L'Avènement du Primarque
UN ÂGE DE LÉGENDES
- Cela commença lorsque toute la violence de la 13e Croisade Noire déferla contre la Porte Cadiane. Martelés depuis l’orbite, trahis au pire moment, les mondes du système Cadia tombèrent les uns après les autres. Chaque jour voyait l’espoir s’étioler, pourtant les défenseurs impériaux tinrent leurs positions sous le commandement du Seigneur Castellan Creed, comme ils l’avaient toujours fait.
- Alors que le conflit enflait, des héros de l’Imperium se rassemblèrent sur Cadia. Des Space Marines de nombreux Chapitres vinrent renforcer les défenses, dont les Black Templars du Sénéchal Amalrich et les Imperial Fists du Capitaine Garadon, ce dernier amenant avec lui le fort stellaire Phalanx. Sainte Célestine se manifesta sur Cadia lors de ses heures les plus sombres, et ses miracles ravivèrent l’ardeur des défenseurs. L’Inquisitrice Greyfax, restée longtemps prisonnière de Trazyn l'Infini, fut libérée de sa captivité et apporta ses compétences à la cause impériale.
- Cependant, la victoire sur Cadia était impossible en dépit des efforts de ses défenseurs, et cela, l’Archimagos Dominus Belisarius Cawl de l’Adeptus Mechanicus l’avait bien compris. Poussé à se rendre sur la planète par l’Arlequin Sylandri Marchemonde, cet ancien prêtre de Mars découvrit les secrets des mystérieux pylônes noirs qui constellaient le sol de Cadia. Il s’aperçut alors que les précédentes Croisades Noires avaient eu pour but de détruire les pylônes des autres planètes de la galaxie. À chaque fois, Abaddon affaiblissait un peu plus le tissu de la réalité. Jusqu’alors, Cawl avait pour mission d’honorer un serment prêté envers le Seigneur d’Ultramar, cependant Cadia lui donnait l’occasion de contrecarrer les plans d’Abaddon, et même de refermer l’Œil de la Terreur.
- Malheureusement, il échoua. Même si les serviteurs de l’Empereur combattirent avec courage et détermination, les efforts de Cawl furent vains. Les pylônes furent détruits, et Cadia mutilée à jamais. Les rares impériaux survivants furent forcés de fuir tandis qu’une faille Warp gigantesque s’ouvrait derrière eux. Malgré tout, il restait un espoir, sous la forme du pacte de Cawl, qui dépendait de l’artefact mystérieux qu’il transportait dans un autoreliquaire blindé. Proclamant la Croisade Célestinienne en l’honneur de la Sainte Vivante qui les guidait dans les ténèbres, les guerriers de l’Imperium s’enfuirent, talonnés par Abaddon.
- Au même instant, des phénomènes cosmiques d’une violence terrible faisaient trembler la race des Aeldaris. Une nouvelle divinité s’était éveillée dans l’éther, Ynnead, le Dieu des Morts. Sur le sable rougi de sang du Crucibael de Commorragh, une gladiatrix nommée Yvraine fut choisie par ce dieu pour lui servir d’émissaire. Assaillie par son propre peuple et par des Démons de Slaanesh, Yvraine, avec l’aide d’un guerrier nommé le Visarque, parvint à s’échapper et à apporter la nouvelle de la naissance d’Ynnead au Vaisseau-Monde Biel-Tan. S’ensuivit un cataclysme qui précipita la mort du Vaisseau-Monde, puis sa renaissance sous la forme de l’Yncarne, l’avatar d’Ynnead. Certains Aeldaris adhérèrent à la croyance des Ynnari, qui affirmait que ce cycle de mort et de renouveau était le salut de leur espèce. D’autres rejetèrent cette idée. Yvraine reprit alors son chemin, afin de trouver des artefacts nommés les Épées Déchues, qui lui permettraient de mettre en branle un plan désespéré pour vaincre le Chaos.
- Ce fut cette mission qui mena Yvraine à travers la Toile, jusqu’à la lune glacée de Klaisus, à la tête d’une armée d’Aeldarii. Ils sortirent du portail sur la Toile juste à temps pour secourir la Croisade Célestinienne acculée par ses poursuivants. Les Ynnari repoussèrent les Space Marines de la Black Legion et firent cause commune avec les Célestiniens, et acceptèrent de les aider à rejoindre le royaume d’Ultramar. Alors que les tempêtes Warp se multipliaient dans la galaxie, les pèlerins et les AAeldarii firent route à travers la Toile pour porter envers et contre tout le flambeau de l’espoir jusqu’aux domaines des Ultramarines.
Chapitre I : ULTRAMAR RÉSISTE
- « Ils seront purs de cœur et leur bras sera fort, car ils seront libérés du doute et de l’égoïsme. Ils seront des étoiles dans le firmament de la guerre, des Anges de la Mort aux ailes étincelantes qui anéantiront les ennemis de l’Humanité. Il en sera ainsi des milliers de fois pendant des millénaires, jusqu’à la fin de l’éternité et l’extinction de toute chair mortelle. »
- - Roboute Guilliman, le Codex Astartes.
Un Royaume en Guerre
« Les ennemis de l’Empereur sont tellement corrompus qu’ils ne se rendent pas compte qu’ils mènent des existences pitoyables. Tuer de telles créatures peut sembler un acte de miséricorde, pourtant, il ne faut pas le voir ainsi, car l’hérétique, le Xenos et le traître ne méritent aucune compassion. Leur mort doit être dédiée au Maître de l’Humanité, si bien que chaque vie que vous prenez doit être vue comme un sacrifice offert à Sa gloire éternelle. »
- Sainte Célestine, Réflexions sur la Nature de la Vengeance Divine.
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Des énergies surnaturelles s’accumulaient dans les montagnes Atheron. Elles formaient des courants imperceptibles, soulevaient des nuages de poussière et balayaient le plateau rocheux constellé de cadavres. Elles devenaient de plus en plus fortes, soufflaient les flammes qui dévoraient les carcasses des chars, faisant monter des colonnes de fumée en panaches nonchalants. Il restait une poignée de guerriers dans ces montagnes arides, des Space Marines du Chaos portant les armures de la Black Legion. Ils se tenaient sur les monticules de cadavres de la bataille récente. Quelques-uns de leurs camarades étaient étendus, aux côtés des innombrables corps des Auxiliaires de Défense d’Ultramar. Les traîtres vérifiaient leurs auspex et pointaient leurs armes d’un air interloqué en cherchant l’origine de ces énergies. Des voix dures tonnaient des imprécations à travers les grilles-vox, tandis que les senseurs passaient au peigne fin le ciel de cobalt et les flancs des montagnes qui entouraient le plateau. Pourtant, ces instruments ne détectèrent aucun intrus.
Les énergies se condensèrent subitement dans un rugissement et jetèrent les traîtres au sol, avant de former une structure imposante. Celle-ci était haute et élégante, et ses formes recourbées donnaient l’impression qu’elle s’était toujours trouvée là, au sommet de cette chaîne montagneuse. L’air vibrait autour d’elle, et il en jaillit finalement une fusillade terrifiante. Des rugissements de douleur et de colère montèrent des rangs des Space Marines du Chaos alors que des disques monomoléculaires perforaient leurs armures et leurs optiques de vision. Un sang noir gicla sur la pierre blanchie par le soleil. Des membres tranchés et leurs pièces d’armure tombèrent au sol dans un bruit lourd, comme les hérétiques étaient taillés en pièces par le déluge de tirs.
Les Ynnari et les Célestiniens sortirent par le portail sur la Toile. Yvraine et le Visarque menaient une force amoindrie, car ils avaient jugé risqué de se présenter près du Royaume d’Ultramar à la tête de tout un ost. Beaucoup de leurs serviteurs guidés par Eldrad Ulthran et l’Autarque Meliniel menaient d’autres missions cruciales. Les Aeldaris envahirent le plateau rocheux en esquivant les tirs de riposte de leurs ennemis. Le Visarque courut vers l’un d’eux et lui enfonça son épée dans la poitrine, pendant qu’Yvraine bondissait agilement, posait le pied sur le Bolter d’un Space Marine du Chaos et le décapitait d’un geste élégant. La tête décrivit un arc dans les airs, mais avant qu’elle puisse retomber au sol, elle avait disparu en cendres rougeoyantes, de même que le corps.
D’autres guerriers surgirent pour se joindre à la charge des Ynnari. Des Vengeurs Lugubres au pied leste et des Incubes armés de klaives arrivèrent en même temps que des Space Marines des Black Templars, les deux factions ayant temporairement mis leurs différends de côté afin de combattre un ennemi commun. Le Sénéchal Amalrich et l’Inquisitrice Greyfax apparurent en même temps, leurs lames crépitantes avides de faire couler le sang des hérétiques. La silhouette ailée de Sainte Célestine volait au-dessus d’eux, ainsi que celles de ses Geminae Superia, dont les Pistolets Bolter crachaient la mort. Les sœurs de Notre Dame des Martyrs étaient présentes elles aussi, tout comme Belisarius Cawl et le précieux autoreliquaire qui le suivait partout. Il menait des Skitarii et des Serviteurs de Bataille, tandis que le sol tremblait sous les pas lourds de deux Chevaliers de la Maison Taranis.
Les légionnaires noirs ne paniquèrent pas face à cet assaut inattendu, comme d’autres guerriers moins endurcis l’auraient fait. Néanmoins, ils étaient peu nombreux, et leurs adversaires avaient l’avantage de la surprise. Les bolts explosifs abattirent une poignée de Skitarii, et deux Incubes du Visarque furent tabassés à mort, mais les lames des Célestiniens et des Ynnari (qui semblaient se mouvoir de plus en plus vite) vinrent rapidement à bout de leurs ennemis.
Les derniers traîtres survivants battirent en retraite en bon ordre, afin de rapporter à leur maître ce qu’ils avaient vu. Toutefois, l’alliance n’allait pas leur laisser cette occasion, et aucun Space Marine du Chaos n’échappa à la tempête de feu que les Chevaliers déclenchèrent avec leurs canons gatlings et leurs missiles antichars. Le tonnerre gronda, les shrapnels sifflèrent, et les traîtres périrent jusqu’au dernier.
Cette bataille déséquilibrée se termina aussi vite que ce qu’elle avait débuté. Les Célestiniens et les Ynnari se retrouvèrent seuls au milieu des cadavres frais, leurs armes encore fumantes ou crépitantes. Des ordres concis furent donnés afin d’établir un périmètre de sécurité autour du portail. Les Aeldaris et les humains avaient beau combattre ensemble, ils se méfiaient les uns des autres, et prirent soin de ne pas mélanger leurs troupes en se déployant.
Une fois protégés, les chefs des Ynnari et des Célestiniens tinrent conseil sous le ciel d’un bleu immaculé. Il fallait donner des réponses à plusieurs questions, et établir les faits. Les canaux vox des impériaux grésillèrent d’échanges entre les officiers Space Marines, les régiments de Défense Auxiliaire, les capitaines de navires et bien d’autres encore. Ces forces étaient engagées dans des combats contre le Chaos, et on entendit des noms funestes comme ceux de la Black Legion, de l’Alpha Legion, des Iron Warriors et des Emperor's Children. Des colonnes de fumée étaient visibles à l’horizon. Il devint rapidement évident qu’Ultramar livrait une guerre totale et désespérée pour sa survie.
Des vents chauds soufflaient sur le plateau désertique, et portaient les sons distants de fusillades et d’explosions aux oreilles de Greyfax.
« Macragge est envahi. C’est très mauvais signe. » dit-elle. « Vous vous méprenez, » répondit Cawl. « Selon mon gyrocartologue nous ne sommes pas à la surface de Macragge, mais à deux cent soixante-cinq millions de kilomètres de notre destination, sans compter les erreurs de positionnement et les distorsions empyriques. » « Dans ce cas, où sommes-nous ? » demanda l’Inquisitrice en observant la grande femme xenos non loin d’eux. Yvraine lui retourna un regard impérieux et glacial. Elle abaissa son épée avec une lenteur mesurée, et pencha la tête sur le côté, comme pour écouter quelque chose qu’elle était la seule à entendre. Lorsqu’elle parla, elle le fit d’une voix d’outre-tombe. Greyfax sentit un frisson lui parcourir l’échine en écoutant ces mots inconnus et leur accent qui évoquait le crissement d’un insecte. « Aurais-tu été heureuse d’apprendre, mon-keigh, que mon peuple disposait d’un portail caché sur un de vos mondes les plus précieux ? Je ne crois pas… » « Effectivement, » gronda le Sénéchal Amalrich. Il était devenu de plus en plus taciturne depuis la bataille sur Klaisus. Greyfax savait qu’il avait très mal supporté la chute de Cadia et l’alliance forcée avec des Xenos. « Le Sénéchal a raison, » intervint Sainte Célestine. |
« Cela nous aurait contrits. Cependant, cela nous aurait également facilité la tâche. Maintenant, que devons-nous faire ? Poursuivre sur la voie que nous nous sommes tracée ? »
Tous se tournèrent vers Yvraine. La Dame des Ombres regarda théâtralement vers l’horizon tandis que son Gyrinx se frottait nonchalamment contre sa robe en ronronnant. « Notre peuple nomme ce monde Laphis. Il se trouve dans le système Macragge, » annonça-t-elle d’une voix qui flottait comme une nappe de brume. « Il nous suffit de trouver le représentant des Ultramarines sur cette planète. » « Et s’il refuse de nous porter assistance ? » objecta Eleanor, une des Geminae Superia. « Nous sommes alliés à des Xenos, et nous arrivons de façon inattendue. Ils risquent de tirer à vue. » « C’est votre problème, pas le nôtre, » rétorqua Yvraine d’un ton détaché. « Les Ultramarines font partie des plus grands guerriers de votre Empereur, n’est-ce pas ? Ils feront sans doute preuve du discernement nécessaire pour distinguer l’ami de l’ennemi… » « Ils ont suffisamment de discernement pour se méfier des ruses des Xenos… » grommela Amalrich. « Et pour se méfier de ceux qui s’acoquinent avec eux. » « Nous sommes des pèlerins, et nous les convaincrons que notre cause est juste, » intervint Célestine en foudroyant le Sénéchal du regard. « Et que notre alliance est honnête. Cessons de discuter et reprenons notre route. Les ténèbres se rapprochent, et le temps va bientôt nous manquer. » |
A la fin du 41e Millénaire, le royaume stellaire d’Ultramar fut attaqué par de nombreux ennemis. Des formes menaçantes émergèrent du vide intergalactique lorsque les Tyranides de la Flotte-ruche Léviathan se rapprochèrent des domaines de Guilliman. L’Archipyromane de Charadon, un des Boss de Guerre Orks les plus redoutables de la galaxie, mena une Waaagh! contre les défenses orientales des Ultramarines. Néanmoins, le plus grand de tous ces dangers restait le Chaos et ses serviteurs impies.
Une vaste horde de traîtres, de renégats, de mutants et de déments assaillit Ultramar, sous le commandement du Prince Démon M’kar le Ressuscité. Cette invasion plongea des dizaines de planètes dans les affres de la guerre, qui fit rage d’Espandor et de Tarentus jusqu’aux océans de Talassar. Après des mois de souffrances, les Ultramarines fluent victorieux. M’kar fut défait, ses armées repoussées, et poursuivies par-delà les limites du système par les armées vengeresses d’Ultramar. S’ensuivit une période de consolidation partout dans Ultramar, comme Marneus Calgar et son Chapitre poussaient leur peuple à restaurer les défenses détruites. Mais ce répit fut de courte durée. Agissant en se fiant aux prophéties du sorcier Zaraphiston, Abaddon lança une nouvelle coalition contre Ultramar. Abaddon était occupé par les combats aux alentours de la Porte Cadiane, mais son influence sur les Champions du Chaos s’étendait bien au-delà. Il fut en mesure de rassembler une vaste force de la Black Legion, des Iron Warriors, des Night Lords et de plusieurs autres factions pour attaquer Ultramar. Certaines bandes frappèrent aux abords du système pour ralentir les renforts loyalistes pendant que le gros de la horde naviguait dans les courants du Warp pour s’en prendre au système Macragge. Ainsi débuta une nouvelle et terrible invasion… |
À Travers les Flammes
>>>Début du fragment de message. « … épète, ici la station Dema, opérateur-vox Naum Hestro à tous les canaux. Nos Astropathes sont morts. Le superviseur Munce est mort. Il y a… tant de morts… si quelqu’un m’entend, pitié, prévenez l’état-major du secteur, et même Sainte Terra. Par le Trône, il faut les prévenir… » Message corrompu // sons d’une fusillade, hurlements // grésillements pendant 73 secondes // le message reprend. La voix est angoissée. « … deux cent dix-sept cycles, Les Astropathes se plaignaient de distorsions empyriques. Nos instruments ont localisé Leur source, au quadrant quatre-vingt-huit de l’Ocularis Terribus. À zéro deux cent quarante-six, le flux de l’Immaterium est passé au niveau pourpre, et deux Astropathes ont eu la vision d’un marteau de pierre noire brisant les portes d’une forteresse. Le superviseur Munce a ordonné d’activer les generatorums de Geller. » « Que l’Empereur le maudisse, il a trop attendu. » « Les cris ont commencé à zéro trois cents. Il y en avait tant. Les Astropathes sont passés en phase terminale, avec toutes ces voix qui sortaient de leurs bouches. On a enregistré ce qu’on a pu avant de leur accorder la Miséricorde de l’Empereur. » « C’était Cadia. Elle a été détruite, broyée par le poing d’Abaddon. L’Œil de La Terreur s’étend. Je ne sais pas comment c’est possible. Nos données empyriques, les enregistrements, les auspex… tout le confirme. » « N’essayez pas de nous secourir. Nous sommes perdus. Quand les Astropathes sont morts, quelque chose a pris leurs corps et revêtu leurs peaux. Elle rôde. Elle nous traque. Nous n’avons plus beaucoup de temps, mais c’est sans importance. » « Il faut les prévenir. » « Je vous en supplie… » |
Pressés par Sainte Célestine, la croisade et ses alliés Ynnari traversèrent les montagnes Atheron. Les événements se précipitaient, car le flot du temps s’accélérait comme une rivière en crue, si bien que les pèlerins n’avaient plus une minute à perdre. Cadia était tombée, et pire encore, à en juger à la férocité de la poursuite, Abaddon devait être au courant du but de l’expédition.
Depuis les hauteurs du plateau rocheux, une route descendait en sinuant vers les plaines. Elle était assez large pour accueillir plusieurs Baneblade de front, et serpentait entre les pics, soutenue par endroits par d’immenses arches en pierre. Elle était jalonnée de statues de silhouettes en robes sombres, mais qu’on identifiait instantanément comme étant celles de Space Marines. Des braseros dans les paumes ouvertes des statues crachaient des nappes d’encens, et les alliés virent de petites piles d’offrandes et des parchemins de dévotions empilés au pied des effigies.
Alors qu’ils cheminaient, les Célestiniens et les Ynnari restaient parés à toute éventualité. Ils passaient de temps à autre à côté d’une épave de char et de quelques cadavres, aussi bien ceux d’Auxiliaires de Défense que de cultistes du Chaos. Leur mort remontait à quelques heures. Le sang commençait à peine à coaguler et les insectes locaux n’avaient pas encore investi les replis et les orifices des corps. Néanmoins, les pèlerins ne virent aucun être vivant, qu’il soit ami ou ennemi.
L’Archimagos Cawl assurait ses camarades qu’ils voyageaient dans la bonne direction, en l’occurrence celle d’une conurbation (c’était ce que indiquaient ses espions-vox et les données cartographiques locales dont il disposait). Ils trouveraient là-bas un avant-poste des Ultramarines. Les alliés d’infortune parlaient peu entre eux, et se contentaient d’écouter attentivement le vent qui soufflait entre les pics, le bruit de leurs propres pas sur la terre craquelée, ainsi que le vacarme distant de combats qui se déroulaient dans les montagnes, loin derrière eux.
Soudain, ces sons se rapprochèrent, au moment où la route contourna le flanc d’une immense montagne. À environ un kilomètre, un bastion de ferrobéton encastré dans le flanc montagneux surveillait la chaussée. Le U stylisé des Ultramarines était embossé fièrement sur son mur, et deux systèmes de canons antiaériens Icarus crachaient la mort vers le ciel en pivotant sur leurs affûts.
Le barrage de tirs était dirigé vers un vol de ces Machines-Démons qu’on nommait Métadrac. Les machines de guerre à l’aspect de dragon des temps anciens volaient en cercles et déversaient des langues de flammes sur les remparts du bastion, puis reprenaient de l’altitude en poussant des rugissements terrifiants.
Un des Métadracs se dirigea vers les pèlerins. Le Sénéchal Amalrich fut le premier à réagir et hurla à tout le monde de se disperser et de courir se mettre à l’abri dans le bastion.
Les Chevaliers de la Maison Taranis ne tardèrent pas à dépasser la troupe à grandes enjambées. Les énormes machines de guerre faisaient trembler le sol tandis que leurs canons pointaient vers le ciel et la menace aérienne. Un des Chevaliers portait des canons Icarus bitubes sur sa carapace, et lorsque le Métadrac arriva à portée, ces armes donnèrent de la voix. Les canons gatlings et les mitrailleuses se joignirent à la fusillade. La tempête de projectiles arracha une aile à la Machine-Démon, qui alla se crasher contre le flanc de la montagne. Un autre Métadrac fut disloqué alors qu’il se préparait lui aussi à attaquer les pèlerins, puis le troisième se désengagea et monta en altitude, jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’un point noir dans le ciel bleu.
Les Chevaliers s’arrêtèrent et laissèrent à leurs armes le temps de refroidir, afin de laisser aux pèlerins l’occasion de les rattraper. Quelques instants plus tard, la porte blindée du bastion siffla sur ses vérins avant de s’ouvrir dans un chuintement. Trois Frères de Bataille des Ultramarines en sortirent, leurs Bolters braqués sur les intrus, plus particulièrement sur les Ynnari, puis ils s’avancèrent.
La voix amplifiée par sa grille-vox, l’un d’eux intima l’ordre aux nouveaux venus de décliner leur identité, leur mission, et d’expliquer pourquoi ils se trouvaient en compagnie de Xenos.
La conversation qui s’ensuivit fut tendue, cependant le bon sens prévalut. Si les alliés étaient arrivés sur un monde régi par un Chapitre moins discipliné, sans doute les choses se seraient-elles terminées dans un bain de sang…
Mais aux yeux des Ultramarines, la présence d’une Inquisitrice et de la Sainte Vivante (et ce en dépit de leurs différends évidents) les aida à accepter l’alliance avec des Aeldaris. Sainte Célestine expliqua que leur mission s’apparentait à un pèlerinage ordonné par l’Empereur en personne, et que l’Archimagos Cawl et son autoreliquaire devaient rejoindre au plus vite le Seigneur d’Ultramar.
La Sainte Vivante esquissa même un sourire inattendu lorsque les Ultramarines révélèrent qu’un escadron de Stormraven était d’ores et déjà en route vers leur bastion. Les aéronefs devaient mener une mission d’interdiction aérienne contre les meutes de Métadracs qui harcelaient les défenses de la région. Cependant, deux des appareils pouvaient être utilisés à la place pour transporter les chefs des Ynnari et des Célestiniens jusqu’au croiseur Sword of Honour, qui pourrait ensuite les emmener à Macragge. Les Ultramarines expliquèrent que le Seigneur d’Ultramar était revenu à la Forteresse de Hera quelques jours plus tôt. Ils se chargeraient d’y emmener Cawl et ses improbables alliés.
Alors qu’ils attendaient les aéronefs, les pèlerins divisèrent leurs forces. Tous les Ynnari, sauf Yvraine et le Visarque, retourneraient au portail sur la Toile, et quitteraient cette planète pour apporter aux peuples des Aeldaris la nouvelle de la naissance d’Ynnead.
En gage de bonne volonté, Célestine demanda aux sœurs de Notre Dame des Martyrs de rester sur Laphis aux côtés des Chevaliers de la Maison Taranis. Ils auraient pour mission d’aider les Ultramarines à défendre la planète contre la menace du Chaos.
Quand les Stormravens arrivèrent quelques minutes plus tard, ils emportèrent un groupe notablement réduit vers le croiseur d’attaque. Les Célestiniens ne comptaient plus que Greyfax, Amalrich et une poignée de Black Templars, Célestine et ses Geminae Superia, et Cawl, avec quelques Kataphrons et Skitarii.
Les appareils se posèrent dans le hangar du bâtiment de guerre, après avoir rencontré son capitaine, les alliés furent confinés dans des quartiers sous bonne garde. Les Aeldaris furent outrés par ce traitement, de même que le Sénéchal Amalrich et ses hommes, mais Sainte Célestine les calma par sa foi et sa sérénité inébranlable.
C’est ainsi que commença un long et pénible voyage, les alliés étant enfermés entre quatre murs de plastacier, constamment surveillés par des gardes armés de fusils à pompe d’abordage à l’aspect intimidant.
Les heures se muèrent en journées. Le grondement omniprésent des moteurs du navire et les effets anesthésiants de la gravité artificielle et de l’air recyclé furent plus faciles à supporter. Le Visarque passait son temps à s’entraîner, daignant même croiser amicalement le fer avec le Sénéchal Amalrich. Pendant ce temps, l’Inquisitrice Greyfax, aidée par l’Archimagos Cawl, fut débarrassée des scarabées psychophages qui l’avaient infectée au cours de sa captivité. Ce processus dura plusieurs jours, et provoqua des douleurs intenses à l’Inquisitrice tandis que les cyber-parasites étaient totalement éradiqués de son sang.
En dépit de ses souffrances, la volonté de Greyfax ne flancha pas, et elle ne montra aucun signe de faiblesse. Elle concentra son attention sur la surveillance de Sainte Célestine pour oublier la douleur. Greyfax suspectait que son apparente divinité n’était qu’un déguisement. Elle avait vu la Sainte Vivante combattre des hérétiques et des traîtres, elle l’avait entendu prédire des événements qu’elle n’aurait jamais pu deviner. Elle avait vu la façon dont l’aura de foi de Célestine repoussait les impies et galvanisait les justes.
