bombardement ordinaire, car il était craché par le Terminus Est, le vaisseau amiral de Typhus. Chaque obus qui explosait contre le Sword y répandait une contagion innommable, et des maladies si virulentes qu’elles pouvaient même affecter les guerriers de l’Adeptus Astartes. Voyant plusieurs de ses frères se liquéfier en hurlant à l’intérieur de leurs armures, Korahael décida d’abandonner le Sword of Defiance. Néanmoins, les plaines alentours grouillaient toujours de World Eaters…


La foi continuait de brûler dans le cœur des défenseurs du Temple de Saint Morrican, mais ils étaient de moins en moins nombreux. Cet avant-poste avait subi des assauts incessants depuis les premières heures du siège, et sa garnison était épuisée. La basilique avait résisté à des attaques d’une violence inouïe, toutefois elle ne pouvait plus tenir davantage. L’arrivée de trois Seigneurs des Crânes originaires des propres forges démoniaques d’Abaddon eut enfin raison de la résistance de ce fanal de la foi. Les canons forgés dans le feu du Warp tonnèrent et inondèrent de sang la pierre bénite du sanctuaire. Des dizaines des sœurs furent ébouillantées à l’intérieur de leurs armures, et autant furent pulvérisées. Les Machines-Démons continuèrent d’avancer en broyant sous leurs chenilles les décombres et les cadavres.

Brandissant son épée, la Chanoinesse Genevieve mena une contre-attaque. La colère de ses Séraphines tint en respect les nuées de Démons mineurs pendant que les Retributors ouvraient le feu contre les Seigneurs des Crânes. Les tirs de Multi-Fuseur détruisirent le cœur de métal d’un des monstres d’acier, avant que son réacteur surchauffe et provoque une explosion cataclysmique qui engloutit un de ses frères et détruisit le coin du temple. Les murs du bâtiment ne pouvaient pas en supporter davantage. Des pans de maçonne se détachèrent, et les arches qui avaient survécu au passage des siècles s’écroulèrent avec fracas. Alors que Genevieve blessée était emmenée par les Hospitalières, la Chanoinesse Eleanor organisa la retraite.


Sur les Plaines de Kolarak, les Space Wolves remportèrent finalement la victoire contre Krom Gat. Après plusieurs jours de combats dans les tranchées, le Techmanciens fut tué et son corps fut jeté dans les flammes de sa citadelle. Le prix à payer avait été élevé pour les Loups. La moitié des Loups de Fer étaient morts et le Land Raider Ironfist avait été perdu. Alors que les Fils de Fenris hurlaient leur victoire, leurs éclaireurs repérèrent un nouvel ennemi en approche depuis la Crête de Gehennis : les Titans de la Legio Vulcanum. Highfell brûlait d’affronter ce nouvel adversaire, mais la sagesse de son Garde Loup Olaf Ironhide parvint à le convaincre du contraire. Les Loups de Fer récupérèrent leurs morts, rembarquèrent dans leurs transports et retournèrent à Kasr Kraf.


Les avant-postes de Kasr Kraf étaient tombés les uns après les autres, cependant il restait des poches de résistance au sud. Le Sénéchal Amalrich des Black Templars avait juré de défendre le Rempart des Martyrs, et il le fit avec tout le zèle et la détermination qui avaient rendu son Chapitre célèbre. Même si les murs n’étaient plus que des débris, les Black Templars poursuivaient la lutte face à une mer de troupes du Chaos. La Black Legion, les Word Bearers et d’autres encore cherchaient à exterminer Amalrich par le feu et l’acier. Les Frères de Bataille périssaient, pourtant les survivants continuaient de brandir fièrement leur bannière en l’honneur de leurs morts, et refusaient obstinément de s’avouer vaincus.

Ils revinrent à la tombée de la nuit, une meute de bêtes hurlantes en armures rouges qui surgit de la crête à l’est. Les survivants de la 4e Compagnie n’attendirent pas les ordres de Korahael. Quarante Frères de Bataille s’arrêtèrent et formèrent deux cercles concentriques autour de leur étendard. Les Bolters rugirent. Le sifflement des Armes à Plasma perça la pénombre.

« Du sang pour le Dieu du Sang ! »

La première vague n’atteignit pas la 4e. Les cadavres s’amoncelèrent à quelques mètres des Fils du Lion. Tel était le destin des traîtres. La seconde vague en proie à la démence ne ralentit pas et enjamba les corps de ses camarades.

« Pour le Lion et l’Empereur. »

Korahael pointa son Pistolet à Plasma. Le tir toucha un Berzerker écumant à la poitrine. La brute fit deux pas de plus avant de tomber face contre terre. Les Lance-Flammes rugirent, et les flammes de prométhéum illuminèrent l’obscurité. Des cris de douleurs s’élevèrent au milieu des hurlements déments.

Un Berzerker dont l’armure était en flammes se jeta sur Korahael en abattant sa Hache Tronçonneuse. Des étincelles jaillirent de la lame couleur améthyste de Korahael lorsqu’il para le coup. Le Berzerker rugit un défi incompréhensible, le toisant de son unique œil valide depuis une fissure de son casque.

Lâchant son pistolet, Korahael prit son épée à deux mains et gratifia son adversaire d’un coup d’épaule au niveau du torse. Le traître tituba en arrière. Korahael saisit l’occasion et le décapita d’un coup rapide.

Il regarda autour de lui à la recherche d’un nouvel adversaire, mais l’attaque avait cessé aussi rapidement qu’elle avait débuté. Tous les assaillants étaient morts. Le bruissement d’une robe blanche attira l’attention de Korahael. L’Apothicaire Caraphon récupérait solennellement les progénoïdes de ses frères tués lors de l’escarmouche.

Korahael observa le corps décapité à ses pieds. Même après deux cents ans passés à servir l’Empereur, il ne comprenait pas comment de tels guerriers avaient pu renoncer à leur loyauté aussi bien qu’à toute forme de discipline.

Cette dernière permettait de gagner les batailles. Tout comme le sens du devoir. L’indiscipline était un fléau, et il affligeait bon nombre de Chapitres de l’Adeptus Astartes, qui prenaient des trophées pour satisfaire leur orgueil, ou qui se réjouissaient en comptant leurs victimes.

Korahael ramassa son pistolet et ouvrit un canal. « Au rapport ! »

Ses Sergents signalèrent les pertes. L’humeur de Korahael assombrissait davantage à l’annonce de chaque mort. Trois de plus. Le nombre de pertes chez l’ennemi n’était qu’une maigre consolation. Les Dark Angels étaient peu à peu saignés à blanc par ces assauts. Cinquante Frères de Bataille avaient quitté l’épave du Sword. Il en restait moins de quarante, et ils n’avaient parcouru qu’un tiers de la distance qui les séparait des murs de Kasr Kraf. Cependant, ils n’avaient pas le choix.

« Frère Caraphon, as-tu terminé ? » s’enquit Korahael.

« Ils sont désormais avec moi… »

Korahael approuvait cette façon de dire les choses. Aucun frère n’était vraiment mort si son patrimoine génétique était récupéré. « Dans ce cas. Il faut repar… »

Il y eut un bruit de métal torturé et le grondement d’une arme. Des obus d’Autocanon labourèrent le sol devant Korahael et mutilèrent les cadavres. Il se jeta sur le côté alors que les tirs faisaient exploser la roche, là où il se trouvait une seconde plus tôt.

Dans le ciel, le Métadrac se stabilisa après son piqué, puis remonta pour se préparer à une autre attaque

« Abattez-le ! » ordonna Korahael.

Des traînées de fumée jaillirent des missiles lorsque les Devastators de l’escouade Klarion ouvrirent le feu. Un des projectiles se perdit dans la nuit sans parvenir à verrouiller sa cible. Le second explosa contre l’aile gauche de la Machine-Démon dans un geyser de flammes et d’ichor. L’aile du Métadrac se détacha de son corps alors qu’il atteignait l’apogée de sa remontée verticale. La machine tomba comme une pierre et se crasha dans les collines au loin.

Korahael ne se réjouit pas de cette victoire. Frère Caraphon était étendu au sol. Son armure était perforée en plusieurs endroits et son Reductor brisé n’était plus qu’un amas sanglant. La 4E Compagnie venait de perdre plusieurs frères pour de bon.

« Traîtres détectés au nord ! »

Korahael porta le regard dans la direction indiquée par le Sergent Aramael. L’entrée du canyon n’était plus déserte, mais encombrée de Motards à la livrée noire. Ils étaient suivis par des Predator. C’était la fin. « Formez la ligne ! Le Lion est avec nous ! »

Une tempête de tirs de Bolters annonça l’arrivée des motards. L’armure de Korahael trembla et son épaulière gauche se fendit, pourtant la céramite résista. Il riposta avec son Pistolet à Plasma.

Plusieurs Motards furent désarçonnés et leurs cadavres roulèrent au sol. Des tirs de plasma réduisirent à l’état d’épave le Predator de tête. Le Sergent Baphon tenta de se débarrasser de la chaîne qui venait de s’enrouler autour de son cou, puis un moteur rugit. Le Dark Angel tomba à la renverse et fut emporté dans la nuit. Frère Traesal s’écroula, sa main tranchée serrant toujours la hampe de l’Étendard de Compagnie.

Korahael s’en empara et le brandit. Les tirs de laser d’un Predator le frôlèrent, et touchèrent Frère Malacas, qui fut coupé en deux au niveau de la taille. La ligne de défense s’étiolait tandis que les chars se rapprochaient. Korahael s’accrochait à l’étendard. L’ennemi allait devoir lui passer sur le corps pour l’avoir.

Le grondement des moteurs se mua en rugissement. Le Predator renégat explosa soudainement, puis des détonations ravagèrent la bande de Motards. C’est alors qu’un fer de lance de chars au blindage gris apparut sur la crête à l’est. Des talismans de loups pendaient de leurs coques et des trophées étaient fixés à des hampes.

Korahael les reconnut. C’était la Grande Compagnie d’Orven Highfell. Des guerriers indisciplinés, comme tous les Fils de Fenris. Tout ce que Korahael méprisait chez un guerrier. Néanmoins, pour une fois, il était heureux de les avoir à ses côtés.


Le Siège de Cadia Secundus.
Rapport X063/4V00

Origine : Zone Morte, Belial IV<<<

Destinataire : Forteresse Alphus, Système Corrix
Expéditeur : Inquisiteur Ran Serastus

Mes chers enquêteurs,
Vos craintes étaient fondées, car l’expédition archéologique du Magos Tragan a été exterminée, même si je ne suis pas en mesure de vous donner des informations sur ses assassins. La zone entourant le <archive effacée> artéfact est en cet instant le théâtre d’une bataille entre des traîtres des Word Bearers et des Xenos de la Kabale Commorrite du Soleil Mourant.

Les éclaireurs font état de nouvelles constructions autour du site de fouilles, sans doute un temple érigé avec la pierre noire de ce Monde Mort. Je n’ai pas les connaissances de mon fidèle associé Hephaestus Grudd, et suis donc incapable de vous expliquer sa fonction, mais il semble avoir de la valeur aux yeux des Word Bearers, au point qu’ils acceptent de subir de lourdes pertes face aux Xenos. Étant données des occurrences similaires à <archive effacée>, à <archive effacée> et à <archive effacée>, sans compter l’histoire mouvementée de cette planète, je pense qu’il est temps que l’Astra Militarum la nettoie au nom de l’Empereur. Je suis toujours hanté par les conséquences du <archive effacée>. Même si purifier Belila IV demande le sacrifice d’un milliard de soldats, je pense que cela en vaut la peine.

Une fois la nuit tombée, je compte me rendre sur le site de <archive effacée>. Les traîtres sont au courant de notre présence, mais je crois qu’ils ne s’attendent pas à une intrusion. Nous ne pouvons repartir, notre Capitaine nous ayant abandonnés dès l’arrivée des navires du Chaos, c’est pourquoi je veux en apprendre autant que possible avant de périr.

Vigilance, mes frères. Notre veille se poursuit.

À l’aube du huitième jour, les murs de Kasr Kraf subirent un bombardement direct en provenance des désolations, et le courage de ses défenseurs en fut affecté. Ils étaient tous conscients du sinistre destin des avant-postes, et avaient eu vent des rumeurs de massacres lors des combats sur les murailles extérieures. Ces nouvelles exacerbaient la peur et le doute. Ni les Prêtres, ni les Commissaires ne parvenaient à raviver longtemps la flamme de l’espoir malgré leurs chants extatiques ou leurs punitions sévères. L’effroi se répandait comme une traînée de poudre. Cadia avait tellement souffert que ses défenseurs avaient atteint un point de non-retour.

En cet instant, la forteresse serait sans doute tombée sans guère de résistance si Creed n’avait pas été là. Le Seigneur Castellan savait que la meilleure façon de combattre la peur était de montrer l’exemple. Il quitta donc son bunker de commandement et rejoignit ses soldats sur les murs. Il mangea avec eux, et dormit tant bien que mal. Pendant que les assauts se brisaient contre les battants dorés des Portes de Kriegan, Creed assumait son tour de garde derrière les lignes Aegis, et tirait sur l’ennemi avec un simple Fusil Laser. Ce n’est que lors de ces moments de défiance théâtrale qu’il observait directement l’ennemi. Le reste du temps, il tournait délibérément le dos au carnage, pour affirmer son dédain envers ses adversaires. Il prit l’habitude de se rendre au sommet du grand bastion, alors même que ses Boucliers Void n’avaient jamais pu être réactivés suite au bombardement initial. Il se rendait sur les remparts, là où les Skyshields avaient été détruites, et prenait le risque de s’exposer au mitraillage des Métadracs aux côtés de ses hommes. Partout où il allait, Kell l’accompagnait pour que les couleurs du 8e Cadien flottent fièrement à la vue de tous.

Les Portes de Kriegan tinrent bon, sous le regard sévère de Creed. Mais à l’est, le destin de Kasr Kraf était plus qu’incertain. Pourtant, ses défenseurs ne manquaient pas de courage. Les Valkyries survivantes du 119e Howling avaient transporté ce qu’il restait des garnisons nord et est derrière les murs. Des sœurs prenaient place sur les remparts, dont Genevieve blessée, et d’autres transports au blindage noir bravaient les cieux rugissants pour amener les survivants des Loups de Fer et des Dark Angels de Korahael à l’intérieur de la forteresse. Toutefois, la rumeur affirmait que les Loups de Fer n’étaient pas tous revenus. On murmurait à propos de guerriers sauvages qui semaient la mort aux abords de murs, et on percevait des hurlements de loups lorsque le vent soufflait de l’est. Malgré tout, Orven Highfell ne fit aucun commentaire à ce sujet.

Ce n’était pas Abaddon, mais son lieutenant, le Prince Démon Urkanthos. Il était le commandant de la Flotte Noire, et le Grand Veneur des Chiens d’Abaddon.

La Legio Vulcanum poursuivait implacablement sa progression. Le Princeps renégat Malas Tiron guerroyait depuis dix mille ans et connaissait parfaitement les capacités des machines sous ses ordres. D’ailleurs, sa conscience s’étendait jusqu’à la moindre d’entre elles. C’était là un don que lui avaient fait les Dieux Sombres pour sa dévotion. Les Warhounds étaient ses yeux et ses oreilles, tandis que le Titan Warlord Vessel of Damnation était son bras armé, et son manipule de Reavers son poing ganté de fer. Face à l’ennemi, les machines de guerre combinaient leurs tirs avec une précision surnaturelle. Lorsque les Boucliers Void de ses machines étaient désactivés, Tiron reconfigurait sa formation de façon à ce que les engins vulnérables ne soient jamais exposés. De cette manière, les Titans de la Legio Vulcanum se rapprochaient de Kasr Kraf sans subir de dommages importants en dépit des tirs nourris.

Les défenseurs des murs est furent sauvés, comme déjà auparavant, par l’intervention des Valkyries du 119e Howling. Malgré les munitions qui diminuaient et la présence d’à peine douze appareils en état de voler, l’escadron s’envola pour une dernière attaque en direction des Titans.

Le ciel grouillait de Métadracs au-dessus de la Legio Vulcanum, toutefois les pilotes du 119e avaient appris à connaître ces Machines-Démons. Ils n’avaient aucune chance de les vaincre toutes, ni même de survivre plus de quelques minutes au milieu de telles nuées. Mais ils n’en avaient pas l’intention. Clavin Strekka, le commandant du 119e, avait noté que les plus petits Titans semblaient obéir à la volonté du plus grand, Vessel of Damnation. Il avait donc décidé de tenter de le détruire.

Trois Valkyries furent abattues par les Métadracs avant d’arriver à portée de tir. Deux autres restèrent sur la trajectoire d’un tir de Canon Volcano et furent réduites en cendres. Les autres accélérèrent en esquivant les tirs sol-air, leur blindage tintant sous les tirs d’Autocanons Hades. Un nouvel engin explosa, mais les autres tirèrent leur premier Missile Hellstrike. Les Boucliers Void de Vessel of Damnation disjonctèrent sous les impacts. Le 119e vira de bord au milieu des tirs d’Autocanons et se prépara à une nouvelle passe.

Il ne restait plus que trois Valkyries, néanmoins Vessel of Damnation ne disposait plus de la protection de ses Boucliers Void. Malheureusement pour Strekka, les tirs des multilasers de son escadron n’eurent aucun effet contre le blindage du Titan. Au troisième passage, Strekka était l’unique survivant. Sachant qu’il n’aurait pas d’autre chance, il s’en remit à l’Empereur, programma une trajectoire qui le ferait entrer en collision avec la tête du Titan et poussa à fond la manette d’accélération de sa machine.

La boule de feu qui se forma lors de la destruction du dernier membre du 119e fut clairement visible depuis les remparts à l’est de Kasr Kraf. Vessel of Damnation s’arrêta soudainement, des flammes vertes jaillissant de sa coque ravagée. Les autres Titans parurent hésiter, comme s’ils étaient désorientés. Un des Warhounds s’immobilisa, ce qui laissa le temps à une batterie de macrocanons de le quadriller et de le réduire en miettes. Des vivats fusèrent, puis s’estompèrent alors que les machines de la Legio Vulcanum reprenaient leur progression. Seul Vessel of Damnation resta immobile, sa tête mutilée à moitié cachée par un nuage de fumée.

Urkanthos

La démonification d’Urkanthos eut lieu lorsque la Flotte Noire approchait de Cadia. Fonçant vers le Monde-Forteresse, Urkanthos avait fait face à trois navires ennemis dont les Capitaines étaient déterminés à détruire le vaisseau amiral du Chaos, à défaut d’anéantir toute l’armada. Mais grâce à sa ruse, sa férocité et ses talents de commandant, Urkanthos mena son navire à la victoire contre les trois bâtiments adverses. Il en détruisit deux avant que le dernier fasse demi-tour pour s’enfuir. Une telle moisson de crânes plut particulièrement à Khorne, qui accorda à Urkanthos le don d’immortalité qu’il convoitait depuis si longtemps. C’est ainsi que le maître des Chiens d’Abaddon est devenu plus redoutable que jamais.

Un éclair tomba du ciel, et cette fois, les vivats des défenseurs se turent définitivement lorsqu’ils comprirent qu’un des architectes de leurs malheurs venait en personne pour inspecter le champ de bataille. Ce n’était pas Abaddon, mais son lieutenant, le Prince Démon Urkanthos. Il était le commandant de la Flotte Noire, et le Grand Veneur des Chiens d’Abaddon. Urkanthos avait reçu pour ordre de ravager Cadia, toutefois la patience d’Abaddon avait des limites, et Urkanthos comptait bien remporter la victoire avant qu’elle les atteigne.

Alors que les miasmes fuligineux et résiduels de la téléportation des traîtres se dissipaient, un cri s’éleva au milieu des cadavres qui jonchaient le seuil des Portes de Kriegan. Urkanthos étendit ses ailes et les redoutables Chiens d’Abaddon se jetèrent contre les battants dorés. Ils étaient suivis par une nouvelle vague de Machines-Démons.

Les Chiens avançaient en piétinant les morts des deux camps, sans se soucier des tris qui leur pleuvaient dessus. Leur cri de guerre était un grondement profond et rageur, plus proche de l’animal que de l’homme. Du sang ! Du sang ! Du sang ! Des obus de macrocanon s’abattirent sur la formation et projetèrent des corps brisés au bas de la montagne de cadavres, pourtant les Chiens continuaient d’avancer. Du sang ! Du sang ! Du sang ! Creed beuglait des ordres du sommet de la barbacane et l’air fut saturé de tirs de laser. Cela ne ralentit pas les Chiens. Du sang ! Du sang ! Du sang !

Un nouveau bombardement débuta soudainement de la part des navires de la Flotte Noire, qui ne se souciaient pas de la vie de leurs camarades. Des défenseurs furent balayés des remparts par le souffle des explosions, et des traîtres périrent aussi. Malgré tout, les Chiens continuaient d’avancer.

Urkanthos atteignit enfin les portes. Les Chiens ignoraient des blessures qui auraient tué un homme, et la morsure du prométhéum enflammé. Ils voulaient la victoire d’Abaddon, Maître de Guerre de l’Œil de la Terreur, ainsi que du sang pour le Seigneur des Batailles. Des Bombes à Fusion furent placées, et les Portes de Kriegan déjà affaiblies par huit jours de bombardements cédèrent.

Poussant un rugissement triomphal, Urkanthos se précipita à l’intérieur de Kasr Kraf à la tête des Chiens d’Abaddon assoiffés de sang.

Du sang ! Du sang ! Du sang !


La Chute de Kasr Kraf

Debout Cadia !

Quand les Portes de Kriegan furent détruites, la défense de Cadia reposa sur les épaules des Kasrkins. Creed avait gardé trois régiments en réserves depuis le début des combats, en prévision d’un événement tel que celui-ci. Les Fusils Laser donnèrent de la voix, et la barbacane dévastée fut inondée d’obus. L’avant-garde des Chiens d’Abaddon fut pulvérisée par la salve la plus dévastatrice ayant eu lieu jusqu’alors sur Cadia Secundus.

Pourtant, les Chiens n’étaient pas affectés par leurs pertes, bien au contraire, le carnage leur conférait toujours plus de ferveur. Les survivants percutèrent la ligne de baïonnettes comme un vent rouge, tuant et mutilant sans se soucier de leurs propres vies. Ils étaient menés par Urkanthos, dont chaque coup de griffe envoyait une escouade adverse au pied du Trône de Khorne. Chaque ennemi tué galvanisait un peu plus le Prince Démon avec les faveurs de son dieu. Sa chair devint aussi dure que de l’adamantium. Le sang ennemi qui giclait sur ses propres blessures les soignait. Urkanthos ne voyait plus les Kasrkins comme un adversaire à vaincre, mais comme des offrandes attendant d’être sacrifiées à Khorne.

Les Kasrkins combattaient au pied des ruines des portes de Kasr Kraf, et ils n’étaient pas seuls. Les ordres de Creed résonnaient dans les relais vox installés sur les murs, et il envoyait toujours plus de troupes dans la boucherie. Des conscrits du 201e mouraient aux côtés des vétérans du 9e. Des régiments de Mordian et de Vostroya arrivaient et se battaient pour un monde qui n’était pas le leur, comme c’était souvent le cas pour les soldats de l’Astra Militarum.

Le poids du nombre n’était pas un atout suffisant contre la force démoniaque des Chiens de Khorne. Pire encore, Urkanthos disposait de renforts. Des Démons écumants émergèrent des flaques de sang et s’élancèrent au combat. Des cultistes déments et des guerriers imposants de la Black Legion arrivèrent par les portes défoncées pour amplifier le carnage, et dans l’espoir d’attirer sur eux le regard, et donc les faveurs des Dieux Sombres.

Les Kasrkins du 2e régiment moururent sans céder de terrain. D’autres ne furent pas aussi valeureux. La discipline du 33e régiment vacilla quand son colonel fut déchiqueté par des Raptors. Finalement, le doute se mua en panique, et comme un barrage cédant sous le poids des eaux, le 33e prit la fuite. Sa débandade ruinait tout espoir de tenir les portes, car il précipita dans la déroute d’autres formations. Les étendards régimentaires furent abandonnés et les armes jetées à terre. Le bastion de défense inébranlable venait de s’écrouler subitement. Urkanthos avait la victoire à portée de main.