Mais Greyfax était une Inquisitrice de l’Ordo Hereticus, une chasseresse de sorciers dont le devoir était de suspecter, car tout ce qui paraissait vertueux recelait presque toujours une part de ténèbres. D’expérience, elle savait que les véritables miracles étaient de la poudre aux yeux, et que ce qu’on prenait pour un don de l’Empereur était souvent un leurre utilisé par les Dieux du Chaos. Ainsi, même si au fond de son cœur elle espérait que Célestine ne soit pas corrompue, Katarinya Greyfax observait la Sainte Vivante, à l’affût de toute trace de duplicité.
Personne ne remarqua lorsqu’Yvraine entraîna Cawl dans la soute proche où était stocké son autoreliquaire. Sous le regard vide des Kataphrons, l’Émissaire d’Ynnead put alors lui parler en toute franchise.
Cette discussion secrète dura un long moment, car Yvraine tentait de convaincre le Magos et de lui ouvrir les yeux sur des faits irréfutables. Finalement, elle parvint à arracher l’assentiment de Cawl, qui hocha lentement sa tête encapuchonnée, et la rencontre prit fin aussi discrètement qu’elle avait commencé. Satisfaite, Yvraine s’éloigna dans le froissement de ses robes, laissant l’Archimagos Dominus seul, plongé dans ses pensées tandis qu’il appréhendait les conséquences de leur décision commune.
Le Siège de Hera
Au bout de plusieurs jours, le Sword of Honour atteignit l’enveloppe orbitale de Macragge. Les Célestiniens et leurs alliés traversèrent les coursives sous bonne escorte. Le croiseur d’attaque vibrait, ce qui suggérait que ses canons tonnaient et que ses boucliers Void encaissaient des impacts violents. Alors qu’ils rembarquaient à bord des Stormraven, les pèlerins virent à travers les champs de force miroitants des baies de lancement que le navire était attaqué. Les pilotes des Stormraven annoncèrent qu’une armada du Chaos avait engagé les Flotte de Défense d’Ultramar au-dessus de Macragge. Les bâtiments des factions et leurs escorteurs striaient le vide spatial avec des tirs d’artillerie, des traînées de torpilles et des faisceaux de lasers. L’attaque du Chaos se concentrait sur la Forteresse de Hera, une citadelle titanesque qui recouvrait une grande partie de Magna Macragge Civitas, la capitale de la planète chapitrale des Ultramarines. Malgré cela, les pilotes des Stormraven jurèrent d’amener leurs passagers à bon port, afin qu’ils puissent s’entretenir avec le Seigneur d’Ultramar. Marneus Calgar avait été prévenu de leur arrivée par l’intermédiaire d’un message vox crypté, et les attendait impatiemment. Ce dernier commentaire recelait une pointe d’ironie, ce qui sous-entendait que le Seigneur d’Ultramar avait d’autres tâches plus urgentes à régler qu’écouter les pèlerins lui expliquer les motivations de leur mission sacrée.
Les Stormraven décollèrent dans le hurlement des rétrofusées. Leurs passagers étaient harnachés et l’autoreliquaire de Cawl avait été fixé fermement. Les appareils pugnaces allumèrent leurs réacteurs et filèrent hors de la baie de lancement. Macragge leur apparut, un orbe bleu, blanc, gris et vert. En se rapprochant, les lumières de la bataille illuminèrent les ténèbres. Les tirs d’armes à rayon filaient au milieu des épaves de navires jadis glorieux. Des morceaux de coque et des poches de liquides et de gaz s’échappaient paresseusement des carcasses. Des escadrons d’intercepteurs Stormhawk bravaient le déluge de tirs antiaériens pour effectuer des attaques au passage contre les croiseurs du Chaos.
À en juger aux symboles qui les ornaient, les pèlerins virent que c’était la Black Legion d’Abaddon qui attaquait Macragge. Mais elle n’était pas seule, car il y avait également des bâtiments portant les icônes des Iron Warriors, de The Purge, des Night Lords et de beaucoup d’autres. Des points sombres tombaient en pluie vers le sol de la planète depuis leurs flancs : des nuées de Modules d’Atterrissage Dreadclaws, et des navettes d’assaut, qui filaient droit vers leur objectif.
Accompagnés par un escadron d’escorte de Stormhawk, les aéronefs des Ultramarines plongèrent vers le maelström de la bataille. Ils pénétrèrent à une vitesse délirante dans la haute atmosphère de Macragge. Des flammes léchaient leurs coques, qui vibraient à cause de la violence de la descente.
Observant les écrans d’affichage des caméras extérieures, les Célestiniens et les Ynnari virent les flammes se dissiper enfin, et être remplacées par un paysage montagneux, qui se rapprochait rapidement. Une cité fortifiée gigantesque s’élevait au milieu des pics. Elle était entièrement illuminée par les tirs de ses batteries antiaériennes et par les salves de ses silos de missiles, qui montaient vers le ciel avant d’exploser dans des boules de feu orangées.
Les Métadracs et les appareils des traîtres grouillaient au-dessus de la Forteresse de Hera, et zigzaguaient entre les statues cyclopéennes et les bâtiments monolithiques pour mitrailler les défenseurs, ou pour larguer leurs bombes sur des cibles prédéterminées. Les détonations faisaient s’effondrer les temples à colonnades et les immenses habs-blocs qui ponctuaient Magna Macragge Civitas. Les tirs de riposte des Ultramarines abattaient des dizaines d’aéronefs à chaque fois qu’ils effectuaient une passe. Lorsque leurs appareils étaient en flammes, les hérétiques les dirigeaient en attaques kamikazes vers les défenses pour provoquer toujours plus de dégâts.
Les Stormraven se dirigeaient vers l’immense citadelle qui dominait le cœur de la ville. Des Modules d’Atterrissage des renégats sifflaient autour d’eux, les dépassant tels des météores. L’un d’eux faillit percuter un des Stromraven. Repliant ses ailes, un vol de Métadracs plongea pour les intercepter. Les escorteurs Stormhawk virèrent de bord pour aller à la rencontre de la menace.
Entourés par les projectiles et les comètes de métal qui tombaient du ciel, les Stormraven poursuivaient leur descente. Ils traversèrent le rideau de tirs antiaériens de leurs camarades, seuls les réflexes surhumains des pilotes Ultramarine sauvant leurs appareils d’une destruction inéluctable, tandis qu’ils évitaient les nombreux dangers. Les pèlerins se cramponnaient à leurs harnais alors qu’ils étaient secoués violemment par les soubresauts des Stormraven. Ceux-ci se rapprochaient rapidement de la Forteresse de Hera. Finalement, les aéronefs décélérèrent, relevèrent leurs nez et se posèrent gracieusement dans un hangar aux portes en forme d’arche qui se situait sur un des flancs de l’édifice. Envers et contre les Célestiniens et les Ynnari avaient finalement atteint leur destination.
Les pèlerins sortirent de leurs appareils noircis et cabossés et se retrouvèrent dans un des nombreux hangars de débarquement de la forteresse. Autour d’eux s’affairait une masse grouillante d’ouvriers et de personnels non combattant. Des serfs du Chapitre ouvraient le feu avec des canons antiaériens au staccato bruyant, qui pivotaient rapidement sur leurs affûts gyroscopiques tandis qu’ils traquaient leurs cibles dans le ciel. Des Serviteurs robustes formaient des norias chargées d’alimenter les armes en munitions. Au fond du hangar, des Stormtalon et des Stormraven se ravitaillaient, se réarmaient et étaient rapidement sanctifiés par les Techmarines. Les servobras grinçaient ; des braseros crépitaient. Le son des riveteuses était entêtant, et résonnait contre la voûte de l’immense salle, par-dessus les voix stressées des Auxiliaires de Défense et des serfs en robes. Des centaines d’hommes et de femmes s’activaient dans le hangar, les traits renfrognés. Et ce n’était là qu’une seule salle parmi les milliers que comptait cette forteresse tentaculaire.
Un groupe de serfs chapitraux cheminait au milieu de cette agitation, menée par un guerrier des Ultramarines. Son casque était blanc et doré, et son armure arborait de nombreux parchemins de dévotion et autres marquages honorifiques. Les serfs portaient quant à eux des fusils automatiques, et affichaient une mine déterminée. Les uniformes de plusieurs d’entre eux étaient tachés de rouge, ce qui suggérait qu’ils se trouvaient au beau milieu de la bataille, au sommet des remparts, encore quelques minutes plus tôt.
L’Ultramarine se présenta comme le sergent vétéran Cassean, et souhaita la bienvenue aux Célestiniens dans la Forteresse de Hera. Il prit le temps de saluer respectueusement le Sénéchal Amalrich et ses Frères de Bataille, puis fit signe à Cawl et à ses compagnons de le suivre. Il fit volte-face sans attendre de réponse et se mit en route. Les alliés n’ayant pas le choix, ils suivirent le sergent à l’attitude rugueuse le long d’une rampe en granite, puis à travers les couloirs de la citadelle des Ultramarines. Ils marchaient rapidement, et franchirent des salles aux statues chryséléphantines, des corridors où pendaient de magnifiques bannières des Ultramarines, et des cloîtres protégés par des champs de force, où des Frères de Bataille postés dans des tourelles tiraient sans discontinuer vers le ciel. Le vacarme de la bataille ne s’éloignait jamais vraiment. Des explosions faisaient trembler les murs de temps à autre, coupant momentanément les lumières et faisant tomber de la poussière.
Passant sur un pont protégé par un dôme d’armaverre, les pèlerins purent admirer la forteresse dans toute sa gloire. Des tours fortifiées s’élevaient partout où se portait le regard. Leurs armes crachaient la mort vers les ennemis qui grouillaient dans le ciel ou au pied des murailles. Les pèlerins virent des Terminators Ultramarines aller et venir infatigablement sur les remparts pour repousser les vagues d’assaut de traîtres équipés de réacteurs dorsaux. Ils aperçurent des escadrons de chars antiaériens disposés dans les jardins d’ornement, et qui tiraient leurs missiles sur les aéronefs du Chaos. Au loin, la silhouette d’un Titan renégat se découpait dans la brèche qu’il venait d’ouvrir dans les murailles. Les gueules de ses canons scintillaient telles des étoiles. Ses Boucliers Void étincelaient de même tandis qu’ils essuyaient un barrage de tirs.
Le Grand Maître Voldus n’a été nommé que récemment à la tête des Chevaliers Gris de la 3e Confrérie, une position notoirement dangereuse, voire maudite, au vu du destin de ses prédécesseurs. Après qu’une incursion démoniaque eut affligé le Monde-Forteresse de Longhallow, le Grand Maître récemment nommé Doriam Narathem mena une grande partie de la 3e Confrérie pour défendre la planète. Cette mission était sa quatrième en tant que Grand Maître, mais ce fut aussi sa dernière. Il lança une frappe chirurgicale contre le palais insulaire de Tolin’s Rock, afin de tenter de sauver les précieuses reliques enfermées dans les cryptes d’une cathédrale. Les Chevaliers Gris furent alors assaillis par des hordes de Démons de Tzeentch. Les cryptes résonnèrent du fracas des combats, les Chevaliers Gris affrontant des abominations cracheuses de feu jaillies du Warp. Le Grand Maître Narathem combattait auprès des plus talentueux de ses frères, dont Aldrik Voldus. Attiré par le fanal d’énergie psychique qui se dégageait de tels guerriers, le Démon Majeur M’kachen se manifesta. Narathem l’attaqua sans hésiter, mais il s’agissait d’un piège : M’kachen avait lu le futur en se servant d’un orbe ensorcelé, et il se servit de ce qu’il avait découvert pour surclasser Narathem et le tuer. Voyant son maître périr, Voldus libéra un assaut psychique titanesque contre le Démon Majeur. Le sacrifice de Narathem avait été si altruiste qu’il permit de décupler l’incandescence de la lumière spirituelle qui émanait de Voldus, si bien que le Grand Maître Suprême Kaldor Draigo fut en mesure de quitter momentanément le Royaume du Chaos. Le guerrier légendaire se jeta au combat aux côtés de Voldus et renvoya M’kachen dans l’Immaterium, car leur puissance combinée forma un sort de bannissement d’une force incommensurable. Suite à cette bataille, Draigo en personne nomma Voldus Grand Maître de la 3e Confrérie, en louant son héroïsme et ses talents psychiques exceptionnels. Alors que Draigo était de nouveau aspiré dans le Warp, Voldus jura d’être digne de l’honneur qu’il lui faisait. Depuis, il reste fidèle à sa parole lors de tous les combats qu’il mène, et prie sans cesse l’Empereur de lui accorder sa force et ses dons de prescience. |
Le sergent Casseau leur demanda de presser le pas, et ils gravirent un escalier en marbre aux nez de marches en acier poli et bordé de statues. Ils croisèrent une escouade de vétérans Ultramarines qui progressait au pas de course. En haut de l’escalier, ils arrivèrent sur une esplanade circulaire au sol couver de fresques, et dont le plafond était un dôme de transparacier protégé par un champ de force. Un ensemble de consoles et d’holocartes dominait le centre de la pièce. Des Serviteurs étaient connectés à ces appareils et échangeaient des propos en binaire les uns avec les autres. Des dizaines de fonctionnaires en robes, des Serviteurs-plumiers, des serfs et des strategos conversaient frénétiquement tout en allant et venant autour de l’îlot central occupé par un hololithe, qui projetait une carte en temps réel de tout le complexe. Elle était couverte de runes et d’icônes clignotantes. Le Maître de Chapitre Marneus Calgar se tenait devant l’affichage, le visage concentré. Il y avait aussi le Premier Capitaine Agemman, le Maître Archiviste Tigurius, et un Chevalier Gris dont le parchemin accroché sur le torse indiquait qu’il s’agissait du Grand Maître Voldus. Alors que Casseau guidait les pèlerins, l’effervescence diminua un peu et les regards se tournèrent vers eux.
Les serfs formèrent alors une allée d’honneur en s’agenouillant. Les pèlerins la suivirent et s’arrêtèrent devant Calgar et ses conseillers. Amalrich mit lui aussi un genou à terre, la pointe de l’épée posée au sol, les mains reposant sur la garde. Ses Frères de Bataille l’imitèrent. Greyfax s’inclina révérencieusement, ainsi que Célestine et ses Geminae Superia. Seul Cawl et les Ynnari restèrent debout et impassibles en dépit de la solennité du moment. Derrière eux, l’autoreliquaire de Cawl sifflait et ronronnait, son contenu restant caché par d’épaisses plaques de blindage. D’une voix claire, Casseau introduisit les pèlerins les uns après les autres. Lorsqu’il eut fini de parler et recula d’un pas, des murmures d’étonnement parcoururent l’assemblée. Des explosions continuaient d’illuminer les baies d’observation. Des aéronefs et des Métadracs passaient en trombe, mais le bruit de leurs canons était étouffé par les épaisses parois du strategium. Les consoles cliquetaient alors qu’elles continuaient de recevoir des flux de données. Enfin, Calgar dit qu’il ne connaissait pas Belisarius Cawl, et qu’il n’avait jamais passé de pacte avec un prêtre de Mars. Sainte Célestine cilla, comme si elle venait d’avoir confirmation d’un soupçon, mais les autres Célestiniens tournèrent des visages interloqués vers l’Archimagos. Néanmoins, les paroles suivantes de Cawl provoquèrent une consternation plus grande encore, car il déclara qu’il ne venait pas voir Calgar. Il voulait rencontrer le Seigneur d’Ultramar, et demanda à le voir sur-le-champ. Il expliqua que l’autoreliquaire devait être emmené au Sanctuaire de Roboute Guilliman.
Les protestations furent immédiates et intenses. Le visage de Marneus Calgar se renfrogna ; ses conseillers et ses serfs exprimèrent bruyamment leur mécontentement. Les autoplumes crissaient frénétiquement contre le vélin tandis que les scribes encapuchonnés notaient tous les détails de cet incident gravissime. Les pèlerins étaient confus et en colère. Greyfax se tourna vers Cawl et exigea qu’il s’explique sur-le-champ. Seuls les Ynnari restèrent calmes. Le Visarque était aussi immobile qu’une statue. Yvraine esquissait un sourire, comme si elle riait intérieurement.
Au milieu du tumulte, la voix du Capitaine Agemman amplifiée par son haut-parleur vox tonna. Le Premier Capitaine des Ultramarines ordonna à tout le monde de se calmer, car un tel brouhaha dans un lieu aussi sacré était inadmissible. Lorsque le silence fut revenu, Agemman se tourna vers Calgar et lui affirma haut et fort qu’il ne faisait pas confiance à ces nouveaux venus, pas plus qu’à l’objet mystérieux qui les accompagnait. Le Premier Capitaine conseilla qu’étant donnée la menace pressante du Chaos, il n’y avait pour l’heure qu’une seule solution : les pèlerins devaient être isolés, et leurs autoreliquaire placé dans une crypte de stase jusqu’à ce qu’il puisse être examiné en toute sécurité. Concernant les Xenos, Agemman était d’avis de les détruire purement et simplement, car leur présence était un danger pour la Forteresse de Hera.
Sainte Célestine prit alors la parole. Elle dévoila la nature divine de sa mission et les révélations que l’Empereur lui avait faites. Les canons des Bolters de la Garde d’Honneur de Calgar ne tardèrent pas à se retrouver pointés vers elle, ainsi que l’arbalète à pieux Condemnor de l’Inquisitrice Greyfax, dont les suspicions puritaines avaient été ravivées par le comportement de Cawl. Tout le monde attendit alors que le maître d’Ultramar prenne la parole et expose sa décision.
Tous les regards étaient tournés vers Calgar tandis qu’il devisait avec le Maître Archiviste Tigurius à propos de la marche à suivre. Même les Gardes d’Honneur ne s’en aperçurent pas, mais en cet instant, Yvraine et le Visarque se préparèrent imperceptiblement au combat, en contractant leurs muscles. De légers changements dans leurs postures indiquaient que les Ynnari comptaient bien tout faire pour s’enfuir si d’aventure, les événements se retournaient contre eux.
+++Missive astropathique reçue/ interprétée+++ +++Origine: CLASSIFIÉ+++ +++Destinataire : CLASSIFIÉ+++ +++Sceau de sécurité : Vermillon+++ LK//46//+*>> Seigneur Calgar, Mon nom est Aldrik Voldus, et j’ai l’honneur d’être le Grand Maître de la 3e Confrérie des Chevaliers Gris de l’Empereur. Je vous félicite pour votre victoire récente contre le Démon M’kar, mais c’est avec grand regret que je viens vous prévenir d’autres dangers à venir. Mon Chapitre a la chance de bénéficier de la présence de frères Prognosticars capables de nous dévoiler des pans du futur, afin que nous puissions porter des coups précis et mortels aux forces des Dieux Sombres. Alors que les tempêtes Warp sont de plus en plus nombreuses, vastes et dangereuses dans la galaxie, les visions des Prognosticars sont de plus en plus funestes. L’une de leurs divinations nous a fait part d’une nouvelle incursion contre Ultramar. Les Prognosticars parlent de ténèbres qui engloutissent lumière de votre royaume stellaire, et d’une lame noire partant la croix infernale des Dieux du Chaos, qui serait enfoncée dans un cœur posé sur un trône. Et alors qu’une gueule béante s’ouvre, ils disent qu’une autre se referme sur Macragge et ses planètes. Leur vision se termine dans un océan de sang. Je sais que vous prendrez au sérieux cette nouvelle, et que vous comprendrez que mon ordre doit lui aussi la considérer avec la plus grande attention. Ultramar est un bastion vital pour l’Imperium, et s’il était détruit, le reste des domaines de l’Empereur ne tarderait à tomber. Mes frères et moi avons pour mission de venir nous battre sur ce champ de bataille, sous peine de faillir à notre devoir. L’intégralité de la 3e Confrérie et moi-même sommes d’ores et déjà en route pour Ultramar, que nous défendrons corps et âme. Même si l’Immaterium est agité et que notre voyage est incertain, les Navigators m’assurent que nous atteindrons Macragge sans encombres d’ici quelques jours. La menace qui se rassemble autour de votre empire est telle que seuls mes frères et moi sommes équipés de façon adéquate pour la combattre, et nous mettrons tous nos talents à votre service. Je vous demande de vous tenir prêt à nous accueillir, et de prendre en compte notre présence dans le plan de bataille que vous ne manquerez pas d’établir dès la réception de cette missive. Seigneur Calgar, je ne suis qu’un simple guerrier ayant échu d’un poste aux responsabilités immenses, et que pourtant je n’avais jamais eu l’ambition de recevoir. Cependant, il me permet entrevoir le fardeau que vous portez sur vos propres épaules. Je veux le partager avec vous, car le seul espoir de survie pour l’Imperium au cours de l’âge qui s’annonce repose sur les liens de fraternité de ses gardiens. L’Empereur protège, Grand Maître Aldrik Voldus, 3e Confrérie des Chevaliers Gris |
Tigurius réfléchit pendant quelques instants, mais cela parut une éternité. Son visage buriné était insondable. Quand il parla enfin, sa voix était grave, et restituait une impression de pouvoir et de sagesse infinie. Il rappela à son Maître de Chapitre qu’il avait eu des visions étranges lors des jours qui avaient précédé l’attaque de Macragge. Il avait vu un vol d’oiseaux de fer s’envoler depuis un orbe pourpre aux rouages enfumés. Ces formes aviaires avaient filé à travers les ombres et les flammes qui s’échappaient des portes éventrées d’une citadelle immense. Ils s’étaient emparés d’une épée flamboyante avec leurs serres, et leurs ailes s’étaient mises à briller intensément comme ils se dirigeaient ensuite vers Ultramar. Au-delà des portes, on pouvait voir un œil à la pupille fendue. Lorsque les oiseaux arrivaient à Macragge, une gueule hérissée de crocs acérés béait autour d’eux, prête à les engloutir.
Le Maître Archiviste avait pensé que cette vision concernait la chute de Cadia puis l’attaque de la Black Legion contre Ultramar. Cela avait permis de préparer les défenses de la forteresse et d’envoyer des messages astropathiques afin de rapatrier la Flotte de Défense d’Ultramar au moment critique.
Cependant, Tigurius était désormais convaincu que cette vision concernait aussi les nouveaux venus. Il déclara qu’il se porterait garant de leur présence, y compris celle de ces mystérieux Aeldaris, car il pensait que leur venue était un signe de la volonté de l’Empereur.
Des murmures parcoururent le strategium. Calgar hocha la tête d’un air solennel. Sans rien ajouter, le Maître de Chapitre fit signe aux Célestiniens de parler afin d’expliquer les raisons de leur présence selon leurs propres termes. Greyfax, Amalrich et Sainte Célestine s’exécutèrent, en relatant l’histoire sanglante de la Chute de Cadia et leur fuite éperdue. Même Yvraine des Ynnari daigna s’exprimer, et fournit quelques détails rapides pour justifier de sa présence au sein du groupe. Le seul à refuser de divulguer quoi que ce soit fut Belisarius Cawl qui, en dépit des questions répétées de Marneus Calgar, ne détailla pas le contenu de son autoreliquaire, pas plus qu’il ne dévoila pourquoi il devait absolument l’amener au Sanctuaire de Roboute Guilliman.
Pendant que les pèlerins parlaient, la bataille continuait de faire rage. Les données affluaient concernant le déploiement des troupes, les vecteurs d’attaques et de contre-attaques, les sites d’atterrissage de l’ennemi, le décompte des munitions et beaucoup d’autres informations stratégiques. Marneus Calgar les assimilait tout en écoutant les pèlerins, et donnait des ordres concis de temps à autre. Il gardait constamment un œil sur l’holocarte mouvante au centre de la salle. Le Maître de Chapitre voulait percer les véritables motivations de ces étranges visiteurs, et découvrir qui ils servaient réellement, cependant il ne pouvait pas se permettre de négliger pendant ce temps les défenses de la Forteresse de Hera.
Enfin, Greyfax conclut son histoire en précisant qu’elle était toute désignée pour agir en tant que porte-parole de l’Empereur, et qu’elle irait même jusqu’à assurer de ses propres mains l’exécution sommaire de Cawl au moindre signe de trahison. Calgar leva la main pour faire taire tout commentaire, à la fois de la part des pèlerins et du Capitaine Agemman, qui était visiblement irrité. Le Maître de Chapitre prononça alors son verdict d’une voix sombre.
Il autorisait les Célestiniens à amener leur autoreliquaire jusqu’au Sanctuaire de Guilliman, mais seulement sous escorte. Calgar déclara que même s’il comprenait la position d’Agemman, les temps étaient trop sombres pour se détourner de la moindre voie de salut potentiel. Les serviteurs du Chaos avaient de nouveau pris pied sur le sol de Macragge et le Warp s’agitait. Calgar estimait que l’ennemi comptait en grande partie sur ses alliés surnaturels. Pour sa part, il refusait de ne pas prendre en compte les talents de divination de son propre Maître Archiviste, ni la sagesse de la Sainte Vivante, et ce même s’il n’avait pas de bonne raison de faire confiance à l’Archimagos Cawl.
Si Agemman avait été un Space Wolf impulsif ou un Iron Hand à la logique froide, il aurait sans doute contesté cette décision. Au lieu de cela, il l’accepta stoïquement. Belisarius Cawl allait dire quelque chose mais Calgar l’arrêta. Il donna la permission aux Ynnari d’accompagner leurs alliés, car il paraissait évident que la volonté de l’Empereur les avait amenés ici. Leur présence ne pouvait être accidentelle et quels que fussent les desseins de l’Empereur à leur égard, Marneus Calgar ne voulait pas prendre le risque de les contrarier.
Sans perdre de temps, le Seigneur de Macragge donna ensuite ses ordres. Il chargea Agemman de rester dans le strategium et de superviser les défenses de la Forteresse de Hera. Tigurius et Voldus allaient accompagner les pèlerins au Sanctuaire de Guilliman, ainsi qu’une Garde d’Honneur lourdement armée, des Frères de Bataille de la 3e Compagnie, et d’autres en Armures Terminators de la 1ère Compagnie. Si les Célestiniens ou les Xenos montraient des signes de traîtrise, il y aurait ainsi suffisamment de bourreaux disponibles dans les environs…
Célestine remercia Calgar et le loua pour sa sagacité. Pour sa part, Yvraine resta impassible, alors que Cawl semblait impatient, comme s’il était irrité que ces discussions le retardent dans sa mission. Alors que les pèlerins se remettaient en route, Greyfax et Amalrich échangèrent un regard entendu avant de se placer à l’arrière de la procession. Les Ultramarines ne seraient pas les seuls à tourner leurs armes contre Cawl et ses alliés inhabituels à la moindre alerte.
Au-dehors, la bataille se poursuivait comme le soleil de Macragge passait lentement derrière les montagnes de la Couronne de Hera. Le crépuscule était néanmoins vivement éclairé par les réacteurs des appareils hérétiques qui continuaient de plonger depuis l’orbite et traversaient le firmament. Pendant que les pèlerins et leurs gardes se dirigeaient vers le Sanctuaire de Guilliman, les traîtres redoublaient d’efforts…
Révélation et Renaissance
ADDENDA INQUISITORIA MISSIVE ASTRALE <<Interception astropathique // Entrée 1 - Expéditeur : Des présages funestes abondent [stop] des énergies empyriques autour du site d’excavation Beta-Secundus augmentent de façon exponentielle [stop] Amethal, tout le système Diamor est menacé [stop]
Besoin de renforts, transmission du message à <classifié> [fin] Entrée 2 - Expéditeur : Rapport reçu [stop] Entrée 3 - Expéditeur : Bien reçu stop Manifestations maléfiques partout sur Amethal, Tourmalid, Peridos [stop] force de Metalica submergées, force actuelle environ 27% [stop] La Cage se fissure, frère. Je remets mon âme à l’Ange [fin] Entrée 4 - Expéditeur : Négatif [stop] Les vrilles de la Flotte-ruche attaquent l’avant-garde de la flotte [stop] Les Successeurs se rassemblent, mais les interférences dues à l’Ombre dans le Warp augmentent [stop]
Abandonnez Amethal, sauvez le matériel récupérable et revenez sur Baal [fin] Entrée 5 - Expéditeur : Aucune réponse reçue [stop] Confirmez la réception [stop] Les ténèbres s’accumulent, frère. L’Ange a besoin de vous [fin] |
Pénétrer dans le lieu de repos de Roboute Guilliman donnait l’impression d’arriver dans la chambre funéraire d’un guerrier. C’était un lieu immense, un sépulcre voûté à l’intérieur duquel un Titan Warlord aurait pu se tenir debout sans difficulté. Des colonnes de marbre soutenaient un plafond d’armaverre et d’obsidienne incrustée d’argent lunaire theldrite. Les actes les plus glorieux de Guilliman étaient dépeints par des frises et des statuaires, le tout disposé autour du centre de la salle, et éclairé artistiquement par des électrotorches, afin de décupler la solennité des lieux. D’immenses braseros où brûlait de l’encens étaient disposés à intervalles réguliers, et saturaient l’air d’une odeur tenace. Des laudaphones en forme de visages de chérubins déclamaient sans cesse des mantras martiaux et des prières.
En dépit de l’immensité du sanctuaire, les regards des pèlerins furent attirés par une grande silhouette qui trônait au milieu d’une bulle de lumière blanche, au fond de la salle. C’était là, sis sur un trône de marbre, d’or et d’adamantium, que reposait Roboute Guilliman. Des machineries ésotériques surplombaient le trône. Elles ronronnaient et cliquetaient tout en alimentant le champ de stase par le biais de câbles blindés. Guilliman semblait endormi. Ses yeux étaient clos et un collier de sang courait au niveau de sa gorge. Il portait son armure, celle-ci arborant les traces de son duel final contre le Primarque Démon Fulgrim. Sur ses genoux émit posée une lame d’une taille prodigieuse : l’Épée de l’Empereur. Même si Roboute ne bougeait pas, il se dégageait de sa personne un charisme impressionnant.
Les pèlerins approchèrent en silence. Leur escorte d’Ultramarines les accompagnait, suivie de l’autoreliquaire de Cawl. Le groupe s’arrêta au pied de la volée de marches qui menait jusqu’au Primarque, là ou d’innombrables Ultramarines s’étaient agenouillés au fil des millénaires afin de communier avec leur père. Marneus Calgar s’avança au plus près des marches, s’inclina en signe de révérence puis se tourna vers l’assemblée des pèlerins et de leurs gardes. Les sons de la bataille étaient toujours audibles, même en ce lieu sacro-saint, bien qu’ils fussent étouffés et distants.
Calgar inspira profondément, et demanda une fois de plus à Cawl d’expliquer les raisons de sa présence. Jusqu’à présent, le Maître de Chapitre avait été tolérant, mais puisque l’intensité de la bataille ne diminuait pas, il ne pouvait plus se permettre de perdre du temps.
Cawl inclina la tête et raconta une histoire incroyable. Quelques années avant que Guilliman soit mortellement blessé, il l’avait convoqué. Les mémo-engrammes de Cawl datant de cette entrevue étaient érodés et incomplets, toutefois il croyait fermement que Guilliman avait vu en lui l’artisan de grands changements à venir. Le Primarque lui avait confié une mission pour laquelle il serait richement récompensé en connaissances que seul Roboute pouvait lui fournir. Avant que Calgar montre son impatience, Cawl précisa qu’il n’avait pas la possibilité de révéler la nature exacte de sa tâche. Toutefois, elle avait été divisée en deux parties distinctes, et il était ici pour mener la première à bien. Il avait apporté une magnifique armure destinée au Primarque des Ultramarines, et dont les systèmes auxiliaires étaient en mesure de soigner ses blessures mortelles. Un silence de plomb suivit cette annonce : ramener un Primarque à la vie en ces heures sombres serait un véritable miracle, car l’Imperium avait plus que jamais besoin de héros pour le guider, surtout s’il s’agissait d’un des plus grands fils de l’Empereur.
Yvraine prit alors la parole pour dévoiler les raisons de sa venue. Elle était l’Émissaire d’Ynnead, le Dieu des Morts, et son pouvoir était essentiel pour assurer la résurrection de Guilliman. Voyant les traits des visages de ceux qui la regardaient se décomposer, elle poursuivit sur un ton impatient, et expliqua qu’un tel miracle nécessitait un sacrifice. Cawl avait travaillé avec acharnement pour accomplir sa mission, toutefois sans l’aide d’Ynnead, ses efforts seraient vains, car avant de renaître, Roboute Guilliman devait mourir.
Alors que les paroles de Cawl avaient suscité un long silence, celles d’Yvraine déclenchèrent une tempête de récriminations. Calgar lui-même exprima sa colère, et jura qu’aucun Xenos ne poserait la main sur le corps en stase de son Primarque tant qu’il vivrait. Le Grand Maître Voldus se plaça à côté de Calgar en affichant une mine sombre, puis Greyfax et Amalrich ne tardèrent pas à l’imiter. Les Ultramarines pointèrent leurs armes vers Cawl, vers les Ynnari, et même vers l’autoreliquaire. Ils n’attendaient que l’ordre de leur seigneur pour ouvrir le feu.
Pourtant, des voix s’élevèrent en faveur de cette proposition en apparence insensée. Cawl affirma qu’il était lié par un pacte à Guilliman, et qu’il avait juré de l’honorer. Sainte Célestine prit également la parole, implorant à tous ceux présents de garder la foi, et en affirmant elle aussi qu’elle pensait qu’il s’agissait là de la volonté de l’Empereur. Mais surtout, le soutien le plus inattendu à cette cause fut Tigurius lui-même, qui s’avança en faisant claquer son sceptre de force contre le sol en pierre avant de se placer à côté de Cawl. Il parla calmement, faisant taire les cris et les protestations, et demanda à Calgar de lui faire confiance. La confusion et la colère étreignaient le cœur de chacun, mais le pire était à venir.
Un Sanctuaire Profané
Au milieu du tumulte de voix colériques et d’armes brandies de façon menaçante, le vox de Marneus Calgar sonnait de façon insistante dans son oreille. Il accepta la communication d’un air agacé, toutefois la réprimande qu’il allait formuler mourut sur ses lèvres. Une seconde plus tard, il tonna un avertissement par-dessus la cacophonie, juste avant que l’armaverre fumé du dôme du sanctuaire explose dans une pluie d’éclats miroitants.
Des morceaux de la taille de boucliers Storm s’enfoncèrent dans le sol et les murs, mais aussi dans les corps en armures de certains. Une forme énorme se fraya un chemin dans le sanctuaire, une masse de métal bleu se déplaçant à la vitesse d’un mag-train lancé à pleine vitesse. Plongeant selon un angle oblique, un Thunderhawk des Ultramarines percuta le sol et glissa de façon incontrôlée. L’aéronef était gravement endommagé. Des flammes jaillissaient de brèches dans sa coque et une de ses ailes avait été arrachée. Il continua sa course effrénée à l’opposé des pèlerins et de leurs gardes Ultramarines, avant de percuter une colonne en marbre et de provoquer son effondrement dans une avalanche de gravats. Le Thunderhawk s’immobilisa enfin contre un des murs du sanctuaire en démolissant une statue de Guilliman combattant Alpharius, avant de donner violemment du gîte à tribord, dans un grincement de métal torturé.
ADDENDA INQUISITORIA MISSIVE ASTRALE (AGRESSEUR BESTIALIS) <<cf:// Thraka, Ghazghkull Mag Uruk>> <<dt:// Visions et Rumeurs>> Madame l’Inquisitrice, J’ai compilé les rapports sur le sujet. Je me dois de vous souligner de nouveau que ces données verrouillées par des runes dans cette tablette sont impossibles à lire. Plus que tout autre, vous êtes au fait des dissonances maléfiques qui dérèglent les communications. On dit que les tempêtes font rage depuis Oberica jusqu’à la Bordure Orientale, et à chaque convulsion de l’Immaterium, des messages sont coupés, des rapports sont incomplets et les erreurs se multiplient. Il est impossible que la Bête d’Armageddon ait été aperçue en tant d’endroits différents au même moment ! Comment expliquer qu’il ait progressé aussi rapidement d’un Segmentum à l’autre ? Qu’on prétende qu’il commande à une flotte de cinq millions de navires de guerre, et que des visages orkoïdes apparaissent dans le néant pour observer sa progression d’un air satisfait ? Ce ne peut être le même Ork qui a mené l’attaque contre le système Drakenfyr, et envahi la planète chapitrale des Knights Obstinate. Ces deux assauts n’ont été espacés que de quelques semaines ! Valion’s Tear ? Red Reach ? Modexia ? Prétendre qu’une brute stupide est responsable de tant de défaites impériales est une sottise sans nom. Je vous demande donc une nouvelle fois de cesser d’enquêter sur ces rumeurs infondées et de vous concentrer sur les menaces réelles. Bien entendu, ces doléances s’accompagnent de mon plus grand respect, Inquisitrice. Votre Serviteur, Archi-Scribe de Première Classe et Maître Rédacteur de la Plume Dorée, Allouicious Dunt |
À peine l’engin crashé s’était immobilisé que sa rampe d’assaut s’ouvrit dans un gémissement, et vomit des Space Marines du Chaos aux armures noir et or. Ils portaient des réacteurs dorsaux hérissés de pointes et poussaient des cris de guerre à travers leurs grilles-vox.
Les Ultramarines répliquèrent aussitôt. Les Bolters et les canons d’assaut rugirent, et la fusillade massacra les Raptors de la Black Legion. Des jets de sang giclèrent de leurs silhouettes aviaires alors que leurs corps dansaient la gigue sous la grêle de projectiles. Malgré cela, les Ultramarines ne furent pas assez rapides pour éviter la catastrophe. Hurlant haineusement, trois Raptors bondirent par-dessus la tempête de tirs avec leurs réacteurs dorsaux, puis atterrirent pour planter des icônes maudites dans le sol. C’étaient de grands épieux en adamantium et en fer décorés de trophées macabres, et oints d’ichor démoniaque. Des énergies empyriques tourbillonnaient autour d’eux, et instantanément, la réalité se déchira comme des lumières typiques d’une opération de téléportation apparaissaient.
Au moment où les Raptors survivants s’écartaient, une formation de Terminators de la Black Legion apparut : des dizaines de tueurs d’élite en armures tactiques Dreadnought hérissées de pointes.
Faisant preuve d’une discipline exemplaire, les Ultramarines visèrent ces nouvelles cibles. Les bolts et les explosions s’abattirent sur les Terminators de la Black Legion, mais la plupart des projectiles rebondirent sans effet contre leurs protections, car il s’agissait là des plus grands champions des Dieux Sombres, et ils bénéficiaient des dons démoniaques de leurs maîtres. Même si plusieurs d’entre eux s’écroulèrent ou titubèrent, les autres résistèrent à la salve et s’avancèrent tout en ripostant.
Marneus Calgar s’étranglait de rage. Le Sanctuaire de Guilliman, le cœur sacré du Chapitre des Ultramarines, venait d’être profané par les serviteurs du Chaos. Une fusillade intense avait lieu. Les Ultramarines se jetaient à couvert derrière les statues et les colonnes avant de riposter. Il était clair que l’ennemi désirait atteindre le Primarque, et Calgar ne put s’empêcher de repenser à la vision de l’épée enfoncée dans un cœur rapportée par Voldus dans sa missive astropathique. Calgar restait suspicieux envers Cawl, les Ynnari et tous ceux qui les accompagnaient, pourtant la menace qui se présentait là était évidente. Ordonnant aux pèlerins de ne rien tenter jusqu’à ce que la situation soit de nouveau sous contrôle, le Maître de Chapitre activa les champs énergétiques des Gantelets d’Ultramar et se prépara à commander ses hommes au combat.
Il n’était pas seul. Saint Célestine avait dégainé sa Lame Ardente et emmenait déjà ses Geminae Superia à l’attaque. Amalrich l’imita, beuglant des litanies de haine en menant ses quelques Frères de Bataille vers la Black Legion. Le Grand Maître Voldus se joignit aussi au combat. Il donnait des ordres concis tout en avançant, afin d’acheminer des renforts puisés dans sa confrérie de Chevaliers Gris. Le sang coula dans les deux camps.
Des actes héroïques se déroulaient dans tout le sanctuaire. L’Inquisitrice Greyfax reçut un projectile à la cage thoracique dès le début des combats. Le bolt érafla son armure et lui coupa le souffle, mais par chance, il n’explosa pas. Des étoiles dansaient devant ses yeux, et elle se jeta à couvert, non loin du trône de Guilliman. Inspirant profondément, elle se pencha sur le côté de la colonne et lâcha une rafale avec son Bolter Condemnor. Les bolts atteignirent un Raptor au niveau du visage, faisant exploser sa tête.
L’œil bionique de Greyfax passa successivement différents filtres de vision afin de collecter des données et de restituer des réponses tactiques adaptées. Elle vit Sainte Célestine se frayer un chemin à travers les Terminators de la Black Legion. Elle virevoltait et bondissait dans les airs en frappant adroitement avec son épée. Une des Geminae Superia était gravement blessée, à en juger au sang sur son armure. L’autre poursuivait le combat. Elle vida le chargeur de son Pistolet Bolter contre un adversaire. Greyfax ne parvenait pas à faire confiance à la Sainte Vivante, mais elle reconnaissait son adresse au combat.
Non loin, Marneus Calgar et le Grand Maître Voldus se battaient côte à côte. Ils faisaient face aux coups de leurs ennemis, tout en répliquant de façon mortelle, empalant et broyant les traîtres les uns après les autres. Alors que Greyfax les observait, elle vit Voldus libérer une onde de choc psychique en ouvrant la paume de la main vers ses adversaires. Un Terminator du Chaos fut projeté dans les airs comme un pantin désarticulé, et termina son vol plané contre une statue. Malgré cela, les renégats progressaient, et ils recevaient sans cesse de nouveaux renforts : les énergies signalant une téléportation revinrent, révélant un trio de Sorciers de la Black Legion accompagnés de pierriers monstrueux de chair et de métal entremêlés, et hérissés d’armes. Concomitamment, des Modules d’Atterrissage Dreadclaw atterrirent en passant par le dôme brisé, juste derrière les Terminators. D’autres guerriers d’élite d’Abaddon apparurent entre les colonnades : des Astartes hérétiques, dont des soldats déments de Khorne, qui chargèrent au combat en hurlant.
Les Ultramarines tinrent leurs positions en dépit de leur infériorité numérique. Les vétérans lâchaient des rafales précises contre l’ennemi. Les légionnaires noirs étaient jetés au sol, ou réduits en cendres par les salves de plasma. Les Terminators en armures bleues livraient des duels contre leurs homologues fuligineux. Les lance-flammes lourds crachaient des gerbes ardentes sur les silhouettes revêtues d’adamantiun et de céramite, les Gantelets Énergétiques délivraient des horions destructeurs. Le sénéchal Amalrich et ses frères aidaient les Ultramarines, leurs Épées Tronçonneuses vrombissantes et leurs griffes Lightning creusant un sillon sanglant dans la mêlée. Un des Black Templar tomba sous les coups d’un poing tronçonneur, ce qui ne fit que redoubler l’ardeur de ses camarades.
Le psyocculum de Greyfax sonna pour l’avertir comme des énergies Warp s’accumulaient sur une zone du sanctuaire. Regardant dans la direction indiquée par l’aiguille en laiton de l’appareil, elle vit les trois Sorciers de la Black Legion qui brandissaient leurs sceptres au milieu d’un brasier surnaturel. Greyfax pointa son Condemnor et tira un pieu béni vers le mage le plus proche. Elle poussa un juron en voyant le projectile s’enfoncer dans sa cible sans pour autant l’abattre. Elle s’accroupit à couvert pour recharger pendant que des bolts sifflaient autour d’elle. Ce faisant, elle s’aperçut que certains pèlerins ne participaient pas à la lutte.
Elle poussa un autre juron en voyant Cawl qui s’affairait sur le panneau de contrôle de son autoreliquaire. Ses doigts métalliques dansaient sur le clavier runique tandis que ses mécadendrites allaient d’une prise énergétique à l’autre. Pendant ce temps, les Ynnari et les Skitarii le protégeaient, de même que l’Archiviste des Ultramarines. Une lueur Warp brillait dans son regard, et il tenait fermement son sceptre coiffé d’un crâne. Plusieurs berserks écumants le chargèrent. Tigurius prononça quelques syllabes, et les serviteurs de Khorne se désintégrèrent en amas de métal ensanglanté. Le psyocculum de Greyfax émit des signaux confus, et indiqua que les énergies vitales des berserks quittèrent leurs corps mais ne disparurent pas. Des signatures fantomatiques ondulaient autour des Ynnari. Les suspicions de Greyfax envers les Aeldaris furent confirmées : les âmes des morts les revitalisaient.
Elle se releva, se préparant à ordonner à Cawl de s’arrêter, mais à cet instant, une rafale d’autocanon s’abattit à proximité. Les explosions et les shrapnels la forcèrent à se remettre à couvert. Elle riposta immédiatement contre ses agresseurs, aussi bien avec son Bolter qu’avec ses pouvoirs psychiques, cependant la grêle de tirs l’empêchait de sortir de son couvert.
Marneus Calgar fit décrire un arc mortel à son gantelet. Il fracassa la garde de son adversaire et l’atteignit au niveau de la mâchoire. Le Terminator du Chaos fut décapité dans une tempête crépitante, et son corps tomba en arrière avec la force et la lenteur d’un chêne qu’on abat. Avant même que le cadavre touche le sol, Calgar fit volte-face et cracha un orage de destruction avec les armes de ses gantelets. Il tournait lentement sur lui-même pour cribler tour à tour les légionnaires noirs qui se présentaient. Bloquant une masse énergétique qui s’abattait vers sa tête, il se prépara à porter un autre coup d’une force titanesque. C’est alors qu’il repéra un mouvement au pied du trône de Guilliman, et ses deux cœurs tressaillirent d’horreur.
Le prêtre de Mars reculait de son autoreliquaire, après avoir visiblement terminé une tâche. L’engin en forme de dôme vrombit et s’avança, s’ouvrant comme les pétales d’une énorme fleur carnivore. D’où il se trouvait, Calgar ne pouvait pas voir à l’intérieur de la machine, cependant il apercevait des énergies scintillantes et des mécadendrites qui se dépliaient. Leurs extrémités terminées par des pinces et des forets de chirurgien le firent frémir. L’autoreliquaire s’avança en engloba entièrement la forme du Primarque à l’intérieur de ses évents métalliques. Au même instant la prêtresse xenos bondit avec une grâce surnaturelle pour esquiver une rafale de bolts, puis elle brandit son épée. |
« Non ! » hurla Calgar. « Je vous ordonne d’arrêter ! Frère Tigurius, au nom de l’Empereur, arrête-les ! »
Le désarroi du Maître de Chapitre fut total lorsque Tigurius le regarda droit dans les yeux et secoua la tête. « Allez-y ! » encouragea-t-il les pèlerins tandis que ses énergies psychiques tenaient en respect les ennemis qui se massaient autour du trône. « Et que l’Empereur me condamne si vous m’avez dupé, Xenos ! » Désespéré, Calgar pointa ses armes vers la prêtresse Aeldari, mais celle-ci fut trop rapide. Sa lame s’abattit et trancha net le câble énergétique qui alimentait le champ de stase de Guilliman. Il y eut un crépitement d’énergie, et à l’intérieur de l’autoreliquaire, Calgar perçut un râle d’agonie qui le hanterait jusqu’à la fin de ses jours. « Qu’avez-vous fait ? » rugit-il, envahi par un désespoir et une colère abyssaux. Il serra les poings, et se tourna de nouveau vers les traîtres qui se jetaient sur lui. Il plongea dans la mêlée pour tenter d’y expier le remords qui le rongeait déjà. |
L’autoreliquaire englobait totalement Roboute Guilliman et son trône. Les désignateurs runiques et les autolumens formaient des motifs étranges à sa surface. Voyant cela, les légionnaires noirs redoublèrent de vigueur pour tenter d’atteindre la machine ésotérique.
Poussant des cris de guerre, les Terminators de la Black Legion chargèrent. Marneus Calgar fut repoussé par la force de l’assaut, et son armure se fendit sous un coup de masse énergétique. Bravant les redoutables gantelets du Maître de Chapitre, une bande de Terminators renégats l’encercla afin que leurs camarades puissent continuer leur progression vers l’autoreliquaire. Des tirs résonnèrent dans le sanctuaire au moment où les guerriers du Chaos ouvraient le feu contre l’appareil de Cawl. Toutefois, les bolts explosèrent contre ses boucliers Void sans provoquer de dommages : l’Archimagos Dominus était prévoyant, et son autoreliquaire était bien protégé contre de telles attaques.
Les derniers Raptors se rassemblèrent et s’envolèrent à travers le sanctuaire. Leurs réacteurs dorsaux hurlèrent et des cris terribles jaillirent de leurs grilles-vox. Ils furent interceptés par une mince ligne de vétérans Ultramarines. Ils sortirent courageusement de leurs couverts pour s’interposer entre l’attaque du Chaos et le trône de Guilliman, en faisant parler leurs Bolters. Plusieurs Raptors tombèrent, toutefois les Ultramarines payèrent très cher leur bravoure quand les Obliterators ouvrirent le feu. Les tirs de plasma et de canons laser éradiquèrent les vétérans. Ils s’effondrèrent, les cages thoraciques réduites en cratères béants, ou les corps décapités par les rayons énergétiques.
Les Sorciers qui menaient l’assaut puisaient dans les énergies du Warp, et n’hésitaient pas à risquer la damnation pour ouvrir une brèche dans les lignes des Ultramarines. Deux d’entre eux libérèrent une tempête d’éclairs noirs contre le Grand Maître Voldus. Le Chevalier Gris fut forcé de mettre un genou à terre sous l’effet de leur puissance combinée, mais rapidement, ses yeux brillèrent et les runes de son armure étincelèrent alors qu’il rugissait une incantation de protection. Pendant ce temps, le troisième Sorcier se dirigeait vers le trône du Primarque, les bras levés et un hymne maudit aux lèvres. Alors qu’il scandait des mots impies, le Temple de la Correction se mit à trembler. Les colonnes se fendirent de bas en haut et des morceaux de marbres de la taille d’un Module d'Aterrissage se détachèrent du plafond et tombèrent sur les combattants. Des failles s’ouvrirent dans le sol, engloutissant des guerriers des deux camps. Le plafond lui-même se fissurait à une vitesse alarmante.
Comprenant que le Sorcier tentait de faire s’effondrer une partie du temple sur le trône de Guilliman, Tigurius brandit son sceptre et canalisa ses énergies psychiques pour défaire l’incantation de son adversaire. Néanmoins, la concentration du Maître Archiviste fut brisée lorsqu’une nouvelle vague de Berserks de Khorne se rua sur lui. Tigurius parait tant bien que mal les coups de Haches Tronçonneuses avec son sceptre, et jura en sentant que le pouvoir de l’Empyrean quittait son corps. Soudain, les Ynnari furent à ses côtés. Ils se déplaçaient et frappaient à une vitesse foudroyante. Jamais Tigurius n’avait vu des combattants se déplacer avec autant de rapidité et d’agilité.
Partout dans le temple parcouru de secousses, les guerriers décimés de l’Imperium se battaient tels des lions pour retenir la marée adverse. Célestine continuait de frapper et de bondir en laissant un sillage de légionnaires morts derrière elle. L’Archimagos Cawl envoyait des salves d’énergie mortelles contre les rangs du Chaos tout en entonnant des hymnes en binaire pour améliorer l’efficacité des armes de ses alliés. Amalrich et ses deux derniers vétérans résistaient héroïquement au sommet d’une pile de cadavres de séides de la Black Legion. Une escouade de Paladins Chevaliers Gris apparut enfin dans un éclair de téléportation, et ajouta ses talents psychiques à ceux de Voldus.