Pendant que le cœur de Kasr Kraf était menacé, d’autres combats désespérés se déroulaient ailleurs. Au-delà du mur est, les Chevaliers de la Baronne Vardus livraient un combat inégal contre les Titans de la Legio Vulcanum. Même si ces derniers ne pouvaient plus compter sur la prescience du Princeps Tiron, leur puissance de feu dépassait largement celle des nobles de la Maison Raven.

Vardus n’était pas irréfléchie, elle avait d’ailleurs tué lors de duels des hommes, parce qu’ils avaient suggéré le contraire, si bien qu’elle ordonna une retraite tactique. Jusqu’à présent, cette stratégie lui avait réussi, et elle n’avait perdu que quatre Chevaliers contre un Reaver détruit, et un autre sévèrement endommagé. Cependant, elle serait bientôt à court de place pour reculer. Alors qu’elle ordonnait une nouvelle manœuvre, son ailier se désintégra dans une boule de lumière incandescente. Consultant en urgence son réseau synaptique, elle découvrit que ses craintes étaient fondées : le Vessel of Damnation était revenu.


Plus au sud, enfoncé jusqu’aux genoux dans les cadavres de ses ennemis, le Sénéchal Amalrich ressentait des doutes inhabituels. Des ennemis continuaient d’attaquer ses positions, mais ils n’étaient plus aussi nombreux que les jours précédents. Portant le regard vers le nord, Amalrich vit la tempête qui s’amoncelait au-dessus des Portes de Kriegan. Le Sénéchal finit par reconnaître ce qui avait été évident aux autres officiers impériaux dès le début : les talents martiaux des Black Templars auraient été plus utiles sur les murs de Kasr Kraf plutôt que sur le Rempart des Martyrs. Après tant de générations, l’obstination de Dorn continuait de hanter ses héritiers. Cependant, il était peut-être encore temps de réparer cette erreur. Un des Thunderhawks de la Croisade Cruxis avait été détruit pendant les bombardements, mais l’autre était intact, bien protégé dans un hangar souterrain. Ravalant sa fierté, Amalrich ordonna la retraite.


À Kasr Kraf, les Chiens d’Abaddon déchaînaient leur fureur. Urkanthos avait une mission, et une seule  : pénétrer dans la forteresse et détruire la machine qui empêchait le Will of Eternity d’exprimer sa fureur. Cependant, le Veneur n’avait pas de raison de s’arrêter là. Cadia flanchait. Ses défenseurs mouraient pitoyablement en essayant d’échapper à sa colère. Lui, Urkanthos, allait accomplir ce qu’Abaddon n’avait jamais réussi à faire. Il allait mettre à genoux ce Monde-Forteresse, et récolter tous les lauriers.

Une salve survint, si intense que le Prince Démon ressentit de la douleur. Alors que quelques instants auparavant, les Chiens d’Abaddon poursuivaient des fuyards pathétiques, ils se trouvaient désormais face à une ligne Aegis bien garnie par les rangs déterminés du 8e Cadien.

Debout Cadia ! La voix était aussi dure que le granite de Kasr Kraf et porta par-dessus le tumulte. Les soldats la reprirent à l’unisson en serrant les rangs autour de leurs étendards. Debout Cadia ! La troisième occurrence se perdit dans le rugissement des obusiers et les cris des Démons bannis. Une nouvelle vague de défiance parcourut les régiments de l’Astra Militarum qui avaient retrouvé leur courage. Au centre de la formation, Jarran Kell brandissait les couleurs du 8e Cadia. À ses côtés, affichant une expression qui ne laissait entrevoir aucun signe des doutes qui étreignaient son cœur, se trouvait le Seigneur Castellan. Il entonna une nouvelle fois la devise désormais célèbre sur toute la planète.

Debout Cadia !

L’assaut d’Urkanthos était devenu indiscipliné tant la tuerie était facile, cependant ses guerriers essuyèrent imperturbablement les tirs de riposte du 8e Cadien. Plusieurs Chiens d’Abaddon furent néanmoins mis en pièces par les tirs de canons et d’armes lourdes. Les Raptors reprirent leur envol dans l’intention de s’emparer de Creed et de le déchiqueter, comme ils l’avaient fait avec le colonel du 33e. Leurs amplificateurs vox crachaient des hurlements de harpies tandis qu’ils plongeaient vers le peloton qui entourait Creed. Mais alors qu’auparavant, les soldats du 33e s’étaient enfuis, les vétérans du 8e resserrèrent les rangs. Des dizaines d’entre eux périrent avant qu’une lame s’enfonce enfin dans le cœur primaire d’un Raptor, cependant Creed était indemne. La manche de Kell était rougie de sang, mais ce n’était pas le sien. À ses pieds se trouvait le cadavre du Raptor qui avait failli prendre la vie de son général. La bataille était de nouveau équilibrée. Les deux camps disposaient de renforts, pourtant aucun des deux ne parvenait à prendre l’avantage. Enfin, ce fut l’Imperium qui prit l’ascendant, car Creed se battait comme un homme dont la dernière heure serait venue, même s’il ne s’empara à aucun moment de son pistolet ou de son épée. En effet, il maniait ses soldats à la place de ses armes, frappant violemment lorsqu’il repérait une faiblesse dans la formation ennemie, et reculant quand c’était nécessaire, pour mieux contre-attaquer. Des centaines, des milliers de soldats moururent en quelques heures, mais aucune de leurs vies ne fut gaspillée. Le sang de ses troupes de choc lui fit gagner un temps précieux, non pas afin que des renforts arrivent, car Creed avait renoncé depuis longtemps à un tel espoir, mais parce que chaque minute de résistance était précieuse et blessait l’orgueil d’Abaddon. En cet instant, Cadia ne tenait bon que parce que Creed tenait bon avec elle.

Autour de la forteresse, les alliés de Creed faisaient ce qu’ils pouvaient pour l’aider. La compagnie éprouvée de Korahael bataillait aux côtés des Loups de Fer sur le champ de parade à l’est, et même si aucun des deux Chapitres n’aurait accepté de le reconnaître à voix haute, ils étaient leur salut mutuel. Les membres de l’Adeptus Astartes des autres Chapitres ayant participé à la guerre avaient mis de côté leurs rivalités et formé une unique demi-compagnie aux couleurs chamarrées. Les sœurs de Notre Dame des Martyrs s’étaient rassemblées près du bastion de commandement et bannissaient les Démons avec leurs flammes sacrées. Leur présence vertueuse galvanisait les conscrits du 111e à proximité.

Toutefois, le plus grand triomphe fut celui du Sénéchal Amalrich, dont le Thunderhawk endommagé et crachant de la fumée plongea vers le champ de parade avant de débarquer un détachement de Black Templars vengeurs. Chaque coup tuait un hérétique, et portait en lui toute la fureur et tout le désir de pénitence des Fils de Dorn, ce qui le rendait d’autant plus redoutable.


Le rêve de victoire facile d’Urkanthos s’évaporait face à tant de bravoure, si bien qu’il se concentra de nouveau sur sa principale mission. Il devait détruire le bouclier anti-Warp, afin que les bravades des défenseurs soient balayées, carbonisées par les énergies démentielles de la Forteresse Noire. Rassemblant les survivants des Chiens d’Abaddon, Urkanthos entreprit de se frayer un chemin vers le bastion de commandement et l’étrange machine qu’il abritait.

Creed avait remarqué l’attaque du Prince Démon, toutefois il ne pouvait rien faire pour la contrer, car elle coïncidait avec l’arrivée d’une nouvelle menace : une colonne blindée menée par le Baneblade Vicanthrus passait sous les Portes de Kriegan. Le tonnerre des Canons Démolisseur résonna entre les bastions en ruine. Les premiers rangs de Creed furent désintégrés par le bombardement. Le vox crépita tandis que les Sergents hurlaient leurs ordres et que les défenseurs se préparaient à engager Vicanthrus.

Les Boucliers Blancs du 111e n’étaient pas de taille face à la suite de damnés d’Urkanthos, pourtant ils se sacrifièrent jusqu’au dernier. Le chemin du Prince Démon se retrouva ensuite bloqué par les sœurs de Notre Dames des Martyrs.

Urkanthos se jeta sur elles, exultant tandis que leur sang sacré maculait ses griffes. Les tirs de Bolter rebondissaient contre sa carapace, et même la colère incandescente des Multi-Fuseurs ne faisait qu’échauffer sa peau. Il était suivi par les derniers Chiens d’Abaddon. Cette confrérie, qui comptait plusieurs centaines de guerriers au début de l’assaut, était désormais réduite à une dizaine de membres. Les Space Marines du Chaos n’étaient pas aussi résistants que leur sombre maître. Ils étaient certes difficiles à tuer, mais pas invincibles. Toutefois, leur mort n’avait aucune importance. Leur rôle avait été uniquement de permettre au Prince Démon d’atteindre son objectif. Lorsque le dernier cœur noir des Chiens d’Abaddon cessa de battre, Urkanthos était devant la Porte Egressium du bastion.

Il restait un ultime obstacle. Murmurant une prière, les Chanoinesses Genevieve et Eleanor commandaient un ost de Séraphines.

Éclatant d’un rire mauvais, le Prince Démon se mit en devoir d’exterminer ses ennemis, aussi facilement qu’un homme se débarrasse d’une nuée de mouches. Soudain, une douleur parcourut son torse. L’épée de Genevieve frappa de nouveau. La lame était auréolée de lumière et pénétra la chair de la bête.

Urkanthos recula en titubant, levant ses griffes pour se protéger de la lame sacrée. Genevieve le poursuivit, mais aveuglée par le zèle, elle ne vit pas la ruse du Démon. Celui-ci ne faisait qu’attendre la bonne occasion pour riposter. Alors que Genevieve levait le bras pour frapper, Urkanthos lui arracha l’épée des mains, puis l’agrippa à la gorge. Voyant sa sœur en danger, Eleanor intervint et déchaîna un déluge de coups qui lacéra le cuir d’Urkhantos et lui sectionna quasiment une aile. Cela ne fut pas suffisant. La nuque de Genevieve se brisa sous la pression alors que dans un dernier acte désespéré, elle portait un coup de tête à son adversaire. Poussant un cri de douleur, Eleanor porta une estocade et logea sa lame dans le cœur de son adversaire. Le Prince Démon beugla de rage et la gratifia d’un coup de griffe mortel. Il se redressa alors, l’épée toujours enfoncée jusqu’à la garde dans le torse.


Sur le champ de parade, le Sénéchal Amarich préparait un nouvel assaut contre l’immense Baneblade Vicanthrus. Le premier avait échoué, car il avait été repoussé par les tirs d’appui d’une escouade de Havocs escortant le Baneblade. Alors que la tourelle de Vicanthrus se tournait vers les lignes Aegis du 8e Cadien, les Black Templars s’élancèrent.

La tourelle n’eut pas le temps de faire feu. Le char super-lourd s’immobilisa, tel un animal gigantesque en proie à la confusion. Puis ses armes rugirent, non pas contre les Black Templars, ni contre le 8e Cadien, mais contre ses alliés de la Black Legion. Les armes latérales déchiquetèrent les Havocs, alors que ceux-ci l’avaient sauvé quelques instants plus tôt de la colère d’Amalrich. La tourelle pivota ensuite et disloqua un fer de lance de Predator de l’Alpha Legion.

Pendant un instant, aucun des deux camps ne comprit à quoi était due cette trahison soudaine. Nul n’avait remarqué la silhouette discrète qui était sortie de l’ombre d’un bastion pour verser une fiole de nanomachines dans les interstices du blindage de Vicanthrus. Cet instant de répit était tout ce donc Creed avait besoin. Sur son ordre, les réserves du 8e Cadien se dirigèrent vers le bastion de commandement. Les cadavres des Boucliers Blancs et des sœurs narraient une histoire sinistre, mais ils faisaient honneur à Cadia.


À l’intérieur du bastion de commandement, Urkanthos laissa le cadavre ensanglanté du Magos Klarn glisser le long de ses griffes. Un demi-manipule de Skitarii lui avait barré le chemin, cependant aucune arme de l’Omnimessie ne lui avait fait autant de mal que les épées des deux Chanoinesses. Celle d’Eleanor était encore enfoncée dans son corps, car sa garde s’enflammait dès que le Prince Démon tentait de la retirer. Néanmoins, il touchait au but.

Au bout du couloir, à cinq cents mètres sous la surface de Cadia Secundus, se trouvaient les machineries du bouclier anti-Warp. Une fois qu’elles auraient été détruites, la planète serait définitivement à la merci du Will of Eternity. Repliant ses ailes, Urkanthos suivit le long corridor.

« Plus vite, plus vite ! » Creed exhortait ses troupes en beuglant, afin que sa voix porte par-dessus le fracas des combats.

Aussi disciplinés qu’à l’habituée, les vétérans du 8e passèrent au sprint. Creed voulait se convaincre qu’il n’était pas trop tard, qu’il pouvait encore rattraper cette monstruosité démoniaque avant qu’elle réduise tous leurs efforts à néant.

Les Hospitalières s’écartèrent au passage du peloton de commandement de Creed. Elles avaient le visage fermé. L’ordre de Notre Dames des Martyrs avait combattu avec autant de courage que le plus glorieux Chapitre de l’Adeptus Astartes, mais il avait aussi payé un prix terrible. Creed se dit qu’au moins, il s’en sortait mieux que les Boucliers Blancs du 111e, car il restait des sœurs de l’ordre en vie dans la forteresse, sans compter le reste de la galaxie, alors que les conscrits étaient morts jusqu’au dernier. Qui se souviendrait de leur sacrifice une fois que Kasr Kraf serait tombé ?

Les escouades de tête atteignirent les débris de la Porte Egressium. Elles épaulèrent leurs armes et entrèrent.

« A-t-on seulement une chance de tuer ce monstre ? » murmura le lieutenant Kormachen.

Creed se retourna. Le visage de l’officier était livide, et il observait le carnage avec des yeux terrorisés. Il fallait une dizaine de bataille pour faire un bon vétéran. Peut-être plus. Combien de combats Kormachen avait connus ? Combien en connaîtrait-il encore ? La fin de Cadia était proche. C’était indiscutable.

Kell décocha un coup de pied au cadavre d’une brute en armure noire. « Si ça saigne, ça peut mourir. » Il indiqua le cadavre d’une Chanoinesse et l’ichor noir qui maculait son armure. « Elles l’ont fait saigner. On peut y arriver nous aussi. »

Le sol se mit à trembler et un souffle d’air hurlant jaillit de la Porte Egressium.

Creed se demandait encore quelle était l’origine de ce son lorsque Kell lui sauta dessus pour l’écarter de l’embrasure. Ils tombèrent au sol, à côté du cadavre de la Chanoinesse, juste au moment où des flammes sortaient de la porte. Kormachen n’eut pas cette chance. Il eut à peine le temps de hurler avant que le brasier l’engloutisse. L’air s’emplit de la puanteur de la chair brûlée.

Plusieurs soldats s’agitèrent en éteignant les flammes qui menaçaient de dévorer leur uniformes.

Kell se redressa et tendit la main à Creed. « Vous avez eu de la chance Seigneur Castellan. »

Creed prit la main de Kell et se releva. « J’ai un ange gardien. Et cet ange gardien, c’est vous, Sergent. »

Creed se tourna vers la porte noircie d’où partait une profonde fissure qui témoignait de la force de l’explosion. Les sons de la bataille semblaient assourdis, comme s’ils provenaient d’un autre monde. Trois escouades les avaient précédés dans le bunker de commandement. Elles étaient sans doute mortes. Si l’explosion signifiait bien ce que Creed supposait, cela n’avait plus d’importance. Il leva les yeux vers le ciel, à la recherche de l’Œil cyclopéen et rouge, même s’il savait qu’il ne le verrait pas. Y aurait-il un avertissement ? Est-ce que cela valait encore la peine de continuer le combat ?

Il chassa ces pensées. Il était un Cadien. Son devoir était de lutter contre l’inévitable. Son estomac se noua de colère. Il avait put-être échoué dans sa mission de défendre la Porte Cadienne, mais il n’abandonnerait jamais le combat.

« On retourne au champ de parade, Sergent. Le 8e tient bon. Cadia tient bon. »

Un officier aussi pâle que Kormachen l’avait été posa un manuscrit qui lui servait de fétiche sur ses lèvres. Sans doute une relique familiale. « L’Empereur protège… » murmura-t-il.

Creed se tourna vers lui, incapable de contenir sa colère. Il lui arracha le manuscrit des mains et dégaina le pistolet de l’officier.

« L’Empereur ? » tonna-il. « Il est à des années-lumière d’ici ! » Il posa le canon du pistolet contre la poitrine de l’officier, le forçant à reculer. « Si tu veux vivre, tu vas devoir te servir de ça, et pas de tes prières ou de ton papyrus ! Un soldat forge son destin, il n’attend pas des miracles ! »

L’officier resta bouche bée, non pas à cause des paroles de Creed, mais en apercevant quelque chose dans le ciel derrière lui, au dessus du bastion de commandement. Kell le regardait aussi, un sourire aux lèvres. Serrant le poing pour se calmer, Creed fit volte-face. Au début, il ne la vit pas, toutefois quand ses yeux se posèrent enfin dessus, il se demanda comment il avait fait pour ne pas la remarquer.


Échos du Passé

« Les pylônes. Le Warp… »

Belisarius Cawl ne comptait pas rester sur Eriad VI. La logique lui imposait de partir. Chaque instant passé sur cette planète lui coûtait plus de troupes à cause des attaques des Orks. Pourtant, l’Archimagos ne pouvait se résoudre à partir. Le mystère l’appelait et réveillait en lui des émotions engourdies par le passage des millénaires et ses nombreuses augmentations cybernétiques.

Il devait comprendre ce que Marchemonde sous-entendait. Est-ce que son conseil était lié au reliquaire se trouvant à bord de l’Iron Revenant ? Ou s’agissait-il d’autre chose ? La Prophète de l'Ombre suggérait que les secrets d’Eriad VI devaient être découverts maintenant, ou jamais. Cawl ne doutait pas que les intérêts de Marchemonde et les siens ne convergeaient que temporairement, cependant même une alliance ponctuelle de ce genre pouvait changer le destin de l’Imperium. Cela s’était déjà produit auparavant, bien qu’il ne sût pas dire précisément quand et avec qui. Ses souvenirs étaient telle une mosaïque brisée.

Il continuait donc de creuser alors même que les défenses de sa base étaient érodées par la fureur des tempêtes radioactives d’Eriad VI et par les raids des Peaux-Vertes. Chaque aube rouge s’accompagnait d’une nouvelle attaque, et chaque nuit, des bastions étaient abandonnés comme les Skitarii battaient en retraite vers la ligne de défense suivante.

Cawl poussait les foreuses dans leurs derniers retranchements tant il était avide de savoir. Et les découvertes s’accumulaient. Les fragments devenaient plus gros, et leur état de conservation était meilleur. L’un d’eux confirma ce que l’Archimagos suspectait : les artefacts d’Eriad VI étaient non seulement antérieurs à l’Humanité, mais aussi à la plupart des autres formes de vie de la galaxie. La technique de fabrication, l’absence de circuits visibles… peut-être était-ce là l’œuvre des Anciens en personne, ou bien des Nécrontyrs.

La quête de Cawl durait les trente-sept heures de chaque journée d’Eriad. Plus il s’enfonçait, plus il était pressé. Il voyait parfois Marchemonde qui l’observait depuis les ombres.

Il semblait le seul capable de voir la Prophète de l’Ombre. Elle allait et venait à son gré, passant tel un fantôme entre les câblages et les cloisons blindées. Cawl se demandait parfois si elle était vraiment là, ou s’il était victime d’hallucinations à cause des radiations. Cela n’avait aucune importance. La folie du chercheur s’était emparée de lui. Il devait trouver, et comprendre.

Le cinquième jour, les Skitarii furent forcés de battre en retraite à l’intérieur du dernier périmètre défensif. Les Orks avaient subi des pertes colossales, toutefois cela n’avait fait que renforcer leur volonté. À leurs yeux, la base du Mechanicus était devenue une épreuve à surmonter, la garantie d’une bonne baston sur ce monde dépourvu de vie. Les projections indiquaient que si les Peaux-Vertes lançaient un nouvel assaut déterminé, la base serait conquise. Le lobe secondaire envahi par une frustration inhabituelle, Cawl ordonna de battre en retraite.

Évidemment, ce fut à cet instant qu’il atteignit son but, quand une des foreuses ouvrit un passage vers une vaste caverne naturelle en crevant son plafond. La machine tomba dans les ténèbres, ses lumières d’alerte ne cessant de clignoter que lorsqu’elle se fracassa sur le sol constellé de stalagmites. La dernière image qu’elle transmit fut celle d’une immense structure de pierre noire. Cawl annula immédiatement son ordre de retraite et commanda aux Skitarii de défendre le site d’atterrissage jusqu’à ce qu’il revienne. Puis il plongea dans les ténèbres.

Il sut immédiatement qu’il avait trouvé ce qu’il cherchait quand il vit le monolithe de ses propres yeux. Ce dernier mesurait un peu plus de deux cent cinquante mètres de haut, et autant de largeur. Son sommet dentelé indiquait qu’il n’avait pas entièrement réchappé au bombardement, et une partie de son flanc avait été abîmée par le passage du temps. Cette roche énigmatique ne laissait transparaître aucun indice, mais Cawl n’en avait pas besoin. Il avait déjà vu une telle création ailleurs, à ciel ouvert, sur Cadia.

Porté par l’inspiration, l’Archimagos consulta ses archives. Il était évident que le bombardement de jadis avait été effectué par Abaddon au cours de la 4e Croisade. Pourquoi avait-il pris la peine de pilonner un monde inhabité ? Ou alors, le passage de la Flotte Noire près d’Eriad n’était pas un hasard, mais faisait partie d’un plan.

Cawl inspecta alors ses archives d’anomalies technologiques et les corréla avec celles sur les Croisades Noires. Corolis. Belaston. Vogrid II. La liste s’étirait. Certaines planètes avaient effectivement des pylônes, et toutes étaient des sites archéologiques qui avaient été dévastés par Abaddon. Comment avait-on pu passer à côté ? Cela faisait des millénaires que les pylônes de Cadia refrénaient le Warp. Et si l’Imperium avait sous-estimé les ambitions d’Abaddon ?

Marchemonde apparut sans crier gare, son masque parcourut d’émotions indéfinissables. « Tu comprends ? »

Cawl hocha la tête, trop horrifié par les implications pour s’étonner de sa présence. « Les pylônes. Le Warp… »

« L’un fait battre l’autre à son rythme. » Le masque de Marchemonde était d’un rouge courroucé. « Sans ces monolithes, les danseurs deviennent les esclaves d’un refrain discordant. La galaxie meurt et renaît dans la démence. »

« Que peut-on faire ? »

« Cadia est la fin, et le commencement. »

Cadia. Là où il avait passé le premier pacte. Coïncidence ? Certainement pas. « Arrête tes énigmes et réponds-moi ! »

Marchemonde était déjà partie sans donner de réponses, mais le nom d’un lieu où elles se cachaient…

Chapitre II : LE FEU DE LA DÉLIVRANCE

« Le désespoir vous précipite dans les ténèbres. Mais si vous croyez de toute votre âme en l’Empereur de l’Humanité, vous suivrez Sa lumière qu’elle que soit l’obscurité qui vous entoure. »
- Sainte Célestine.

La Lumière de l'Empereur

Célestine, la Sainte Vivante.

Elle arriva nimbée d’un feu sacré, un ange envoyé par l’Empereur dans les horreurs de la guerre. Elle tomba comme la foudre, comme une étoile dorée apparue dans le ciel de Cadia. Alors qu’elle se rapprochait des murs assiégés de Kasr Kraf, les défenseurs commencèrent à prononcer son nom, tout d’abord les survivantes de l’Ordre de Notre Dame des Martyrs, puis cela se répandit comme un feu de brousse, et bientôt, toutes les lèvres des fidèles se mirent à répéter le même mot.

Célestine. Les prières avaient été entendues. Le miracle s’était produit.