La bataille atteignit son paroxysme. C’est alors qu’une seconde vague de dix Modules d’Atterrissage Dreadclaw arriva dans le sanctuaire. Ils avaient été gardés en réserve, afin de porter le coup de grâce. Ils étaient accompagnés par des Métadracs, dont les canons de gueule tenaient en respect les aéronefs Space Marines arrivés pour intervenir. Plus d’une de ces Machines-Démons ailées fut abattue par les tirs antiaériens, mais leur sacrifice permit aux Dreadclaw d’atterrir sans encombres. Les dix capsules d’assaut passèrent à travers le dôme brisé du Sanctuaire de Guilliman et se posèrent au milieu de nuages de fumée et de flammes aux relents de soufre.
Les rampes des Dreadclaw s’ouvrirent pour vomir des escouades de tueurs hérétiques. Ce fut toute une bande de guerre qui arriva au combat. Les Serres du Fléau se déployèrent en masse et balayèrent toute résistance. À elle seule, cette force d’assaut de cent guerriers surhumains pouvait faire ployer des planètes entières. Leur attaque contre les lignes impériales affaiblies s’apparenta au choc d’un bélier de siège contre une porte vermoulue.
Les vétérans Ultramarines et les Gardes d’Honneur furent massacrés par la tempête de bolts. Même les Terminators en armure bleues s’effondrèrent, leurs protections ne parvenant pas à absorber le déluge de feu déchaîné par les Bolters, les Fuseurs et les Fusils à Plasma. Marneus Calgar rugit de défi alors qu’il était jeté à terre par une marée d’ennemis qui le piétinèrent et le poignardèrent impitoyablement. Amalrich et ses frères chargèrent depuis le monticule de cadavres plutôt que de rester à découvert, sous le nez de tant de canons. Ils étaient déterminés à emporter avec eux dans la tombe autant d’adversaires que possible. Sainte Célestine plongea sans hésiter vers cette masse d’ennemi. Sa seconde sœur avait été abattue en plein vol par un tir de plasma. La Sainte elle-même combattait désormais d’une seule main, car son bras gauche brisé pendant mollement le long de son flanc. Malgré tout, elle chantait un hymne à la gloire de l’Empereur.
Partout dans le sanctuaire, les serviteurs du Chaos progressaient et éliminaient peu à peu les îlots de résistance impériale, tandis que des énergies maléfiques continuaient de secouer violemment l’édifice. Néanmoins, pas un seul défenseur ne recula, même s’il était clair qu’ils ne survivraient pas plus de quelques minutes dans cet enfer.
Le Fils Vengeur
L’avant-garde des légionnaires noirs n’était plus qu’à quelques mètres du trône de Guilliman lorsque les runes du panneau d’affichage de l’autoreliquaire passèrent du rouge au vert. Une alarme sonna, et sa note claire monta à travers le tumulte. L’Archimagos, qui combattait aux côtés des Ynnari et du Maître Archiviste Tigurius, poussa un cri de triomphe inattendu en binaire. Un instant plus tard, l’armature de l’autoreliquaire s’ouvrit totalement pour révéler un spectacle d’une splendeur à couper le souffle.
Alors qu’auparavant, Roboute Guilliman était assis, pâle dans son champ de stase, il était désormais éveillé, alerte et parfaitement vivant. L’aura de sa présence était écrasante, et envahit soudainement tout le sanctuaire. Il portait une armure magnifique, un chef-d’œuvre issu des forges de Mars que Cawl avait emporté dans son autoreliquaire. D’une main, le Primarque des Ultramarines tenait la Lame de l’Empereur. Elle était auréolée de flammes. Dans ses yeux brûlait une fureur si meurtrière que même les loyalistes tremblèrent de peur.
C’était comme si un sortilège venait de jeter son emprise sur le sanctuaire. Même si les bruits des combats à l’extérieur filtraient encore, à l’intérieur de la salle, les deux camps étaient frappés de stupeur par la figure légendaire qui venait de revenir à la vie. Un cri de rage incohérent brisa enfin le silence, lorsqu’un Berserk de Khorne dépassa la mêlée et bondit pour se jeter sur le Primarque. Guilliman réagit avec une rapidité que même les Ynnari n’auraient pu avoir. Sa lame enflammée décrivit un arc ardent dans les airs, et le séide de Khorne fut coupé en deux au niveau de la taille.
Alors que le cadavre tombait au sol, le moment de flottement prit fin. Poussant un beuglement de colère, les guerriers de la Black Legion s’élancèrent vers Roboute Guilliman. Le noble demi-dieu ne prononça pas un mot et s’avança à leur rencontre, puis le carnage débuta.
Le premier à mourir fut le Sorcier dont les pouvoirs avaient provoqué les secousses du temple. Guilliman pointa son gantelet la Main de Domination, et une grêle de tirs perce-blindage en jaillit. Elle atteignit le Psyker de plein fouet et le mit en pièces dans une tempête explosive.
Les suivants furent les derniers berserks de la Black Legion. Imitant l’exemple de leur camarade, ils se jetèrent en hurlant sur le Primarque ressuscité, et comme lui, ils furent occis en un battement de cœur, et leurs cadavres allèrent joncher le sol aux pieds de leur bourreau. Guilliman était désormais au pas de course, et filait sous l’avalanche de feu libérée par ses adversaires de la Black Legion. Les bolts explosaient contre son armure, mais aucun des projectiles ne fut en mesure d’outrepasser ses protections.
Alors qu’il percutait les premiers rangs des légionnaires noirs, Guilliman lâcha enfin un cri de rage primal. Son poing broya un adversaire, qui vola dans les airs en laissant une traînée de sang derrière lui. Son coup suivant disloqua un traître en Armure Terminator, qui finit sa course contre une colonne de marbre et en bronze. L’impact fut si violent que le serviteur du Chaos la défonça et s’arrêta plusieurs mètres plus loin. Un Gantelet Énergétique hérissé de pointes frappa en direction du torse de Guilliman, mais il fut détaché du bras de son porteur par un coup d’épée avant d’atteindre le Primarque. La riposte de Guilliman décapita ensuite son ennemi, dont le cou tranché et instantanément cautérisé se mit à fumer comme le cadavre glissait au sol. Le Primarque poursuivit son assaut à une telle vitesse que même les réflexes surhumains des hérétiques ne purent les sauver. Personne ne pouvait égaler Guilliman, ni même lui arriver à la cheville, et les rares adversaires qui parvinrent à porter des attaques les virent déviées par son armure incroyablement résistante.
Alors que la Black Legion se jetait sur l’immense guerrier, les défenseurs du sanctuaire profitèrent d’un peu de répit. Avides de vengeance et inspirés à la vue du Primarque, les derniers Célestiniens et leurs alliés retournèrent au combat avec une vigueur renouvelée.
Sainte Célestine regarda en direction du Primarque ressuscité, et ressentit de l’exaltation à la pensée que sa foi l’avait guidée vers le droit chemin. Un fils de l’Empereur Dieu en personne, un demi-dieu de la guerre qui serait en mesure de mener l’Imperium hors des ténèbres qui l’avaient englouti. Quelle plus grande cause aurait-elle pu poursuivre ? Quel événement pouvait avoir plus d’importance qu’un tel miracle ? Humblement, Célestine remercia intérieurement l’Empereur de lui avoir permis de jouer un rôle dans cette résurrection inespérée.
Autour elle, la bataille faisait toujours rage, cependant la balance avait tout de suite penché en faveur de l’Imperium dès que le Primarque s’était manifesté. Les cadavres des guerriers impériaux n’étaient plus une perte tragique, mais les corps de martyrs dont le sacrifice serait célébré à jamais. Les traîtres présents dans le temple n’étaient plus des profanateurs honnis, mais les premiers hérétiques parmi des millions que Guilliman allait détruire. Les propres blessures de Célestine n’avaient plus d’importance, qu’elles fussent physiques, ou mentales, provoquées par la mort récente de ses Géminae Superia. « Merci, » dit Célestine tandis qu’une larme dorée roulait sur sa joue et qu’elle levait les yeux vers le ciel. « Merci, mon Empereur. Nous ne sommes pas dignes de cette bénédiction. » |
Un légionnaire noir écumant se rua sur Célestine en brandissant une lame cruelle. Il pensait sans doute qu’elle était distraite, en cet instant de gratitude suprême, mais il n’aurait pu se tromper davantage. Les flammes de la foi couraient dans les veines de Célestine, et elle posa son regard doré sur l’hérétique. Elle sourit et la blessure de son bras gauche guérit instantanément. La Lame Ardente s’abattit d’un mouvement leste, et mordit profondément dans l’armure et le corps de sa cible.
Alors que son assaillant reculait en crachant du sang, la Sainte s’envola et traversa le sanctuaire. Elle se posa près de Greyfax, qui était debout près d’un sarcophage et vidait le chargeur de son Bolter sur les hérétiques. « Je me suis trompée, et je ferai pénitence ! » cria Greyfax par-dessus l’aboiement rageur de son arme. « Tu es bel et bien un instrument de la volonté de l’Empereur. » « La suspicion n’est pas un péché, Katarinya Greyfax, » répondit Célestine en abattant avec son épée un ennemi qui se ruait vers elles. « Tu sers l’Empereur aussi fidèlement que moi. » « J’essaie… » acquiesça. Greyfax. « Dans ce cas servons-le ensemble, telles de véritables guerrières de la foi. » Ce faisant, elle brandit sa lame et chargea l’ennemi, Célestine à ses côtés. |
Pendant que Guilliman éliminait les ennemis autour de son trône, Tigurius, Cawl et les Ynnari s’engouffraient dans la brèche. Yvraine se déplaçait à la vitesse de l’éclair, tuant un Space Marine du Chaos, puis effectuant une pirouette entre deux autres adversaires, qui se transformèrent aussitôt en statues de cendres rougeoyantes avant de tomber en poussière. Un traître pointa son Fusil à Plasma vers la prêtresse virevoltante, mais l’épée du Visarque lui trancha les deux bras au niveau des coudes. Le champion d’Ynnead inversa sa prise et enfonça son épée dans le casque de son adversaire, se délectant de son âme corrompue lorsqu’elle s’échappa de son corps.
Tigurius déchaîna un barrage d’énergies psychiques, des ondes de choc tectoniques qui renversèrent les Space Marines hérétiques et disloquèrent leurs armures comme de la porcelaine. Le Maître Archiviste sentit alors le regard de Guilliman se poser sur lui, le temps d’un battement de cœur. Tigurius eut l’impression que son âme était mise à nu, puis Guilliman reprit son attaque et la sensation s’évapora.
À chacun de ses coups, le Primarque des Ultramarines envoyait des corps mutants valser dans les airs. Son expression restait sévère, sa haine froide et concentrée sur l’extermination des traîtres, comme s’il laissait libre cours à une colère muselée pendant des millénaires.
Le dernier souvenir de Guilliman était celui d’un combat désespéré contre un frère corrompu, un duel fratricide de forces herculéennes et d’injures pleines de fiel, puis la douleur d’un poison insoutenable.
Et désormais, il se retrouvait dans un environnement étrange, face à une horde de créatures cauchemardesques qui ressemblaient à des parodies de l’Adeptus Astartes.
Ses alliés ne lui étaient guère plus familiers, mais au moins pouvait-il les distinguer de ses ennemis. Le Primarque mettait donc ses questions de côté pour l’instant et se concentrait sur le combat.
Les légionnaires noirs continuaient de se jeter sur lui. Ils étaient visiblement prêts à tout pour le tuer. Toutefois, ils étaient largement surclassés. L’Épée de l’Empereur les fauchait, et la Main de Domination les abattait par groupes entiers. Ils furent finalement forcés de reculer, et on put de nouveau voir le corps étendu au sol de Marneus Calgar, dont l’armure était fendue, et le visage ensanglanté. Guilliman s’arrêta un instant pour observer le corps de ce fils qu’il reconnut comme un des siens, une expression insondable sur le visage.
Calgar frémit et parvint à ouvrir un œil pour contempler son Primarque ressuscité. Satisfait de voir qu’il était en vie, Guilliman poursuivit son assaut, laissant pour l’heure le Maître de Chapitre qui continuait de le regarder d’un air stupéfait.
Le Grand Maître Voldus et ses Paladins repoussaient les derniers Sorciers du Chaos. Ces hérétiques étaient de puissants Psykers, toutefois ils n’étaient pas de taille face aux pouvoirs phénoménaux de Voldus. Entouré par un vortex crépitant d’énergies empyriques, le Grand Maître passait à travers les flammes noires et les éclairs conjurés par ses adversaires et en ressortait indemne. Poussé en avant par la force de ses muscles d’acier aussi bien que par celle de sa pensée, Voldus abattit son marteau et pulvérisa le casque d’un des Sorciers. La céramite, la chair et les os explosèrent dans un geyser.
Le dernier chef des hérétiques perdit alors son sang-froid, et ordonna à ses sbires de fuir le sanctuaire. Il tourna lentement sur lui-même à cause de son Armure Terminator, et se retrouva alors face à Roboute Guilliman. Une lumière aveuglante naquit comme le Sorcier tentait d’invoquer un sortilège, mais avant qu’il puisse prononcer les syllabes de l’incantation, il fut soulevé du sol, la Main de Domination fermement serrée autour de sa gorge. Dans une démonstration de force à couper le souffle, le Primarque porta le visage du traître au niveau du sien. Les traits du Primarque affichaient un dégoût et un mépris évidents. Le Sorcier essaya une dernière fois d’émettre un son, mais sa voix se perdit dans un râle lorsque l’Épée de l’Empereur s’enfonça dans son ventre et l’empala. L’antique armure et le corps à la résistance surnaturelle cédèrent comme de la soie déchirée par un poignard, et les entrailles du Sorcier se déversèrent sur le sol en pierre.
Privés de leurs chefs, fauchés comme les blés par le Primarque et les assauts de ses alliés, les derniers guerriers de la Black Legion tournèrent les talons et s’enfuirent. Cependant, aucun d’entre eux ne sortirait vivant de la Forteresse de Hera…
Un Nouveau Couronnement
Lorsque des renforts atteignirent enfin le Temple de la Correction, les combats étaient terminés. Tous les Ultramarines qui accoururent tombèrent immédiatement à genoux, abasourdis en apercevant leur Primarque ressuscité.
Roboute Guilliman avait retrouvé son calme et prenait déjà en charge la situation. Il ne posa pas de questions, sauf d’ordre stratégique. Il ne fit pas référence aux circonstances de sa résurrection, de sa longue absence, ou aux étrangers qui l’entouraient. Personne n’osa aborder ces sujets avec lui. Il était évident que le Primarque demanderait plus tard des explications. Pour l’heure, les Ultramarines, les Célestiniens et même les Ynnari ressentaient un émerveillement mêlé d’une certaine crainte. De plus, la bataille faisait toujours rage au-dehors du temple.
La nouvelle du retour du Primarque se répandit comme une traînée de poudre dans la Forteresse de Hera. Elle fut proclamée dans tous les haut-parleurs vox, annoncée depuis le sommet des remparts, et transmise par les émetteurs vocaux de tous les cyber-chérubins des environs. D’ailleurs, Guilliman s’en assura, car il avait conscience que cette nouvelle galvaniserait ses troupes et démoraliserait l’ennemi. Les Ultramarines et les Auxiliaires de Défense d’Ultramar furent d’abord stupéfaits, puis puisèrent une vigueur décuplée au fond de leurs cœurs. En revanche, les serviteurs du Chaos faiblirent notablement. Même leurs plus grands champions paraissaient impuissants comparés à la force martiale d’un Primarque, et des vagues de paniques ne tardèrent pas à se répandre au sein des formations du Chaos à l’idée de devoir l’affronter.
Guilliman se rendit sans attendre au strategium, et au cours d’une rencontre qui resterait à jamais gravée dans l’histoire, il se vit remettre le commandement suprême par le Premier Capitaine Agemman. Le Seigneur Calgar était présent, bien que gravement blessé et soutenu par deux de ses Gardes d’Honneur. Guilliman prouva sa noblesse en requérant l’aval du Maître de Chapitre. Calgar fit alors signe à ses gardes de le laisser, puis grimaçant de douleur, il s’agenouilla devant son père génétique. Il prouva lui aussi sa loyauté en jurant allégeance à son Primarque, et lui offrit à vie le commandement de son Chapitre.
Tel un chef d’orchestre se préparant à officier, Guilliman posa les mains sur la table du strategium et prit une profonde inspiration. Il commença alors à donner ses ordres. Bientôt, son génie stratégique et la perspicacité de son jugement mirent les régiments du Chaos en difficulté. Les chefs des Ultramarines étaient médusés en voyant avec quelle facilité Guilliman maniait ses troupes, les déplaçant comme des pièces sur un échiquier, tout en assimilant les données tactiques afin que les défenseurs se retrouvent dans des conditions idéales pour contre-attaquer. Calgar et ses lieutenants avaient jusqu’à présent mené une campagne militaire efficace contre l’envahisseur, pourtant leurs résultats pâlissaient comparés à ceux obtenus par le Primarque en seulement quelques minutes.
Obéissant à son commandement, les troupes déclenchèrent des barrages d’artillerie et des frappes aéroportées qui ne tardèrent pas à dégager l’espace aérien autour de la Forteresse de Hera. N’ayant plus à se soucier d’une quelconque menace venue du ciel, les réserves des Ultramarines et un grand nombre de régiments des Auxiliaires de Défense arrivèrent dans les combats selon les meilleurs vecteurs d’approche. Les feintes, les embuscades, les retraites martiales et les contre-attaques soudaines mirent en pièces les forces du Chaos et les repoussèrent des bastions qu’elles avaient capturés. Guilliman maniait des centaines de milliers de soldats avec précision. Il prévoyait chaque réaction de l’ennemi et les contrait avant qu’il puisse les appliquer.
Quand le Primarque et sa coterie sortirent enfin du strategium, l’armée du Chaos était en déroute. L’attaque menée personnellement par Guilliman au cœur de ses lignes fut le coup fatal porté à la gorge d’un ennemi à bout de forces. Les guerriers de la Black Legion, des Iron Warriors, de l’Alpha Legion et des Night Lords furent tous rejetés des murs. Les Titans renégats furent abattus et tombèrent tels d’immenses arbres enflammés. Trois heures à peine après sa résurrection, Roboute Guilliman mit un terme à l’invasion du Chaos, si bien que la Forteresse de Hera put de nouveau être considérée comme sécurisée.
Les impériaux purent alors profiter d’un répit et se réarmer. Alors que les Serviteurs décérébrés et les équipes de serfs s’affairaient à réparer les défenses de la forteresse, Guilliman convoqua ses conseillers dans le sanctum du Maître de Chapitre. Ce lieu avait été pendant longtemps la salle du trône de Marneus Calgar, et il allait devenir désormais le sanctum du Primarque. C’est là qu’il fut officiellement couronné Seigneur d’Ultramar et qu’il redevint le maître des Ultramarines. Calgar, Tigurius, Agemman et leurs plus proches lieutenants étaient présents, ainsi que des représentants de toutes les compagnies du Chapitre. Les Célestiniens étaient là eux aussi, et Sainte Célestine accorda sa bénédiction au Primarque. Même les Ynnari observaient ce moment historique, bien qu’ils restassent dans les ombres de la salle, en affichant une mine mystérieuse.
Lorsque la cérémonie se termina, Guilliman se leva et s’adressa à l’assemblée. Il y avait beaucoup à faire, et de nombreuses questions auxquelles il fallait répondre. Car avant qu’il puisse prendre ses décisions futures, Roboute Guilliman devait savoir tout ce qui s’était passé au cours de son absence.
Chapitre II : OURAGAN DE GUERRE
« Même les Dieux ont leurs limites. Les armes des mortels peuvent échouer à les blesser, il est vrai. Toutefois, l’orgueil, l’arrogance et l’excès d’intérêt pour leurs serviteurs mortels sont des barbelures à l’aide desquelles même l’être le plus divin peut-être vaincu. »
- - Lorgar Aurelian.
De Sombres Révélations
Le Warp est, de bien des façons, un miroir de la réalité. Tel un bassin sombre et insondable, sa surface se ride sous l’impact des événements, voire des accès de passion et de violentes émotions. La résurrection de Roboute Guilliman engendra des ondes dans l’Immaterium, telles des lames de fond, qui ne passèrent pas inaperçues.
Un à un, les Champions des Dieux Sombres du Chaos apprirent le retour du Primarque. Vautré en plein banquet d’âmes, Fulgrim se renfrogna de déplaisir comme des Démons lui murmuraient la nouvelle. Le Primarque Démon des Emperor’s Children se redressa sur son trône de velours, jurant au dieu dépravé Slaanesh que cette fois-ci, il veillerait à ce que Guilliman tombe à jamais en disgrâce.
Depuis des routes secrètes et des dédales cristallins, les Démons Majeurs de Tzeentch scrutaient la trame du destin qui ondulait et changeait avec les implications du retour de Guilliman. Lisant la volonté de leur maître dans les facettes éparpillées du futur, chacun se mit à la tâche de corrompre, tenter ou détruire le Primarque des Ultramarines d’une myriade de façons variées et subtiles.
Dans les épouvantables marais du Jardin de Nurgle, un conclave de Grands Immondes écoutait avec indulgence le babil frénétique de mouches messagères. Ils jubilèrent, de la bile et des asticots tombant de leurs mentons pourrissants. Un Primarque ! Un qui n’ait encore été touché par aucun des frères de Nurgle. Leur maître pestilentiel convoiterait sans nul doute un tel prix. Peut-être, pouffèrent-ils, pourraient-ils arranger une réconciliation entre l’amer Mortarion et son frère. Une telle occasion ne s’était pas présentée depuis des millénaires, et les Grands Immondes se mirent à fredonner gaiement en entamant la concoction d’une maladie pour demi-dieu.
Ailleurs dans la galaxie, le cataclysme de Mendox arrivait à sa hideuse conclusion. Le long d’un front qui s’étirait sur des systèmes entiers, les champions de Khorne brûlaient quatre-vingt-huit mondes Impériaux à la fois. Dans les flammes de leur génocide, Démons et mortels élus de Khorne avaient des visions de leur déité qui enrageait contre le retour de Guilliman. Son hurlement résonna comme le tonnerre dans le ciel des planètes mourantes, et des tempêtes Warp éclatèrent à travers les failles dans la réalité tandis que le Dieu du Sang fendait les astres à l’aide de sa lame de ruine. Les serviteurs des autres Dieux Sombres pouvaient bien tenter de corrompre Guilliman, le duper ou le dépouiller, ceux de Khorne savaient que leur maître n’avait aucune patience pour ce genre de choses. À la place. ils se battirent les uns contre les autres pour le droit de traquer le Primarque ressuscité et de prendre son crâne.
D’autres seigneurs perçurent la renaissance de Guilliman et entamèrent la levée de leurs forces. Averti par les prophéties de Zaraphiston, Abaddon le Fléau avait réuni une alliance de renégats pour faucher Guilliman avant sa résurrection. Ce fut cela qui avait causé l’invasion subite et frénétique d’Ultramar, mais, en dépit du concours d’une vaste bande de la Black Legion, les vassaux d’Abaddon avaient échoué. Furieux, Abaddon invoqua et lia à son service Kairos le Tisseur de Destins, avant de l’envoyer à travers la galaxie pour rassembler de nouvelles forces afin de s’opposer au Primarque.
Sur des mondes infernaux lointains, Magnus le Rouge et le Seigneur de la Mort Mortarion eurent vent de l’éveil de leur frère. Leurs réactions furent aussi distinctes que le feu et la glace. Mortarion enragea, une tempête de colère froide et virulente tourbillonnant autour de lui jusqu’à ce que son écho dans l’espace réel fît germer sept nouvelles maladies sur d’infortunés mondes impériaux. Embourbé dans des plans près de porter leurs fruits, le Primarque Démon de la Death Guard ne pouvait pas encore agir directement contre Guilliman. À la place, il scruta les champs de parade de sa Planète de la Peste, et des rangs serrés de Death Guard se formèrent. Mortarion jura de faire pourrir Guilliman et son empire bien assez tôt.
En revanche, Magnus éclata d’un rire tonitruant. Tel un devin retournant sa dernière carte et obtenant une vision soudaine, le Roi Écarlate vit se dessiner devant lui un chemin vers la gloire en lieu et place d’un désert de confusion. Magnus commença à donner ses ordres, ses mots jaillissant sous forme d’essaims d’insectes cristallins. Ils filèrent pour les hosts de sa fière légion d’autrefois, les Thousand Sons. Le Primarque Démon cyclopéen avait déjà pris sa revanche sur un ennemi abhorré de jadis, en embrasant le système de Fenris dans les flammes du châtiment. À présent chance lui était offerte d’en punir un autre.
Ainsi, le pouvoir du Warp commença à s’agréger, coulant tel un nid de serpents. Les bandes de renégats voguèrent sur les sombres courants de l’Empyrée en direction d’Ultramar, en hurlant leur soif de sang et jurant d’abattre Guilliman au nom des Puissances de la Ruine.
Des pans de la galaxie étaient déjà labourés par les tempêtes Warp qui avaient jailli de la Porte Cadiane avec la férocité de l’Antique Nuit, ou liérée par la fracture de Biel-Tan. À présent, ces phénomènes s’étendaient encore, tandis que l’Annihilateur Primordial portait son toute attention sur l’espace réel. Des gueules hurlantes s’ouvraient entre les étoiles, tels d’immenses abysses alignés de crocs monumentaux et d’où s’étiraient des tentacules ectoplasmiques. Des ires de mondes étaient plongées dans les ténèbres et la terreur tandis que le temps volait en éclats et que se l’énergie de l’Immaterium se répandait dans l’espace réel.
Dans le Warp, des guerres cessaient comme d’autres éclataient. Des légions démoniaques étaient arrachées à des champs de batailles cauchemardesques et précipitées à travers des failles dans la réalité, avec pour mission de tuer le Primarque exhumé. Or les séides des Dieux Sombres sont opportunistes, et pensèrent que cette distraction pouvait être mise à profit pour frapper les rivaux de leurs maîtres respectifs au sein du panthéon du Chaos.