Elle tomba sur le champ de parade tel un météore, et la tempête de feu qui suivait dans son sillage réduisit en cendres ses ennemis. Son épée était un éclair étincelant au milieu d’un tourbillon de fumée et de poussière. Les Démons reculèrent face à elle, et furent renvoyés dans le Warp par cette lame qui était l’anathème de la noirceur qui les avait vus naître.

Les bras harassés retrouvèrent de la vigueur. Les défenseurs qui avaient perdu tout espoir reprirent courage. L’Empereur était avec eux. Pourquoi aurait-il envoyé Sa Sainte Vivante, si ce n’est pour les mener à la victoire ? Ils s’unirent et se préparèrent à fournir un ultime effort, toute peur chassée de leurs cœurs. Même Creed, envahi par l’émotion, oublia momentanément la Forteresse Noire en orbite et retourna combattre auprès de ses hommes. Néanmoins, à l’exception des Black Templars zélés, les guerriers de l’Adeptus Astartes ne furent pas impressionnés par la vision de Célestine, car ils n’adhéraient pas à la foi impériale. Ils respectaient plutôt les liens de la fraternité, du devoir envers leurs Primarques. Malgré tout, si le fanatisme du Ministorum permettait à l’Imperium de remporter la victoire, ils ne s’en plaindraient pas.

Pendant un court instant glorieux, les rangs de l’attaquant furent parcourus par un murmure d’appréhension. Le Baneblade Vicanthrus, toujours immobilisé par les nanomachines qui infectaient ses systèmes, disparut sous le zèle enragé de l’Humanité. Les cultistes se dispersèrent, leur foi hérétique vaincue par la vision de la Sainte Vivante. En revanche, la Black Legion opposa sa propre détermination à celle que l’Imperium venait de retrouver et freina immédiatement la contre-attaque.

Cependant, une foi renouvelée n’était pas le seul cadeau que Sainte Célestine avait amené aux défenseurs de Kasr Kraf. Des moteurs à plasma rugissaient dans les ténèbres, et d’énormes transports se posèrent sur les plates-formes en plasbéton. Les notes claires d’hymnes de bataille se firent entendre, ainsi que le tintement de cloches bénites. Plus que de foi et d’espoir, les défenseurs de Kasr Kraf avaient besoin de renforts, et la Sainte Vivante ne l’avait pas oublié.

Elle les avait trouvés dans le Warp, les moteurs à plasma de leurs navires ayant été sabotés par des traîtres, et leur Champ de Geller inactif : cinq compagnies de l’Ordre de Notre Dame des Martyrs, qu’on pensait perdues depuis mille quatre cents ans. La lumière de Sainte Célestine leur servit de phare. Elle amena leur navire auprès d’un autre qui était lui aussi perdu dans l’Immaterium, avant de les emmener dans l’espace réel.

Désormais, ils étaient son épée de flammes, et venaient se venger d’une éternité passée à dériver dans l’Immaterium. Pour la première fois, la bataille pencha en faveur des défenseurs.

Au-delà du mur est, la Baronne Vardus avait remarqué le feu dans le ciel, mais elle n’avait aucune idée de son origine. Elle voyait simplement que son pari d’émousser la fureur de la Legio Vulcanum avait échoué. Un trop grand nombre de ses camarades avait péri. Il ne lui restait plus qu’à connaître une mort honorable. Alors qu’elle allait provoquer volontairement la surchauffe de son réacteur, des Thunderhawks dorés et des Intercepteurs Stormhawks apparurent dans le ciel. La moitié droite de la carapace du Vessel of Damnation se disloqua sous un coup de turbolaser et les Thunderhawks s’éloignèrent. Souriant d’un air sombre, Vardus retint son geste. Une attaque kamikaze était une stratégie née du désespoir, et elle venait de reprendre courage.

Dans l’orbite, les batteries d’armes de la forteresse de bataille Phalanx se chargèrent en énergie. La Flotte Noire réagissait à peine à son arrivée impromptue, toutefois les vénérables Boucliers Void de Phalanx résistaient pour l’instant aux bordées successives. Le Capitaine Garadon n’en avait cure. Au cours de ces derniers jours, il avait combattu aux côtés des guerriers spectraux de la Légion des Damnés. Il avait dévasté le navire dont il avait la charge pour l’empêcher de tomber aux mains de l’ennemi. Il avait vu un transport endommagé de la Marine Impériale s’arrimer à un des docks de Phalanx au beau milieu du Warp. Tant de choses improbables. Tant d’événements qu’il ne comprendrait jamais. Et là ? Phalanx seul contre la Flotte Noire ? Et où était passée la Légion des Damnés ? Elle avait disparu lorsque Phalanx était revenu dans l’espace réel.

Elle arriva nimbée d’un feu sacré, un ange envoyé par l’Empereur dans les horreurs de la guerre. Elle tomba comme la foudre, comme une étoile dorée apparue dans le ciel de Cadia.

Célestine.

Les prières avaient été entendues. Le miracle s’était produit.
Urkanthos passa sous le linteau de la Porte Egressium et déploya ses ailes, balayant les cendres de corps humains. La machine qui empêchait la Forteresse Noire d’agir avait été détruite. La volonté d’Abaddon avait été accomplie. Cadia n’avait plus qu’à mourir, et Urkanthos n’avait aucun désir de périr avec elle. Il était temps qu’il parte pour recevoir sa récompense.

« Meurs, abomination ! »

Un Garde Impérial courait vers lui, baïonnette au fusil. Urkanthos l’éviscéra d’un coup de griffes désinvolte. Il regarda le cadavre glisser à côté de ceux des sorcières en armures noires, tout en léchant le sang sur ses doigts.

Le champ de parade était toujours le théâtre d’une tuerie, même si celle-ci semblait obéir à un tempo différent. Urkanthos envisagea de s’y joindre et de prendre le risque d’être annihilé en même temps que tout le reste.

D’un battement d’ailes, elle atterrit devant lui. Son armure étincelait sous la lumière dorée qui émanait de son halo. Le Prince Démon comprit enfin d’où venait cette odeur inhabituelle. C’était la puanteur de la foi.

« La consort du cadavre… » grogna-t-il.

L’ange brandit son épée. « Ton heure est venue, monstre. »

Urkanthos émit un rire tonitruant. « Cela ne fait que commencer. Tu n’es rien. Le simple écho d’un faux dieu. Je vais te briser et déposer ton crâne au pied du Trône de Khorne. »

Un frisson d’agonie le parcourut tandis qu’un feu blanc lui brûlait la poitrine. La consort du cadavre l’observait imperturbablement. La souffrance disparut. Comme toujours, il ne se sentait que plus fort. « Je suis le Commandant de la Flotte Noire, la Main Droite du Fléau. Tu ne peux me vaincre seule. »

Urkanthos posa sa main griffue sur sa poitrine, là où la douleur pulsait régulièrement depuis que l’épée y était enfoncée. Quelque chose n’allait pas. La lame, celle de cette sorcière dévote, avait disparu. Il fit volte-face. Les deux sorcières qu’il avait tuées étaient debout et le toisaient. Leurs visages étaient auréolés de lumière et leurs armures étaient aussi étincelantes qu’un soleil. Urkanthos n’oubliait jamais les visages de ses victimes et les reconnut instantanément. D’ailleurs, son ichor continuait de dégouliner de l’épée d’une d’entre elles. Cette même lame qui, une seconde plus tôt, était encore plantée dans sa chair. Le doute commença progressivement à s’insinuer dans l’esprit du Prince Démon.

« Je ne suis pas seule, » déclara Sainte Célestine. « Et ton heure est venue. »

Poussant un rugissement, Urkanthos étendit ses ailes immenses et se rua à l’attaque.


Phalanx approchait du Will of Eternity, ses boucliers crépitants alors qu’ils poussaient les navires d’escorte de la Flotte Noire. Sur ordre de Garadon, les batteries de flanc engagèrent les navires renégats, cependant ses redoutables armes de proue restèrent silencieuses. Phalanx avait trop souffert à cause des ravages du temps et des sacrifices récents, et il devait économiser ses forces…

N’importe quel autre vaisseau aurait déjà été détruit par les tirs rageurs de la Flotte Noire, toutefois Phalanx était le poing de Dorn, le premier et le plus grand présent offert à l’Empereur de l’Humanité. En dépit de sa vétusté et de son équipage insuffisant, il restait plus puissant que tous les autres vaisseaux parcourant les cieux. Même sans escorte, l’immense station de combat n’avait pas à rougir. Malgré tout, elle ne pouvait résister éternellement. Les panneaux tactiques prévenaient que l’essentiel de la flotte d’Abaddon quittait l’orbite pour l’engager. Une fois encore, Garadon n’en avait cure. Il n’y aurait pas de retraite, pas de reddition. Ce serait l’ultime combat de Phalanx. Garadon ne modifia pas la trajectoire qui l’emmenait vers la gueule béante du Will of Eternity.

Le Pistolet Bolter de Sven Hurle-au-Sang cliqueta lorsque son magasin fut vide. Maudissant son erreur, le Seigneur Loup inséra un nouveau chargeur et appuya sur la détente. La tête du Démon explosa et sa lame noire tomba en tintant sur le sol d’obsidienne. D’autres yeux rouges brillaient dans les ténèbres.

« Par les crocs de Morkai ! » rugit Hurle-au-Sang. « On peut pas rester ici une seconde de plus ! »

Comme pour appuyer ses dires, les portes du castellum s’ouvrirent et déversèrent une bande de marins mutants qui se précipitèrent le long de la coursive. Ils furent fauchés par les tirs de Bolters Lourds. Solvik Whitemane s’écroula et ne se releva pas. Il avait un trou béant à la place du cœur.

« On n’a pas le choix ! » s’exclama Jarn Frostclaw. « Ces armes vont nous massacrer. »

Hurle-au-Sang sentit de la frustration dans la voix du Garde Loup. Les heures qui s’étaient écoulées depuis la destruction du Firemane’s Fang et le lancement des torpilles d’abordage avaient été une bataille

ininterrompue, avec des Frères de Bataille perdus, et une fuite à travers les ténèbres pour échapper à leurs poursuivants. Hurle-au-Sang avait perdu toute notion du temps. Il était sûr d’une chose : ils n’avaient pas encore accompli leur mission. Il testait encore une dizaine de Loups en vie, surtout parce que les traîtres ne semblaient pas connaître les circonvolutions de la Forteresse Noire, et parce que celle-ci semblait décidée à aider les intrus. Les cloisons blindées s’ouvraient devant les Loups. Les défenses automatisées se désactivaient comme par magie. Visiblement, l’Esprit de la Machine du Will of Eternity souhaitait qu’ils réussissent. Comme un loup de givre affligé par la maladie, il souhaitait mourir.

Hurle-au-Sang dépassa la tête de la cloison et lança sa dernière Grenade Frag dans la nuée hurlante. Elle explosa dans un bruit sourd et projeta des corps par-dessus la rambarde, vers les entrailles du gigantesque vaisseau. Le pire serait de mourir avec leur objectif est vue, car par-delà le castellum, un amas de câbles signalait la présence d’un relais énergétique, l’héritage de la Marine Impériale, lorsque la Forteresse Noire servait au sein de celle-ci.

Désormais, son énergie était utilisée par les traîtres pour alimenter les boucliers et les batteries d’armes. En détruisant ce générateur, le Will of Eternity serait réduit à l’impuissance, peut-être assez pour que les survivants de la flotte de Cadia lui portent le coup de grâce.

Un éclair de lumière poussa Hurle-au-Sang à jeter un coup d’œil par une baie d’observation. Des étincelles bleues dansaient sur une proue de la taille d’un fort stellaire.

« C’est Phalanx ! », rit-il. « Alors comme ça, les fils de Dorn veulent leur part de gloire ? »

Des formes se matérialisèrent pris de Hurle-au-Sang. Leurs Armures Énergétiques noires étaient auréolées de flammes et décorées d’ossements. Ils avancèrent vers le castellum en tirant avec leurs Bolters.

Hurle-au-Sang brandit son Épée Tronçonneuse. « Pour Russ et pour le Père de Tous ! » Puis les Hurles-au-Sang de Fenris s’élancèrent pour ajouter un dernier acte glorieux à leur saga.

Des flammes jaillissaient du flanc du Will of Eternity. Ce n’était qu’une piqûre de moucheron sur l’immensité de la coque de la Forteresse Noire, pourtant les Boucliers Void qui protégeaient le quart bâbord inférieur disparurent immédiatement. Depuis le strategium de Phalanx, Garadon repéra cette faiblesse momentanée et saisit l’occasion. Les batteries de son navire rugirent avec une fureur qui fit honneur à leur créateur. La première salve perça le blindage du Will of Eternity. La onzième le réduisit en poussière.

Les croiseurs renégats fonçaient sur les batteries de canons de Phalanx pour tenter désespérément de les réduire au silence. Certaines arrêtèrent de tirer, mais pas toutes. Phalanx continuait de pilonner la coque de la Forteresse Noire, ses obus explosant de plus en plus près de son cœur. Garadon ignorait les alarmes qui signalaient les brèches dans la coque, de même que les rapports affolés de l’équipage. La Forteresse Noire allait mourir, et Phalanx serait son bourreau.

À la salve suivante, quelque chose trembla à l’intérieur du Will of Eternity. Une fissure apparut sur le cœur de la Forteresse Noire, inondant le vide stellaire d’une lumière violacée. Alors que Phalanx s’éloignait tant bien que mal pour se mettre à l’abri, la brèche s’élargit et engloutit les navires proches. Dans un cri silencieux qui résonna en écho dans les esprits de toutes les créatures vivantes de la Porte Cadienne, le Will of Eternity se brisa et ses énergies ésotériques se dissipèrent en aurores boréales multicolores dans la haute atmosphère. Lorsqu’elles disparurent, un tiers de la Flotte Noire s’était évanoui dans l’Immaterium. Encore plus de vaisseaux avaient été réduits à l’état d’épaves à la dérive au-dessus du pôle sud de Cadia. Cependant, par quelque caprice du destin, la coque ravagée du Will of Eternity resta en orbite, telle une lune noire et morte toisant d’un œil vide la proie qui lui avait survécu.


Rapport 6121/6Y42

Origine : Chantier Naval de Fulguris Prime
Destinataire : Undying Glory ; vaisseau amiral de la flotte Fulguris
Expéditeur : >Inconnu<

Ils sont morts ! Ils sont tous morts… L’épidémie a commencé après l’arrivée de cette navette. D’abord par le Capitaine. Il crachait du pus et du sang avant même d’arriver au medicae.

Le Sergent Rackman disait que c’était voulu, que la maladie voulait commencer par le haut, mais il était déjà en plein délire. Je crois que cette diseuse de bonne aventure savait tout. Peut-être même qu’elle est responsable, et pas les passagers de la navette.

Le Lieutenant Groth ordonna de mettre le medicae en quarantaine, en vain. Les hommes pleuraient comme des enfants alors que leurs entrailles gonflaient et se déchiraient. Et ce n’était pas le pire. Le pire, c’était ces petits Démons qui sortaient des pustules en gloussant. Une nuée d’entre eux a emmené Groth et les autres, avec les plus gros de ces diablotins qui les chevauchaient comme s’ils faisaient un rodéo. J’ai survécu parce que je me suis réfugié dans le sas d’aération et que j’ai fait sauter les verrous des volets de sécurité. J’entends les cris dans le canal radio.

Je ne pensais pas que ça pouvait empirer jusqu’à ce que ce navire arrive. Il était entouré d’un brouillard vert, avec une proue dentée et un œil qui nous regardait. On n’a pas tiré la moindre salve, c’est pour ça que j’ai su que j’étais le dernier survivant. Le vaisseau n’a pas envoyé de navette, seulement des gros tuyaux huileux. Ils ont vidé le contenu des cales, les résidus immondes de toute cette infection. J’ose à peine imaginer pourquoi.

C’était il y a une semaine. J’ai trop faim. Il faut que je mange. Il faut que j’ouvre ce sas… <<<

Phalanx
Phalanx

Phalanx est une station de bataille mobile qui est à la fois la Forteresse-Monastère des Imperial Fists et leur plus puissant bâtiment de guerre. Par sa forme, il s’apparente plus à un planétoïde qu’à un navire conventionnel. C’est une gigantesque cathédrale de guerre qui ferait passer une Barge de Bataille pour un vaisseau d’escorte. Sa puissance de feu équivaut à celle de toute une armada.

Les secrets de la fabrication de Phalanx ont été perdus depuis longtemps, mais on sait que Rogal Dorn l’offrit à l’Empereur à l’occasion de leur première rencontre, et le navire sert depuis le Maître de l’Humanité. Au cours des jours de la Grande Croisade et de l’Hérésie, son ombre s’abattit au-dessus de nombreuses planètes pour annoncer la venue des Imperial Fists. Depuis cette époque, il est resté en orbite autour de Terra.

Toutefois, le passage du temps a affecté Phalanx, de même que son rôle de sentinelle, qui l’a poussé à combattre à plusieurs reprises. En dépit des efforts des Techmarines des Imperial Fists, de plus en plus de systèmes internes du bâtiment de guerre connaissent des pannes chaque année, et les connaissances nécessaires pour les réparer ont été perdues depuis longtemps. Jadis, Phalanx était un colosse qui parcourait les étoiles, mais son heure de gloire est passée. Récemment, il n’a que rarement quitté le système solaire, ses moteurs ne s’allumant qu’en temps de grande nécessité. Néanmoins, même s’il n’est plus que l’ombre de lui-même, Phalanx reste plus puissant que n’importe quel autre bâtiment de guerre de l’Humanité. L’histoire de Phalanx n’est pas terminée, car il a encore des batailles à livrer et des faits héroïques à accomplir.

Sur Cadia, les Chevaliers de la Maison Raven combinèrent leurs tirs à ceux des Thunderhawks des Imperial Fists. Leurs salves ne cessèrent que lorsque le Vessel of Damnation ne fut plus qu’une pile de débris fumants. Le 8e Cadien et les sœurs de Notre Dame des Martyrs aidèrent les défenseurs de Kasr Kraf à repousser les hérétiques du champ de parade. Pendant que Kell plantait le drapeau du 8e au-dessus des Portes de Kriegan récemment reconquises, Célestine et ses Geminae Superia, c’est-à-dire les Chanoinesses Genevieve et Eleanor, ressuscitées par l’aura de gloire de la Sainte Vivante, jetèrent le cadavre du Prince Démon Urkanthos du haut des murs, et la horde du Chaos dérouta.

Harcelés par les Loups de Fer et les Chevaliers de la Baronne Vardus, les assiégeants s’enfuirent vers le sud. Les cultistes et les hérétiques qui avaient perdu toute ferveur jetèrent leurs armes et supplièrent qu’on les épargne, mais la seule miséricorde à laquelle ils eurent droit fut celle du prométhéum sacré. Des milliers périrent, mais encore plus s’échappèrent. En dépit de la victoire de Phalanx, la supériorité aérienne était détenue par le Chaos. Les navettes de transport noircirent les cieux pour récupérer les bandes éparses en vue d’un autre assaut.

Creed établit un nouveau plan. Il n’espérait pas la victoire, au mieux la survie. Cadia retenait son souffle.

La baie d’observation cerclée de fer du Vengeful Spirit offrait une excellente vue sur l’échec d’Abaddon. Cadia était toujours là, au milieu de la mer d’étoiles, avec toute sa morgue.

On ne pouvait pas en dire autant du Will of Eternity. Ce n’était plus qu’une immense coquille noire entourée de débris. Sa double coque s’était fragmentée en trois morceaux, dont le plus petit était déjà quatre fois plus grand que le Vengeful Spirit. Le reste de la structure avait été pulvérisé, ou avalé par le Warp au cours du cataclysme qui avait détruit une grande partie de la Flotte Noire. Prozus Ghael, le Capitaine du Will of Eternity, avait survécu au désastre alors que des milliers d’autres étaient morts. Il allait vivre encore plusieurs siècles d’agonie avant de périr enfin, enfermé dans les catacombes du Vengeful Spirit, sous les mains des plus habiles tortionnaires.

« Urkanthos a échoué. » Abaddon ne se retourna pas pour s’adresser aux seigneurs de guerre sous ses ordres. Que ces laquais attendent patiemment la volonté de leur maître. Abaddon observait les vaisseaux de transport et les navettes qui ressemblaient à des nuées d’insectes, et qui rassemblaient ses forces en vue d’un nouvel assaut. Le Phalanx honni s’était retiré au niveau de l’équateur, comme un rat fuyant devant une meute enragée. L’effet de surprise avait été la meilleure arme de la vieille station de bataille, et elle l’avait définitivement perdue.

Abaddon se tourna enfin vers ses lieutenants. Zaraphiston. Zagthean. Skyrak. Korda. Tous détournaient le regard, de crainte de subir le courroux de leur maître suite à l’échec d’Urkanthos. La gloire et la déchéance. Deux faces d’une même lame capables de trancher une gorge. Qui serait le premier à prendre la parole ?

Zagthean, sans doute. Sa rivalité avec le Prince Démon banni était aussi évidente que celle qui opposait leurs dieux. Skyrak était trop prudent. Et Korda trop occupé à retrouver sa place au sein des Emperor's Children.

Zaraphiston… Zaraphiston avait probablement lu les présages, et il avait sans doute une idée de ce que le futur réservait. Son silence pouvait aussi bien provenir de sa peur que de son machiavélisme. Ygethmor aurait déjà parlé dans l’intention de prouver sa valeur. Mais Ygethmor était mort depuis longtemps. Cela n’avait aucune importance. Il avait déjà pris sa décision.

Le Vengeful Spirit avait connu l’échec trop souvent. Cela devait cesser.

« Seigneur Abaddon. » dit Zagthean en s’avançant d’un pas. « Accordez-moi l’honneur de l’attaque, et je vous rapporterai les têtes de nos ennemis. »

« Non. » La réponse résonna dans la chambre. Aucune objection ne s’éleva.

« Ce monde me défie depuis dix mille ans. C’en est trop. » Abaddon dégaina Drach’nyen. Les Démons enfermés dans sa lame vagirent et leurs visages dansèrent sur la lame en anticipant le massacre à venir. « Rassemblez vos guerriers. Je vais vaincre Cadia et briser ses armées. »

Zaraphiston sourit comme quelqu’un qui connaissait les réponses aux questions que personne n’osait poser « Autrement… ? »

Abaddon enfonça l’épée dans le sol de métal rouillé. « Autrement tout ne sera plus que poussière, et vous vous battrez comme des chiens pour mon trône. D’une façon ou d’une autre, cela doit se terminer. »

Prozus Ghael, le Capitaine du Will of Eternity, avait survécu au désastre alors que des milliers d’autres étaient morts. Il allait vivre encore plusieurs siècles d’agonie avant de périr enfin, enfermé dans les catacombes du Vengeful Spirit, sous les mains des plus habiles tortionnaires.

Le Clairon de la Vérité

Que cela se finisse.

Lorsque l’aube se leva le matin suivant, des flammes de prométhéum montaient en rougeoyant vers le ciel. Les défenseurs de Kasr Kraf n’avaient ni le temps, ni les effectifs pour enterrer les morts, et se contentaient de les honorer par des bûchers hâtifs. De temps à autre, le vent changeait, et on percevait le grondement d’une bataille au sud, là où les Chevaliers de la Baronne Vardus exterminaient les traîtres abandonnés par la Flotte Noire. Les bûchers brûlèrent pendant deux jours et deux nuits afin d’éviter aux cadavres des justes d’être corrompus d’une façon ou d’une autre par les Dieux Sombres.

Ces rites funéraires avaient été entrepris à la demande de Célestine, et Creed s’était empressé d’obéir, non pas par respect pour elle, ni même par nécessité, mais parce qu’il souhaitait occuper ses soldats, l’oisiveté étant la mère de tous les vices. Ils allaient bientôt réaliser la sinistre vérité, une vérité que Creed avait acceptée avant même que Célestine jette le corps d’Urthankos du haut des murs : le dernier acte de résistance de Kasr Kraf était passé. Les hordes d’Abaddon reviendraient. Creed en était certain, ne serait-ce qu’à cause de la présence des spectres de la Légion des Damnés sur les remparts, surveillant le champ de pylônes d’Elysion. Si Cadia devait encore résister, ce serait ailleurs.

C’est ainsi que Creed laissait la Sainte Vivante présider aux célébrations funéraires, se félicitant qu’elle choie le moral des troupes et qu’elle chasse toute idée de fuite. L’arrivée Phalanx était une autre opportunité. Même si elle avait été dévastée au cours de son incursion au beau milieu de la Flotte Noire, la station de bataille était encore capable de voyager dans le Warp, et elle pourrait emmener une grande partie des forces encore présentes sur Cadia. Une voix dans la tête de Creed lui intimait de rester et de se battre, mais plus il y réfléchissait, plus il se demandait si cette voix n’était pas celle de l’orgueil plutôt que celle du devoir. Peut-être que Cadia avait joué le rôle qu’elle devait, et qu’il était grand temps de défendre les abords de la Porte Cadienne depuis les systèmes Agripinaa ou Belis Corona.

Peu à peu, des renforts arrivaient d’autres zones. Certains furent détruits par les canons de la Flotte Noire dès qu’ils entrèrent dans l’espace réel. La plupart eurent de la chance, et bravèrent les zones de tir au-dessus de l’équateur pour se placer à côté de la présence rassurante de Phalanx. Le premier à le faire fut le Capitaine Ruis Tracinto de la 5ee Compagnie des Crimson Fists. Il avait été chassé de Kasr Partox en même temps que les survivants du 14e Cadien. Une dizaine de croiseurs en piteux état arrivèrent de Solar Mariatus, leurs soutes occupées par les chars du 51e Blindé et par les Chevaliers de la Maison Taranis. Les équipages racontèrent leur fuite in extremis face à un adversaire supérieur en nombre, qui n’avait été un succès que parce que des croiseurs gris étaient sortis du Warp et avaient abordé les vaisseaux de tête des poursuivants. Lorsqu’il apprit que ces croiseurs appartenaient aux Space Wolves, Creed demanda à Orven Highfell s’il pouvait s’attendre à d’autres renforts en provenance de Fenris. La seule réponse qu’il reçut fut un regard glacial.

Le dernier renfort à arriver fut non seulement le plus inattendu, mais aussi le plus important. C’était une flotte du Mechanicus en provenance du système Eriad. Toujours pragmatique, Creed voyait là l’occasion de regarnir une partie des défenses en ruine de Cadia, mais en cela, il fut déçu. Les nouveaux venus avaient connu leurs propres déconvenues, et si leur flotte était intacte, on ne pouvait pas en dire autant des manipules de Skitarii, des artificiers et des sapeurs de combat, qui avaient été décimés en défendant un site archéologique. Pire encore, le commandant de la flotte, l’Archimagos Belisarius Cawl, prévint Creed d’un danger que celui-ci eut peine à croire au début, car les implications étaient telles qu’elles dépassaient largement Cadia, et englobaient l’Imperium, voire la galaxie tout entière.

Au cours d’un conseil de guerre tenu dans le bastion de commandement en ruine de Kasr Kraf, Cawl dévoila la nature de ses découvertes sur Eriad. Peu de personnes présentes comprirent sa théorie dans les moindres détails, car l’Archimagos émaillait son discours de phrases en binaire et de cantiques à l’Omnimessie, et ses explications en Haut Gothique étaient si obscures qu’elles n’étaient pas d’un grand secours. Néanmoins, l’idée générale était aussi évidente à comprendre qu’effrayante à envisager : depuis des éons, les pylônes de Cadia et d’autres planètes maintenaient en place le tissu de la réalité. S’ils étaient anéantis, l’Immaterium engloutirait tout. Cela faisait dix mille ans qu’Abaddon détruisait méthodiquement les champs de pylônes dans le but d’affaiblir l’univers réel.

Tous auraient voulu pouvoir réfuter les affirmations de Cawl, mais la véracité de ses dires semblait patente. De plus, cette théorie était largement étayée. Les ténèbres qui s’étendaient au fil des millénaires. Les tempêtes Warp de plus en plus fréquentes. L’obsession d’Abaddon pour Cadia. Les Croisades Noires précédentes, considérées comme des échecs, qui avaient été en fait des réussites stratégiques sans que l’Imperium le sache. Cancephalus. Arkreath. Kromarch. La Guerre Gothique. Depuis des millénaires, ces événements avaient été considérés comme des faits isolés. Désormais, ils révélaient la véritable nature du plan d’Abaddon.

Cawl ne révéla pas tout ce qu’il savait ou ce qu’il soupçonnait. Il ne parla pas des messages énigmatiques de Marchemonde. Cependant, il affirma que tout n’était pas perdu, car les pylônes pouvaient être la clé de la défaite d’Abaddon tout autant que de sa victoire. Certes, c’était là une simple supposition, la première que l’Archimagos se hasardait à faire depuis des siècles, et encore, uniquement parce qu’il ne s’adressait pas à des Adeptes de l’Omnimessie. Et malgré tout, Cawl se persuadait que ses paroles recelaient une once de vérité. Les pylônes étaient des outils, et un des préceptes fondamentaux de l’Adeptus Mechanicus était que seuls les esprits étroits faisaient une différence entre un outil adapté et une arme bien affûtée…

Il n’existait aucun moyen de savoir combien de pylônes avaient déjà été détruits, et donc d’évaluer à quel point la galaxie était proche de la destruction. Néanmoins, Creed était sûr d’une chose : abandonner Cadia n’était plus une option. Il fallait priver Abaddon de sa proie, comme cela avait été fait depuis des millénaires. Il suffisait simplement de trouver comment accomplir l’impossible. Et vite, avant que la Flotte Noire lance un nouvel assaut…


La première manœuvre eut lieu dans le ciel. Les moteurs à plasma fatigués de Phalanx l’emmenèrent vers le sud, afin qu’il se place en orbite géostationnaire au-dessus du champ de pylônes de Cadia Secundus. Tous les yeux sur le pont scrutaient les Auspex et les senseurs pour voir si la Flotte Noire tentait de contrer ce déplacement. Il n’y eut aucune réaction de sa part. Visiblement, Phalanx avait appris aux Capitaines d’Abaddon à se montrer prudents, et il semblait qu’aucun d’eux ne souhaitait une nouvelle confrontation pour l’instant.

Creed put alors réorganiser ses défenses. Des tranchées et des lignes Aegis furent aménagées sur les champs de pylônes d’Elysion. Les catacombes, normalement envisagées comme ultime ligne de défense, devinrent le cœur d’une forteresse improvisée. Des rangs de Cadiens se postèrent aux côtés des guerrières de Notre Dame des Martyrs. Sous le sol, les Adeptes de Cawl s’affairaient sous la protection des Skitarii.

L’Adeptus Astartes renforcé par les Crimson Fists et les survivants de Garadon formèrent une force de frappe sous les ordres de Korahael. Seuls les Loups de Fer refusèrent de s’y joindre. Korahael mit cela sur le compte de la rivalité entre les Loups et son Chapitre, mais Garadon n’en était pas certain. Il avait combattu de nombreuses fois aux côtés des Fils de Russ, et il n’en avait jamais rencontré d’aussi taciturnes que les Loups de Fer. Et cette nuit-là, lorsque le vent porta des hurlements distants jusqu’à Elysion, Garadon eut un frisson qui lui courut le long de l’échine, même s’il ne sut pas pourquoi.

Le vent hurlait autour des spires alors que Highfell approchait d’un pas lourd. Non. Il n’y avait décidément pas que le vent.

Le Prêtre Space Wolf attendait en silence devant la porte. Brisé par le bombardement de la Flotte Noire, le bastion n’était plus un poste défensif valable, mais il pouvait encore servir de cage.

« Combien ? » s’enquit Highfell.

Harkan se pinça les lèvres et les points de sa moustache tressée s’agitèrent. « Trois de plus… »

Highfell fit un effort pour conserver un visage neutre. La Malédiction les poursuivait depuis Mygdal. Elle les aurait jusqu’au dernier.

Il se tourna vers Harkan, lui aussi impassible. « On les garde enfermés. Ils serviront une dernière fois au combat. Comme nous tous. »


Les heures s’égrenaient jusqu’à l’inévitable. L’attente était pire que la peur de la mort. Tous ceux qui se trouvaient sur les Champs d’Elysion, aussi bien les Cadiens que ceux originaires d’autres planètes, attendaient en silence que la bataille commence et qu’ils connaissent la gloire ou le trépas. Que cela se finisse.

Célestine et ses Geminae Superia planaient silencieusement dans le ciel, leurs auras étincelant dans un ciel aussi noir que le futur de l’Imperium. La Sainte Vivante était bien consciente de l’anxiété des troupes. Elle-même était assaillie de visions cauchemardesques, de forteresses en flammes, de défenseurs noyés dans des mares de sang. Dans ces rêves, ses ailes étaient brisées et elle était impuissante à stopper le massacre, et elle finissait elle aussi par se noyer dans les flots écarlates. Malgré tout, il y avait systématiquement une présence, la silhouette d’un guerrier qui paraissait familière sans l’être vraiment, piégé dans un mur de glace avec les cadavres de la Black Legion. Chaque matin, Célestine avait cette même vision. Elle finirait par comprendre ce qu’elle signifiait. D’ici là, l’Empereur les guiderait, comme Il l’avait toujours fait, et elle serait Son bras armé.


Sous les racines des pylônes, Belisarius Cawl se battait pour découvrir des secrets cachés à l’Humanité depuis des dizaines de milliers d’années. Ses postes de fusion attaquaient la pierre antique pendant des heures simplement pour en extraire quelques échantillons à analyser. Cawl envoyait des Serviteurs-sondes dans les plus grosses failles du pylône, utilisait tous les outils à sa disposition qu’il avait sauvés d’Eriad VI. En vain. La surface noire résistait à toute tentative d’intrusion. Le contact était perdu avec chaque Serviteur exactement six secondes après qu’ils eurent disparu dans la faille. Les Servo-augures ne rapportaient rien de nouveau.

Tout ce que Cawl savait, c’était que le faible niveau de résonance déjà quantifié par ses prédécesseurs, gagnait en amplitude. Plusieurs pylônes montraient des signes de faiblesse, comme si leur résistance à l’Immaterium les érodait lentement. Cawl supposait que lorsqu’un pylône était détruit, l’énergie Warp qu’il repoussait jusqu’alors était redirigée vers les autres, même s’ils étaient situés sur des planètes distantes. Est-ce que Cadia était la dernière d’entre elles ? L’Archimagos l’ignorait, mais considérait cette éventualité comme logique. Toutefois, les pylônes refusaient de révéler leur secret. Jusqu’à ce qu’une certaine silhouette encapuchonnée se manifeste…

Cawl déconnecta sa conscience primaire de l’écran de donnée du Servo-augure et releva la tête. La masse du pylône formait une ombre qui montait jusqu’au plafond de la caverne. Elle semblait se moquer de lui. Il avait l’impression d’avoir renoncé à un secret sur Eriad pour se heurter à une nouvelle énigme. Il cherchait depuis des jours sans trouver de réponse.

Est-ce que Marchemonde l’avait trompé ? Ou avait-il imaginé que ses paroles sous-entendaient plus que la réalité ? Était-ce une façon de détourner son attention pendant qu’elle projetait de dérober le reliquaire ? Cawl sentit que son respirateur accélérait automatiquement la cadence. Il ne pouvait comprendre pourquoi elle ferait une chose pareille, mais qui était-il pour tenter de savoir ce qui se tramait à l’intérieur de la tête d’un Xenos ?

Une sensation familière s’insinua par ses filaments-senseurs. Il n’était pas seul. Il semblait que Cadia avait plus de similitudes avec Eriad VI qu’il ne l’aurait cru. « J’avais prévu votre venue, Marchemonde… »

Il fit volte-face. L’intrus n’était pas Marchemonde. Ses yeux verts flamboyaient sous sa capuche en écailles métalliques, et le noyau énergétique de son sceptre luisait.

« Je ne te veux pas de mal, » dit l’intrus en penchant la tête. « Est-ce que mes paroles sont correctes ? J’ai l’impression qu’aucun de nous deux ne les croit. » Il fit une pause. « Attends une seconde… comment m’as-tu appelé ? »

Les circuits secondaires de Cawl s’allumèrent et téléchargèrent d’antiques données. Un Nécron. L’incarnation sans âme de la Force Motrice. Un blasphème envers l’Omnimessie.

Son arc à fusion s’alluma automatiquement. « Tu es une abomination. »

Le Nécron restait détendu. « Normalement, ou me traite plutôt de voleur. Dans tous les cas, nous partageons une cause commune. »

Cawl hésita à activer les vrilles de ses armes pour passer en stature guerrière. Il s’imaginait déjà en train de disséquer cette proie. « La logique m’assure du contraire. »

« Tu ne cherches pas à comprendre la nature de cette matrice ? » L’arc à fusion se coupa sur un ordre mental de Cawl. Voilà qui était inattendu. Était-ce une ruse de la part de cette abomination pour tenter de survivre ? « Tu connais ce secret ? »

« J’étais là lorsque les premiers de ces pylônes ont été posés. Enfin, je crois… Au sein de ton peuple, toi mieux que quiconque dois savoir à quel point la mémoire est fluctuante… »

Cawl siffla de colère. « Nous n’avons rien en commun. »

« Peut-être. J’étais enchaîné lors de mon Biotransfert, alors que toi, tu as excisé peu à peu ton humanité de ton plein gré. » Le Nécron s’approcha, ses yeux deux flammes vertes. « Toutefois, aucun de nous ne souhaite voir cette galaxie déchirée par Ceux de l’Empyrean. Tu peux me détruire, j’irai simplement me reconstituer ailleurs. Rien ne changera. Ni pour toi, ni pour moi, ni pour cette planète. »

Cawl analysait les possibilités. D’abord un Aeldari qui le guidait, maintenant un Nécron qui lui offrait son aide. Et si ses connaissances permettaient de sauver l’Imperium de l’Omnimessie ? « Je t’écoute… »

Aiguillé dans sa façon de penser, l’Archimagos comprit enfin l’élégance de la conception des pylônes, de la technologie dont les capacités dépassaient les rêves les plus fous de ses mentors disparus depuis longtemps. Même si son fonctionnement exact restait hors de sa compréhension, Cawl saisit les intentions de leurs créateurs et se remit fiévreusement au travail.

Pendant ce temps, dans le vide au-dessus du pôle sud de Cadia, des hangars endormis s’éveillèrent, et des vaisseaux de transport s’élancèrent dans l’atmosphère, emmenant les débris d’une conquête ratée.

La Bataille d’Elysion allait commencer.


La Bataille des Champs d'Elysion

La première vague arriva de l’ouest. Des transports évitèrent la zone surveillée par les canons de Phalanx et vomirent une marée ignoble sur le champ de pylônes. Ces êtres provenaient d’une centaine de mondes prétendument libérés de la vénération du faux Empereur, des hommes dont les désirs et les ambitions égoïstes avaient été attisés par des mantras impies et de vaines promesses. Des Gangers de Mondes-Ruches, des ouvriers de Manufactorums, des déserteurs envahirent les plaines au pied des pylônes, aiguillonnés par les Apôtres Noirs qui évoluaient en leur sein. Lorsqu’ils franchirent une limite invisible, les canons de Phalanx tonnèrent et en anéantirent des centaines, sans que cela ralentisse ceux qui les suivaient.

Les survivants du 9e Cadien se retinrent de tirer jusqu’au dernier instant, en ignorant les balles de Fusil d'Assaut et de mitrailleuse qui passaient au-dessus d’eux. Tous se rappelaient la honte dont ils s’étaient couverts aux portes de Kriegan, lorsqu’ils avaient fui aux côtés du 33e. Chaque soldat avait perdu des amis lors des pénitences brutales infligées par les Commissaires. Cependant, c’était autre chose qui leur conférait leur résolution en cet instant. Les masses chantantes qui se ruaient vers le 9e étaient le sombre reflet de ce qu’ils auraient pu devenir s’ils avaient fait le mauvais choix. Les soldats du 9e haïssaient les cultistes pour cette raison. Aux ordres aboyés par les Sergents, les soldats accroupis au fond des tranchées se redressèrent et ouvrirent le feu. Les cultistes dépenaillés hurlaient et mouraient en tombant dans la poussière. Les voix des prêcheurs apostats se turent lorsque les ondes des explosions leur coupèrent le souffle. Des centaines périrent sous les tirs de Fusils Laser et le pilonnage des Canons Earthshaker, mais il en restait des milliers. Leurs bottes piétinèrent les cadavres de leurs camarades dans leur empressement d’atteindre l’ennemi.

Alors que les cultistes avançaient, le rugissement de moteurs à plasma annonça l’arrivée d’autres appareils au nord et à l’est.


Les sœurs de Notre Dame des Martyrs tenaient la ligne au nord. Elles étaient menées par Célestine et accueillirent les hordes de Machines-Démons sous les cantiques rageurs de leurs Bolters et les chœurs mortels de leurs Exorcistes. Les sororités de Séraphines zigzaguaient entre les pylônes en traquant les Techmanciens, afin qu’ils ne puissent pas remettre en état les machines de guerre endommagées. À l’est, les Chevaliers de la Baronne Vardus faisaient office d’artillerie mobile pour les chars du 185e qui s’opposaient aux Titans de la Legio Vulcanum et aux rangs innombrables des Crimson Slaughter. La fureur de ces combats faisait trembler le sol.

Pourtant, ce fut au sud, là où le 8e et le 21e Cadiens tenaient la ligne, que le véritable assaut d’Abaddon eut lieu. Au milieu des ruines des pylônes détruits depuis des éons, la Black Legion avançait en bravant la tempête de feu de Phalanx. Elle progressait en une colonne blindée de trois kilomètres de large sur six de long, flanquée par des Motards dont les engins soulevaient des nuages de poussière. Il y avait là des bannières qui avaient participé au Siège de Terra, et qui claquaient férocement dans le vent du désert. Les obus pleuvaient au milieu de cette formation, et la zone sud fut bientôt constellée d’épaves tordues. Des Métadracs volaient en rase-mottes et échangeaient des tirs avec les positions d’artillerie. Les Hydres du 8e engagèrent les Démons, cependant ils étaient trop nombreux, si bien qu’elles ne pouvaient qu’espérer les ralentir, et en aucun cas les exterminer.

Ses alliés étant tous assaillis, et sans soutien orbital en dehors des canons de Phalanx, Korahael décida de séparer les éléments de sa force de frappe. Les Black Templars d’Amalrich et les Imperial Fists de Garadon renforcèrent les lignes au sud, pendant que les Crimson Fists et la propre 4e Compagnie de Korahael se rendaient au nord. Il n’y avait aucun rapport précis à propos des Loups de Fer, même si des observateurs du 8e notèrent que des épaves de la Black Legion s’amoncelaient autour d’un bastion en ruine, à quelque distance au sud-ouest des tranchées.


Rapport K452/8T89

Origine : Kasr Sonnen Transmetteur Orbital
Destinataire : Relais de Cdt de l’Astra Militarum (Secteur Cadien)
Expéditeur : Colonel Strass, 4e Cadien

Seigneur Castellan,

Kasr Sonnen tient bon, mais je ne saurais dire pour combien de temps encore. Les assaillants sont bien plus nombreux que prévu.

L’Alpha Legion a mené chaque attaque à la tête de ses cultistes. Des insurrections civiles ont eu lieu là où les traîtres ont atterri, ce qui suggère une longue campagne d’infiltration ayant précédé leur arrivée. Conformément à l’ordre 63/Gamma, j’ai ramené la paix de l’Empereur dans toutes les villes suspectées de déloyauté. Si Kasr Sonnen survit, son repeuplement sera une priorité absolue.

Néanmoins, nos chances de survie sont faibles. Les docks lunaires de Strobos et Panecra ont été envahis. La forteresse polaire de Kasr Torr est tombée. Nous tenons encore les citadelles des Plaines de Larcanis, mais très difficilement. Sans l’intervention des troupes de l’Adeptus Astartes de la Doom Legion et des Fire Lords, elles seraient tombées. Selon les estimations, nous pouvons encore les tenir sept jours, peut-être huit, mais cela me semble très optimiste. Après, il ne restera que les redoutes de la Cordillère de Kormic, et seules, elles ne tiendront pas longtemps. Si nous ne recevons pas de renforts d’ici deux ou trois jours, Kasr Sonnen sera aux Dieux Sombres.

Nous allons nous battre jusqu’à notre dernier souffle et tout faire pour que l’Alpha Legion regrette le jour où elle est venue sur Kasr Sonnen.

Cadia survivra.

Les heures passèrent. Les bandes de guerre d’Abaddon se refermaient sur les champs de pylônes tel un point ganté de fer pour étouffer les positions de Creed. Au sud, la Black Legion débarqué de ses transports cabossés et se jeta sur le 8e Cadien en poussant un cri de guerre guttural.

À l’est, la Baronne Vardus connut une mort digne de ses ancêtres lorsque son Chevalier endommagé porta un coup fatal au Reaver Furioso Rex avant que son réacteur à plasma explose. La disparition de la Baronne renforça la détermination de ses guerriers, et ceux qui périrent le firent avec une vaillance faisant honneur à la glorieuse histoire de la Maison Raven. Privé de l’appui des Chevaliers, le Colonel du 185e fut forcé d’ordonner une retraite tactique, en oubliant dans son effroi qu’il n’y avait plus de terrain à céder.

La ligne orientale serait sans doute tombée en cet instant sans l’intervention de la 4e Compagnie de Korahael et de la 5e Compagnie de Tracinto. Plongeant du ciel à bord de Thunderhawks, elles atteignirent les défenses au moment où Sevastus Kranon menait ses traîtres en armures rouges dans un ultime assaut. Pendant que les vétérans Devastators des Crimson Fists tenaient en respect les derniers Titans du Chaos, les Space Marines loyalistes et renégats s’affrontaient entre les carcasses fumantes de la Maison Raven.

À Kasr Kraf, le 9e Cadien avait fui. Aux Champs d’Elysion, ses soldats moururent par centaines sans fléchir, opposant leur volonté de rédemption à la démence enragée de leurs adversaires. Néanmoins, leur ligne se rétrécissait inexorablement sous le poids du nombre. S’apercevant du danger, Creed envoya des réserves vers l’ouest, toutefois l’ennemi était trop populeux. Même si les étendards du 75e et du 403e parvinrent aux tranchées occidentales avant que ces dernières fussent submergées, il était trop tard pour sauver le 9e. Il avait finalement trouvé la rédemption dans un ultime sacrifice.

Le jour céda à la nuit, puis une nouvelle aube se leva. Chaque heure voyait périr des centaines de héros. Aucune Machine-Démon ne réussit à traverser les tranchées septentrionales, car les sœurs de Notre Dame des Martyrs contre-attaquèrent sans hésiter. Elles étaient auréolées de lumière et la Volonté de l’Empereur courait dans leurs veines. Leur audace leur valut de lourdes pertes, mais elles ne ressentaient ni la douleur, ni la peur grâce à la présence de Célestine.

À l’est, Ruis Tracinto mourut sous le Poing Tronçonneur de Baranox Rêve de Sang, avant d’être vengé par l’épée relique de Korahael. Au sud, le Colonel du 21e, poussé dans les tréfonds de la folie par les voix démoniaques qui le hantaient depuis la chute de Kasr Kraf, s’empara finalement d’un micro vox et ordonna une retraite générale. Il mourut avant d’avoir pu réitérer son ordre, le Pistolet Bolter du Commissaire Stranh lui administrant la Miséricorde de l’Empereur, cependant le mal était fait. Le moral durement éprouvé du 21e flancha. Creed se mit en devoir de rallier ces troupes en beuglant autoritairement dans le vox, mais il dut s’interrompre lorsque ses propres positions furent assaillies.