Montées sur un scorpion mécanique de la taille d’une cité, les légions de sang de Khorne foncèrent tête baissée vers les frontières venteuses du Labyrinthe de Cristal, tandis que des Démons de Tzeentch cracheurs de flammes s’en déversaient tels des insectes défendant leur ruche. Au même moment, la cavalcade hédoniste de Slaanesh se frayait un passage dans le Jardin de Nurgle, tandis que l’infâme ost fainéant du Dieu de la Peste traversait les cavernes de soufre sous le Bastion de Pyrofer de Khorne. Rapidement, de nouvelles guerres firent rage dans les domaines des Dieux du Chaos, leurs rivalités éternelles ravivées par les événements récents, bien qu’une fraction de leur attention fût portée sur le sort de Roboute Guilliman, et sur les plans de leurs séides pour le vaincre.
Quant au Primarque, Guilliman ignorait tout de la folie démoniaque engendrée par son retour. C’était là une bénédiction, car le Seigneur d’Ultramar avait déjà un poids écrasant de questions et de chocs à endurer. Tout ce qu’il avait connu s’était évaporé, remplacé par la démence et l’horreur d’un futur qu’il avait si désespérément tenté d’éviter.
Roboute Guilliman s’affala lourdement sur son trône. Le Primarque avait congédié tous ses préposés et conseillers, et avait même envoyé sa Garde d’Honneur attendre en dehors du sanctum. Enfin pouvait-il permettre à une once de chagrin, de trauma et de souffrance de poindre, et il laissa tomber son masque, impassible avec un soupir de soulagement. Quelle qu’en fût la nature, ce qui avait permis de le ramener lui laissait une profonde douleur dans la poitrine. Il se douta que ce mal ne le quitterait jamais.
La souffrance physique était le cadet des soucis de Guilliman. L’un après l’autre, le Primarque avait parlé à chaque Célestinien, seigneur des Ultramarines, et même à Yvraine des Ynnari. Des jours avaient passé en conversations, Guilliman usant de chaque bribe de son habileté diplomatique pour mettre ses hôtes à l’aise, tirer d’eux autant d’informations que possible, et dissimuler ses réactions à leurs paroles. Guilliman avait remercié chaque visiteur pour sa sagacité et ses services rendus à l’Imperium, évaluant discrètement ses invités pour montrer à chacun l’aspect de sa personnalité qu’il estimait à même de les rendre sympathiques et loquaces. Sans qu’il le dévoile, le Primarque fut frappé par chaque révélation comme par un boulet de canon. Il était exténué à force de conjurer perplexité et horreur, et ses traits étaient creusés par la douleur. Guilliman grogna et plaça sa tête entre ses mains, sa nouvelle armure sifflant et vrombissant sous l’effet du mouvement. « Des millénaires ont passé, » murmura-t-il, sans savoir à qui parler. Il avait besoin d’exposer la situation à voix haute avant de perdre la raison. Pour la première fois depuis son retour, Guilliman souhaita la présence d’un de ses frères. Eux, au moins, auraient pu comprendre. « Des milliers d’année, » reprit le Primarque, « et voyez ce qu’il est advenu d’eux. De nous. Ignorance. Souffrance et misère, au nom d’un dieu qui n’en a jamais désiré le titre. » Guilliman secoua la tête, se leva et marcha à travers le sanctum du Maître de Chapitre pour observer les bannières accrochées au mur ouest. Chacune était haute comme un Chevalier Impérial, un chef-d’œuvre de broderie dépeignant la gloire des Ultramarines. Des bêtes xenos tuées, des despotes hérétiques exécutés, des mondes sauvés et d’autres incendiés. |
La fière iconographie du Chapitre était mise en évidence, mais aussi l’Aquila de l’Imperium et là, au-dessus de plusieurs motifs héraldiques, un individu sur un trône et nimbé d’un halo qui semblait représenter l’Empereur.
« Nous avons failli, père, » dit Guilliman accablé de chagrin. « Vous avez failli à vos fils, et en retour, nous vous avons failli. À présent, pour aggraver notre arrogance et notre vanité, nous leur avons tous failli. Horus n’avait-il pas dit que vous vouliez devenir un dieu ? Il s’est rebellé sur cette assertion. Comme il jubilerait de voir ce que l’Imperium est devenu. » Pris de colère, le Seigneur d’Ultramar serra le poing pour s’efforcer de se contenir. Il s’imagina détruire sa chambre, et jeter ses débris telle une bête sauvage. Il n’osa point, de peur que ces étrangers dans la livrée de son Chapitre ne voient à travers son masque. Bien qu’il luttât contre le désespoir, le Primarque savait qu’il ne pouvait laisser transpirer sa faiblesse. Calgar, Tigurius, Agemman, tous les autres, ils le regardaient comme s’il était l’Empereur en personne. Guilliman était douloureusement conscient de son statut de symbole, et à quel point l’heure était grave. Il ne devait montrer que de la force à ses fils génétiques, de peur que le désespoir ne les étreigne également. « Et quand bien même, cela ferait-il une différence ? » soupira-t-il tournant le dos aux bannières et traversant la chambre pour regarder par la verrière. Dehors, à travers l’immensité de la Forteresse de Hera, Guilliman vit le rempart où se situaient jadis ses anciens quartier. Ils avaient appartenu à son père avant lui. Il avait dressé ses plans ici, parlé à ses frères, ri et enragé, et en une occasion, failli mourir. A présent ils n’étaient plus, enfouis sous une hideuse concentration de contreforts et de pièces d’artillerie. C’était mieux ainsi, pensa-il avec amertume. La colère de Guilliman s’estompa, il pivota sur les talons et fixa l’Empereur tissé avec des yeux accusateurs. « Pourquoi suis-je toujours vivant ? » grogna t-il. « Que voulez-vous encore de moi ? Je leur ai donné tout ce que vous m’aviez légué. Regardez ce qu’ils ont fait de notre rêve. Cette carcasse d’empire bouffie et pourrissante n’est pas dirigée par la raison et l’espoir, |
mais par la peur, la haine et l’ignorance. Il eut mieux valu que nous soyons consumés par l’ambition d’Horus que de vivre pour constater un tel désastre. »
Guilliman perçut le mensonge à travers ses propres paroles. Parmi ses frères, nul n’était plus idéaliste que Roboute Guilliman. Nul n’avait envisagé un meilleur futur, à la fois pour l’Humanité et les guerriers des Legiones Astartes. Cette flamme d’espoir avait toujours brûlé en lui. Or à présent, bien qu’étouffée par les ténèbres et le malheur, Guilliman sentit qu’elle ne s’était pas éteinte. « Il reste encore un espoir, » se dit-il, retournant à la fenêtre et plaquant une paume gantée contre la vitre. Il observa les travailleurs affairés à réparer les ravages de la guerre, et les Ultramarines se tenant fiers et déterminés sur les hauts remparts. Ils étaient nés dans ce sombre millénaire, et n’avaient connu que les épreuves, la souffrance et le désespoir d’un conflit incessant. Or ils ne s’avouaient pas vaincus, en dépit des ennemis dressés contre eux. Guilliman avait connu un âge meilleur, une ère espoir et de triomphe. Quel droit avait-il, lui, un fils surhumain de l’Empereur, de montrer moins de force et de courage que ses serviteurs nés dans les ténèbres ? Guilliman avait vu ce que l’Humanité pouvait accomplir. En outre, il savait quels fruits avaient porté les travaux de Cawl sous la surface de Mars. Il pensai qu’un meilleur futur pour l’Imperium était encore possible. Mais seulement après avoir triomphé de ceux qui tourmentaient l’Humanité. « Toute cette misère, » dit Guilliman. « Toute cette souffrance et cette douleur. Ce n’est pas le fait de l’Humanité mais de ceux qui nous ont trahis. Trop longtemps les pions du Chaos ont dicté le destin de notre espèce. Cela doit cesser. » Guilliman sentit une nouvelle force en lui. Puisant en elle, le Primarque précipita sa douleur et son désespoir au fond de son esprit. Mais il conserva sa rage. De celle-ci, il aurait grand besoin. Plus tard viendrait le temps des pleurs, de la raison et des projets. L’heure était à la lutte, et pour les ennemis de son père, de payer pour les atrocités qu’ils avaient infligées à l’Imperium. |
La Bataille de Macragge
ADDENDA INQUISITORIAUX INTERCEPTION ASTROPATHIGUE <<sub réf : White Scars// Entendez-nous, frère. La Grande Chasse vacille. Le repaire des Khan est assailli, et vous êtes rappelés. Abandonnez votre proie, Kor’sarro Khan, car votre peuple a besoin de votre force et de votre sagesse. La colère du Maelström grandit de jour en jour. Tel un nuage d’orage qui avance rapidement depuis l’horizon pour assombrir le ciel, la faille Warp a
enflé jusqu’à en masquer les étoiles. Chogoris se fripe à son toucher. Les prairies brûlent. Les bêtes deviennent folles ou se changent en monstruosités difformes. Du cœur de la tempête est venu l’ennemi, traîtres et renégats marchant sous les bannières du Tyran de Badab. Les tribus des plaines ont souffert sous leurs griffes corrompues. Ils ont érigé des montagnes de corps, des ziggourats de chair rituelles dédiées à leurs Dieux Sombres. Nous ne connaissons pas leur but, mais ils en sont certainement proches, et nous sommes à présent trop peu nombreux pour les chasser tous. À travers nos actions, embuscades, retraites simulées et frappes subites, le Grand Khan aurait été fier du combat que nous avons livré, frère. Mais nous ne pouvons l’emporter seuls, cela ne fait plus aucun doute. Ainsi devons-nous appeler à l’aide, la vôtre et celle de tous les Khan que la chasse a dispersé parmi les étoiles jusqu’au terrier de myriades d’ennemis.
Aucune proie, ni aucune question d’honneur n’est plus importante que ce combat. Vous devez revenir maintenant, tant qu’il est encore temps, et les tuer tous au nom du grand Khan. Leurs insultes ne peuvent rester impunies. |
Quatre jours et quatre nuits après son couronnement, Roboute Guilliman sortit enfin de son isolement. Marneus Calgar avait poursuivi la lutte en son absence, ignorant ses blessures tandis qu’il coordonnait l’effort de guerre des Ultramarines. Il cédait à présent de bonne grâce le contrôle de la campagne à son père génétique. Reconnaissant la valeur du Maître de Chapitre, Guilliman garda Calgar près de lui lors des batailles qui suivirent, et n’eut de cesse de lui demander conseil. Le frère Tigurius, devint également un homme de confiance, le Primarque acceptant qu’en cet âge de ténèbres, les attributs et les pouvoirs de l'Archiviste se soient assombris par nécessité. À la surprise de beaucoup, Guilliman inclut également Voldus, Cawl, Célestine et l’Inquisitrice Greyfax parmi sa coterie de lieutenants. Le Primarque rechercha l’appui de chaque branche de la machine de guerre impériale, sachant pertinemment que l’union fait la force.
Ses conseillers à son côté, et la force indomptable des Ultramarines à sa disposition, Guilliman entama la reconquête de son monde. Les affaires de la galaxie attendraient un peu ; Macragge était assaillie de tous côtés, et si la planète tombait, le Primarque ressuscité serait sûrement englouti sous une marée d’ennemis.
La guerre de Macragge s’étira sur un peu plus d’un mois à un rythme éreintant. Roboute Guilliman était une force de la nature, un inexorable avatar de la volonté de l’Empereur qui repoussait ses ennemis comme du bétail. Il déclencha tout d’abord une série d’offensives éclair pour dégager la vallée de Laponis et la cité à demi ravagée de Magna Civitas. Des batteries de siège Iron Warriors furent submergées, leurs pièces d’artillerie semi-consciente disloquées par des charges à fusion, et leurs superviseurs aux fouets greffés sommairement exécutés. Les chœurs des cultistes du Chaos furent contenus sous des dômes dorés et des blocs d’habitation colossaux avant d’être systématiquement taillés en pièces. Agemman, Célestine et Greyfax conduisirent des frappes ciblées pour reprendre les lasers orbitaux principaux de la cité. Bientôt, des colonnes de lumière rubis montèrent au ciel et délogèrent les vaisseaux du Chaos en orbite géostationnaire au-dessus de la Forteresse-Monastère des Ultramarines.
Ce n’était qu’un début. Menées par le fameux chef de char Antaro Chronus, des colonnes de blindés Ultramarines balayèrent les groupes de combat renégats des hautes terres de Magletine, et repoussèrent les survivants sans le tumultueux océan Pharamis. Le Grand Maître Voldus et sa 3e Confrérie prêtèrent leur force à la reconquête en menant l’assaut contre la cité corrompue de Collosae. Là, les chasseurs de Démons aux armures argentées jouèrent au chat et à la souris contre de cruelles bandes de Night Lords, qui avaient recouvert la cité d’une pénombre surnaturelle. Les traîtres furent enfin chassés, et un mystérieux rituel arrêté avant son terme, bien que la cité dût être rasée depuis l’orbite par crainte de la souillure du Chaos.
Guilliman mena l’attaque contre Valmari, le mont Tarphus et le col enneigé de Gallinus, émergeant victorieux à chaque fois. Les Ultramarines balayèrent tout devant eux, combinant leur exceptionnelle discipline avec les plans visionnaires de leur Primarque en un tout inexorable. Les Auxiliaires de Défense d’Ultramar suivirent chaque conquête, se retranchant en grand nombre, de sorte que toute tentative de contre-attaque par les forces du Chaos se heurtait à une résistance supérieure. En dépit de leur fureur et des lourdes pertes qu’ils infligèrent aux loyalistes, les guerriers Astartes hérétiques ne pouvaient pas se mesurer à la maîtrise stratégique de Roboute Guilliman, et chaque bande du Chaos fut défaite l’une après l’autre. Même celles qui fuirent Macragge ne trouvèrent aucun répit dans le vide spatial, car leurs navires d’invasion avaient été encerclés et réduits en épaves ardentes par la Flotte de Défense d’Ultramar.
Enfin, après des semaines de rude bataille et un amoncellement de morts, le monde de Macragge était une fois encore libéré.
La Couronne des Gloires
Les premiers pas avaient été faits sur la route de la reconquête. Macragge était libérée de la souillure du Chaos. Guilliman souhaita poursuivre, consumé par son désir de bouter les Puissances de la Ruine hors d’Ultramar. Toutefois, ceux qu’il menait avaient besoin de temps pour se regrouper. D’innombrables blessés requéraient des soins. Des centaines de machines devaient être réparées.
Guilliman fut assez sage pour offrir à ses partisans le temps dont ils avaient besoin. Pendant ce temps, les renforts impériaux affluaient vers Macragge. Bravant les tempêtes Warp faisant rage dans l’espace local, des dizaines de navires Space Marines avaient convergé sur le monde des Ultramarines. Des délégations de plusieurs Chapitres Primogenitors avaient traversé l’empyrée à grand péril pour constater le retour du Primarque. Novamarines, Sons of Orar, Chapitre Genesis et tant d’autres avaient rejoint l’armée grandissante, s’agenouillant devant le Primarque et lui jurant allégeance.
Tandis que se rassemblait l’armée de reconquête d’Ultramar, une opportunité se présenta. Ce fut l’Archi-consul de Magna Civitas, ce qu’Ultramar avait de plus proche d’un gouverneur conventionnel, qui suggéra l’organisation d’un triomphe, dont la majesté serait enregistrée puis diffusée d’un bout à l’autre de l’Imperium. Le consul affirma que le peuple avait besoin d’une lueur d’espoir en cette heure sombre, un exemple de victoire pour raviver sa foi non seulement en l’Empereur, mais en Guilliman ressuscité.
Le Primarque accéda à cette demande, en dépit de l’humeur maussade qu’il dissimulait. Guilliman perçut la sagesse de cette entreprise, mais n’accepta cette élévation qu’à contrecœur. Quelques jours après que la victoire fut déclarée, une parade rallia la Porte de Titan aux marches de la Forteresse de Hera. Des milliers de machines de guerre et de guerriers présentèrent leurs couleurs et poussèrent des vivats jusqu’au ciel. Une marée de citoyens sur les places et le long de la voie pour assister à la procession, et des voix innombrables louèrent le nom de Guilliman dans un rugissement assourdissant.
Sur une plate-forme aux colonnes de marbre, ses proches lieutenants à ses côtés, le Primarque constitua le spectacle le plus somptueux possible aux masses rassemblées. L’Archi-consul lui-même présenta à Guilliman une éblouissante couronne de laurier dorée, et pressa le Primarque de la poser sur sa tête. À l’instant ou il le fit, Guilliman sentit son esprit s’emplir de gloires futures.
Ce triomphe dérisoire ne serait rien comparé au spectacle époustouflant de sa conquête galactique. Les armées du Primarque seraient incalculables, et voueraient une telle adoration pour leur seigneur héroïque qu’elles donneraient leur vie pour lui sans hésiter. Des planètes, systèmes et segmentums entiers seraient renommés en l’honneur de celui qui les avait libérés, et les chiens fouettés du Chaos fuiraient devant lui comme les couards qu’ils étaient. Des statues seraient érigées pour commémorer la majesté de Guilliman, et enfin le Trône d’Or de Terra lui serait offert. Le plus loyal des fils de l’Empereur méritait un tel héritage et il ne serait pas privé de son dû.
Ce fut cette dernière pensée qui arracha Guilliman à la malédiction de la couronne. D’un sursaut, il retira les lauriers dorés de son front et ordonna en hurlant que l’Archi-consul soit saisi.
Ce fut le Grand Maître Voldus qui agrippa la robe du haut dignitaire, et lorsque son gantelet béni toucha sa peau, celle-ci grésilla. Le tumulte du triomphe était colossal, un océan de bruit qui dissimula les cris de l’Archi-consul tandis que les illusions dont il était paré volaient en éclats. Guilliman et ses lieutenants eurent un geste de recul en voyant le mutant contrefait qui fut révélé. Bulbeuse et déformée, l’abomination de chair portait autour du cou une amulette luisante attachée à une lanière de peau humaine. Comme il fixait avec dégoût le maudit fétiche, Guilliman perçut dans sa tête un murmure qu’il n’avait plus entendu depuis cette sinistre rencontre sur Thessala. D’un ton moqueur, Fulgrim accueillit le retour de Guilliman dans son Imperium bien-aimé. Le Primarque Démon révéla qu’il avait caché un fragment de son propre esprit dans l’amulette de son serviteur, et confessa sa déception de voir que Guilliman avait rejeté son présent, la Couronne des Gloires. De nombreux héros purs d’esprit avaient succombé aux flatteries de ce bibelot, et Fulgrim avait espéré corrompre Guilliman de la sorte. Toutefois, le Prince de Slaanesh assura son frère qu’il ne s’agissait que de la première des infinies tentations que Guilliman devrait affronter. D’un rire cruel, il prétendit que le Seigneur d’Ultramar ne pourrait jamais plus se fier à un sentiment de triomphe ou d’autosatisfaction à l’avenir.
Écœuré, Guilliman fendit de son épée la répugnante amulette et la créature qui la portait, faisant taire la voix de son frère damné qui l’avait terrassé des millénaires auparavant. Or, tandis que le triomphe suivait son cours, les mots de Fulgrim résonnèrent dans l’esprit de Guilliman. Leur écho allait persister pendant de nombreux jours.
Zone de Guerre Ultramar
Tandis que les armées de reconquête se rassemblaient sur Macragge, d’autres forces impériales vinrent en quête du Primarque. Certains, comme les Dark Angels et la Raven Guard, envoyèrent de petites délégations pour déterminer la véracité de ce miracle. D’autres vinrent avec espoir, des bandes de Space Wolves, White Scars, Black Templars et plus encore se pressant au côté du Primarque. Un glorieux moment eut lieu à l’arrivée des Black Templars, car ils furent réunis avec le Sénéchal Amalrich, le seul de sa confrérie à avoir survécu à la bataille dans le temple de Guilliman. En voyant la foi éclairant le regard d’Amalrich, les Chapelains Black Templars le déclarèrent touché par l’Empereur. Le Sénéchal fut mené à bord du croiseur d’attaque Scourge of Heretics, où il reçut l’armure et l’Épée Noire du Champion de l’Empereur.
D’autres encore vinrent en Ultramar sur insistance de leurs seigneurs, devins, voyants et Astropathes. Des vaisseaux de la Marine Impériale, des barons de maisons de Chevaliers affiliées à l’Imperium et des flottes de l’Adeptus Mechanicus et leurs Légions Titaniques, des processions entières de l’Adeptus Administratum ; tous vinrent jurer fidélité au Primarque.
Un grotesque cyber-synode de l’Adeptus Ministorum se rendit à la Forteresse de Hera et insista pour confirmer, puis proclamer la divinité de Guilliman. Le Primarque ne consentit à cette béatification qu’après que Célestine et Greyfax aient insisté auprès de lui sur la puissance de l’Ecclésiarchie. Mieux valait s’en faire un fervent allié qu’un ennemi récalcitrant.
Avant son départ, Guilliman avait une dernière préoccupation. Il décréta une ère de colère et de guerre, durant laquelle l’érudition devait être mise de côté. Le Primarque choqua son Chapitre en ordonnant que la grande bibliothèque de Ptolemy soit interdite à quiconque sous peine de mort. Chaque ouvrage, chaque dangereux secret renfermé dans cet antique dépôt fut verrouillé derrière des remparts d’adamantium et des armes servo-automatisées. En même temps, une nouvelle salle de guerre fut bâtie : le Strategium Ultra, d’où la reconquête de Guilliman pourrait être planifiée, retracée et coordonnée.
Lorsque les armées de reconquête furent prêtes à appareiller, Roboute Guilliman les mena au combat avec une sorte de soulagement. Après les querelles internes et la bureaucratie de ce nouvel Imperium pompeux, la pensée d’un champ de bataille était presque enthousiasmante.
Guilliman commença par le système de Macragge, dont plusieurs mondes étaient assaillis par les forces du Chaos. Une bande d’Iron Warriors appelées les Bitter Sons avait envahi le Monde-Ruche d’Ardium, conquis une des trois ruches souterraines de la planète et fortifié son réseau de tunnels venteux. Contactant les garnisons auxiliaires survivantes des ruches Geodrane et Tarnis, Guilliman mena des éléments des 4e et 6e Compagnies des Ultramarines dans un enfer souterrain pour prendre d’assaut la ruche Magmaria. Les combats furent sauvages, les Iron Warriors dépassés par le nombre s’accrochant à leurs positions jusqu’au dernier homme. Des corps obstruaient des tunnels et le sang emplit les égouts jusqu’à déborder des grilles de drainage de la ruche. Enfin, Guilliman et ses serviteurs maculés de sang émergèrent victorieux.
Le Monde-Temple de Laphis devint le site du plus grand engagement naval de la libération lorsque la Flotte de Défense d’Ultramar attaqua les vaisseaux de l’Alpha Legion qui faisaient blocus autour de la planète. Marneus Calgar dirigea l’offensive, sis sur le trône de capitaine à bord de l’antique vaisseau amiral Macragge’s Honour. Les bâtiments Ultramarines filèrent à travers le vide en faisant tonner leurs canons, repoussant les navires de l’Alpha Legion engagés dans un bombardement orbital. Le triomphe se mua en horreur lorsqu’une flottille de gros-porteurs impériaux en fuite se révéla dirigée par des équipages de cultistes de Legion. Remplis d’explosifs, les lourds transports s’encastrèrent dans les navires Ultramarines et en paralysèrent plusieurs. Calgar s’était cependant attendu à la traîtrise de ses ennemis, et dévoilait à présent son propre piège lorsqu’une flotte de réserve de rapides croiseurs d’attaque et de frégates surgit de derrière Aurora, la troisième lune de Laphis. Au même moment, des unités de frappe d’élite incluant des Techmarines Ultramarines atterrirent sur Laphis et remirent en service ses batteries de défense orbitales. Pris sous trois angles différents, les vaisseaux de l’Alpha Legion furent mis en pièces, et laissés telle une ceinture d’épaves autour du Monde-Temple.
Le système de Macragge fut sécurisé grâce à ces actions héroïques, et les armées de reconquête se rendirent sur les systèmes voisins qui constituaient le royaume d’Ultramar. Ce domaine stellaire avait jadis compris cinq cents mondes, avant que Guilliman ne leur ait confié leur propre souveraineté. Ces traités étaient à présent déclarés nuls et non avenus. En ses temps si sombres, le Primarque voulait voir son empire personnel recréé, car à travers lui, comme en toute chose, Guilliman souhaitait que l’union fasse la force.
Les armées d’Ultramar taillèrent à travers les tempêtes Warp et les osts de renégats. Nulle ne faiblit. Des Iron Hands luttèrent avec les Praetors of Orpheus sur Talasa Secundus. Des Dark Angels combattirent aux côtés de Titans de la Legio Fulminari pour libérer Ischara. Le chœur processionnaire du Culte Mechanicus lutta épaule contre épaule avec les Novamarines et les Sœurs de Bataille du Calice d’Ébène contre les hordes de mutants sur les champs de mort de Konor Prime. Unis et guidés par Roboute Guilliman, leurs efforts de guerre se coordonnèrent avec une précision horlogère depuis le Strategium Ultra sur Macragge, les armées de reconquête surmontant les tempêtes Warp, les armées de traîtres, et même les incursions démoniaques dans leur combat pour bouter les ravageurs du Chaos hors des mondes. Or la bataille se poursuivit de semaines en mois, car Ultramar était vaste, et ses nombreux envahisseurs étaient rendus obstinés par leur haine. La Longue guerre fit rage, des mondes brûlèrent et le sang macula les étoiles.
Le Chagrin
Ce fut durant le septième mois de la campagne de reconquête d’Ultramar que les premiers cas d’une mystérieuse maladie furent rapportés. Sur les systèmes de Drohl, Talassar et Parmenio, les Auxiliaires de Défense d’Ultramar se mirent à pleurer de façon incontrôlable. En pleine bataille, ils étaient aveuglés par un flot de larmes visqueuses et nauséabondes qui collaient leurs paupières et irritaient leurs yeux. Submergées par le chagrin, les victimes geignaient et pleuraient pendant des jours entiers. Dans le pire des cas, ces Pleureurs étaient définitivement aveugles comme leurs yeux infectés pourrissaient dans leurs orbites.