Abaddon avait juré de briser la résistance de Cadia de ses propres mains, et il ne se rendit pas seul au combat. Les Porteurs de Désespoir, leurs piques à trophées décorées de têtes d’officiers Cadiens, se téléportèrent au cœur du bastion de commandement. Des dizaines de défenseurs moururent en un clin d’œil. Seul Creed survécut, quand il fut jeté dans une Valkyrie par Kell, cet acte héroïque et altruiste étant le dernier d’une vie vouée à la loyauté et au devoir…

Le Bolt disloqua le genou de Kell. Il fut envahi par une douleur insoutenable, mais trouva la force de pousser son Seigneur Castellan à l’intérieur de la Valkyrie sur le point de décoller. « Partez ! Vite ! »

Le pilote de la Valkyrie n’avait pas besoin de l’entendre deux fois. Il fit vrombir ses moteurs et décolla, emmenant Creed en sécurité, ou tout au moins en un lieu moins dangereux. Ce n’est qu’alors que Kell accepta de prêter l’oreille à ses souffrances. Posant la hampe du 8e sur le sol, il l’utilisa pour rester debout. Sa vision se brouilla. D’immenses silhouettes noires le surplombaient. Leurs dorures étaient maculées de sang.

Un gantelet se referma autour de la gorge de Kell et le souleva comme une poupée de chiffons.

Des yeux noirs sur un visage à la peau cadavérique l’observaient. Abaddon. Kell n’avait pas peur. Il se savait déjà mort. Que risquait-il de pire ? Seul comptait l’honneur.

« Une telle dévotion pour une cause si pitoyable… » maugréa le Fléau.

Kell lui cracha un jet de salive ensanglantée au visage. « Cadia survivra ! »

Abaddon eut un rire méprisant avant d’arborer un sourire sardonique. « Je ne crois pas… »

Le dernier son que Kell entendit fut celui de sa nuque qui se brisait.


Korahael rallia ses Dark Angels à l’ombre d’un immense pylône. Tandis que le Crimson Slaughter reprenait ses cris de guerre, les Fils de Caliban se préparèrent à vendre chèrement leurs vies.

L’état-major du 8e avant été massacré et le 21e étant en déroute, le front sud s’effondra. Murmurant des prières aux Dieux Sombres, les Élus d’Abaddon prirent les dernières tranchées tenues par le 21e et semèrent la mort en se dirigeant vers l’est et les Champs d’Elysion. Amalrich et Garadon plantèrent leurs bannières face à la Black Legion, et leurs guerriers formèrent un mur noir et doré bloquant tout passage. Si seule la bravoure avait pu décider de la victoire, les Champs d’Elysion auraient pu rester aux mains de l’Imperium, toutefois les Fils de Dorn étaient trop peu nombreux face à un raz-de-marée d’ennemis. Leurs positions furent rapidement cernées par une mer de démence, et les traîtres poursuivirent leur chemin.

Les compagnies d’artillerie du 185e périrent en premier, attaquées d’une direction qu’elles supposaient sécurisée. Alors que les nuées noires détruisaient les escadrons de commandement du 185e, les Frères de Bataille des Crimson Fists contre-attaquèrent, avides de venger la mort de leur Capitaine. Privé de ses alliés les plus fiables, Korahael rallia ses Dark Angels à l’ombre d’un immense pylône. Tandis que le Crimson Slaughter reprenait ses cris de guerre, les Fils de Caliban se préparèrent à vendre chèrement leurs vies.


À l’ouest, le 75e et le 403e défendaient un rempart de cadavres. Le mur de corps calcinés et sanglants s’agrandissait à chaque nouvel assaut, pourtant les cultistes continuaient d’attaquer avec la même ferveur extatique. Cependant, alors qu’un assaut de plus s’embourbait dans les piles de charognes, les chants des cultistes changèrent de ton. Un feu maudit s’alluma autour des icônes rouillées, des prières noires montèrent, et les premiers Démons apparurent sur les Champs d’Elysion dans des nappes de fumée mystique.

Les silhouettes des habitants du Warp étaient intangibles, et ressemblaient à des fantômes à l’ombre des antiques pylônes, toutefois leurs griffes étaient bien réelles, et leurs chants entêtants étaient plus dérangeants que jamais. Le feu Warp lécha les défenses impériales tandis que des Démonettes dansaient au-dessus des cadavres avant de se jeter sur les soldats pris de court. Le front ouest s’effondra en quelques instants.

Célestine repéra le danger. Ce n’était qu’au nord que l’assaut des traîtres avait été stoppé par le zèle de l’Adepta Sororitas. Même si ces guerrières avaient payé un coût élevé, elles avaient remporté une victoire. La lumière de la Sainte Vivante brillait toujours intensément, et la valeur de ses Geminae Superia ressuscitées était évidente. Elles se dirigèrent vers le sud au son des hymnes de bataille, délivrant des salves de Bolter meurtrières tout en progressant.


Alors que les survivants du 8e Cadien battaient en retraite dans les catacombes, Abaddon menait ses Terminators dans une poursuite impitoyable. D’autres bandes de guerre les suivaient, et bientôt, les passages souterrains résonnèrent du fracas des Autocanons et des hurlements des mourants. Appuyés par les Skitarii de Cawl, les soldats du 8e combattaient comme des lions. Chaque sas blindé devenait un point de résistance où les sacrifices des hommes permettaient de gagner un temps précieux. Chaque carrefour était un charnier âprement contesté.

Creed combattait avec l’arrière-garde et menait par l’exemple. Il savait que le 8e avait besoin d’un point de repère, puisqu’il avait perdu son étendard, afin de garder espoir dans cette bataille qui virait au massacre. Il pouvait être fier de ses hommes, car ils se couvrirent de gloire. Ils auraient suivi Creed dans les flammes d’un Monde Démon s’il le leur avait ordonné, et lors de chaque escarmouche, ils donnaient leurs vies avec abnégation pour ralentir la progression d’Abaddon.


L’Archimagos Cawl poursuivait sa tâche au plus profond des catacombes. Obéissant aux indications de Trazyn, il concentrait toute son attention sur le pylône qui servait de relais à tous ceux des Champs d’Elysion. Les vrilles de sa conscience mécanique s’aventuraient de plus en plus profondément dans les circuits du pylône, et sa compréhension de cette création s’approfondissait au fil de ses calculs en binaire. Enfin, il prit conscience du rôle exact du champ de pylônes, de l’élégance d’une invention ayant des millénaires d’avance sur les connaissances de l’Adeptus Mechanicus.

Trazyn l’Infini observait depuis les ombres en prenant soin de ne pas provoquer les Kataphrons chargés de le détruire au moindre soupçon de trahison. D’ailleurs, il ne savait pas encore lui-même s’il allait rester loyal ou non. Les possibilités offertes par le futur qui s’ouvrait à lui étaient tentantes, et pourtant… était-il ici en tant que voleur ou que sauveur ? Comment pouvait-il se décider ? L’incertitude le poussait donc à rester inactif pendant que l’Archimagos travaillait d’arrache-pied.


Le mur ouest de la caverne s’effondra dans un grondement étouffé. Des traîtres en armures noires se jetèrent sur la ligne d’Électro-Prêtres, qui ne tarda pas à succomber. Abaddon était à la tête de ses élus, et disloquait sans efforts les corps de ses ennemis avec Drach’nyen. Cawl n’était même pas conscient de la présence des intrus tant la trinité de son esprit était submergée par la joie de la découverte. Trazyn observa les Canons à Torsion des Kataphrons ouvrir le feu contre les traîtres, mais il sut que cela ne suffirait pas. Voleur, ou sauveur ? On venait de décider pour lui. Pour l’instant, tout du moins. Fouillant sous les écailles de sa cape, il produisit le polygone fractal d’un labyrinthe tesseract et la lança dans la mêlée. Il rebondit deux fois tandis que son champ d’énergie se décomposait en filaments éthérés, jusqu’à ce que la dimension de poche qu’il contenait fasse apparaître une petite armée au beau milieu de la caverne.

Ces n’était pas une phalange de Nécrons, ni même des troupes issues d’un même monde. Ce labyrinthe tesseract contenait une minuscule portion de la collection impériale de Trazyn, sélectionnée dans des archives pleines ou dans des mausolées de stockage contenant des sauvegardes et des doublons. Certaines de ces troupes se trouvaient dans les champs de stase de Solemnace depuis des millénaires, sans pour autant avoir conscience du passage du temps. D’autres n’avaient rejoint la collection que depuis quelques années, voire quelques mois.

Pour le Lieutenant-Commandeur Cerantes des Ultramarines, un battement de cœur s’était écoulé depuis les jours sombres de l’Hérésie d'Horus. Ses Dreadnoughts Contemptor et ses frères mortels n’avaient pas besoin d’un signe autre que celui des icônes blasphématoires du Chaos, et ils se jetèrent au combat.

D’autres ne furent pas aussi prompts à agir. Le XXIe Vostroyen, capturé au cours d’une des nombreuses offensives des Peaux-Vertes dans le Segmentum Obscurus, était affligé du mal de stase. Les soldats avaient des vertiges et des nausées, toutefois, le vacarme des combats eut tôt fait de les ramener à la réalité, ne serait-ce que parce que leur instinct de survie reprit le dessus. Il y avait aussi des snipers de l’ancienne Tanith, des Salamanders perdus pendant le Désastre de Klovia, et même un unique guerrier en armure dorée dont le cimier rouge et l’aigle bicéphale étaient rarement vus au-delà du berceau de l’Humanité.

Avec l’arrivée inattendue de tels renforts, l’attaque de la Black Legion s’essouffla. Une fois son devoir accompli, Trazyn retourna dans les ombres. Il avait décidé d’être un sauveur en cet instant, mais il ne comptait pas pour autant se sacrifier.

Certains guerriers jaillis du labyrinthe tesseract ne participèrent pas au combat, et se contentèrent de l’observer. Ce fut le cas de Katarinya Greyfax, Inquisitrice de l’Ordo Hereticus, car elle ne faisait jamais preuve de précipitation. Ses gardes du corps du 55e des Aigles de Kappic avaient eux aussi appris des leçons à ses côtés. Même s’ils avaient épaulé leurs Fusils Laser pour protéger leur maîtresse au cas ou les combats l’atteindraient, ils ne tirèrent pas.

« Monsieur, il y a des mouvements dans la zone saturée de débris à la dérive de la Forteresse Noire. »

Le Commodore Trevaux se rendit près de l’affichage holographique des Auspex. Les senseurs de Phalanx avaient souffert, comme le reste du bâtiment, toutefois ils étaient encore en mesure de capter des signaux avec fiabilité. Une dizaine de croiseurs prenaient le risque d’entrer en collision avec les débris, en se rendant au milieu de leur nuage.

« À quoi jouent-ils ? »

C’était une question rhétorique. Quoi que la Flotte Noire cherchât dans les débris, le devoir de Trevaux était de l’empêcher de le trouver. « Trevaux au pilote ! Emmenez-nous vers le nuage de débris. Officier des communications ! Envoyez une requête à nos alliés du Mechanicus afin

qu’ils nous couvrent sur la zone d’engagement tribord. Le générateur de bouclier y est toujours désactivé et nos senseurs ne répondent plus sur cette section… »

Le pont trembla quand Phalanx se mit en route. Trevaux jeta un coup d’œil à travers la baie d’observation pour vérifier si la Flotte Noire réagissait. Pour l’instant, elle ne bougeait pas. Serait-ce un piège ?

L’officier des communications releva la tête de sa console. « La flotte du Mechanicus accepte notre requête… »

Effectivement, la flotte rouge se déplaçait, à l’exception d’Arche Mechanicus. Trevaux savait qu’il était inutile de demander pourquoi, et se contenta des navires que les Adeptes de Mars avaient accepté d’envoyer.

Chapitre III : LE GLAS DE MINUIT

« La Foi. Entre de bonnes mains, c’est l’arme la plus puissante de l’Humanité. Mais même la meilleure lame peu faillir à cause de son porteur. Entre les mauvaises mains, l’épée de la foi peut faire plus de dégâts au domaine de l’Empereur que tous les Démons du Warp réunis. C’est pourquoi ceux qui se prétendent les plus vertueux parmi nous doivent être soumis aux tests les plus sévères. »
- Inquisitrice Katarinya Greyfax.

La Colère d'Abaddon

Inquisitrice Katarinya Greyfax, l’Œil de l’Empereur.
Rapport T134/3U65

Origine : Sonde Relais Hydra Cordatus

Destinataire : Agripinaa

Expéditeur : Patrouilleur Skitarii Alpha 5-Vostok Harkon
Sigma Manipule, Agripinaa Legio XXII

Localisation : Champ de pylônes d’Hydra Cordatus, zone nord. 5.00021 kilomètres sous la surface de la planète.

Statut : Sigma Manipules attaqués par un assaillant inconnu. Lourdes pertes.

Statut : Les techniques de combat et les armures de l’attaquant suggèrent des troupes de l’Adeptus Astartes antérieures.

Conclusion : L’intrus appartient à la Flotte Noire.

Conjecture : L’intrus cherche quelque chose dans les catacombes.

Directive : L’incroyant doit soit être purgé. Béni soit l’Omnimessie !

Localisation : 6.11581 kilomètres sous la surface de la planète.

Statut : Embuscade à la crypte Delta-031. Lourdes pertes.

Statut : L’intrus opère seul.

Conclusion : L’intrus peut être vaincu.

Directive : Envoyer des renforts.

Localisation : 8.33942 kilomètres sous la surface de la planète.

Statut : Très lourdes pertes.

Statut : L’intrus résiste au-delà des paramètres standards de l’Astartes.

Statut : L’intrus a atteint la crypte Delta-001 et ne bouge plus.

Conclusion : L’intrus a atteint son objectif.

Statut : Les Auspex enregistrent des énergies inhabituelles. L’intrus approche.

Directive : Préparez-vous. Bénie sois la Force Motrice !

<fin de transmission>

La fureur de la guerre secouait la caverne nodale. Le choc de volontés incommensurables faisait trembler les soubassements de la planète. Comme dans les Champs d’Elysion, ce n’était pas une bataille de grandes stratégies. C’était une mêlée de combats au corps à corps, les mourants pouvant voir la haine dans les yeux de leurs bourreaux.

Le Lieutenant-Commandeur Cerantes savait que quelque chose clochait. La vision d’ensemble paraissait correcte, mais les détails ne collaient pas. Il semblait évident que l’ennemi était un nid de traîtres, ôtés à la lumière de l’Empereur, mais leur héraldique était inhabituelles. Même l’équipement de ses alliés était étrange, plus rudimentaire que ce qu’il aurait dû être. Mais une certitude dissipait ces doutes : les ennemis de l’Imperium s’étaient soulevés, et ils allaient être matés par la puissance d’Ultramar.


Le coup de tonnerre d’un obus Démolisseur arracha Cawl à sa rêverie binharique juste au moment où la dernière connexion synaptique se mettait en place. Ses yeux multifacettes se fixèrent ; son cerebrum bascula en mode guerrier. Le pylône aurait besoin de temps pour traiter ses instructions. Sa carapace grésilla quand un générateur tertiaire s’enclencha pour alimenter ses armes augmétiques. Il s’éclaircit les grilles vox et psalmodia machinalement les syllabes de la Lingua Technis. Électro-Prêtres et Skitarii reprirent l’hymne, et les bienfaits de l’Omnimessie raffermirent les lignes vacillantes.

La silhouette voûtée de Belisarius Cawl suscita une incertitude insolite dans le cœur noir d’Abaddon. Les Adeptes de Mars avaient-ils enfin discerné sa stratégie immémoriale ? L’incertitude fit place au doute. Abaddon voulait briser les défenseurs de Cadia avant de les jeter dans le néant. La hiérarchie brutale de la Flotte Noire exigeait une démonstration de force ; les Dieux Sombres la réclamaient. S’était-il trompé ? Horus avait échoué en cédant à la provocation, en cherchant la bataille alors qu’elle n’était pas nécessaire. Lui-même, Abaddon, avait-il péché par fierté ?

Estimant que la bataille de Cadia avait atteint son stade crucial, Abaddon ordonna à ses sorciers de faire une brèche dans l’Immaterium. À peine les premières fissures déchiraient-elles le voile de la réalité qu’un ost de Démons sanguinaires jaillit dans la caverne. Avec un grognement qui n’était pas uniquement destiné à ses ennemis, Abaddon puisa accordée jusqu’à la dernière goutte de force accordée par le Warp, et se jeta dans la bataille.


Le dernier Contemptor tomba, démembré par un trio de Métabrutus, et le sort des Ultramarines assombrit. Des flammes se mirent à danser dans l’air, pour former les silhouettes sinistres de la Légion des Damnés. Ils vinrent au secours des Ultramarines, leurs Bolters crachant le feu de l’âme pour consumer les corrompus. Un Démon de Slaanesh aux bras multiples guida une horde dans les rangs des Vostroyens, en donnant voix à des promesses fausses et blasphématoires. L’Atomiseur Solaire de Cawl s’embrasa, et la bête se désintégra en poussière lumineuse. Les Scions des Aigles de Kappic s’écroulèrent, vomissant une bile sanglante dans leurs masques comme les bienfaits de Nurgle s’installaient dans leurs poumons. Les Kataphrons concentrèrent leurs tirs et firent fondre une meute de Ferrocerberus. La grotte trembla, la poussière coulant de fissures nouvellement ouvertes. Des stalactites millénaires colossales tombèrent telle une pluie de pierre, écrasant traîtres et loyalistes.

Debout Cadia !

Le cri de guerre tonna dans les décombres du mur fendu de la grotte. Mille voix l’avait poussé, d’une direction que la Black Legion croyait sous son contrôle. Le 8e Cadien tira à nouveau, et en reprenant le cri de guerre de Creed - l’appel aux armes qui avait maintenu le moral de Cadia ces dernières semaines - ils bondirent par-dessus les ruines et les corps pour venger leurs camarades.

Des silhouettes hurlantes les accompagnaient, des mirages de crocs et d’armure gris ardoise, et portant le sceau des Loups de Fer. Les Wulfens, les Frères de Bataille atteints par la malédiction des Space Wolves depuis l’encerclement de Cadia, conduisaient la charge. Même ceux qui les suivaient, Highfell parmi eux, se battaient avec une sauvagerie bestiale dans le regard, leur humanité s’effaçant à chaque coup porté. Les Loups de Fer avaient adopté ce savoir. Ils savaient avec certitude que la sauvagerie de la guerre ne ferait qu’accélérer leur dégénérescence, mais ils déchaînaient la bête en eux, pour Russ et pour le Père de Tous.

La Black Legion continuait d’avancer. Ils étaient mus par dix mille ans de haine, de fierté et de fureur. Les Porteurs de Désespoir déchiraient les Ultramarines avec la lame et le poing, perforant les Armures Cataphractii et hachant la chair en dessous. La Serre d’Horus arracha le bras de Cerantes ; Drach’nyen le fendit en deux. La perte du Capitaine ne fit que raffermir la résolution de ses frères de bataille, et ils accueillirent la Black Legion avec la discipline instillée par la main même de Guilliman. Mais alors même que les Aigles de Kappic ouvraient le feu sur le flanc de la Black Legion, il apparut que la discipline et la fureur ne suffiraient pas à dominer des milliers d’années de haine.


Un pan du plafond grand comme une piste d’atterrissage s’écroula clans un grondement. Cadiens et Kappic s’éparpillèrent ou furent broyés sous les débris. La Black Legion continuait à se battre. Abaddon, le cadavre de Cerantes à ses pieds, chercha l’âme dont l’oblitération finirait par briser la volonté des défenseurs. La fierté avait conduit Abaddon ici ; elle ne pouvait être ignorée, seulement satisfaite. Son regard noir se fixa sur le robuste général qui lui avait échappé dans les plaines. Creed. Cadia avait tenu trop longtemps à cause de ses efforts, et les Dieux Sombres allaient à présent avoir son âme. Un ordre aboyé, et des Démons sanguinolents se jetèrent en braillant sur le 8e Cadien, les Terminators de la Black Legion à leur suite.

Une lumière dorée se déversa du plafond brisé, inondant la salle nodale. Célestine, la Sainte Vivante, consort de l’Empereur éternel. Elle ne montra nulle hésitation, nul doute. Ses ailes laissant une traînée de flammes, elle fondit pour confronter Abaddon. Les Démons bondirent, mais un revers de la Lame Ardente les brisa et les rejeta au sol. Des Possédés ailés s’envolèrent, leurs serres griffèrent, mais les Geminae Superia les chassèrent. Enfin ils se firent face : la fille spirituelle de l’Empereur bienveillant et l’héritier du plus grand traître de l’histoire de l’Humanité. Ils ne dirent rien. Il n’y avait rien à dire. Le feu de l’âme roula quand la Lame Ardente frappa Drach’nyen, la plainte de l’espoir et du désespoir faisant frémir tous ceux qui l’entendirent. Abaddon était beaucoup plus puissant. Seule, Célestine n’avait aucune chance. Mais les Geminae Superia étaient à ses côtés, les trois anges luttant contre le traître légendaire.

Au bord de la caverne, Katarinya Greyfax vit l’arrivée de Célestine avec révulsion. Comment avait-elle pu être absente aussi longtemps et laisser un tel mal s’enraciner ? Des sœurs imprégnées du pouvoir de l’idolâtrie ? Des guerriers de l’Adeptus Astartes se délectant de leurs propres mutations ? Des esprits auréolés de feu infernal ? Et pourtant les soldats de Cadia et d’Ultramar, loyaux, dévoués et purs, approuvaient ces maléfices au nom de la victoire ?

C’était le socle de la certitude de Greyfax que le mal n’avait pas de nuance, pas de formes inférieures tolérables au service d’une fin plus grande. La pureté était la perfection, inflexible, idéale. Elle en avait tué des milliers pour des péchés moindres. Elle avait tué ses semblables qui s’étaient écartés de la bonne voie. À quoi servait de vaincre si ces principes étaient bafoués ?

Les ombres se reformèrent autour d’elle. Ses yeux verts s’enflammèrent. Greyfax leva le canon de son Bolter Condemnor. « Abomination. »

« Encore ce mot. » Une main de métal désigna la grotte avec paresse. « Arrêtez-moi si on vous l’a déjà dit, mais je vous suggère de réévaluer vos priorités. »

« Vous semez la corruption partout où vous allez. Votre jugement n’a que trop attendu. » Elle appuya sur la détente. Enfin, elle essaya. Son doigt ne lui obéit pas.

Trazyn ouvrit la main, des flots de machines microscopiques coulaient sur ses doigts. « Je ne suis pas stupide. Les psychophages ne vous laisseront pas me faire du mal. »

La bile inonda la bouche de Greyfax. La colère la consuma. « Vous m’avez corrompue ! Tout comme Valéria ! »

« Une simple précaution. Quant à Valéria… Elle avait un cerveau remarquable. Vous m’avez privé de l’opportunité de l’étudier. »

Greyfax tenta à nouveau de presser la détente. Encore une fois, rien ne se passa. Inutile.

« Je vous ai amenée ici en vertu d’une cause commune, » dit Trazyn. « Je n’en ai pas fini avec ce monde, ni avec votre Imperium. Si vous voulez le sauver, je vous suggère de consacrer votre conviction à autre chose. Notre jugement devra attendre. »

Avec un grognement, Greyfax lui tourna le dos.

Des fragments de données se figèrent dans l’esprit mécanique de Cawl. Le réseau nodal, un labeur qui pourrait éclipser dix mille ans de travaux plus humbles, était prêt. Et pourtant le doute assaillit l’Archimagos. Et si le Nécron avait menti ? Les investigations de Cawl n’avaient qu’égratigné la surface - il y avait tant d’aspects de la fonction des pylônes pour lesquels il n’avait que des hypothèses. Quand le dernier Ultramarine porta son coup ultime, Cawl fut ramené à ses priorités. La logique dictait que le danger sans ambiguïté qui était sous ses yeux l’emportait sur des prémonitions non étayées. Adressant une dernière prière à l’Omnimessie, Cawl déclencha la commande.


Cela commença lentement. La pulsion résonnante des pylônes - en principe inaudible hormis par les êtres sensibles au Warp - crût graduellement en fréquence et en volume. Son grondement sourd absorba le rugissement de la bataille d’un bout à l’autre des Champs d’Elysion. Des éclairs noirs crépitèrent sur les flancs des pylônes. Les combattants des deux camps s’écroulèrent, du sang coulant de leurs oreilles et de leur nez. Les Psykers se figèrent quand leur connexion avec l’Immaterium s’estompa, tirant leur conscience dans l’oubli.

Une lumière noire jaillit du pinacle des pylônes - pas seulement de ceux des Champs d’Elysion, mais de chaque pylône en état de fonctionner sur Cadia. Les rayons convergèrent dans l’atmosphère supérieure, caressant le flanc doré de Phalanx. Comme la forteresse de bataille exécutait une manœuvre d’évasion, le faisceau monolithique fila dans les étoiles, une lance noire visant le centre de l’Œil de la Terreur. Le changement fut trop ténu pour être perçu par les instruments, mais l’Ocularis Terribus se mit à rétrécir.

Si personne dans la caverne nodale ne connaissait l’ampleur de l’entreprise de Cawl, ses effets furent immédiats et prononcés. L’ost de Démons d’Abaddon, dont l’emprise sur la réalité était déjà capricieuse à cause des pylônes dormants, glissa dans l’abysse qui les avait engendrés. Les traîtres possédés poussèrent leur dernier cri quand leur moitié maudite fut arrachée dans le néant. Les Machines-Démons se turent. Greyfax voulut hurler quand le pouvoir anti-Warp des pylônes lacéra son esprit. Ancrée à la réalité par une colère vertueuse, elle s’accrocha au bord du précipice, refusant de céder. Même Abaddon vacilla sous cet assaut, mais il était aussi éloigné de ses sombres mécènes qu’à leur côté, et il endura l’effacement de leurs bienfaits avec une détermination grondante.

D’autres n’eurent pas cette chance. La Légion des Damnés, dont la présence dans le monde réel était inconstante, s’éteignit comme des chandelles soufflées par le vent. Même Célestine, manifestation de la volonté de l’Empereur, s’affaiblit. La lumière dorée diminua, et avec elle, l’espoir de l’Humanité.

La foi - la même foi qui avait soutenu la défense de Cadia en ses heures les plus sombres - se mit à décliner. La vaillance s’émoussa elle aussi, pas seulement dans les rangs du régiment de Creed, mais également chez les Aigles de Kappic et les Vostroyens récemment libérés de la prison de Trazyn. Quant à la Black Legion, elle n’avait cure que la majeure partie de l’ost de Démons fut balayée, et le reste débilité. Elle ne voyait que la preuve matérielle de son ancienne croyance - que la lumière du Faux Empereur diminuait - et puisa une force renouvelée dans ce spectacle.

La bataille de la grotte nodale se modifia, en s’accélérant. Orven Highfell mourut parmi ses frères rugissants, les Gantelets verrouillés sur la gorge d’un Buveur de Sang tandis que la bête l’écharpait. Les Wulfens le vengèrent en déchiquetant le Démon avec leurs griffes et leurs crocs. Mais eux aussi succombèrent un par un à leurs blessures, au bout d’un sillage de traîtres morts, leur dernière offrande au Père de Tous.

Creed tenait bon, le 8e avec lui. Les hommes sévères de Vostroya imitèrent leur exemple. Les Aigles de Kappic, déterminés à ce que les Scions de la Schola Progenium ne soient pas surclassés par de simples Gardes, trouvèrent leur courage dans la fierté.


Le duel d’idéologies continuait ; Abaddon d’un côté, Célestine et ses Geminae Superia de l’autre. Ce qui avait débuté comme un combat avait tourné en faveur d’Abaddon. Avant même que les Dieux Sombres le récompensent, c’était un des meilleurs guerriers de l’Adeptus Astartes. Privée de la Lumière de l’Empereur, Célestine n’était qu’une coquille mortelle, trop souvent recrachée par les marées de l’Immaterium. Ses servantes étaient des extensions de son aura obscurcie par le recul du Warp. Même si sa résolution était toujours aussi ferme, l’issue ne faisait aucun doute.

Eleanor tomba en spirale, du sang coulant de sa bouche. La Black Legion encercla Genevieve d’un mur d’Armures Terminator et de lames tronçonneuses que son épée bénite ne pouvait percer. La Lame Ardente se heurtait encore et toujours à Drach’nyen, mais les efforts Célestine n’étaient voués qu’à sa défense, et ces parades se faisaient moins solides à chaque coup. Enfin, un revers jeta Célestine à genoux.

Creed vit la Sainte Vivante tomber, et sut que sa mort marquerait la fin de tout ce pour quoi ils s’étaient battus. Beuglant ses ordres, il lança le 8e dans une dernière charge désespérée.

Drach’nyen s’abattit. Célestine cria et convulsa. Alors qu’Abaddon levait l’Épée-Démon pour un deuxième coup, la Sainte Vivante se remit debout en chancelant, la main pressée contre son flanc ensanglanté, mais le regard insoumis.

Célestine ne ressentit aucune peur en croisant le regard noir d’Abaddon. Tout se passait selon la Volonté de l’Empereur. Il la rattraperait si elle devait tomber, comme Il l’avait déjà fait. « Tu ne peux pas gagner. L’Humanité sera libérée de tes maîtres. » Le front pâle d’Abaddon se fronça sous le coup d’une émotion indéchiffrable. « Il n’y a pas de liberté. »

Drach’nyen s’élança tel un harpon.


Les obus rebondissant sur son armure, Abaddon avança à nouveau sur Célestine.

La douleur explosa dans la tête d’Abaddon. Une souffrance brûlante rongea ses synapses. Des neurones s’embrasèrent et moururent, consumés par une attaque canalisée à travers les minces fils de l’Immaterium. Sa Lame-Démon, destinée à transpercer le cœur de Célestine, se figea sur sa trajectoire.

Katarinya Greyfax serrait les dents, canalisant toute la rage accumulée depuis son réveil dans son attaque psychique. Même si cela lui coûtait de l’admettre, Trazyn avait raison - ses priorités avaient évolué. Le devoir de l’Inquisitrice était envers l’Imperium, non envers sa propre personne. En outre, même si toutes les hérésies devaient être purgées par le feu, certaines nécessitaient sont attention plus urgemment que les autres. La fausse Sainte aurait son châtiment - Greyfax en était persuadée - mais les péchés d’Abaddon étaient plus pressants.

Aveuglé et titubant, Abaddon riposta, contrant le feu psychique par sa volonté indomptable. Affaiblie par sa lutte constante contre la traction des pylônes, Greyfax perdit son emprise sur son esprit. Mais elle n’en avait pas fini avec lui. Le Bolter Condemnor de l’Inquisitrice rugit.

Les obus rebondissant sur son armure, Abaddon avança à nouveau sur Célestine. Un rideau de baïonnettes lui bloqua le passage. Les Cadiens du 8e étaient déterminés à préserver leur Sainte adorée, même au prix de leur vie. Et ils moururent, par dizaines, par vingtaines, tandis qu’Abaddon se taillait un chemin vers la Sainte meurtrie. Leur sang offrit de précieux moments à Célestine.

La salle tressaillit. Le pylône nodal s’embrasa à nouveau. Rétrocédant les fonctions de guerre à ses consciences secondaire et tertiaire, l’Archimagos Cawl examina les flots de données émis pas ses Serviteurs survivants. Cela fonctionnait. L’impossible se produisait. Les champs de pylônes de Cadia, dormant depuis des milliers et des milliers d’années, repoussaient effectivement l’étreinte discordante de l’Œil de la Terreur. D’un bout à l’autre de la caverne, les Démons perdaient leur dernière prise dans l’espace réel, renvoyés dans le néant par la lumière noire des pylônes, en ne laissant rien que les corps de leurs victimes.


Dans l’espace, les Navigators perdaient leurs repères. La Porte Cadienne, la légendaire zone de calme au milieu des marées Warp depuis les premiers jours de l’Imperium, s’immobilisa tel un bassin gelé. Les Boucliers Void de Phalanx s’effondrèrent quand leurs connexions avec l’Immaterium se coupèrent. Les relais de téléportation clignotèrent, leurs corridors de transit se désamorçant comme le Warp reculait. Dans le strategium de Phalanx, le Commodore Trevaux lisait l’afflux de rapports, et se demandait ce qu’ils signifiaient. Plus loin, de l’autre côté de la projection noir de jais des pylônes de Cadia, les croiseurs du Chaos sortirent du couvert du champ de débris du Will of Eternity pour filer à l’abri des gros canons de la Flotte Noire. Des Thunderhawks de reconnaissance foncèrent vers le tombeau de la Forteresse Noire, et Trevaux garda un œil suspicieux sur l’hologrille Auspex. Son instinct l’alertait d’un danger imminent, mais ses sens n’en voyaient aucun. S’abstenant de favoriser l’un ou les autres, Trevaux attendit.


Abaddon se tenait tel un roc au milieu d’une mer de chair et d’os, Drach’nyen laissant une empreinte sanglante à chaque coup. Le Maître de Guerre et la Sainte blessée étaient le point focal de la bataille - chaque âme présente dans la caverne, vivante ou damnée, savait que la victoire dépendait de celle de son champion. Les Terminators de la Black Legion revinrent au côté de leur maître, pour être accueillis par des tirs de lasers radiants. Les Vostroyens du XXIe furent massacrés par une contre-charge d’Élus du Chaos. Le bain de sang s’enlisait, assez pour faire saliver Khorne, s’il avait pu regarder dans la zone morte grandissante du champ de pylônes de Cadia.

Lentement, le sort du flanc nord bascula, la Black Legion repoussée de la position des Aigles de Kappic et assiégée par les tirs concentrés des manipules de Cawl. Greyfax saisit cette opportunité pour rejoindre les troupes de choc, aboyant des ordres tous chargés d’une menace non voilée. Craignant davantage la sinistre Inquisitrice que les canons de la Black Legion, les Aigles avancèrent.

Prenant le commandement d’un peloton de Kasrkins, Creed conduisit une nouvelle charge sur le sol trempé de sang. Le Seigneur Castellan n’avait aucun espoir d’égaler Abaddon pied à pied, mais la stratégie de l’Astra Militarum avait toujours été d’écraser par le nombre ce qui ne pouvait être vaincu par la compétence.


Trazyn observait la bataille de son perchoir rocheux, conscient que l’histoire se déployait devant lui. Sa soif de gloire avait fait place au désir de se procurer un souvenir de ce moment crucial. Peut-être n’était-il qu’un voleur en fin de compte. Ses doigts de métal jouèrent avec un Labyrinthe Tesseract, dont les dimensions insondables pourraient contenir un trophée de Cadia. Mais lequel ? Il y en avait tant dignes d’être préservés. Un tir perdu de couleuvrine secoua la stalagmite de Trazyn, et il se retira dans un lieu plus sûr. Le Tesseract allait attendre. Quel que soit son butin, sa valeur historique augmenterai, que la victoire aille à un camp ou à l’autre.


Creed visa avec son pistolet, et tira une salve laser dans l’oculaire cassé d’un Terminator du Chaos. Devant lui, une langue de prométhéum souillé par le Warp immola une file de Kasrkin. Une forme sombre se dessina dans les flammes, les yeux brûlant comme des brandons. La Serre d’Horus rugit, massacrant le reste de l’escorte de Creed.

L’air était empli des hurlements des Kasrkin brûlés vifs, du rugissement des fusillades et des serments sévères de la Black Legion. Creed se tourna en quête d’alliés. Dans la poussière et la fumée, il n’en trouva aucun, que des morts.

« Debout Cadia ! » Creed beugla le mantra. Aucune autre voix ne reprit le cri.

Un rire moqueur coupa la cacophonie. Creed leva ses pistolets, et lâcha tir après sur la trajectoire d’Abaddon. Un rayon traça une blessure livide sur le front pâle du Maître de Guerre. Les autres jurent déviés par son armure baroque.

« Cadia est morte ! » tonna Abaddon. « À cet instant précis, sa fin approche. »

La monstrueuse griffe énergétique frappa. Creed tomba parmi les morts, son sang coulant de son bras ravagé, l’électricité crépitant sur son armure. Ses pistolets étaient tombés - le premier éjecté par le coup de griffé, le second lâché par une main ensanglantée dont les doigts avaient été tranchés. Pourtant Creed n’éprouvait aucune peur, seulement du dégoût « Cadia vivra aussi longtemps qu’un de ses soldats se battra. »

Des serres crépitantes se serrèrent sur le cou de Creed, le soulevant sans effort au-dessus du sol.

« J’ai scellé le sort de ce monde avant même d’atterrir. Si ce n’avait été pour satisfaire mon orgueil, je n’aurais même pas mis le pied sur la planète. Votre petit jeu avec les pylônes n’a fait que renforcer ma fierté. »

Creed serrait la griffe avec sa main valide. Elle était aussi dure que la pierre.

« Et maintenant ? » gronda Abaddon. « La Sainte s’est enfuie. Le moral de Cadia est en miettes. L’Imperium suivra. Je vous fais l’honneur d’être le dernier à mourir de ma main. Vous serez heureux de savoir que ce monde ignare ne vous survivra pas longtemps. » Abaddon attira Creed à lui, étouffant sa tentative de parler. « Cadia est tombée. »

La poigne d’Abaddon se resserra. Les vertèbres cervicales de Creed grincèrent les unes contre les autres. En sombrant dans les ténèbres, le Seigneur Castellan ne ressentait que de la honte. Cadia s’était dressée fièrement pendant dix mille ans, pour tomber sous sa garde. L’humiliation du manquement au devoir était pire que la mort.

Un rugissement de douleur tira Creed de son agonie. Une silhouette dorée, pâle comme la mort, se tenait derrière le Maître de Guerre, l’épée plantée dans son échine. La Serre d’Horus s’ouvrit, et Creed tomba.

« L’Empereur nous garde, » souffla Célestine.


La Mort de la Bravoure

Abaddon s’éloigna de Célestine en chancelant, libérant sa lame. La blessure bouillonnait, comme en feu. Cela faisait des millénaires qu’on ne l’avait pas blessé ainsi, et son esprit bouillait du désir de vengeance. Mais alors que le 8e Cadien surgissait pour récupérer son général chéri, Abaddon comprit qu’il n’avait plus le luxe de satisfaire sa fierté. Les derniers vestiges du Warp reculaient devant l’énergie des pylônes. Il devait partir maintenant. À regret, les yeux braqués sur ceux de Célestine, Abaddon donna l’ordre de repli.

Quand les ancres téléportation du Vengeful Spirit s’enclenchèrent, l’honorable guerrier qu’Abaddon était jadis dut reconnaître l’exploit que les défenseurs de Cadia avaient accompli. Ils avaient perdu, mais ils ne le savaient pas encore. D’un autre côté, ils avaient également gagné. Il avait voulu briser l’esprit de Cadia, et jeter les âmes vaincues des garnisons dans le Warp. Il ne l’avait pas fait.

Sous les yeux incrédules des défenseurs, des éclairs azur crépitèrent dans la caverne, et les survivants de la Black Legion disparurent. Creed chassa le Médic qui tentait de soigner sa main, et cligna des yeux pour dissiper les images persistantes tandis que les implications se frayaient un chemin dans son esprit. J’ai scellé le sort de ce monde avant même d’atterrir, avait dit Abaddon. Creed avait espéré que ces mots ne soient qu’une bravade, mais son cœur lourd lui disait le contraire.

Suite au soudain cessez-le-feu, la première pensée de l’Archimagos Cawl fut de revérifier le réseau nodal. Satisfait de son fonctionnement, il coupa le mode guerrier et fit l’inventaire des forces qui lui restaient. Greyfax trembla sous l’effort que demandait le maintien de son âme alors que le vide Warp menaçait de l’avaler. Trazyn glissa son tesseract sous sa cape, et regretta qu’Ezekyle Abaddon ne rejoigne pas sa collection - pas aujourd’hui du moins. Célestine, quant à elle, regardait à travers le plafond en ruine de la caverne, vers le ciel étoilé au-delà, comme si elle savait ce qui allait advenir.

Le vide dans l’esprit de Greyfax s’agrandissait, noir et affamé, à côté de la rage rouge de ses pensées. Ses armes tombèrent de ses mains engourdies. Elle savait que céder revenait à sombrer dans le néant, mais la tentation était grande. Elle tituba, et chercha à se redresser avant qu’un de ses gardes l’y aide. Une main saisit l’épaule de Greyfax et la soutint. Ce n’était pas celle d’un Tempestus Scion, mais de Célestine l’hérétique.

« Résistez, » dit la fausse Sainte. « Cela ne durera pas. »

Greyfax se dégagea, la vivacité du mouvement lançant de nouvelles piques de douleur dans son esprit. « Ne me touche pas, sorcière. »

Les lèvres de Célestine formèrent un sourire hautain.

« Si je suis une sorcière, pourquoi m’avoir sauvée ? »

« J’en ai attaqué un autre. Ce n’est pas la même chose. »

« Ou la main de l’Empereur vous a guidée, comme elle l’a fait pour moi. »

« Un miracle ? » La douleur palpitante facilitait le dédain.

« Certains les appellent ainsi. »

« Il n’y a pas de miracles, » cracha Greyfax. « Que des illusions. Je briserai ton hérésie. Tu me supplieras de te tuer » Le vide pulsait dans son esprit. Elle chancela encore. Et Célestine la rattrapa à nouveau.

« Nous verrons cela, » dit la fausse Sainte. Elle lâcha l’épaule de Greyfax, et s’éloigna en marchant.


Les Black Templars du Sénéchal Amalrich, quant à eux, harcelaient les traîtres en repli, massacrant l’équipage d’un vaisseau avant qu’il décolle, et en abattant deux autres à coups de missiles.

En surface, les Thunderhawks du Crimson Slaughter et les vaisseaux de largage corrompus des Légions Traîtresses bravèrent les tirs des défenseurs, récupérant autant de frères sombres et de Machines-Démons que possible. Les cultistes et les citoyens hérétiques, qui n’étaient que de la chair à canons Cadiens, furent abandonnés à leur sort.

Tor Garadon rallia les survivants des Imperial Fists. À peine une vingtaine de Frères de Bataille de la 3e Compagnie se battait encore, certains alors qu’ils étaient horriblement blessés. De la 1ère Compagnie, il ne restait que le Sergent Furan. Garadon fut frappé par l’ironie de la situation. La 3e était sur Phalanx uniquement parce que ses membres avaient été jugés trop inexpérimentés pour participer à la Croisade de Vengeance du Chapitre. Les rescapés n’avaient plus rien à prouver - pour peu qu’ils survivent à ce qui viendrait ensuite. Les Black Templars du Sénéchal Amalrich, quant à eux, harcelaient les traîtres en repli, massacrant l’équipage d’un vaisseau avant qu’il décolle, et en abattant deux autres à coups de missiles.

Outre les efforts d’Amalrich, pas un seul vaisseau de la Black Legion n’arriva à sa destination sans encombre. Pris dans les courants turbulents du Warp, plusieurs furent éventrés ou éparpillés en poussière monomoléculaire dans l’atmosphère de Cadia. Mais Abaddon survécut, ensanglanté et consumé de fureur à cause de son échec. Dans le strategium du Vengeful Spirit, il fit sonner le glas pour Cadia.


Au cœur du nuage de débris du Will of Eternity, les Techmanciens entendirent l’ordre d’Abaddon. Sur les plus gros fragments - dont la masse équivalait à celle d’une petite lune - des rangées de propulseurs à plasma s’enclenchèrent. L’épave de la Forteresse Noire frémit comme les moteurs luttaient pour vaincre l’inertie. Puis, lentement d’abord, mais avec une vélocité croissante, le projectile disgracieux quitta l’orbite, et fonça sur la planète.

Les moteurs à plasma de la Flotte Noire s’embrasèrent dès que les derniers vaisseaux de largage furent en soute, s’éloignant de l’atmosphère le plus vite possible. Le Vengeful Spirit menait l’exode, et Abaddon contemplait une dernière fois l’orbe bleu gris de Cadia. Dix mille ans durant, ce monde avait été son ennemi autant que les soldats en garnison dans ses forteresses. Mais rien ne pouvait défier le Chaos éternellement. Rien ne pouvait le défier éternellement. Lâchant un éclat de rire sinistre, le Maître de Guerre transvasa une lampée de vin de brulk dans un calice façonné à partir du crâne d’un des clones d’Horus de Fabius Bile, et porta un toast à la mort d’un vieil ennemi avec la relique d’un autre.

À bord de Phalanx, le Commodore Trevaux comprit enfin le rôle des croiseurs du Chaos dans le nuage de débris, et ordonna aux batteries de la station de cibler le missile improvisé. Mais la Forteresse Noire morte résista aux tirs de Phalanx. Un pan du projectile s’assombrit sous le bombardement, mais la gravité gloutonne de Cadia le happa. Tout ce que Trevaux pouvait faire était de transmettre une alerte à ceux qui étaient à la surface de la planète.


L’épave de la Forteresse plongea, sa périphérie rougissant et brûlant sous l’effet de la friction atmosphérique.

Le Will of Eternity avait été conçu pour supporter des feux plus féroces que ceux que la nature pouvait créer. Les Techmanciens périrent jusqu’au dernier, leurs abris emportés par la colère de Cadia, mais la Forteresse plongeait toujours, tel un bloc de soufre enflammé jeté par Abaddon lui-même.

Tous à la surface de la planète entendirent l’arrivée de la Forteresse. Sa terrible manifestation mugit dans les vents qui s’accéléraient, sa présence perturbant déjà la toile complexe du climat de la planète assiégée. À Cadia Tertius, éloigné d’un continent du massacre des Champs d’Elysion, les défenseurs des garnisons éparpillées, jugées trop insignifiantes pour avoir l’attention d’Abaddon, contemplèrent la chute de la Forteresse, telle une épingle de feu dans un ciel hurlant. Ils crurent d’abord à un réacteur de vaisseau entrant en fusion en orbite basse. Mais à mesure que les secondes passaient et que la boule de feu grossissait, il apparut que cette lumière annonçait un désastre beaucoup plus vaste.

Dans le hurlement des vents déchaînés, le météore artificiel heurta Cadia.


La Chute de Cadia

Rapport Z111/8T39

Origine : Agripinaa

Destinataire : Cypra Mundi

Expéditeur : Mechasapient Devan Cauxos

Statut Chi-13

Le siège se déroute comme prévu, avec une marge d’erreur acceptable.

La grille de flux orbitale est décevante, et n’a permis de détruire qu’un seul croiseur lourd un classe Executor. Cependant, les contre-batteries opèrent à 0,5% de l’efficacité prévue. Sur une flotte ennemie estimée à trente vaisseaux, cinq sont désemparés et trois autres endommagés.

Les incroyants sont gênés par l’atmosphère bénite d’Agripinaa. Les ruches-forteresses équatoriales mènent des défenses couronnées de succès. La ruche polaire Acrastos a peut-être été conquise par des machines blasphématoires. Les Legio Cybernetica XXX et XXIX ont été envoyées en renforts. La Ruche polaire Horaxes tient grâce à l’Adeptus Astartes portant les symboles de la 13e Compagnie des Space Wolves. La Magos Biologis Tagran confirme des guerriers sauvages apparentés aux spécimens issus du Canis Helix (voir Wulfen). La Ruche Horaxes est en quarantaine. Béni soit l’Omnimessie pour leur sacrifice.

Sans renforts, Agripinaa tiendra deux semaines terriennes. Les estimations signalent que la flotte hérétique peut subir des pertes équivalentes pendant encore cinq semaines. Par les lois de la logique, et selon le Conseil du Munitorum d’Agripinaa, je demande des renforts en toute urgence, afin que nous puissions continuer notre œuvre au nom de l’Omnimessie.

Cadia trembla, des forces impossibles la poussant de son orbite immémoriale.

Les survivants présents dans les forteresses en ruines de Cadia Tertius eurent à peine le temps de crier. Ceux qui se trouvaient sur le vaste site d’impact périrent les premiers, les vents surchauffés rugissant dans leurs oreilles avant de consumer leur chair et de réduire leurs os en cendre.

L’épave de la Forteresse Noire frappa, creusant un cratère large de centaines de milles. Les montagnes tombèrent en poussière. Les mers s’évaporèrent. Les plateaux continentaux grondèrent en pliant sous l’effet de forces titanesques inédites depuis que la matière stellaire de Cadia s’était refroidie dans le vide galactique.

Les secousses se répercutèrent, annoncées par des raz de marée et des vents particulaires. Les bastions côtiers furent noyés, arrachés à leurs fondations et avalés par les mers déchaînées. L’île de Ran Storn sombra entièrement, ses terrains d’atterrissage criblés de trous d’obus engloutis sous les vagues. À mille milles à l’intérieur des terres de Cadia Secundus, les flèches encore debout de Kasr Vark finirent par tomber, broyées par la Mer des Caducades.