La maladie, vite appelée le Chagrin, ou la Peste Larmoyante, se répandit à une vitesse alarmante. Il fut admis que son vecteur était de minuscules mites retrouvées dans les rations, se tortillant dans les uniformes et sur les packs de munitions, voire tombant des pages de Manuel du Garde Impérial. Rien n’empêchait la multiplication des mites, aucune mesure sanitaire ne pouvait longtemps les tenir à l’écart. Le siège du Fort de Leotold s’effondra à cause de l’influence pernicieuse du Chagrin, tandis que l’offensive jusque-là dévastatrice de Ravishol s’arrêta alors que ses soldats humains étaient réduits à des revenants aveugles et geignants.
Roboute Guilliman se précipita sur Talassar, en laissant la guerre dans le système Prandium aux commandes du Maître Archiviste Tigurius et de l’Inquisitrice Greyfax. Guilliman savait que seuls les simples mortels avaient été affectés par le Chagrin ; aucun guerrier de l’Adeptus Astartes ni technosbire du Mechanicus n’avait encore succombé à l’infection. En outre, sans être immunisés, seuls de très rares cas avaient été rapportés dans les rangs de l’Adepta Sororitas. Certains attribuèrent cela à la présente de la Sainte parmi les forces de reconquête, mais plus encore pensaient que la foi des Sœurs de Bataille les avait protégées du mal.
Quelle que soit la vérité, Guilliman ne craignait pas la terrible maladie, mais était plus préoccupé par le sort de ses soldats mortels. Le Primarque arriva sur Ravishol en ne s’attendant qu’à tristesse et horreur. Guilliman fut ainsi aussi choqué que quiconque d’y apporter un miracle.
Bravant les écrans antiaériens des cantonnements Iron Warriors sur les plaines circulaires, Guilliman se fit déposer par son Thunderhawk dans le camp fortifié de la vallée du Masque Soudé. Sous le tonnerre de l’artillerie servo-automatisée occupée à tenir les Machines-Démons ennemies en respect, Guilliman ordonna au chef de camp Ultramarines de le conduire auprès des malades. Il s’en trouvait plusieurs milliers rien que dans ce camp, tankistes, artilleurs et fantassins, entravés pour leur bien dans d’immenses abris préfabriqués. Depuis l’extérieur, la cacophonie étouffée due aux lamentations des Pleureurs était perturbante même pour Roboute Guilliman. Or, lorsque les portes blindées de l’abri s’ouvrirent, les sanglots moururent lentement. Un par un, les auxiliaires se levèrent de leur lit, clignant des paupières d’émerveillement comme ils voyaient de nouveau. Même ceux qui avaient perdu la vue s’apaisaient en poussant des soupirs de soulagement, et connaissaient leur premier véritable sommeil depuis des semaines. Nul ne put expliquer comment, mais Guilliman avait guéri les Pleureurs par sa simple présence.
La même chose se produisit dans trois autres camps le long de la ligne de front figée de l’offensive. Où que marchait Roboute Guilliman, le Chagrin refluait et les mites qui le répandaient mourraient en formant des cendres noirâtres. Les medics et Apothicaires étaient embarrassés, mais l’Ecclésiarchie fut prompte à déclarer un miracle. Telle était la miséricorde de l’Empereur, criait les Ecclésiastes, brandissant leurs Aquilas, et elle luisait de Son fils telle une lumière bienfaitrice.
Ainsi débutèrent de longues semaines de pèlerinage pour Guilliman, tandis qu’il se ruait d’un site infecté à un autre. Le Primarque savait que tant qu’il était occupé à guérir, son attention était éloignée de la guerre. Or de tous les fils de l’Empereur, Guilliman était peut-être le plus humain, et son empathie ne lui permettait pas d’ignorer la douleur de ses serviteurs s’il était capable d’y mettre fin.
Les jours devinrent des semaines et les semaines des mois lors desquels les Pleureurs se multipliaient, voire pire, réapparaissaient sur les sites déjà visités par le Primarque. Sans le génie de Guilliman, la reconquête ralentit, et les forces du Chaos effacèrent des victoires impériales dans les systèmes de Veridia et Tarva. Pendant ce temps, les redoutables tempêtes Warp qui sévissaient sur Ultramar et ses environs avaient empiré. Bientôt, soupiraient les navigateurs, l’empire des Ultramarines serait coupé du reste de la galaxie.
Ce fut Voldus qui finit par contredire Guilliman. Dans une discussion houleuse, lors de laquelle le Grand Maître osa provoquer l’ire du Primarque, il força Guilliman à admettre ce qu’il savait déjà : des semaines de labeur avaient été réduites à néant. Guilliman ne guérissait pas ses sujets, car tel n’était pas son don. En la Peste Larmoyante, Voldus reconnut l’œuvre de Nurgle. Plus vraisemblablement, le Dieu de la Peste ne faisait que retirer ses douteux bienfaits à l’arrivée de Guilliman, puis les dispensait à nouveau au départ de celui-ci. Nurgle jouait avec le Seigneur d’Ultramar ; le désir de sauver son peuple était perverti par le Dieu de la Peste en un piège sans fin d’entropie et de désespoir.
En dépit de sa frustration, Guilliman finit par accepter la sagesse de Voldus. En outre, il comprit que Nurgle souhaitait le cantonner dans son propre royaume, et le garder loin de la scène galactique. Le Primarque se rendit alors compte que son désir de perfection, d’une solution propre et d’un Ultramar immaculé était un écho de l’erreur qu’il avait commise jadis. Nurgle ne souhaitait pas que Guilliman quitte Ultramar car en ce lieu, le Primarque pouvait être contenu comme un frelon dans une bouteille. Or cette guerre impliquait l’Imperium entier, et pas seulement Ultramar. Guilliman ne pouvait pas gaspiller plus de temps à se concentrer sur son seul empire ; il lui fallait se consacrer à celui de son père.
Le cœur lourd, Roboute Guilliman interrompit ses efforts pour endiguer la Peste Larmoyante, et chargea à la place ses Apothicaires et Chapelains de trouver un remède spirituel pour ce qui s’avérait être une infection de l’esprit.
Le Primarque annonça son intention de partir en un long voyage. Jadis, lorsque les Dieux Sombres avaient menacé l’Imperium de l’Humanité, le Primarque des Ultramarines s’était rendu trop tard sur Terra pour y accomplir son devoir. Cette erreur ne serait pas répétée. Guilliman comptait gagner Terra pour s’agenouiller devant le Trône d’Or et demander à son père de le guider.
Conscient de l’aggravation des tempêtes Warp lacérant les voies spatiales d’Ultramar, Guilliman déclara qu’il partirait pour Terra aussitôt qu’une force adaptée à cette tâche serait réunie. Le Primarque ne voyagerait pas seul ; la galaxie était devenue sombre et dangereuse, tandis que les tentatives de Slaanesh et Nurgle de le duper et le piéger avaient montré à Guilliman que sa résurrection avait attiré le regard des Puissances de la Ruine.
La guerre d’Ultramar se poursuivait néanmoins, et avec le départ de Guilliman, il fallait de fins stratèges pour repousser les forces du Chaos. Ainsi, Guilliman tria sur le volet une force de Frères de Bataille des 1èree, 2e et 3e Compagnies des Ultramarines pour l’accompagner sur Terra, et confia l’honneur de leur commandement au Capitaine Cato Sicarius. Il requit en outre que le Grand Maître Voldus et les Chevaliers Gris de la 3e Confrérie se joignent à sa croisade. D’autres apportèrent leur soutien à la cause du Primarque, y compris la force rassemblée des Primogenitors, et du Champion de l’Empereur Amalrich et ses frères Black Templars. La Sainte, l’Inquisitrice et l’Archimagos Dominus accompagnèrent également le Primarque fournissant de bonne grâce toute aide possible de leur part ou des forces militaires sous leur commandement. Guilliman accepta avec gratitude les soutiens qui lui étaient offerts avant d’ordonner à Marneus Calgar, au Maître Archiviste Tigurius et au Capitaine Agemman de rester en Ultramar pour en mener la reconquête.
De leur côté, les Ynnari choisirent ce moment pour partir. Les Aeldaris avaient leurs propres guerres à livrer, et avaient déjà bien assez interféré dans les affaires des humains. En dépit de la chute de Cadia, il restait des mondes sur lesquels les pylônes noirs se dressaient. C’était sur ces mondes que les Ynnari allaient se rendre, avec ceux de leur espèce qui se laisseraient convaincre de la nécessité de les défendre.
La Croisade Célestinienne était achevée, remplacée par la Croisade Terrane. Quelques jours à peine après que Guilliman ait fait connaître ses intentions, la flotte impériale appareilla, ses moteurs brûlant à blanc tandis que commençait le périple jusqu’au berceau de l’Humanité.
Yvraine, le Visarque et Guilliman se trouvaient seuls dans la salle d’audience. La Croisade Terrane quitterait Macragge dans quelques heures à peine, mais le Primarque avait ménagé quelques instants pour parler aux chefs Ynnari à huis clos. Même après des semaines d’alliance fructueuse, le commun des guerriers serait méfié de rester seul en présence de deux tels sinistres et puissants Xenos. Guilliman n’avait rien de commun.
« Ce voyage sera long et périlleux, » prévint Yvraine. « La galaxie s’assombrit de jour en jour. Prenez garde, Primarque. Vous avez déjà trompé la mort une fois, mais vous n’êtes pas invincible. » Guilliman hocha solennellement la tête. « Ne puis-je rien dire pour vous convaincre de vous joindre à nous ? J’ai appris à grandement apprécier votre force et celle de vos guerriers ces dernières semaines. » « Vous ne le pouvez, » répliqua Yvraine. « Nous vous avons déjà offert le don de renaissance, sans mentionner les vies de nos semblables. N’est-ce pas assez ? » « Une dette qui ne sera pas oubliée je vous l’assure, » affirma le Primarque. « Avant votre départ, dites-moi. Cawl a peut-être façonné l’armure que je porte, mais il ne fut pas le seul responsable de ma résurrection, n’est-ce pas ? » Yvraine esquissa un sourire. « Sa technologie aurait soigné vos blessures physiques, Roboute, mais vous et moi savons que les pires dégâts avaient été causés à votre âme. Non, Primarque ; c’est par la grâce d’Ynnead que vous vous tenez à nouveau parmi les vivants. Si vous souhaitez y rester, je vous |
déconseille de retirer votre armure. Ce ne serait pas aisé de toute manière. »
Une lueur passa à ces mots sur les traits de Guilliman, une pointe de douleur bien dissimulée, aussitôt remplacée par un masque lourd de responsabilités. « Je pourrais insister pour que vous vous épanchiez au sujet des pouvoirs qui m’ont ramené, et m’assuriez qu’ils ne comportent aucune souillure, » dit Guilliman, qui vit les Ynnari se raidir à ses propos, « mais je suppose que notre nouvelle compréhension mutuelle a plus de valeur pour le royaume de mon père que ma propre satisfaction. Et que les réponses ne viendraient pas facilement. » Yvraine inclina la tête, tandis que le Visarque éloigna silencieusement la main sur la poignée de son épée. « Ainsi, je préfère vous souhaiter la victoire lors de vos batailles en cours contre nos ennemis mutuels. » « Puisse la chance vous sourire, Roboute Guilliman, » dit Yvraine. « Et sachez que nous combattrons de nouveau côte à côte avant la fin, quelle qu’elle soit. » Le Visarque offrit un salut martial élaboré à Guilliman, qui lui retourna un bref signe de tête avant que l’Aeldari ne se tourne et quitte la chambre d’un pas élégant. « Nul doute que nous le ferons, » murmura le Primarque avec gravité en regardant les énigmatiques Xenos se retirer. « Tant que cela sert vos intérêts… » |
À Travers le Vide
« Le Warp est notre plus grand don et notre pire menace. Il est bienfait et fléau, espoir et terreur, une fournaise dans laquelle nous devons plonger sous peine de tout perdre. »
- Navigateur D’Halnari.
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Le Warp remuait, roulait et rageait. Des ondes temporelles et quelques bourrasques de démence secouèrent la flotte de Guilliman. Tourbillons d’arrogance, tempêtes de colère et d’impatience, accès de souffrance entourés d’entités démoniaques affamées, tous devaient être bravés pour que se poursuive la croisade.
Sur requête de leurs navigateurs, les capitaines ne risquèrent que de courts sauts à travers le Warp, lesquels se terminèrent le plus souvent en retours forcés dans l’espace réel face à de trop grands périls. Plusieurs appareils furent perdus, et de nombreux capitaines implorèrent la bénédiction de Sainte Célestine pour sécuriser leur passage. Le Pride of Hera subit une rupture du champ de Geller qui vit les Démons du Dieu de la Peste se répandre comme un pus animal à travers ses coursives. L’Inquisitrice Greyfax mena une force d’Adepta Sororitas et de Space Marines de Praetors of Orpheus pour affronter les monstruosités. Des flammes purificatrices et des bolts sanctifiés permirent de repousser l’infestation pont après pont, forçant les Démons à s’éloigner des systèmes de survie qu’ils voulaient souiller avec des spores et une crasse infectieuse. Greyfax en personne mit un terme à l’incursion dans un bref duel contre le Démon bouffi qui menait l’invasion, en sautant depuis une passerelle sur un trône porté par des Nurglings pour tuer d’un seul coup l’abomination qui y siégeait.
En dépit de ces horreurs, et d’un nombre de morts grandissant, nul n’osa jamais parler de rebrousser chemin. Tous bravaient les tempêtes Warp sur ordre d’un Primarque vivant, au cours d’une mission jusqu’à sainte Terra elle-même. Celui qui tremblait face à un appel de cette importance ne pouvait qu’être damné.
Guilliman croisait à bord du Macragge’s Honour, l’antique vaisseau amiral de son Chapitre qui, contrairement à tout ce qui l’entourait, procurait au Primarque un havre de familiarité. Il avait espéré que les tempêtes Warp autour d’Ultramar avaient été envoyées pour l’y piéger. Or à mesure que la flotte de croisade s’en éloignait sans que ne cessent les tempêtes, le Primarque se libéra de ce faux espoir.
Chaque fois que la flotte émergeait du Warp, Guilliman demandait à ses Astropathes de scruter le vide en quête de chaque bribe d’information qui pourrait le renseigner sur l’état actuel de l’Imperium.
Avec le tumulte de l’Immaterium, les communications astropathiques qui le perçaient étaient brouillées et de vrais cauchemars à interpréter. Les nouvelles parvenant à la flotte de croisade étaient invariablement sinistres, et remplissaient d’effroi quiconque les entendait.
Des systèmes entiers étaient ravagés par des phénomènes surnaturels, des incursions démoniaques ou des vagues de mutations. Les Psykers proliféraient, et avec eux, des accès de terreur et de démence. Des populations loyales se rebellaient en bandes de cultistes frénétiques. Des armées de xenos, saturées d’énergie du Warp, luttaient aux côtés de Démons pour terrasser les mondes de l’Imperium. Des forts stellaires criaient à l’aide, leurs couloirs envahis par des entités du Warp traquant leurs garnisons. Des flottes et des convois impériaux lançaient des appels de détresse dans l’Empyrée comme elles étaient détournées de leur course de plusieurs années-lumière, ou assaillis par des prédateurs empyréens.
Ceux qui étaient au fait de ce genre de choses ne pouvaient que dresser des parallèles avec les rumeurs de l’Antique Nuit et de l’Âge des Luttes, mais nul, pas même Guilliman, n’osa formuler pareille pensée à voix haute.
En dépit du mortel roulis du Warp, la Croisade Terrane avançait. Pour les soldats à bord des navires, les semaines se résumaient à un supplice d’inactivité et d’agitation. Toute la flotte était plongée dans un état d’alerte constant, car une attaque pouvait survenir à tout moment. Or, malgré des exercices, des patrouilles et une vigilance constante, rien ne se produisait. Même parmi les guerriers surhumains de l’Adeptus Astartes, l’inaction exacerbait les tensions. Pour des milliers d’ilotes, marins et serfs qui occupaient les immenses navires, l’état de veille contrant prélevait son tribut. L’attente du danger devint la norme, au point où le laxisme éroda l’attention.
>>>LOCALITUM BELLICOS : ARMAGEDDON SECUNDUS >>>BALISE D’ALERTE >>>COUP DE CLAIRON ÉMIS >>>MANIFESTATION MALÉFIQUE DÉTECTÉE 011100010101100 _ _ _ _ _ _ Données> Augures empyréens enregistrent augmentation énergétique exponentielle - région Polaire Sud d’Armageddon Observation> Anomalies Warp se manifestant aux coordonnées 124/33-863/22 Données> Peaux-Vertes "Offensive Bloodjaw" entrant dans 7e jour de combat dans cette région Requête> Corrélation ? Requête> Données expérimentales précédentes disponibles dans les banques de données sacro-saintes ? Action> Interrogation…. Action> Interrogation…. Action> Interrogation…. Exception> Exception> [PURGE VERMILLION EXIGÉE - INDISPONIBLE] Action> Interrogation abandonnée Action> Répétition Coup de Clairon - sous-routines de vigilance auto-sanctifiée - missive d’avertissement déposée au Haut Commandement d’Armageddon Observation> Observation> Observation> |
Lorsqu’enfin la flotte fut menacée, ce fut si subit que même l’Adeptus Astartes et le Culte Mechanicus furent pris au dépourvu. La Croisade Terrane avait atteint les frontières du Maelström, et le trouva imbu d’une nouvelle puissance. Les navigateurs de la flotte gémirent et hurlèrent, en décrivant une tornade aux proportions impossibles faisant rage dans le Warp. Les voies sûres qui existaient jadis avaient été consumées par les frontières en ébullition du Maelström. Même la lumière de l’Astronomican vacillait et était presque impossible à distinguer.
Craignant pour la sécurité de leurs navires déjà éprouvés, les capitaines ordonnèrent un retour immédiat dans l’espace réel. Un par un, les vaisseaux amiraux traversèrent le voile de la réalité, des traînées d’ectoplasmes s’étirant de leurs coques tandis qu’ils replongeaient dans les ténèbres glacées du vide. Or les vibrations secouant chaque appareil ne se turent point, s’intensifiant tandis que des impacts luisaient sur les boucliers et perçaient les coques blindées.
La frégate Hawk Lords Wings of Glory fut disloquée par un cordon d’explosions punitives avant que son équipage n’ait eu conscience de ce qui l’attaquait. Un croiseur d’attaque Ultramarines, le Primarch’ Wrath, subit des dégâts incapacitants après avoir percuté croiseur des White Consuls Hope and Fire tandis que les deux navires tentaient des manœuvres d’esquive en aveugle.
Des ordres frénétiques saturèrent le réseau vox et résonnèrent sur les ponts caverneux des navires tandis que les capitaines furieux tentaient d’établir la nature de la menace. La flotte avait-elle surgi du Warp droit dans un champ d’astéroides ? Avait-elle, par un caprice du destin émergé au beau milieu d’une flotte hostile ?
Tandis que les auspex s’affairaient et que les ponts d’observation étaient découverts, la morne vérité fut révélée. Les vaisseaux éparpillés de la Croisade Terrane avaient en effet littéralement jailli de l’Immaterium sous les canons d’une armada ennemie, mais il ne semblait pas s’agir d’un hasard.
Des dizaines de bâtiments hostiles étaient disposées en parfaite formation d’embuscade, et portaient d’antiques marquages sur leurs coques. Les loyalistes comprirent qu’une vaste flotte des Thousand Sons les encerclait, déployée comme si elle avait su avec précision où et quand les forces impériales allaient émerger du Warp.
Au cœur de l’armada adverse se trouvait un étrange vaisseau d’une taille démesurée. Seul Guilliman comprit son apparence, reconnaissant une vaste réplique de la Grande Pyramide de Tizca. Cette structure cyclopéenne se dressait jadis en tant que joyau de la couronne de la capitale des Thousand Sons sur leur monde Prospero. Elle était à présent ressuscitée sous cette forme aux proportions monstrueuses.
Aussi vaste qu’un planétoïde, hérissée de batteries de canons aux formes et aux fonctions déroutantes, et arborant un immense œil de cristal sur une face, la structure démente était à la fois le vaisseau amiral et le fort stellaire ennemi. Guilliman reconnaissait bien son frère à cette machine de guerre grandiose, il y vit la marque du Primarque Démon Magnus le Rouge.
Dans le dos de la flotte loyaliste se rapprochaient les vrilles du du Maelström, un colossal rempart d’énergie surnaturelle et de sorcellerie qui promettait clémence et mort. Face à elle se trouvait la pyramide titanesque de Magnus, dont les navires d’escorte pilonnaient déjà l’armada de Guilliman.
Sans alternative, les Impériaux luttèrent de leur mieux malgré leur dispersion. Les torpilles strièrent le vide pour faire des trous dentelés dans les vaisseaux hérétiques. Des escadrons de chasseurs se ruaient dans les ténèbres tels des essaims d’insectes. L’artillerie navale crachait une lumière rubis, et les batteries tonnaient comme les navires impériaux tentaient de se tirer de cette mauvaise passe.
Or les Impériaux subissaient un atroce pilonnage, les boucliers Void s’effondraient et les ponts fracturés libéraient leurs équipages dans l’espace. Les moteurs vacillaient et mourraient sous les salves successives de macro-obus, tandis que des torpilles gravées de runes filaient pour noyer les ponts et les réserves des loyalistes de flammes Warp.
Guilliman donna une série d’ordres fermes à ses capitaines, en faisant tout en son pouvoir pour rassembler ses navires et riposter. Il enrageait intérieurement, à la fois contre la perfidie de son frère déchu et contre son incapacité à prévoir l’embuscade. De son côté, Magnus regardait avec une satisfaction amusée depuis la grande galerie d’observation à bord de son vaisseau amiral pyramidal.
Il avait façonné le vaste appareil, appelé Tizca’s Revenge, à l’aide des ressources pillées d’un monde impérial et de l’énergie innommable du Warp. À présent, il conjurait à nouveau ces pouvoirs empyréens, dans un but distinct. Une cabale de redoutables Sorciers entourait Magnus en un chœur sinistre tandis qu’il levait les bras et criait de sa voix de stentor.
Le Roi Écarlate appela, et le Warp répondit, des vrilles de pouvoir se matérialisant pour entourer la flotte malmenée de Guilliman. Magnus estima que les dégâts infligés étaient suffisants. Il n’avait aucun désir de tuer son frère ressuscité. Pas maintenant en tout cas. Ainsi, dans une dernière incantation tonitruante, Magnus paracheva son enchantement. Les vrilles empyréennes se resserrèrent autour des navires de la Croisade Terrane, et dans une étreinte convulsive, les tirèrent au cœur rageur du Maelström.
Dans le Maelström
ADDENDA INQUISITORIAUX INTERCEPTION ASTROPATHIQUE (PERDITUM EXTREMIS) <<Origine : Inconnue>> <<Référence <<Localité Trajectoire stable, Capitaine. Perturbation empyréenne en augmentation, mais la lumière de l’Empereur peut encore nous ramener chez nous. Trafic spirituel dans des paramètres acceptables. Notons une poussée maléfique à l’arrière des batteries bâbord. Recommandons que les magi martiens redoublent leurs prières et surveillent les champs de Geller dans ce secteur, risque de brèche. Il y a… une perturbation ses courants en augmentation à bâbord… Je… Qu’est—ce que c’est ? Un œil qui s’ouvre… Ce sont… des montagnes ? Non, des crocs… Ahgn… ma tête… Par le Trône… Capitaine ! Poussée empyréenne importante à bâbord ! Magnitude insoutenable ! Ahh… ça… fait mal… Capitaine VanDent, vous devez effectuer une translation d’urgence ou nous sommes perdus ! Alertez la flotte ! Cette poussée Warp va tous nous dévorer ! La lumière de l’Empereur… par le Trône, elle a disparu ! L’Astronomican n’est plus ! Capitaine ! <Fin de l’Extrait> |
La confusion étreignit les vaisseaux de la Croisade Terrane. Des vrilles d’énergie empyréenne lacérèrent les navires comme les tentacules de quelque monstre mythique. Les cloisons s’écrasèrent, les boucliers rendirent l’âme. Des incendies et des anomalies gravitiques labourèrent les ponts. Incapables de résister, les vaisseaux furent arrachés à la réalité et plongés dans le Warp. Des techno-adeptes accomplirent leurs rituels approximativement en luttant pour dresser les champs de Geller de leurs vaisseaux. Certains réussirent, mais plusieurs appareils furent submergés de Démons tandis qu’ils étaient tirés sans protection dans le Warp. La clémence et le massacre sévirent, et seule la détermination des armées impériales à bord de chaque bâtiment empêcha la totale annihilation de la Croisade Terrane.
Le temps que le sort de Magnus suive son cours, les navires de Croisade Terrane avaient été projetés dans le Maelström. Au moins la flotte de Guilliman avait-elle été recrachée par la gueule du Warp, mais la région où elle se trouvait à présent était maudite. Au sein du Maelström, réalité et Immaterium fusionnent en un bourbier étrange. Les étoiles étaient cachées par un voile surnaturel, et les mondes corrompus étaient accrochés dans la pénombre miroitante.
Tandis que Belisarius Cawl coordonnait les équipes de réparation d’urgence pour consolider les vaisseaux malmenés et sauver les navires les plus endommagés de la destruction, Guilliman et ses capitaines estimaient le coût de l’embuscade. Leurs pertes étaient préoccupantes. D’une vaste flotte de plus de cent douze vaisseaux de l’Adeptus Astartes, de la Marine Impériale et de l’Adeptus Mechanicus, il n’en restait à peine que la moitié. Certains avaient été perdus pendant l’embuscade des Thousand Sons, disloqués par leur puissance de feu. Plus encore avait disparu dans le tumulte qui suivi, à la dérive sur les courants de l’Immaterium. Certains arriveraient sûrement à regagner l’espace réel, coupés du reste de la flotte. D’autres étaient sûrement perdus, voire pire.
Tous les chasseurs lancés pendant la brève bataille étaient perdus, leurs pilotes condamnés à une mort froide et solitaire dans le vide spatial. Des centaines et des centaines de serfs de Chapitre, de marins humains et de Serviteurs étaient blessés, rendus fous ou morts et même les Space Marines avaient subi des pertes significatives.
La Croisade Terrane avait été réduite à l’ombre de sa force passée. Pas un vaisseau n’avait réchappé indemne de l’embuscade, et beaucoup étaient sévèrement touchés. Or aussi accablantes qu’étaient les pertes, elles n’étaient pas le premier souci de Reboute Guilliman.