Des forêts déjà anciennes quand l’Humanité colonisa Cadia furent carbonisées en un clin d’œil La croûte de la planète se fendit, laissant jaillir son sang bouillonnant. Des volcans endormis depuis longtemps s’éveillèrent furieusement le long des Montagnes Rossvar, les flots pyroclastiques consumant tout sur leur passage. Les grands terrains de chasse de Tyrok, berceau de l’ascension de Creed, se fissurèrent et disparurent dans la tourmente magmatique de la planète.

Aux Champs d’Elysion, éloignés d’un continent du site d’impact, on entendit le rugissement des vents, et on vit la ruée des nuages particulaires qui éclipsèrent le soleil. Les plus malins se mirent à couvert derrière les pylônes et les épaves. Les plus lents moururent, pulvérisés par les os vaporisés de Cadia. Les prières des sœurs et des cultistes furent emportées par le dernier souffle de la planète, et aucun dieu ni saint ne les entendit. Dans la caverne, le trou dans le plafond s’élargit, faisant pleuvoir des rochers sur les vainqueurs impériaux ensanglantés.

Les vents redoublèrent, jetant des blindés contre les pylônes, écrasant ceux qui s’étaient abrités sous les chars. Les pylônes eux-mêmes furent déracinés tels des arbres pétrifiés. Le faisceau noir émis par le champ de pylônes vacilla quand les monolithes tombèrent. Le Warp cessa de reculer, puis se remit lentement à croître.

La tempête fit rage pendant des minutes qui semblèrent des éternités, puis déclinèrent en ouragans. Ils soufflèrent sur un monde changé à jamais. Cadia Tertius n’était plus, oblitéré par le feu et les eaux. La Faille de Krian, fléau de Cadia Tertius depuis l’Âge des Luttes, se déchira une dernière fois, et la croûte planétaire se fendit en deux. Cadia Primus fut à moitié noyé, ses montagnes couvertes de forêts désormais des îles isolées dans un nouvel océan. Cadia Secundus était en feu, son plateau continental sombrant sous la pression de ses voisins. Rien de tout cela n’importait. Cadia était déjà morte.

Mais le pire était encore à venir. Alors que le contrecoup de l’impact se réverbérait dans la roche mourante, d’autres pylônes s’effondrèrent dans la toundra maculée de cendre — pas seulement aux Champs d’Elysion, mais aussi sur les sites secondaires de Kasarn, Trosk et Vorg. La toile nodale bégaya, avant de disparaître totalement. Le rayon de lumière noire, la lance jetée par Cawl dans l’Œil de la Terreur, clignota à nouveau et mourut. Les vents portèrent un nouveau son - le rire des dieux à qui on avait refusé trop longtemps leur trophée. Le maelström écarlate de l’Œil palpita et s’étendit pour absorber Cadia.

Cawl sentit la grille nodale s’écarteler les pylônes restants ne pouvant soutenir la pression de l’Immaterium résurgent. Sa conscience tertiaire porta vaguement attention aux cris et au grincement de la roche torturée. Puis il dédia toute son attention à la tâche à accomplir.

La conscience secondaire de l’Archimagos traduisait le murmure Xenos des pylônes en flux grésillant de Lingua Technis. Des failles apparurent dans les équations binhariques, les fragments intraduisibles s’illuminant en vert. Ils n’étaient pas là auparavant. Cela confirmait l’instabilité croissante du réseau.

Non ! Il n’allait pas échouer, pas si près du but !

L’esprit tertiaire de Cawl fit une traduction approximative du code inhabituel, sa conscience primaire resserrant sa poigne, comme s’il maintenait le réseau par sa seule volonté. Ses optiques ratissèrent la caverne à la recherche de Trazyn - mais il ne vit aucun signe du Nécron. Maudit soit-il ! Et maudit soit Marchemonde, pour lui avoir fait emprunter cette voie.

L’échec ne changeait rien.

Pire cela mettait un pacte de dix mille ans en danger à cause d’une perfidie Xenos !

La rage submergea les calculs logiques du triple esprit de Cawl, sa contenance dépassionnée pliant sous le poids de la prise de conscience de sa folie. Les pylônes n’étaient pas l’œuvre de l’Omnimessie. Pourtant, par fierté, il avait voulu les asservir à un but sacré. Il avait renié les préceptes de Mars par vanité.

Les rubans de code binharique tombaient en poussière dans la poigne de Cawl. Les équations défilaient dans son esprit, désormais plus étrangères qu’intelligibles. Il sentit la grille nodale convulser, les dernières liaisons se délitaient comme des pylônes cruciaux s’écroulaient, une présence cancéreuse se répandait à la surface de Cadia, rapace, implacable. Quand les derniers rubans binhariques lui glissèrent des doigts, Cawl reconnut son erreur. La porte qu’il avait voulu fermer pour toujours était ouverte plus grand que jamais. Il se déconnecta du réseau agonisant.

« Cadia est perdue, » soupira-t-il.

Cadia est perdue.

C’était une voix grave, fléchie par les horreurs de la guerre, mais pas brisée - conquérante jusqu’au dernier souffle.
Debout Cadia !

Sans la présence des pylônes, le Warp aurait conquis Cadia depuis longtemps. Les artisans qui avaient dressé les champs de pylône sur la roche vivante ne pouvaient anticiper la naissance cataclysmique de l’Œil de la Terreur, et le fait que leur œuvre deviendrait un rempart vital. Mais à présent, avec les pylônes à terre, les vrilles du Warp caressaient enfin l’espace réel Cadien, et les Démons des Dieux Sombres déferlèrent.

Ce n’étaient pas les manifestations vacillantes lâchées dernièrement sur la planète, dont la présence dans l’espace réel était constamment contestée par les pylônes. C’étaient les serviteurs des dieux, nourris par l’essence brute du Chaos. Ils apparurent dans les ruines noyées de Cadia Tertius, où le crash de la Forteresse Noire avait déchiré le voile de la réalité. Et alors que l’Œil de la Terreur empiétait hors de ses anciennes limites, les failles se multiplièrent, tirant la planète dans les entrailles de l’Immaterium.

Un rire sombre résonnait dans les cieux asphyxiés de matière particulaire. Les Psykers survivants de Cadia, enfin libérés de la tyrannie des pylônes, furent assaillis par les périls du Warp. La plupart furent tués par leurs anciens alliés, leurs corps possédés criblés de lasers et de Bolts comme leur chair se remodelait hideusement. Seuls ceux qui avaient une volonté de fer bloquèrent les Démons qui rongeaient leurs pensées, et seule Katarinya Greyfax trouva assez de force d’âme pour les repousser.

Et en cette heure la plus sombre, l’espoir revint, car la restauration de l’Immaterium permit à nouveau l’ascension de Célestine et de ses Geminae Superia. La Lumière de l’Empereur ravivée, elle guida les survivants hors de la grotte, dans les désolations des Champs d’Elysion. Nul ne reconnut ce spectacle. Le magma se faufilait entre les pylônes effondrés, consumant les corps des morts et leurs équipements. Çà et là dans les plaines, des tirs sporadiques claquèrent tandis que les premiers Démons se frayaient un chemin dans les champs ravagés par la guerre.

Les quelques survivants des Champs d’Elysion convergèrent, attirés tels des papillons par la lumière de Célestine, et le 8e Cadien se tourna à nouveau vers Creed. Pour la première fois depuis qu’il avait rejoint les Boucliers Blancs, il y a tant d’années, il ne vit aucune marche à suivre. Il regarda la ruine qu’était devenu son monde, sa Cadia, et n’éprouva que du désespoir.

Voyant que l’esprit de Creed était affaibli, et déterminée à ne pas laisser l’autorité entre les mains douteuses de Célestine, Greyfax prit le commandement. Utilisant ce qu’il restait du réseau vox planétaire, elle donna l’ordre d’évacuer. Cadia était tombée - même si elle résistait au traumatisme physique de la collision avec la Forteresse Noire, le Warp l’engloutirait bientôt. La victoire au nom de l’Imperium valait le sacrifice de milliers, de millions de vies, mais l’Inquisitrice savait qu’elle était impossible sur Cadia. Toute âme vivante abandonnée ici n’était qu’une offrande aux Dieux Sombres. Greyfax s’attendait à ce que Célestine questionne son ordre, qu’elle exhorte Cadia à un dernier carré héroïque. Mais la Sainte s’envola vers le nord pour porter sa lame contre les Démons qui s’en prenaient aux survivantes de l’Adepta Sororitas.

Ainsi commença l’exode de Cadia. Des transports à peine bons à voler décollèrent partout sur le globe, et poussèrent leurs propulseurs pour gagner la sécurité de Phalanx et de la flotte hétéroclite dans son ombre.

Tous n’y arrivèrent pas sans difficulté. Les moteurs surchauffés tombèrent en panne dans les vents hurlants, condamnant leurs passagers à une chute vertigineuse jusqu’à l’impact fatal. D’autres furent épluchés par des Démons ailés, ou implosèrent quand leur coque affaiblie céda sous l’incroyable pression. Le 27e Cadien fut anéanti quand le pilote de son Tetrach succomba à une démence instillée par le Warp et jeta le mastodonte boiteux dans les crevasses des Monts Trados.

Métadracs et Harbingers, opérant en marge de la Flotte Noire, se risquèrent dans les vents sauvages pour faire couler davantage de sang au nom des Dieux Sombres. Des duels aériens éclatèrent avec les derniers Intercepteurs Stormhawks Imperial Fists. Mais ils étaient trop peu pour contenir l’ennemi, et l’évacuation d’Elysion se transforma en mausolées criblés de trous d’obus.

Ailleurs, l’évacuation fut paralysée par la panique des masses. Tout comme l’Immaterium venait se repaître de Cadia, la terreur cherchait à dévorer sa population. Certains régiments maintinrent l’ordre. D’autres se désintégrèrent en bandes indisciplinées se hissant sur des transports surchargés. À Kasr Luten et Kasr Gorsk, les officiers ordonnèrent aux Kasrkins de tirer sur la foule, et le désordre se mua en émeutes.

Aux Champs d’Elysion, l’évacuation débuta en retraite combattante, chaque transport étant la cible de Démons. Au nord, l’Adepta Sororitas cédait du terrain, mais le faisait payer cher à l’ennemi. Au sud, c’était la même chose : une ligne irrégulière de Gardes retenait les Démons, renforcée à chaque bout par les Imperial Fists de Garadon et les Black Templars de la Croisade Cruxis. Malgré leur héroïsme, Greyfax comprit que les terrains d’évacuation seraient bientôt submergés. Il y avait déjà trop peu d’appareils en état de voler, et il y en avait de moins en moins. Il allait falloir en sacrifier certains pour que les autres puissent s’échapper.

Ce fut alors que Creed sortit de son désespoir. Les hommes du Seigneur Castellan tiendraient Cadia une dernière fois. Il donna ses ordres, dont la conséquence lugubre était claire pour tous ceux qui les entendirent, mais le Cadien ne recula pas devant son devoir. Chaque soldat sentit la main froide de la peur, mais aucun ne rompit les rangs ni tenta de déserter. Creed était de Cadia, et plus encore, il était du 8e. Il avait conduit le régiment hors du feu et de la mort, là où d’autres avaient été anéantis. Il n’y avait personne dans ces rangs qui ne doive pas sa vie au Seigneur Castellan, et tous acceptèrent de régler leur dette.

Quand les derniers transports décollèrent dans le ciel infernal, le 8e se battit et périt dans les ruines de son monde. Les Sœurs de Notre-Dame des Martyrs et les Black Templars du Sénéchal Amalrich furent les derniers à partir, leurs survivants meurtris se massant dans les transports envoyés de l’Iron Revenant pour récupérer les Chevaliers de la Maison Taranis. Greyfax partit avec eux, son regard soupçonneux rivé sur Célestine. Mais alors que les propulseurs s’embrasaient, l’Inquisitrice crut entendre un cri de guerre, fort et clair à travers les vents hurlants et les canons rugissants. C’était une voix grave, fléchie par les horreurs de la guerre, mais pas brisée - conquérante jusqu’au dernier souffle.

Debout Cadia !

Creed agita sa main mutilée pour faire signe à ses troupes et hurla pour être entendu malgré le fureur du vent.

« Repliez-vous ! Repliez-vous ! »

La ligne frissonnante des Cadiens se retira vers les terrains d’évacuation. Les vents se redoublèrent, soulevant les tornades de poussière encore plus haut. Soudain, Creed se retrouva seul. Une ombre poursuivie par les flammes passa au-dessus de lui, elle portait le crâne à rouage de l’Adeptus Mechanicus sur ses flancs. Un laser jaillit de sa proue, provoquant des cris démoniaques plus loin dans la tempête. Les moteurs rugirent, et le transport grimpa dans le ciel. Le dernier transport. Cadia n’était plus qu’un cimetière, hanté par les obstinés et les morts.

Creed trébucha. Malgré le travail des médics, ses blessures saignaient encore. Il sentit ses forces s’écouler dans le tissu de son grand manteau. Un dernier effort. Il se reposerait ensuite.

La tempête s’ouvrit - pas devant un Démon, mais un géant de métal vêtu d’une cape en écailles. Le vent souffla les tirs précipités de Creed. Une lumière scintillait dans la paume de le silhouette, une danse hypnotique de polygones iridescents.

« Ursarkar E. Creed. » Les mots du géant s’abattaient comme des pierres tombales. « Ceci ne sera pas votre fin. L’éternité vous attend. »

Le rire du géant accompagna Creed dans les ténèbres.


Dans la Gueule de la Tempête

Rapport R563/2G35

Origine : Thracian Primaris

Destinataire : Relais de Commandement Theta-Rho du secteur Scarus
Expéditeur : Officio Adjudico : Seigneur Thybault Helican XXIII

Seigneur Commandeur Balchor,

C’est de toute urgence que je vous demande des renforts pour les planètes de ce système. Au cours des trente-six dernières heures, les stations de surveillance extérieures et les balises empyriques ont envoyé des signaux très alarmants. Le taux de mortalité des Astropathes atteint 46% et continue d’augmenter, et les présages sont funestes. Ils affirment voir une gueule béante qui engloutit toute lumière.

Il y a de telles perturbations dans le Warp que les voyages interstellaires qui ne sont pas vitaux ont été interdits, tandis que le Seigneur Justicar des Arbites de Thracian Primaris fait état d’une augmentation de 400% des activités des cultes illicites sur la planète.

Si on recoupe cela avec la nouvelle de l’offensive contre la Porte Cadienne, et l’édit de l’Inquisition, je vous laisse imaginer la gravité de notre situation. Vous savez tout comme moi à quel point Thracian Primaris est vitale pour ce sous-secteur. Au nom de l’Empereur, je vous demande d’envoyer tous les renforts que vous pourrez, nous en avons désespérément besoin.

Regnum Eternum,
Seigneur Thybalt Helican XXIII

Une flotte amenuisée de navires endommagés et harassés quitta l’orbite de Cadia et se dirigea vers les limites du système. L’Œil de la Terreur n’était plus contenu. Il enflait, formant des fleuves de flammes qui débordaient de la Porte Cadienne et se répandaient peu à peu dans la galaxie.

L’humeur était maussade malgré les épreuves surmontées. Trop de soldats étaient morts avant que Greyfax donne l’ordre d’évacuation, et même à cet instant, trop peu des avant-postes de Cadia avaient entendu le message vox. Au début de la Treizième Croisade Noire, Cadia comptait huit cent cinquante millions d’habitants. Trois millions à peine avaient échappé à la colère d’Abaddon. La légende de Cadia perdurerait peut-être un jour sur d’autres mondes, mais pour l’heure, son peuple était en voie d’extinction.

Dès le début, les Navigators déclarèrent qu’il était risqué de s’aventurer dans le Warp, car ils ne parvenaient pas à trouver des passages sûrs à travers ses remous. Avec la destruction des pylônes, le couloir navigable de la Porte Cadienne s’écroulait, et s’y aventurer reviendrait à connaître une fin aussi atroce qu’inéluctable. C’est ainsi que les réacteurs à plasma des vaisseaux les emmenaient à travers l’espace réel.

De nouveau sous le commandement de Tor Garadon, Phalanx prit la tête de la flotte afin que la menace de ses canons oblige les navires des traîtres à s’écarter. Il était suivi par les vaisseaux balafrés de la Marine Impériale, et par les quelques astronefs civils qui avaient échappé à la destruction de Cadia. L’escadre du Mechanicus fermait la marche. Les Adeptes de Mars étaient arrivés tard dans la zone de guerre, et leurs navires étaient encore en bon état. Cependant, cela changea lorsque la flotte hétéroclite sortit du puits de gravité de la planète.

Se moquant des risques à s’aventurer dans l’Immaterium, les Capitaines les plus opportunistes d’Abaddon se jetèrent à la poursuite des impériaux. Les Boucliers Void crépitaient comme les corsaires bravaient les bordées de l’Adeptus Mechanicus pour capturer des proies. Cependant, ils furent tous pulvérisés par les tirs de la flotte de Cawl, même s’ils provoquèrent des dégâts en retour.


Vingt heures après le début de la retraite, le croiseur de classe Dictator Hand of Satarael fut détruit par les tirs ennemis, ce qui coûta dix mille vies de plus à l’Imperium. Au cours des dix heures qui suivirent, deux frégates et un croiseur léger subirent le même destin. Cawl enregistrait les pertes stoïquement, les considérant comme le prix à payer pour l’orgueil dont il avait fait preuve sur Cadia, puis il exhortait ses Serviteurs d’équipage à redoubler d’efforts.

Au bout de quarante heures, les moteurs à plasma de l’agricargo Pride of St. Cerephos connurent des avaries. Ayant le choix entre risquer toute la flotte ou perdre les nombreuses âmes entassées dans les soutes du navire, Garadon embarqua à bord ceux qui avaient pu prendre les quelques navettes de sauvetage du Pride et abandonna ce dernier à l’ennemi. Les Capitaines de l’Emperor’s Wrath et du Dominus Victor furent horrifiés par cette décision, désobéirent à l’ordre de Garadon et se portèrent à l’aide de l’agricargo.

Ils agirent noblement, mais stupidement. La moitié des soldats à bord du Pride of St. Cerephos étaient montés à bord des deux bâtiments de guerre lorsque les premiers éléments de la Flotte Noire les atteignirent. L’Emperor’s Wrath fut détruit sans même détacher les amarres qui le reliaient à l’agricargo. Le Dominus Victor se désengagea. Le feu dévorait son flanc tribord, mais ses réacteurs à plasma rugirent de toutes leurs forces. Avec plus de chance, il aurait pu rattraper l’arrière-garde de Cawl et se mettre à l’abri, cependant son Capitaine avait été tué au cours des combats. Ses subordonnés paniqués ordonnèrent un saut Warp impromptu en dépit du risque flagrant. Nul ne sut quelle était sa destination, car le Dominus Victor ne ressortit pas de l’Immaterium, son équipage terrifié ayant été dévoré avec délice par Slaanesh.

« Qu’as-tu vu ? Qu’est-ce que les présages t’ont révélé ? »
L’orbe rouge de Cadia n’était plus qu’un point dans le néant. Un jour à peine s’était écoulé, et la planète succombait déjà à l’influence néfaste de l’Œil de la Terreur. Abaddon se dit que ce serait un excellent Monde Démon, à condition que les forces tectoniques qu’il avait déchaînées ne le disloquent pas totalement. Cela n’avait plus d’importance. Après dix millénaires de préparatif, la Voie Pourpre s’ouvrait devant lui. La seule question était de savoir si elle le mènerait jusqu’à Terra avant qu’elle déchire la galaxie. Ces deux possibilités étaient satisfaisantes.

Il se détourna de la baie d’observation alors que les portes du strategium s’ouvraient. Zaraphiston avança sur le pont rouillé. Le pied griffu de son sceptre Warp cliquetait sur le métal sans âge. « Seigneur Abaddon, pourquoi ne les poursuivons-nous pas ? »

Abaddon ne répondit pas et se pencha an-dessus de la table d’obsidienne qui les séparait. C’était une question directe, trop directe de la part de Zaraphiston l’obséquieux. « Les Loyalistes ont été vaincus. Laissons les chiens de la flotte les déchiqueter ! Ils ne méritent pas mieux. »

Le sorcier porta le regard vers la baie d’observation, sur le point rouge de Cadia au milieu de la Voie Pourpre. « De plus, un de ces navires transporte une cargaison précieuse. »

Abaddon fronça les sourcils. « Il n’y a rien de précieux à bord de Phalanx. »

Zaraphiston cligna de son troisième œil et il esquissa un sourire entendu. « Je ne parle pas de Phalanx, mais de l’Arche Mechanicus. De la relique conservée dans un champ de stase… »

Abaddon eut un doute. « Qu’as-tu vu ? Qu’est-ce que les présages t’ont révélé ? »

Zaraphiston donna un nom qu’Abaddon n’avait pas entendu depuis bien longtemps. Cela paraissait impossible mais après tout, rien n’était plus impossible depuis qu’Horus avait mis le pied sur Davin.

Pris d’un accès de rage, Abaddon frappa la table et la brisa en deux. Zaraphiston recula et le sourire qu’il affichait se mua en un masque craintif.

Afin d’éviter des pertes supplémentaires, Garadon ralentit légèrement avec Phalanx pour que les navires qui le suivaient ne fassent pas surchauffer leurs moteurs. Les vaisseaux incapables de voyager dans le Warp furent accueillis dans ses soutes, tandis que les sas de la forteresse spatiale étaient fermés pour éviter l’intrusion d’humains un peu trop curieux. Ayant failli perdre Phalanx à plusieurs reprises au cours des semaines précédentes, Garadon ne voulait prendre aucun risque, d’autant plus que ses canons étaient la seule chose encore capable de tenir en respect leurs poursuivants.

Malgré tout, les pertes s’accumulaient, car les pannes étaient tout aussi dangereuses que les corsaires de la Flotte Noire. Les équipages ne dormaient plus en se gavant de molécules chimiques avec leurs rations de combat. Deux jours après la disparition de Dominus Victor, des erreurs commises par les artilleurs éreintés du Toxra Clavius provoquèrent par inadvertance une explosion qui détruisit la superstructure du destroyer, qui partit à la dérive. Quelques heures après, un Psyker Primaris à bord du Hades XII succomba aux voix qui le hantaient en permanence. Le Démon Majeur de Slaanesh qui jaillit de son corps ravagea trois ponts avant que les Boucliers Blancs du 79e Cadien, qui étaient désormais aussi endurcis que des vétérans, l’abattent à coups de Fusil Laser. Même après le bannissement du Démon, Garadon ordonna que le Hades XII soit mis en quarantaine. Il le resta jusqu’à ce que l’Arche Mechanicus de Cawl, agissant sur ordre de Katarinya Greyfax, détruise le destroyer pour éviter tout risque de propagation d’hérésie.

Cent vingt heures après le début de la retraite, au moment où le Monde Démon qui avait été Cadia succomba enfin, la flotte d’évacuation approcha de l’orbite haute de Klaisus, une des lunes glaciaires de Kasr Holn. Les Navigators de Phalanx déclarèrent que les remous du Warp s’étaient suffisamment calmés. Sur les vingt-neuf navires qui avaient quitté Cadia, il n’en restait que seize, soit deux millions et demi d’âmes.

C’est à cet instant que les bâtiments de guerre ennemis décidèrent de braver les canons de Phalanx.


Ils sortirent du Warp juste à portée de canon : dix des plus puissants bâtiments de guerre de la Flotte Noire menés par le Vengeful Spirit. Un mélange de croiseurs et de cuirassés qui se ruèrent sur l’arrière-garde de l’Adeptus Mechanicus, sans se soucier de se placer en échelons pour minimiser les risques.

Des communications paniquées grésillèrent dans le strategium de Phalanx, et se coupèrent les unes après les autres tandis que les navires de la flotte plongeaient dans la relative sécurité du Warp. Des croiseurs, des transports lourds, des cargos, des démineurs… tous partirent à temps, soulagés d’être en vie, même s’ils redoutaient le futur. Garadon eut le temps de pousser un juron bien senti avant que Phalanx les imite. Dans un hurlement de métal torturé, la vénérable forteresse de bataille se détacha de l’univers matériel et plongea dans l’Immaterium. La flotte de Cawl se retrouva seule, car elle avait décalé son départ pour attendre d’éventuels retardataires.