Réuni dans son strategium avec les chefs impériaux et Space Marines, Guilliman exprima sa conviction que les Thousand Sons avaient su, par quelque moyen interne, où et quand la croisade allait sortir du Warp. La flotte de Guilliman avait été encerclée. Pourquoi ne pas avoir porté le coup fatal ? Le Primarque savait trop bien que Magnus ne faisait rien sans avoir un plan, aussi pour quelle raison avait-il permis à son frère de jadis de survivre ? Cette question n’aurait de cesse de torturer les chefs de la croisade dans les jours sinistres qui suivirent.
Piégés dans le Maelström, sans pouvoir se guider avec l’Astronomican, les survivants de la Croisade Terrane avaient besoin d’éléments pour déterminer leur position, et trouvez une route pour retrouver l’espace réel.
Interceptant de faibles transmissions en provenance d’une lune proche, la croisade mit le cap sur le planétoïde dans l’espoir de capturer un traître pouvant agir comme guide contre sa volonté, ou obtenir l’accès à des instruments d’astrogation hérétique résistant à l’énergie rageuse du Warp.
Des groupes à bord escorteurs et de Modules d’Atterrissage strièrent le ciel pâle jusqu’à un monde de verre noir. Les loyalistes y découvrirent des continents nus et vitrifiés balayés par de puissants vents hurlants. Une lumière surnaturelle émanait du cœur de verre du monde, et instillait un sentiment de peur à tous ceux qui jetaient un regard sur elle.
La force de frappe de la croisade localisa une fortification au milieu d’une chaîne montagnes, accrochée telle une ventouse parmi les pics brillants. Guilliman mena en personne l’attaque qui brisa les défenses, découvrant avec dégoût qu’une bande de Space Marines renégats occupait la forteresse. Les croix enduites sur l’iconographie du Chapitre de ces guerriers les identifièrent comme Red Corsairs, et le Primarque passa sa colère et sa frustration sur les infortunés traîtres. La bataille fut brève, Guilliman et un trio de Cuirassiers Némésis de Voldus massacrant les chefs renégats. Cependant, lorsque Guilliman parvint à prendre le dernier traître vivant dans le relais vox de la forteresse, il se produisit une manifestation diabolique. L’air crépita et du givre courut à travers les murs de métal de la chambre tandis qu’une présence démoniaque menaçante parla à travers la voix du captif. Avec deux voix moqueuses, la présence prétendit à Guilliman qu’encore à présent, Ultramar brûlait. La créature cruelle caqueta que le Primarque avait abandonné son peuple pour vagabonder à jamais dans le Maelström. Puis, elle tordit le cou du captif en un craquement écœurant. Guilliman jura comme sa seule piste expirait dans le grésillement et la détonation de banques vox surchargés. Il jura de retrouver le Démon et de lui arracher la vérité quelles que soient les épreuves.
Après son affrontement sur la lune de verre, la flotte de croisade erra sans but. Sans indication sur la route menant vers Terra, Guilliman choisit une direction s’appuyant sur ses meilleures déductions et instruisit ses capitaines pour la suivre. Pour le moment, espérer atteindre la frontière du Maelström semblait le seul plan possible.
Combien de temps ont-ils voyagé, nul ne le sait, car le temps ne s’écoule pas normalement dans ce lieu défiant la raison. Le Primarque était tourmenté par les mots du Démon, et cherchait par tous les moyens à découvrir ce qui pouvait se produire à l’extérieur du Maelström. L’opportunité se présenta lorsque ses éclaireurs firent état d’un appareil hérétique patrouillant aux abords d’une planète de chair nimbée d’un nuage de crâne cristallins. Ordonnant une attaque immédiat, Guilliman rappela la priorité de glaner des informations. Toute forme de carte, un navigateur renégat ou ce qui pourrait passer pour un Astropathe dans ce lieu infernal devait être saisi.
La flotte descendit sur le monde de chair, qui l’attaqua en retour. Le vaisseau renégat appartenait à une bande d’Emperor’s Children et déclencha une résonance empyréenne qui engendra des ondes soniques dévastatrices de la part des crânes de cristal. Au même moment, la planète elle-même déploya des tentacules augmétiques suturés à sa surface vivante. Ces appendices monstrueux arrachèrent au vide plusieurs navires du Mechanicus et les engouffrèrent dans une gueule de la taille d’un continent qui s’ouvrit au niveau du pôle Nord de la planète.
Un bombardement soutenu sectionna plusieurs tentacules métalliques de la planète tandis que l’artillerie navale fit éclater des dizaines de crânes de cristal et paralysa plusieurs vaisseaux Emperor’Children. Le reste des appareils renégats s’enfuit, laissant leurs comparses se faire aborder. Or le sentiment de triomphe de Guilliman fut à nouveau de courte durée. Malgré les dizaines de cartes découverte, toutes étaient vierges mis à part les paroles moqueuses du Démon à Guilliman dans la forteresse des Red Corsairs, répétés encore et encore. Quelle que fût cette entité elle voulait tourmenter la personnalité du Primarque.
Des Voies Lugubres
Parmi les flux temporels inconstants et les tempêtes malaxant la réalité, les vaisseaux endommagés de la croisade cheminaient. Au sein du Maelström rôdaient d’innombrables ennemis, car il s’agissait d’une région qui avait longtemps hébergé les séides belliqueux du Chaos.
Plus d’une fois, les navires impériaux durent se défendre contre des raids menés par des meutes d’appareils renégats. Parmi d’immenses nuages de spores corrosives, les vaisseaux de croisade furent assaillis par des mouches à peste grosses comme des frégates. Les monstrueux insectes prélevèrent un lourd tribut sur les plus petits bâtiments de la croisade, jusqu’à ce que Sainte Célestine ne monte dans le dôme d’observation du navigateur du Macragge’s Honour. Déchaînant sa sainte lumière en ondes de choc cuisantes, la Sainte Vivante élimina les Démons hideux.
Dans un autre lieu inconnu, des spectres dansaient dans les navires de la croisade. Ces fantômes hurlaient dans les coursives des vaisseaux de l’Adeptus Astartes, se ruant sur les reliques et les bannières révérées de leurs temples Reclusiam. Les Space Marines virent avec horreur que ces sangsues drainaient l’énergie de leurs saints artéfacts, aspirant des esprits paniqués logés dans les heaumes, les lames et les parchemins. Dans ce combat, les Chevaliers Gris vinrent en première ligne, Voldus divisant rapidement sa confrérie par téléportation dans les sanctuaires de des alliés. Luttant aux côtés des Chapelains outragés qui gardaient les reliques, les chasseurs de Démons repoussèrent les sangsues et les bannirent dans le vide.
Puis les péripéties se poursuivirent sur une période indéterminée et ahurissante qui semblait s’étirer sur des siècles. Au fil du temps, tandis que leurs réserves s’amenuisaient et que leurs équipages étaient épuisés par la lutte constante, Roboute Guilliman devint plus amer et plus distrait. À l’insu de tous, le Primarque fut torturé par des visions horribles.
Guilliman vit le royaume d’Ultramar en flammes, et les bastions de l’Humanité réduits en cendres sur les vents chargés de sang du changement. Il fut tourmenté par des images de Mars, brisée en centaines de pièces et tombant telle une pluie de météores ardents sur les ruines jadis fières de Terra. Il vit le Trône d’Or réduit en épave grésillante et ravagée par les flammes, le corps noirci de l’Empereur se consumant avec lui.
Des voix démoniaques murmuraient jour et nuit dans l’esprit de Guilliman. Si elles lui disaient que les scènes qu’il avait vues étaient des faits du passé, s’eût été assez cruel. Or son tourment était bien plus subtil, car les voix expliquaient à Guilliman que ses visions étaient prémonitoires.
Certains aperçus particulièrement lugubres ne pouvaient se réaliser que si Guilliman s’échappait du Maelström et accomplissait son voyage sur Terra. Or s’il renonçait à s’échapper et acceptait cette prison pour l’éternité, cédant à la démence et au désespoir, il épargnerait cette terrible fin à l’Imperium.
Guilliman lutta intérieurement chaque jour, sans jamais en montrer le moindre signe à ceux qui voyaient en lui autorité et espoir. Le Primarque maintint ce vernis de force et poursuivit son but de s’échapper, déterminé à ne pas croire les mensonges d’une entité qui habitait en ce lieu infernal. Néanmoins, la détermination du Primarque s’érodait lentement, comme une falaise harcelée par les vagues de l’océan.
Longtemps avait vogué la flotte de croisade à travers les courants corrompus du Maelström lorsqu’elle atteignit Bathamor. Dans les heures précédant son arrivée en orbite, le nom de cette planète maudite avait martelé l’esprit de tous les Psykers de la flotte, tel un murmure malin jusqu’à ce que ceux qui l’entendaient le crient tout haut. Les auspex révélèrent un monde infernal de jungles de cristal kaléidoscopiques, zébré de rivières de feu. Ils ont également montré les signatures d’une présente renégate conséquente, ainsi Guilliman ordonna aux capitaines de la Croisade Terrane de préparer leurs forces à un largage immédiat. À nouveau, glaner des données fut prépondérant ; détermination et santé mentale faiblissant de jour en jour, la croisade savait qu’elle devait vite sortir du Maelström ou périr dans ce pan semblait-il infini d’espace corrompu.
Depuis l’orbite, les armées impériales s’abattirent dans les jungles de cristal dans des explosions d’échardes acérées. Progressant vers les plus grandes concentrations de signature énergétiques, les loyalistes pestèrent de colère et de perplexité comme les écrans de leurs auspex vacillaient tels des feux follets. L’instant d’après, des Démons de Tzeentch attaquaient de tous côtés.
Des barrages de flammes sorcières et d’énergie mutagène assaillirent les Ultramarines et leurs alliés. Des armes de cristal explosaient comme des bombes à fragmentation, lacérant ceux qui combattaient autour. En beau milieu de cette démence, Roboute Guilliman affronta l’architecte de l’embuscade. Cauchemar bicéphale en robes miroitantes et maniant un bâton aux effets temporels redoutables, Kairos le Tisseur de Destins se matérialisa dans une tempête d’échardes cristallines. Confrontée à Guilliman, une des hideuses têtes aviaires du Démon se moqua des efforts du Primarque pour s’échapper, raillant qu’il avait scruté tous les faisceaux possibles du futur et que tous conduisaient à son échec. L’autre tête de Kairos coassa que Guilliman avait toujours été le plus remarquables des fils de l’Empereur, et qu’il était aussi incapable de sauver l’Imperium aujourd’hui qu’il le fut lorsqu’il fut terrassé par son frère supérieur. Guilliman rugit et repoussa Kairos à grand revers de sa lame ardente, avant de conduire la retraite de ses forces. La croisade et son chef ne succomberaient pas aux manipulations de l’Oracle si facilement…
Anxieuse quant au sort de l’Imperium, et plusieurs de ses navires abandonnés à cause des dégâts accumulés, la flotte de croisade arriva sur un monde de marbre noir et de mers de sang. Elle frappa vite et fort plusieurs places fortes de Red Corsairs, éliminant les enclaves périphériques avant d’assiéger un palais fortifié sur un cap en forme de griffe battu par des vagues de sang. Tandis que l’Archimagos Cawl coordonnait le siège, Greyfax et Sicarius conduisirent un raid audacieux qui éventra les portes du palais et scella le sort des hérétiques.
Guilliman sut que cette victoire n’offrait au mieux qu’un bref répit. Les cris de l’océan carmin érodaient la santé mentale de ses troupes, et parmi le ciel de cendre au-dessus, d’immenses formes noires s’agitaient avec la promesse d’un terrible danger. Or il faudrait un peu de temps pour dépouiller la forteresse des Raid Corsairs, même avec les plans méticuleusement efficaces du Primarque. Ainsi, tandis que les gros-porteurs du Mechanicus faisaient des allées et venues à travers l’atmosphère, Guilliman errait seul dans les corridors de la citadelle. Ce fut lorsqu’il entra dans une salle aux statues de cristal qu’une brume scintillante se leva devant le Primarque. Parmi les volutes de lumière et d’ombre une silhouette mince se matérialisa. Guilliman distingua des membres graciles et des robes volant au vent, un heaume extraterrestre curviligne et un long bâton avant que ne parle l’individu. Comme son image, la voix de l’apparition vacillait. Néanmoins, le Seigneur d’Ultramar fut capable de déchiffrer les instructions à partir des mots de la créature.
Guilliman se méfiait de plus amples duperies, sa suspicion exacerbée par l’écho des murmures projeté dans son esprit par Kairos le Tisseur de Destins. Or il ne perçut pas la souillure du Chaos dans cette manifestation ; l’énergie dégagée par la vision scintillante était plus proche des Aeldaris qui avaient aidé à sa résurrection. Enfin, après avoir répété son message plusieurs fois, l’individu disparut, laissant le Primarque avec une nouvelle motivation, et peut-être une lueur d’espoir. Ici, enfin, il y avait une direction, et Guilliman comptait bien la suivre.
À Travers la Tempête
Quittant le monde de sang et de marbre noir, les restes de la flotte de croisade étaient emplis d’une résolution nouvelle. La croisade ne comptait plus qu’un tiers des navires qui avaient quitté Ultramar, mais toujours sous la conduite du vaisseau amiral de Guilliman, le Macragge’s Honour, et elle était constamment parée au combat. Elle avait enfin un cap à suivre, fut-il indiqué par les chuchotis d’un personnage inconnu.
Les moteurs brûlant comme des torches, les vaisseaux de guerre de l’Imperium fendaient des voiles d’ichor gelé et des pluies de météores incrustés d’yeux figés. Ils suivirent une étoile lointaine à l’éclat blanc pur, qui s’avéra être un énorme trou ardent dans la réalité. Après avoir atteint ce point mentionné dans la prophétie, la croisade prit un nouveau cap, à travers une région de nuages de gaz mauves formant des motifs insondables, scintillant sous l’effet du pouvoir surnaturel du changement.
Après plusieurs jours passés à franchir la ceinture de gaz, les auspex décelèrent trois planètes qui décrivaient un ballet les unes autour des autres. C’était également conforme à ce que l’apparition mystique avait annoncé à Guilliman, et l’espoir grandit dans le cœur du Primarque telle une promesse de salut.
Suivant les indications, la flotte changea à nouveau de cap, et s’éloigna des planètes vers une constellation vert jade à peine visible. À en croire l’apparition Aeldari, la croisade finirait par s’échapper du Maelström, mais elle allait d’abord devoir braver ce que l’être avait décrit comme la dernière demeure de fantômes vidés de leur substance.
Tout d’abord, la région apparut comme un nuage de paillettes argentées, qui s’étendait en tous sens devant la flotte. Peu à peu, ces paillettes ténues se firent plus grandes et plus nettes, et à une distance de quelques milliers de kilomètres, elles offrirent un spectacle étrange et merveilleux. Des milliers et des milliers d’épaves de vaisseaux étaient reliées par une immense toile de chaîne d’airain. À la lueur des astres de jade qui brillaient au loin, des épaves de toutes sortes et leur sillage de débris reposaient à jamais en silence. Certaines étaient familières : d’antiques modèles de vaisseaux de combat impériaux, des épaves Aeldaris aux esquilles osseuses, des Sphères de Guerre Kroots vides, des vaisseaux-dédales Hruds brisés, et les restes de boutres Nicassars. D’autres étaient inidentifiables : des aiguilles noires de matière vitreuse, des structures comparables à des ruches spatiales, d’immenses léviathans anguleux et de minuscules vaisseaux elliptiques guère plus gros que des Modules d’Atterrissage. Comment ces épaves s’étaient-elles retrouvées là, c’était une énigme troublante. Mais elles et leurs chaînes présentaient un danger manifeste.
Guilliman et ses capitaines pensèrent tout d’abord à tenter de contourner le cimetière d’astronefs. Or, ce dernier parut s’étendre à l’infini dans toutes les directions. S’il s’agissait pour la croisade de passer par là - ce qui semblait inévitable pour recouvrer sa liberté - il lui fallait manifestement se frayer un chemin entre les épaves.
Guilliman en donna l’ordre. Les vaisseaux de la croisade ouvrirent leur formation, en se faisant précéder des barges de bataille, puis poussèrent leurs moteurs et dressèrent leurs boucliers Void avant de s’aventurer dans le cimetière. La progression était lente et laborieuse, car par endroits les épaves étaient enchaînées à moins de deux kilomètres l’une de l’autre, prises comme des proies dans la toile de quelque arachnide cosmique. Les tech-magi et les serfs chapitraux sursautaient et suaient chaque fois que la coque de leur navire raclait une épave, tandis que la flotte avançait opiniâtrement.
Malgré des précautions méthodiques, les plus grands navires ne purent éviter complètement les collisions. Les maillons de chaînes glacées creusaient des griffures dans les coques blindées. Çà et là, d’antiques épaves se brisèrent en répandant des débris dans le vide quand une barge de bataille ou un croiseur s’ouvraient le passage. Chaque heurt, chaque collision évitée de peu, usait les nerfs des passagers et des matelots au fil des heures.
Enfin, après une attente insoutenable, l’Archimagos Cawl annonça que la route semblait se dégager. L’orée du champ de débris était proche, et le soulagement en était d’autant plus grand que la limite du Maelström était a priori elle aussi en vue. En doublant les dernières épaves enchaînées, les navigateurs, qui étaient depuis des jours dans un état comateux, perçurent un éclat au loin. Ils reprirent conscience et déclarèrent qu’ils entrevoyaient à nouveau l’Astronomican, comme une lueur dans l’entrebâillement d’une porte.
Guilliman préconisa la prudence, en ordonnant aux équipages de maintenir une allure réduite, mais il sentait lui aussi grandir l’espoir. Tous allaient enfin échapper à la contrée infernale dans laquelle son frère Magnus les avait cloîtrés. Ils allaient enfin reprendre leur route.
Le Chapitre des Astral Claws était posté depuis plus de trois siècles près d’une faille Warp terriblement dangereuse, le Maelström, quand il passa au Chaos. Après avoir manqué à l’envoi obligatoire périodique d’échantillons de son patrimoine génétique, il fit l’objet d’une inspection par une flotte impériale. Quand celle-ci arriva près de Badab, monde chapitral des Astral Claws, elle se heurta à un déluge de feu. Lufgt Huron, Maître de Chapitre des Astral Claws, avait monté une embuscade et ordonné qu’aucun vaisseau impérial n’en réchappe. La nouvelle du massacre mit longtemps à parvenir à l’Adeptus Terra, mais les représailles étaient inévitables. Elles furent confiées à plusieurs Chapitres Space Marines, redirigés vers une mission punitive : abattre le Tyran de Badab et ses Astral Claws. Or, Huron s’était montré si convaincant que plusieurs Chapitres voisins, dont les Mantis Warriors, les Executioners et les Lamenters, avaient pris fait et cause pour son empire. S’ensuivit une guerre absolument impitoyable ; les loyalistes outrés combattirent avec fureur et conviction, tandis que les adeptes de Huron durent assumer les conséquences de leur choix en se battant avec ferveur. Après une suite de sièges dont le paroxysme fut la prise du Palais des Ronces, l’Imperium finit par triompher. Les Astral Claws et leurs alliés les plus corrompus furent contraints de fuir dans le Maelström. C’est là qu’ils renaquirent sous l’identité des Red Corsairs, qui, loin de succomber aux marées infernales, prospérèrent en tant que pirates. Désormais connu sous le nom de Huron Sombrecœur, l’ancien Tyran de Badab dirige de très nombreux félons. Pour peu qu’ils jurent de servir sous son étendard, tous les Space Marines renégats sont les bienvenus dans son empire pirate. Basés sur de nombreuses bases cachées à travers le Maelström, subsistant de conquête et de pillage, les Red Corsairs font volontiers usage de leurs armes contre ceux qui furent jadis leurs frères. |
Alors que le Macragge’s Honour repoussait l’ultime épave, celle d’un destroyer de classe Iconoclast, que l’attaque survint. Les alarmes retentirent sur la passerelle du vaisseau amiral quand des émissions d’énergie trahirent les soi-disant carcasses. Les vaisseaux du Chaos allumèrent leurs moteurs et ouvrirent leurs sabords, jetant bas les masques.
C’était une embuscade !
Les Red Corsairs avaient tendu leur piège avec une habileté consommée, guidés par les dons précognitifs de Kairos le Tisseur de Destins. Ils avaient mêlé leurs astronefs à ceux du bord du cimetière, là où Kairos avait prédit que les loyalistes passeraient. Grâce à des avaries factices à s’y méprendre, à la coupure des systèmes internes pour minimiser les émissions détectables, et à des chaînes amovibles aimantées à leurs coques, ils s’étaient fait passer pour des vaisseaux à la dérive. À la grande surprise des loyalistes, les vaisseaux des Red Corsairs reprenaient vie et déclenchaient leur embuscade. Les faisceaux de leur artillerie navale forèrent la coque d’adamantium de leurs cibles. De nobles guerriers qui avaient survécu à maints périls furent anéantis par le déluge de feu, ou finirent aspirés dans le vide.
Guilliman poussa un juron en constatant ce qui était sans doute une nouvelle machination de Tzeentch. Sa flotte était cernée. Plusieurs navires impériaux tentèrent de s’échapper du cimetière stellaire, et ils furent aussitôt pris pour cibles, la frégate de la Raven Guard Silent Blade étant même coupée en deux. Les autres ripostèrent, zébrant le vide de leurs tirs furieux et arrachant à bout portant des morceaux de superstructure de leurs assaillants.
La puissance de feu du Chaos continua à pleuvoir dru sur la flotte de Guilliman. Le Primarque vit que l’ennemi, sûr de son avantage numérique et de son ascendant tactique, cherchait non à détruire ses vaisseaux mais à les désemparer. Il visait les batteries d’armes, les auspex et les enginariums, de sorte à neutraliser les astronefs impériaux. Guilliman savait ce que cela présageait, et il jura en voyant les vagues de torpilles d’abordage jaillies des tubes de lancement adverses. Les Red Corsairs étaient avant tout des pirates. Dans le cas présent, ils cherchaient autant que possible à s’emparer des vaisseaux de la croisade, de même que des armes qu’ils recelaient. Tout en aboyant des ordres pour que ses guerriers s’apprêtent à l’abordage, Guilliman réfléchissait à la vitesse de l’éclair à sa contre-attaque et à une issue possible.
Les flancs du Macragge’s Honour étaient parsemés de tourelles défensives sur des kilomètres, et celles-ci ouvrirent le feu à l’approche des assaillants, crachant de longs pointillés brillants. Guilliman regardait attentivement l’affichage visuel externe, pour anticiper les lieux où les forces adverses parviendraient en force et là où elles seraient diminuées. Le Primarque plissa les yeux quand la grappe d’auspex principale fut touchée, le privant soudain d’images de l’extérieur.
Se détournant des écrans inutiles, Guilliman donna posément ses consignes, qui furent transmises à toute la flotte. Le Primarque félicita ceux qui pouvaient l’entendre pour leur courage et leur force. Il ordonna à tous les navires de déployer leurs forces pour défendre leur passerelle, leurs magasins de munitions, leurs générateurs de boucliers et leur propulsion Warp. Ensuite, ravalant son dégoût pour les connotations religieuses du terme, il adressa la bénédiction de l’Empereur à tous ceux qui allaient affronter l’ennemi. Quiconque parvenait à repousser les assaillants devait, autant que faire se peut, s’échapper et retrouver les autres juste au-delà du Maelström.
Ses ordres transmis, flanqué du Capitaine Sicarius, de Sainte Célestine et de l’Inquisitrice Greyfax, Guilliman mit son heaume pour se joindre aux défenseurs de la passerelle. Il écouta attentivement les transmissions vox répercutées à travers le navire. Les torpilles d’abordages arrivaient par dizaines. Les quartiers d’équipage inférieurs étaient submergés. Les Devastators du sergent Apostrophis tenaient l’enginarium primus. Un être démoniaque s’était matérialisé à bord, et menait une horde vers la passerelle. Quelques instants plus tard, les cloisons bloquant l’accès à la passerelle tremblèrent, puis cédèrent sous le coup d’une onde surnaturelle.
L'Honneur de Macragge
L’assaut du Chaos fut vif et féroce. C’était pour lui une nécessité, car même inférieurs en nombre, les Ultramarines tenaient une position défensive conçue contre les abordages. Les fils de Guilliman étaient à l’abri de consoles conçues pour se doubler de barricades en cas de brèche. D’autres étaient postés en hauteur sur les balcons et surplombs, disséminés parmi la scène grandiose de la passerelle.
Les premiers laquais du Chaos qui bondirent sur la passerelle n’avaient pas le moindre couvert. Les Horreurs Roses de Tzeentch étaient taillées en pièces par un déluge de tirs. Les meutes de Démons se déversèrent sans cesse plus nombreuses dans ce broyeur, suivies par des escouades de Red Corsairs qui sautaient à travers la cloison défoncée pour courir vers le moindre couvert en vue.
Le tonnerre des Bolters secouait la passerelle comme un orage éclairé par les flammes de bouche. Les Démons éclataient dans des gerbes d’ectoplasme, et les simulacres qui émergeaient de leurs cadavres étaient fauchés à leur tour. Les Space Marines renégats, portant la livrée profanée d’une douzaine de Chapitres, mouraient par brassées, leurs cadavres en armure semblant pris de spasmes sous les impacts insistants. Bolts, jets de plasma, faisceaux laser et missiles tombaient comme la grêle, transformant le dallage de la passerelle en paysage lunaire jonché de dizaines de corps d’envahisseurs.
Mais inévitablement, les intrus gagnaient du terrain. Une décharge de feu violet changea une dalle en vase, précipitant une escouade de Terminators Red Corsairs trente mètres plus bas dans les relais vox. Une grappe de grenades Krak détona contre une console-barricade, tuant un vétéran puis forçant ses deux camarades à battre en retraite. Juste avant de succomber à la surchauffe de son arme, un Red Corsair déchargea son fusil à plasma dans une autre barricade, emportant plusieurs Ultramarines. Ainsi se succédèrent les assauts, érodant inexorablement la défense de Guilliman.