Les premiers obus explosèrent au milieu de la formation de Cawl. À une telle distance, toute précision était impossible, ce fut donc par un coup de malchance qu’un des obus détona contre les boucliers arrières de l’Arche Mechanicus. L’impact endommagea deux des moteurs à plasma, et pire encore, il détruisit le générateur de Champ de Geller de l’Iron Revenant. Cawl et son équipage ne pouvaient plus fuir dans le Warp.

Envahi par la crainte de perdre sa précieuse cargaison, Cawl fit pivoter l’Iron Revenant pour tenter de s’échapper. Pendant ce temps, le reste de la flotte de l’Adeptus Mechanicus se mit en position afin de le protéger, sans que les Capitaines objectent lorsque Cawl leur demanda de se sacrifier. Les derniers intercepteurs décollèrent de leurs hangars et des salves jaillirent silencieusement dans le vide en direction des croiseurs. Au sein de la flotte de Cawl, seul l’Arche Mechanicus pouvait égaler la puissance de feu du plus petit navire d’Abaddon. Et par rapport au Vengeful Spirit, l’Iron Revenant ne faisait pas le poids. Cependant, la précipitation de l’attaque du Chaos plaçait initialement la flotte du Mechanicus dans des positions de tir avantageuses.

Les salves pilonnaient les navires renégats. Les boucliers étaient surchargés et les blindages se tordaient. Les équipages de Serviteurs œuvraient avec une efficacité mécanique, chargeant, pointant et tirant avec leurs armes sans jamais être affectés par le stress ou la fatigue typiques des humains ordinaires. Les explosions illuminaient le vide entre les deux flottes tandis que les intercepteurs affrontaient les Métadracs et les Hell Talons. Les batteries de proue donnaient de la voix, et l’adamantium liquéfié s’échappait en langues argentées le long des flancs des navires de l’Adeptus Mechanicus. Le Sanctus Malefic, dont la proue avait été réduite à un trou béant par une salve de torpilles, et dont l’équipage du strategium était mort, partit à la dérive à cause de moteurs bloqués. Toutefois, même si deux fois plus de vaisseaux que ceux dont Abaddon disposait lui barraient la route, rien n’aurait pu l’arrêter.

Le Capitaine du Strokkor’s Fist, dont les Auspex étaient brouillés par les explosions, finit par ralentir son avance et commença des échanges de tirs à longue portée. L’Apocalyptia et le Vengeful Spirit étaient ébranlés mais pas vaincus, et ils parvinrent jusqu’à la ligne de vaisseaux de Cawl. Les premières salves du Chaos tonnèrent. Pris entre ces deux adversaires, l’Arcses Phobos se décomposa comme de la glace au milieu des flammes. Ses Boucliers Void et son blindage semblèrent bouillonner juste avant que son réacteur à plasma fissuré dévore le navire de l’intérieur. Xanthos et Everos Mondas ne résistèrent qu’aux premières minutes de pilonnage.

Le Cerebos périt avec combativité, en échangeant des bordées contre un croiseur lourd deux fois plus gros que lui, avant qu’une dernière volée d’obus lui soit fatale. Stellaris Mons, dont les systèmes de visées avaient été détruits par les tirs de canons, se mit en devoir d’éperonner son tourmenteur. La détonation de son réacteur à plasma disloqua les machineries de manœuvre de son adversaire, qui se retrouva désemparé. Alpha Scion, dont l’écran d’intercepteurs avait été anéanti par les chasseurs de la Flotte Noire, fut abordé par d’innombrables appareils d’attaque. Alors que son Capitaine ordonnait de tenir coûte que coûte, les corsaires de la Black Legion dévastaient les cloisons blindées et massacraient l’équipage du pont principal. Les bâtiments de l’Adeptus Mechanicus furent ainsi vaincus les uns après les autres.


Ces sacrifices ne furent pas vains. Chaque instant gagné donnait plus de temps à l’Iron Revenant pour réparer son Champ de Geller. Toutefois, l’Arche Mechanicus perdait du terrain contre le Vengeful Spirit, qui avait ignoré le blocus et le poursuivait aussi vite que possible. Pour l’instant, Abaddon refusait de tirer avec ses canons de proue, afin que leur recul ne le freine pas dans sa traque. Peu à peu, le bâtiment du Chaos se rapprochait de sa proie.

Réalisant que le Vengeful Spirit allait bientôt le rattraper, Cawl poussait ses systèmes dans leurs derniers retranchements. Une vapeur surchauffée sifflait des tuyaux de refroidissement perforés. Des sirènes retentissaient sur les ponts et la pression dépassait les seuils de sécurité. Cela n’y changea rien. En dépit de toute la puissance que l’Archimagos transférait dans les systèmes de propulsion de l’Iron Revenant, le Vengeful Spirit se rapprochait. Le duel allait bientôt débuter. Cawl recalculait sans cesse les probabilités de survie contre cet adversaire. Elles étaient négligeables.

La curiosité avait poussé Cawl à se rendre sur Cadia. L’orgueil l’avait forcé à y rester. Et maintenant, l’Iron Revenant allait être détruit, et avec lui sa précieuse cargaison. L’Archimagos Cawl avait échoué lamentablement dans sa mission.

« Augmentez le seuil de propulsion de dix-sept pour cent. » Le strategium de l’Iron Revenant vibra alors que l’équipage de Cawl exécutait ses ordres.

Greyfax n’avait pas besoin d’être télépathe pour savoir que les tentatives de Cawl étaient futiles. L’Iron Revenant était condamné. Cependant, elle n’aurait jamais pu deviner les secrets de Cawl si elle n’avait pas lu dans ses pensées. L’Archimagos était poussé par le sens du devoir, par une mission qu’il restait à accomplir, une mission si vitale et secrète qu’elle n’avait pu voir exactement de quoi il s’agissait

« On ne peut échapper à ce destin, » déclara Célestine.

Le Sénéchal Amalrich intervint d’une voix sombre. « Vous voudriez qu’on se rende à Abaddon sans rien faire ? »

La fausse Sainte se tourna vers la baie d’observation. « Je l’ai vu en rêve. Une rivière de sang dans les étoiles. Plus nous luttons, plus notre destin devient inéluctable. Il faut trouver un autre moyen. »

Greyfax sentit la colère revenir en elle. « Votre hérésie n’apportera aucune solution. Si je… »

Elle se tut en voyant le geste d’exaspération de Cawl. « Nécessité fait loi. Toutes les solutions doivent être envisagées. »

« C’est une hérétique ! » protesta Greyfax.

Puis elle se tut en se souvenant que la vie de Cawl avait précédé la fondation de l’Inquisition. Elle ne pouvait pas considérer qu’il lui obéirait sans discuter.

« C’est une accusation grave, » nota Cawl, « surtout de la part de quelqu’un dont le sang est contaminé par les artifices des Nécrons. Vous ne pouvez le nier : je perçois les nanomachines qui grouillent sous votre peau. »

Greyfax sentit une vague d’agitation parcourir le strategium. L’expression d’Amalrich se fit suspicieuse. Elle se rappela le zèle imprévisible des Black Templars. « Je suis incorruptible, » dit-elle.

Cawl l’observa d’un air songeur. « Si vous le dites… je pourrais même vous aider à régler votre problème. Mais pour cela, nous devons survivre. » Il se tourna vers Célestine. « Qu’avez-vous vu d’autre ? Que devons-nous faire ? »

Elle montra Klaisus à travers la baie d’observation. « Le salut se trouve dans la glace. C’est de là que notre croisade repartira. »

Amalrich hocha la tête. « Même si votre croisade n’est pas la nôtre, nous vous suivrons jusqu’à mort. »

Greyfax leur tourna le dos d’un air dégoûté. La Croisade de la Sainte Vivante ? Cette simple pensé lui fit courir un frisson le long de l’échine.


C’est ainsi que l’Iron Revenant se dirigea vers la lune glaciaire de Klaisus, conformément au conseil de Célestine. Les moteurs à plasma en surchauffe firent pivoter l’Arche Mechanicus, qui en profita pour lâcher une salve contre le Vengeful Spirit sans que celui-ci riposte. Le bâtiment de guerre de la Flotte Noire avait été pris de court par ce changement de cap impromptu, et n’eut aucun moyen d’échapper aux nuées de torpilles qui filaient vers sa proue. Ses boucliers Void sautèrent et son blindage fut malmené. Les canons de proue furent disloqués, et l’immense étoile à huit branches qui servait de figure de proue fut réduite en amas de métal tordu. Néanmoins, ce navire avait déjà survécu au Siège du Palais de l’Empereur, et il pouvait supporter bien plus de dégâts que l’Iron Revenant était capable de lui infliger. Il se vengerait tôt ou tard.

D’ailleurs, le nouveau cap de l’Iron Revenant le plaçait à portée des canons du Vengeful Spirit. Abandonnant sa tactique initiale, Abaddon se rapprocha selon une trajectoire oblique. Ses batteries tribord tonnèrent et mordirent dans la carapace de l’Arche Mechanicus.

Incapable de distancer son adversaire, l’Iron Revenant se contenta d’endurer la souffrance et de riposter tant bien que mal.

Le duel dura plus d’une heure tandis que le disque pâle de Klaisus se rapprochait. Les Macrocanons de l’Iron Revenant étaient détruits les uns après les autres. Les tubes tirèrent toutes leurs torpilles. Des centaines de membres d’équipage périssaient à chaque salve. Les cadavres s’entassaient dans les coursives de l’Arche Mechanicus, ou étaient aspirés dans le vide.

À bord du Vengeful Spirit, les traîtres se préparaient à l’abordage. Abaddon comptait capturer personnellement cette proie, ou du moins la précipiter en flammes dans l’atmosphère de Klaisus. Alors que le bâtiment de guerre lâchait une dernière bordée pour réduire au silence les dernières batteries opérationnelles de l’Iron Revenant, les Dreadclaws s’élancèrent.

Lorsque des rapports faisant état de l’approche d’équipes d’abordage atteignirent le strategium de l’Iron Revenant, Cawl sut que le navire était perdu. Mais pas en vain. Les deux vaisseaux étaient désormais dans l’orbite de Klaisus, et les impériaux seraient bientôt à l’abri dans les blizzards tourbillonnants de cette lune. Transférant le commandement du navire à ses subalternes, Cawl se rendit au cœur de son navire et descella la crypte de stase.

Pendant que l’Adepta Sororitas se rendait vers les hangars bâbord intacts, le Sénéchal Amalrich déclara qui livrerait l’ultime combat de l’Iron Revenant, toutefois Greyfax s’y opposa. Elle considérait que Cawl était sous l’influence de Célestine, et elle voulait conserver des alliés potentiels à ses côtés. Elle se heurta à l’orgueil du Sénéchal, et seule la présentation de son Sceau Inquisitorial le fit céder.

Quelques minutes plus tard, une flottille de transports filait vers le sol de la lune en emportant les survivants. Les appareils restèrent dans l’ombre de l’Iron Revenant afin d’échapper aux tirs d’interception du Vengeful Spirit, tout en étant escortés par les derniers chasseurs de l’Arche Mechanicus. Alors que les premiers Métadracs se lançaient à leur poursuite, les appareils disparurent dans les tempêtes de neige.


Les Neiges de Klaisus

Les bandes de guerre de la Black Legion convergèrent vers le glacier.

Les blizzards de Klaisus parvinrent à aveugler Abaddon dans sa poursuite, toutefois ils n’y mirent pas un terme. Enragé à l’idée que sa proie puisse s’échapper, ce dernier envoya tous les vaisseaux disponibles pour débusquer sa proie.

L’odyssée de Cawl à travers les glaciers se mua bientôt en retraite martiale. Les survivants devaient se mettre à couvert au milieu des rochers à chaque fois qu’un Métadrac passait au-dessus de leurs têtes. Ces précautions étaient plus motivées par un espoir tenace que par une quelconque stratégie, car il était impossible de camoufler le Transporteur Triaros qui contenait le précieux reliquaire de Cawl, pas plus qu’il n’était envisageable de cacher les Chevaliers de la Maison Taranis. Malgré tout, la chance leur sourit pendant les premières heures. L’Adepta Sororitas suivait la lumière sacrée de Célestine sans faire preuve de la moindre hésitation, même si la Sainte Vivante n’expliquait pas le chemin qu’elle suivait et ne donnait pas ses motivations. Elles étaient accompagnées des survivants des Aigles de Kappic, qui commençaient à souffrir de graves engelures, mais qui étaient déterminés à ne pas flancher. Greyfax et Amalrich fermaient la marche avec les Black Templars d’un air taciturne.

Cawl suivait Célestine sans poser de questions. Il était de plus en plus convaincu que la Sainte Vivante connaissait sa mission secrète. Et si c’était bien le cas, alors peut-être que Marchemonde avait fait exprès de l’envoyer sur Cadia, non pas pour percer les secrets de pylônes, mais afin que Célestine puisse l’aider à tenir sa promesse. La Sainte Vivante était un des aspects de la triple volonté de l’Omnimessie, et ils partageaient un même but. La détermination de Cawl revenait donc progressivement. Il se disait que ses voyages depuis Eriad VI avaient été un pèlerinage, un test. Il s’en voulait d’avoir douté de l’Omnimessie et avançait d’un pas volontaire.

C’est alors que les tempêtes de neige cessèrent subitement.

Les Métadracs ne tardèrent pas revenir, et leurs attaques laissèrent des cadavres éparpillés le long du glacier. Deux des Machines-Démons périrent sans même toucher le sol, car elles explosèrent en vol sous les tirs de missiles antichars. Un troisième engin déchiqueta une escouade de Tempestus à coups de griffes et de bec, et arracha un morceau de blindage au Triaros avant que la hache de Cawl lui fende le crâne.

Dès cet instant, ils n’eurent plus aucun répit. Prévenues de la localisation de leur proie, les bandes de guerre de la Black Legion convergèrent vers le glacier. Des escarmouches éclatèrent successivement. Les Havocs faisaient pleuvoir la mort depuis les hauteurs montagneuses. Des Raptors tombaient des cieux qui s’étaient éclaircis. Leurs cris de guerre discordants écorchaient vifs les nerfs des hommes et des femmes déjà éprouvés par des semaines de combats. Des motards harcelaient les flancs, et attaquaient lorsque leurs ennemis étaient déjà engagés sur un autre front.

Cependant, tous ces assaillants périrent. Les Séraphines nettoyèrent les pics. Les langues de prométhéum enflammé firent fondre des glaces séculaires. Les tirs de fusils laser abattirent les Raptors. Les obusiers des Chevaliers de Taranis pulvérisèrent les motards. Néanmoins, le nombre d’assaillants était sans fin, tandis que les rangs de Cawl se clairsemaient au fil des heures. Finalement, les traîtres purent se rapprocher dangereusement du Transporteur Triaros. Ses Boucliers Void apportaient quelque protection, et inexplicablement, les troupes impériales à sa proximité étaient galvanisées et le protégeaient de toutes leurs forces. Greyfax sonda les esprits de leurs ennemis blessés et apprit que les forces impériales étaient encerclées, et que le nœud se resserrait lentement. Cependant, ils ne pouvaient pas s’arrêter d’avancer s’ils voulaient conserver un mince espoir de briser cet encerclement, afin de gagner quelques heures de répit supplémentaires.


Célestine continuait d’avancer à la tête des troupes. Les Tempestus Scions tombaient raide morts dans la neige, les extrémités noircies et les yeux vitreux. Greyfax avait abandonné toute velléité d’interroger Célestine sur ses motivations. Même si l’Inquisitrice était endurante et obstinée, elle n’avait pas la robustesse surnaturelle de l’Adeptus Astartes, et elle devait se concentrer de toutes ses forces pour continuer à avancer.

La Black Legion les harcelait toujours. Les rugissements de moteurs à plasma de ses navettes de transport résonnaient en permanence dans les passes montagneuses. Alors que la compagnie hétéroclite atteignait une crête, Greyfax vit une ligne de traîtres qui se positionnait dans la vallée qu’elle surplombait.

Quand Cawl parvint devant une structure à moitié effondrée dont la surface avait été érodée par les vents, il découvrit qu’elle était protégée par une cabale de Sorciers. Les impériaux parvinrent à sécuriser la zone suite à une violente escarmouche, toutefois la fumée qui s’élevait de l’épave d’un Predator révélait leur position. À peine le dernier Sorcier était-il mort que des rugissements de moteurs résonnèrent dans la vallée en dessous.

« Que voyez-vous ? » s’enquit la fausse Sainte en s’approchant de l’Inquisitrice.

Greyfax se dit que c’était une question rhétorique. Tout le monde pouvait voir clairement les chars de la Black Lgion qui remontaient le glacier. « Je vois la mort, » répondit-elle laconiquement.

« Et pourtant, c’est le salut qui nous attend, » dit Célestine

Greyfax se força à arrêter de claquer des dents et se tourna vers elle d’un air furieux. « Tes mensonges m’insupportent, idolâtre ! »

Comme toujours, la fausse Sainte ne sembla pas s’offusquer. « Tu sers l’Empereur. Tu te fies à l’Empereur. Pourquoi refuses-tu de voir qu’Il me guide ? »

Greyfax se rapprocha d'elle. « Je crois que rien ne te guide. Tu es une hérétique qui se sert de la crédulité des autres. J’aurais dû laisser le Fléau te tuer. Et si tu n’avais pas tes acolytes pour te protéger, je te tuerais sur-le-champ. »

Célestine sourit. « Alors, je devrais peut-être te tuer d’abord ? » répondit-elle laconiquement.

Greyfax se renfrogna. « Sans doute… »

Le sourire de Célestine s’effaça. « Il a une mission à te confier, Katarinya. Je l’ai vu. »

Puis la fausse Sainte s’envola, et Katarinya Greyfax retourna au sein de cette procession d’imbéciles. Son humeur restait exécrable, pourtant, dans un recoin de son esprit, les paroles de Célestine lui redonnaient espoir.


Le Sénéchal Amalrich ordonna la moitié de ses guerriers de rester en arrière pour tenir la passe. Ils n’étaient plus poursuivis par des éclaireurs esseulés, mais par une véritable colonne blindée. Il fallait donc que quelques-uns d’entre eux la retardent et que les autres usent du temps gagné pour continuer d’avancer. Les volontaires se firent connaître, puis le Champion de l'Empereur Garrein les mena vers le bas de la pente. Tous savaient que ce serait leur ultime bataille.

Célestine poursuivit son chemin toujours plus haut, vers les pics. Lorsque la nuit tomba, on put percevoir l’écho de combats dans la vallée en dessous. Les Black Templars encore présents s’agenouillèrent dans la neige, et la voix d’Amalrich entonna une prière en l’honneur de leurs frères tombés au combat. Puis ils reprirent leur marche sans paraître affectés par le moindre remord ou la moindre douleur. À l’aube, la neige revint, permettant à la compagnie de Cawl de passer inaperçue. En revanche, sa progression s’en trouva ralentie. Même la lumière de Sainte Célestine parut faiblir.

Alors qu’un soleil pâle montait vers son apogée, le rugissement de moteurs s’éleva une fois encore. Des Land Raiders progressaient le long des pentes…

Célestine exhorta la compagnie de Cawl à poursuivre sa route. Pendant que les Chevaliers de la Maison Taranis ouvraient le feu sur leurs poursuivants, leurs camarades battirent en retraite en formant des escouades afin de se couvrir mutuellement. Les dernières munitions furent tirées au cours de cette course vers le sommet. Les congères gênaient le Triaros et l’avance impériale devint affreusement lente. Cawl, qui avait en partie retrouvé espoir au cours de l’ascension, fut de nouveau en proie au doute alors qu’il essayait d’apaiser l’esprit de la machine du Transporteur Triaros. Au même moment, des Métabrutus beuglaient des hymnes impies et les hurlements de Raptors emplirent l’air.

La rampe d’assaut du Land Raider le plus proche s’abaissa et Abaddon en descendit avec sa garde rapprochée de Terminators. Cette vision fut la goutte d’eau pour les derniers Aigles de Kappic, qui s’enfuirent vers le sommet de la montagne. Abaddon avança. Cawl se plaça à la tête de sa compagnie diminuée.

Soudain, la glace devant l’Archimagos explosa dans une gerbe de lumière. Des Motojets passèrent au-dessus de la crête en ouvrant le feu contre la Black Legion avec leurs Canons Shuriken. Des traînées de lumière fractale s’ensuivirent, des vortex de couleurs dansantes qui masquaient d’agiles guerriers. La crête où venaient de disparaître les Scions en déroute se remplit de silhouettes graciles arborant des couleurs chamarrées. Elles étaient suivies par des marcheurs dont l’armement ne tarda pas à cracher des rayons aveuglants.

La Black Legion recula devant la contre-attaque. Elle s’attendait à un combat contre un ennemi harassé et démoralisé, déjà à moitié vaincu par le froid et le désespoir. Au lieu de cela, elle faisait face à une force de frappe d’Ulthwé, ainsi qu’à des Cérastes de Commorragh, des guerriers de Biel-Tan et des Asuryanis de plusieurs autres Vaisseaux-Mondes. Abaddon progressait dans le maelström et ordonnait à ses guerriers de l’imiter. Ceux qui obéirent moururent sur-le-champ sous les lames ou les shurikens. Par deux fois, Abaddon mena une charge vers le Triaros, mais il fut à chaque fois repoussé, au prix de lourdes pertes. Pendant ce temps, Cawl et sa compagnie dépassaient les rangs des Xenos et atteignaient la crête, puis la dépassaient.

Derrière, dans une petite vallée, se trouvait un portail sur la Toile scintillant. Célestine volait au-dessus de l’édifice, les bras ouverts dans une prière silencieuse.

Cadia avait été perdue, pourtant la guerre continuait.

Cawl dépassa la crête et observa l’ost de guerre. Des routines subconscientes extrayaient les données de ses archives, corrélant les formes des armures des Aeldaris aux connaissances acquises lors d’un million de conflits.

Des données originaires de Port Demesnus confirmaient la présence du sorcier des runes Eldrad Ulthran, mais les autres n’étaient pas connus. Ce n’était pas étonnant. La personnalité des Aeldaris était aussi changeante que les dunes de Mars. Toutefois, Cawl fut surpris par les origines diverses des Xenos. Il ne se souvenait pas avoir vu auparavant autant de cultures Aeldaris différentes se battre ensemble.

Deux silhouettes au milieu de l’ost lui posaient une énigme. La première était une femme portant une robe d’apparat. Elle semblait avoir une certaine autorité, et se déplaçait stoïquement au milieu de la tempête de couleurs de ses guerriers. Elle était accompagnée par un Aeldari en armure rouge. Son équipement évoquait à la fois celui des Asuryanis des Vaisseaux-Mondes, et celui des cruels pirates de Commorragh. Les archives de Cawl trouvèrent aucune occurrence antérieure comparable

Une troisième silhouette, celle-ci familière, apparut dans un éclair de lumière à côté de Cawl. Son masque était une nébuleuse scintillante. Marchemonde.

« Où nous emmènes-tu ? » demanda Cawl.

« Dans la lumière d’une aube nouvelle… » La Prophète de l’Ombre pencha la tête, comme si elle doutait soudain de la raison de cette question. « À moins que tu préfères rester dans les ténèbres ? »

L’Archimagos dut faire un effort pour ignorer ce qu’il préféra prendre pour une tentative d’humour. « Le Fléau a son vaisseau de guerre en orbite. Vous ne pourrez pas le retenir longtemps. »

« Ce ne sera pas nécessaire. » Les formes changèrent sur le masque de Marchemonde. « La fin est arrivée. Un nouveau commencement est imminent. Mais avant cela, il va falloir mener des pourparlers… »

La Prophète de l’Ombre désigna le portail scintillant.

Hésitant à peine, Cawl la suivit vers le futur.

Vers le futur…

Sources

Pensée du Jour : « Aucune armée n’est assez puissante pour conquérir la galaxie mais la foi peut renverser l’univers. »
  • Gathering Storm - Livre I : La Chute de Cadia, produit par le design studio Games Workshop, 2017
  • White Dwarf N°109 (Mai 2003)