Puis vint Kairos. Les loyalistes furent prévenus de l’arrivée du Démon Majeur quand l’air s’épaissit sous l’influence de l’Empyrée. L’Archiviste Pollonius cria soudain de douleur, il se saisit la tête à deux mains et ses yeux exorbités trahissaient le retournement de sa force mentale contre lui. Vif comme l’éclair, Guilliman se jeta de côté, poussant le Capitaine Sicarius juste avant que le corps de Pollonius éclate dans une onde de feu bleuté. Plusieurs Ultramarines furent pris dans les flammes, qui fondirent leur armure et calcinèrent leur chair.
À l’abri dans les tréfonds de la Forteresse Impossible, le Puits de l’Éternité est réputé être le lieu où l’espace comme le temps commencent et s’achèvent. Pour en comprendre les secrets, il faut plonger dans sa tourmente, ce que même le grand dieu Tzeentch n’ose faire. Incapable de résister à la tentation de décrypter cette énigme, mais peu désireux de s’y risquer, Tzeentch se saisit de son vizir, un Duc du Changement nommé Kairos le Tisseur de Destins, et le jeta dans les remous du puits. À la grande joie de Tzeentch, Kairos survécut à l’épreuve mais de justesse. Quand Kairos reparut, il semblait âgé et décrépit, et son cou sinueux s’était divisé pour porter deux têtes. Après une quasi-éternité dans le Puits, ces deux têtes peuvent percevoir des choses qui échappent au regard de Tzeentch lui-même. La tête droite de Kairos perçoit des visions de tous les futurs possibles, tandis que la gauche est témoin du passé dans son intégralité. De tels dons coûtent cher à Kairos, car si ses têtes voient respectivement tout ce qui a pu se passer et tout ce qui se passera, il demeure aveugle au présent. Cette malédiction rend Kairos vulnérable aux agressions physiques, et c’est pourquoi Tzeentch ne l’envoie au combat que pour garantir l’accomplissement d’étapes critiques dans ses desseins ineffables. Kairos recourt alors à son point de vue et à sa prescience uniques pour altérer le cours de la bataille, en avantageant ses alliés et en handicapant l’ennemi. Kairos adore monter ses ennemis les uns contre les autres, en altérant subtilement la trame du destin pour faire périr un mortel destinés vivre, ou inversement. Mais dernièrement, l’Oracle est devenu troublé et irritable. Le retour de Roboute Guilliman contrarie fortement Kairos ; d’après les moindres augures et présages perceptibles, un tel événement n’aurait pas dû survenir. Mais il faut se rendre à l’évidence, et le Primarque ressuscité compromet tous les plans de Kairos. Le Démon Majeur n’a pas le loisir d’attendre de voir en quoi Guilliman altérera l’avenir ; il s’agit de traiter au plus vite le cas du Primarque. |
Alors que les officiers Ultramarines subissaient ce contrecoup, la pluie de mort qui pilonnait les attaquants se métamorphosa. Les projectiles à réaction de masse et les grenades sifflantes qui frappaient les hordes firent place à des rais de lueur stellaire et à une vapeur argentée.
Une nouvelle vague d’Incendiaires et d’Horreurs caquetantes franchit la brèche pour bondir à l’assaut. D’autres Red Corsairs se mêlaient à eux, de pesants Terminators du Chaos et des guerriers au casque orné de dents, le Bolter rugissant. Sur leurs talons, les ailes déployées et le sceptre frappant le sol devant lui, survint Kairos le Tisseur de Destins en personne.
À la vue du Duc du Changement bicéphale, Guilliman poussa son cri de guerre et chargea. Sicarius et ses hommes formèrent le sillage du Primarque, pendant que Greyfax et Célestine se précipitaient sur les flancs de l’ennemi.
Guilliman percuta les Démons et les traîtres, son épée flamboyante décrivant des arcs irrésistibles. La Main de Domination cracha les obus, avant de broyer un ennemi à chaque coup de poing. Les Démons explosaient en jets d’ichor immonde sous l’assaut furieux de Guilliman, et les traîtres assez fous pour se dresser face à lui étaient balayés comme des poupées de chiffons.
Suivant l’exemple meurtrier de leur Primarque, Sicarius et ses Frères de Bataille sabraient et abattaient les ennemis qui tentaient d’encercler Guilliman. Sicarius était tel du vif-argent, sa Lame Tempête de Talassar traçant des arcs dorés dans l’air en tranchant des têtes coiffées de casques à cornes, et en ouvrant les Démons en deux. Cela, tandis que Sainte Célestine irradiait sa lumière en malmenant l’engeance du Warp, et que l’Inquisitrice Greyfax forçait un traître après l’autre à s’agenouiller, l’esprit écrasé par ses terribles pouvoirs télépathiques.
Kairos n’avait pas besoin de sa prodigieuse clairvoyance pour deviner que l’ennemi chercherait à le tuer en priorité. Le Démon Majeur ne valait pas Guilliman au corps à corps, aussi avait-il préparé ce moment au moyen de ses dons de prémonition. À présent que le Seigneur d’Ultramar s’approchait périlleusement de lui, Kairos mit son projet à exécution en émettant un souffle de flamme bleue avec son sceptre.
Neuf Hérauts de Tzeentch s’étaient frayé un chemin à travers la presse de la mêlée, dissimulés par des sorts d’illusion. Au signal de Kairos, les Démons ricanants jetèrent bas le masque et babillèrent une incantation. Les bolts plurent aussitôt sur les hérauts, mais leurs sbires démoniaques s’interposèrent au prix de leur vie. Protégés par le corps de leurs subordonnés, les hérauts poursuivirent leur chant à neuf voix, qui monta et descendit par-dessus la cacophonie des combats. Levant son Bâton d’Uchronie au-dessus de ses têtes, Kairos joignit ses voix croassantes au sort.
Depuis que Guilliman s’était retrouvé dans le Maelström, il entendait la voix de Kairos chuchoter dans son esprit, et le Démon s’était efforcé de semer des pièges dans le subconscient du Primarque. Ce ne fut pas chose facile, car le for intérieur de Guilliman était une citadelle d’ordre et de raison aux remparts mentaux élevés. Or, à force de ruse et de patience, Kairos était parvenu à ses fins. Il avait aiguillonné les remords de Guilliman, sa colère et sa déception vis-à-vis de l’Imperium, ainsi que ses craintes pour l’avenir. Le Démon aurait préféré poursuivre ce travail de sape jusqu’à rendre fou le Primarque avant d’entamer le rituel, mais l’ingérence des Aeldaris avait contraint Kairos à tout précipiter. Si ses préparatifs s’avéraient insuffisants, Guilliman allait sans doute le bannir dans le Warp et s’échapper.
Ondulant et caquetant, sautant et virevoltant, les Démons tissèrent leur enchantement en le reliant aux incantations implantées dans l’esprit de Guilliman. Le Primarque tituba, hurlant de douleur, quand des rais d’énergie incandescents jaillirent de ses yeux et de sa bouche. Des vrilles sinueuses de culpabilité verdâtre s’entortillaient autour des rubans de dégoût ondulant comme des serpents, et de vrilles rouge de colère palpitante. Pris dans ce typhon d’énergie psychique, Guilliman s’efforça de reprendre sa progression, mais il cria sa douleur une fois encore avant de s’agenouiller. Greyfax, coincée dans un corps à corps inextricable, ne put qu’en être témoin sans pouvoir intervenir, alors que la tentative de Célestine de voler au secours du Primarque fut déjouée par des Démons qui s’agrippaient sournoisement à ses ailes.
Sicarius et ses Frères de Bataille, criant de rage et de frustration, tentèrent de se frayer un chemin à travers l’ennemi pour interrompre l’incantation d’une manière ou d’une autre. Le Capitaine de la Compagnie fit concentrer le feu sur les Démons qui tourmentaient le Primarque. Sans succès. Les tirs destinés à Kairos se changèrent en poussière étincelante, et les Hérauts demeuraient à l’abri derrière un véritable mur de Démons.
Surpassés en nombre, malgré leur ferveur, les Ultramarines ne pouvaient pas interrompre le rituel en s’attaquant aux sorciers démoniaques. C’est alors que, rugissant de colère, Guilliman se releva et décocha une rafale d’obus qui arrachèrent des morceaux de chair sanglante au torse maigre de Kairos le Tisseur de Destins.
En dépit de la gravité de plaies causées par des projectiles explosifs, le Démon ne s’interrompit pas. Au contraire, sa double voix redoubla d’intensité, aussi cruelle que glaciale. Un flux d’énergie ectoplasmique multicolore jaillit de l’esprit du Primarque. Toutes les émotions négatives de Guilliman, tous les germes de folie, de peur et de colère que Kairos avaient implantés en lui, jaillirent et s’étendirent autour du Primarque en volutes. Celles-ci s’épaissirent sous l’effet de leur propre force, et durcirent jusqu’à devenir des chaînes de cristal.
Les membres liés, Guilliman tomba à terre, mais cette fois, pris dans les rets ensorcelés de Kairos, il fut incapable de se relever. L’Oracle projeta psychiquement ses voix pour s’adresser à tous les combattants, et il ordonna aux Ultramarines, à la Sainte et à l’Inquisitrice de déposer les armes sur le champ. Faute de quoi, le Primarque allait être broyé et étouffé sous leurs yeux. Une par une, les armes se turent à mesure que les Ultramarines horrifiés s’exécutaient. La bataille était terminée, et Kairos le Tisseur de Destins savoura sa victoire.
Chapitre III : L'AVÈNEMENT DU PRIMARQUE
« Ils seront mes fils, et en eux vivra l’espoir d’une Humanité unifiée. Ils auront la force pour l’emporter, pas seulement quand la victoire est facile, mais même lorsqu’elle semble inaccessible, quand la mort descend tel un linceul. En ces temps de ténèbres, mes nobles fils brilleront tels les astres les plus éclatants. »
- - Attribué à l’Empereur de l’Humanité.
Les Dieux en Guerre
Les six Forteresses Noires furent découvertes au début de l’histoire de l’Imperium, éparpillées dans l’espace. Déjà antiques à cette époque, les structures dormantes étaient d’une taille cyclopéenne et parfaitement mystérieuse. Rien ne permettait d’identifier ceux qui les avaient construites, et aucune des abondantes tentatives d’analyse ne put révéler la nature des métaux renforcés semblables à de l’onyx dont elles étaient composées. L’Imperium s’appropria des Forteresses Noires. Même en sommeil, ces énormes stations de combat faisaient d’exceptionnelles bases dans l’espace lointain. Tractées en position par des remorqueurs, et constellées de structures Impériales secondaires, les Forteresses Noires devinrent des pierres angulaires de la puissance navale Impériale. Ce fut pendant la terrible Guerre Gothique - une des infâmes Croisades Noires d’Abaddon - que les Forteresses Noires s’éveillèrent. Nul ne sait comment il acquit le savoir maléfique pour ranimer les Forteresses Noires, mais à mesure que la guerre se déroulait, il devint évident que le principal objectif d’Abaddon était de s’emparer d’autant de ces plates-formes titanesques que possible. À la fin de ce conflit naval tumultueux, plusieurs forteresses étaient tombées aux mains de la Black Legion, et une autre avait été détruite. Abaddon offrit une de ces légendaires stations de combat à Huron Sombrecœur pour le récompenser de sa rébellion contre l’Imperium. Par ce présent aussi royal, le Maître de Guerre s’assura la loyauté des Red Corsairs et leur participation à sa grande entreprise galactique, tout en démontrant son incroyable puissance. Après tout, un Seigneur de Guerre qui pouvait se permettre de céder une arme aussi grandiose devait avoir une confiance illimitée en son propre pouvoir. |
Guilliman capturé, la bataille du cimetière des vaisseaux était perdue. Les guerriers impériaux qui ne se rendirent pas malgré la menace de mise à mort du Primarque furent tués ou forcés de capituler. Le Champion Amalrich était de ces derniers, passé à tabac et assommé par une bande de Red Corsairs alors qu’il tenait à lui seul une brèche dans l’enginarium de son vaisseau.
Les loyalistes et leurs bâtiments de guerre capturés furent emmenés sous bonne garde vers le bastion des Red Corsairs le plus proche. Ils furent choqués de voir qu’il s’agissait d’une des antiques Forteresses Noires. Les Impériaux ignoraient comment cette immense structure avait pu voguer dans le Maelström. En fait, cela avait peu d’importance. Dépouillés de leurs armes et de leur honneur, Guilliman et ses compagnons - une force qui comprenait des centaines de Space Marines, de Chevaliers Gris et de Skitarii, ainsi que leurs machines de guerre - furent traînés dans les profondeurs de la forteresse des traîtres et jetés dans des cellules à verrous psychiques. Les Space Marines furent attachés avec des chaînes d’adamantium, tandis que leur chef dépérissait dans l’ignoble carcan de culpabilité, de colère, de peine et de folie cristallisées que la psyché de Kairos lui avait forgé.
La Forteresse Noire avait pour garnison une grande troupe de Red Corsairs commandée par le seigneur pirate Verngar l’Apostat. La majeure partie de la structure était en sommeil, car les traîtres ignoraient comment réveiller l’antique construction ou accéder à son cœur. Néanmoins, leurs fortifications étaient bien bâties, leurs effectifs conséquents et leur flotte puissante. Kairos jugea que c’était une prison aussi bonne qu’une autre pour y laisser pourrir Guilliman. Si le Démon Majeur n’avait pas été avare d’efforts pour retirer Guilliman de la scène galactique, il ne souhaitait pas la mort du Primarque. Un demi-dieu enchaîné était une source de pouvoir trop précieuse, et Kairos voulait garder sa victime au secret dans le Maelström jusqu’à ce que certaines conjectures se produisent. Le Démon prédisait déjà plusieurs moments où la délivrance d’un Primarque dément produirait des résultats intéressants.
Les Red Corsairs, pour leur part, joueraient volontiers les geôliers de Guilliman en échange des prédictions que Kairos pourrait leur offrir ; le Démon était donc assuré que son prisonnier ne s’évaderait pas.
Peut-être était-ce la mystérieuse influence de la Forteresse Noire elle-même, ou peut-être la présence anormale de Guilliman dans l’écheveau du destin l’avait déformé au point que Kairos ne pouvait le percevoir. Quoi qu’il en fût, alors qu’il se préparait à quitter la forteresse, le Démon ne vit pas venir la vaste horde.
Des tréfonds du Maelström débarqua une énorme armada. Des dizaines de bâtiments de guerre à la coque encroûtée de sang et de crânes se ruèrent sur la forteresse. Ces vaisseaux hérissés de pointes arboraient la rune de Khorne, et des feux démoniaques dansaient dans leur sillage. À l’avant de la flotte fonçait une monstrueuse comète rouge sang auréolée de flammes noires. La boule de feu avait une gueule hérissée de crocs et des yeux brillant d’une fureur démente. Ainsi Skarbrand se rua-t-il sur la Forteresse Noire, flamboyant dans le vide pour percuter la coque de la station avec une force explosive. Derrière lui, les vaisseaux de Khorne accélèrent et se déployèrent pour pilonner la structure tandis que leurs flancs libéraient des nuées d’appareils d’abordage.
Les Red Corsairs, d’abord surpris puis outrés par cette attaque subite, se rallièrent rapidement et ripostèrent. Alors que leurs fortifications étaient éventrées, les batteries de canons pivotèrent et remplirent le vide de feu. Les escouades de Havocs prirent les barges de débarquement pour cibles, tandis que les Obliterators dirigeaient des tirs de suppression sur les hordes de Khorne qui se déversaient déjà sur la coque de la forteresse. Une bataille furieuse faisait rage dans le silence de l’espace, les explosions sourdes soufflant les Berzerkers de la peau noire de la structure et les projetant dans le vide.
À l’intérieur de la forteresse, des éclats de luminescence vert pâle dansaient dans les corridors sombres : l’ancienne structure avertissait ses occupants du danger. Les Red Corsairs se déployèrent en lignes de tir disciplinées et inondèrent les couloirs de bolts comme les masses de guerriers de Khorne les chargeaient. Les haches tronçonneuses taillaient les armures et les chairs, tandis que s’écroulaient les corps criblés de projectiles incendiaires.
Kairos errait dans le tumulte, consterné. Il invoqua des hordes de démons de Tzeentch et les envoya au combat pour tenter de repousser les envahisseurs. Or, une brume sanguinolente montait à mesure que le massacre s’épanouissait, et de ses profondeurs jaillissaient des cohortes rouges de démons de Khorne qui se joignaient avidement au carnage.
Pendant ce temps, au cœur de la Forteresse Noire, Guilliman écoutait les bruits métalliques lointains, et se prépara à saisir la première chance d’évasion qui se présenterait.
Étranges Alliances
Il en est un que les Maîtres des Dark Angels traquent plus que tout autre. Cet individu évolue dans l’ombre, une entité dont chaque action est auréolée de mystère. Ses motivations et méthodes sont une énigme ; même son nom semble cacher quelque chose, mais on ignore s’il s’agit juste d’une métaphore ou d’un autre logogriphe. Tel est Cypher, le pire ennemi des Dark Angels. Les Dark Angels poursuivent Cypher depuis la chute catastrophique de Caliban, et il leur échappe depuis près de dix mille ans. Au cours de cette période, Cypher est apparu dans chacun des cinq segmentums, se matérialisant comme de nulle part. Partout où il fait surface, il apporte la mort et la destruction, encore qu’on ne sache pas s’il en est l’auteur ou juste le messager du malheur. Cypher est rarement l’instigateur des violences qui éclatent invariablement lorsqu’il est là ; il semble plutôt agir comme un catalyseur, soufflant sur les braises de la méfiance et de la haine de ceux qui l’entourent. Cypher disparaît de la scène aussi abruptement qu’il est arrivé. Des mondes entiers brûlent dans son sillage. Outre la dévastation et la ruine, Cypher laisse une autre marque derrière lui ; les légendes et les rumeurs abondent après le passage de la mystérieuse silhouette à capuche. L’étrangeté de son rapide départ est amplifiée par l’inévitable vague d’interrogations qu’il soulève. Parfois ces questions sont posées par les Inquisiteurs ou leurs agents, d’autres fois ce sont les Space Marines du Chaos qui cherchent des renseignements sur cette figure cryptique qui va et vient dans leurs bastions. Les Dark Angels finissent toujours par remonter sa piste. Sévères et taciturnes, ils interrogent quiconque a été en contact ou aurait pu parler avec Cypher. Ceux qui possèdent quelques informations, ou sont suspectés d’en posséder, sont emmenés par des Chapelains-Investigateurs en armure noire. Peu d’entre eux reviennent. Nul ne peut dire qui est vraiment Cypher. Ceux qui l’ont vu en action rapportent qu’il est vêtu de simples robes cérémonielles, semblables à celles des Dark Angels. Sous cette bure apparaissent d’épaisses plaques d’une armure énergétique sombre. Fait beaucoup plus curieux, peu importe le point de la galaxie où Cypher surgit, ce n’est qu’une question de temps avant que les Dark Angels ou un de leurs chapitres successeurs le suivent. Malgré cette poursuite inlassable de Cypher, personne n’a réussi à le capturer ni à le détruire. Du moins, en apparence. Les Dark Angels ont cru l’avoir neutralisé à maintes occasions, pourtant il revient toujours. Il est impossible de deviner son allégeance et ses motivations, car s’il a combattu au côté du Chaos comme de l’Imperium au cours des millénaires, il finit presque toujours par trahir ses alliés. Certains croient que Cypher suit un vaste plan que nul ne peut déchiffrer, hormis peut-être l’Empereur lui-même. D’autres pensent que ses apparitions et ses actions sont le fait du hasard, le caprice d’un être dont l’existence même défie les lois de la nature. Quelle que soit la vérité, personne n’a jamais eu l’énigmatique Space Marine sous la main assez longtemps pour la découvrir. |
La fureur de la bataille se répandait tel un feu de broussailles dans les corridors et les structures impériales externes de la Forteresse Noire. Dans le même temps, dans le noyau secret de la forteresse, des énergies occultes se mirent à crépiter. À l’insu des combattants, des silhouettes se glissèrent hors d’un portail caché dans la forteresse depuis sa construction. La procession d’ombres se mouvait rapidement et en silence, accompagnée d’une forme en robe, aussi furtive qu’un fantôme.
Les silhouettes traversèrent le sombre labyrinthe, et les systèmes endormis de la forteresse s’éveillèrent à leur approche. Des portes en forme d’iris, restées closes pendant des milliers d’années, s’ouvrirent et un souffle millénaire s’en échappa. La poussière tomba en nuages poudreux au passage des silhouettes, mais aucune ne laissait la moindre trace de pas.
Guilliman et ses Ultramarines étaient enfermés dans des cellules qui jalonnaient les murs circulaires d’une vaste salle cylindrique. Ces alcôves n’étaient pas fermées par des barreaux de métal ni des portes verrouillées, mais par des rideaux de feu mutagène Une escouade complète de Red Corsairs montait la garde, avec leurs armes braquées en permanence sur la seule porte fonctionnelle qui menait à cette sinistre prison.
Une porte secrète coulissa juste derrière les gardes. Dans un silence absolu, les Harlequins roulèrent et s’éparpillèrent en une chorégraphie macabre. Chaque pas de danse les rapprochait des Space Marines renégats, la lame au clair, prête pour la mise à mort.
Le premier signe de danger que perçurent les Red Corsairs fut une attaque soudaine et tourbillonnante dans leur dos. Parfaitement dispersés et postés pour tuer, les Aeldaris frappèrent avec une grâce meurtrière. Les rapières transpercèrent les plaques pectorales dans des éruptions de sang. Les aiguilles à monofilament se fichèrent dans les jointures des armures énergétiques, liquéfiant les organes en quelques millisecondes.
Des volées de shurikens et des faisceaux de fusion tirés à bout portant jetèrent les corps des traîtres au sol dans un brouillard de sang.
Un seul des traîtres - dépourvu de casque mais pourvu de cornes - rugit de douleur quand une Aeldari planta sa lame dans la jointure de sa genouillère, avant de faire une roue pour lui faire sauter le Bolter des mains. Elle termina son attaque par un élégant salto arrière, envoyant un coup de pied sous le menton du renégat qui le renversa.
L’Harlequin s’esquiva d’un saut, et le Red Corsair chercha maladroitement son arme de poing. Il se figea quand une silhouette en Armure Énergétique ornementée se pencha sur lui. Le traître n’avait jamais entendu parler de Cypher, l’Ange Déchu étant une énigme dont l’existence était cachée aux masses. Il reconnut néanmoins la menace que posaient les deux pistolets braqués sur son visage.
Sans un mot, Cypher regardait le Red Corsair, ses yeux scintillant sous sa capuche. Le traître lui renvoyait son regard jauni et brûlant de haine. Cypher fit un signe avec un de ses pistolets vers les cellules. Le geste fut bref mais sans équivoque. Le Red Corsair grogna et ouvrit lentement une sacoche à sa ceinture pour en sortir une amulette gravée de runes - la clé pour dissiper les sortilèges qui verrouillaient les cellules.
Cypher le remercia d’un hochement de tête, puis leva le pied et écrasa la tête du traître. L’os craqua et le sang gicla, puis les tressautements cessèrent. L’Ange Déchu rengaina son pistolet Bolter, prit la clé dans le gantelet de sa victime, et se redressa. Il se surprit à regarder dans le masque changeant de la Prophète des Ombres, Sylandri Marchemonde. Celle qui avait contacté Guilliman alors qu’il errait dans le Maelström. Celle qui avait fait appel à Cypher, et poussé Belisarius Cawl à quitter sa forge sur Mars. Marchemonde esquissa une révérence moqueuse à l’intention de Cypher, puis désigna une cellule éloignée de son bâton. Cypher acquiesça et se mit en marche dans cette direction.
À travers les flammes dansantes, Guilliman observait la silhouette en robe qui s’approchait. Le Primarque ne reconnaissait pas ce Space Marine encapuchonné, mais il connaissait la Légion dont il portait les couleurs.
« Vous êtes Roboute Guilliman, » dit le mystérieux Space Marine en s’arrêtant devant la cellule du Primarque. « Et vous êtes un des fils du Lion, » répondit Guilliman. « Vous avez des goûts douteux en matière de compagnons, Dark Angel. Qui êtes vous, et pourquoi êtes-vous là ? » « Je peux vous libérer, » rétorqua la silhouette à capuche, ne daignant pas répondre aux questions du Primarque. Comprenant qu’il n’obtiendrait pas d’autres explications, Guilliman fronça les sourcils. « Je peux, » grogna-t-il. « Pas je vais. Que voulez-vous en échange ? » |
« Vous allez m’emmener sur Terra, » dit le Dark Angel, « devant le Trône. »
Les flammes maléfiques crépitaient et les bruits distants des combats grondaient comme le silence de Guilliman s’éternisait. Même enfermé, le Primarque avait une présence intimidante. Mais le Dark Angel ne vacilla pas, immobile comme une statue de granit. Guilliman tira à nouveau sur ses entraves, toujours sans succès. « Il semble que je doive choisir entre pourrir ici, ou céder à vos exigences, » dit lentement le Primarque. « La première option revient à faillir à mon devoir, je suppose que sera la seconde. Mais comprenez bien, Dark Angel : si vous cherchez à me duper, rien dans cette galaxie ne vous sauvera. » Un coin des lèvres de l’étranger se souleva en un petit sourire amer. « Si vous le dites, » murmura, puis il brandit la pierre runique. Les flammes de la cellule de Guilliman moururent instantanément, ainsi que celles de chaque autre cachot de la salle. |
Guerre Démoniaque
Quand les flammes s’éteignirent, Sylandri Marchemonde entra en scène et entama une danse ondulante élaborée. Les yeux de Guilliman s’écarquillèrent quand il reconnut la figure qui lui était apparue dans sa vision, et l’avait conduit vers la liberté. L’Aeldari voulait-elle qu’il s’échappe du Maelström, ou son intention avait-elle toujours été que la flotte de croisade tombe dans une embuscade et soit amenée ici ? Ces questions devraient attendre, se dit le Primarque comme la magie de l’Aeldari était à l’œuvre.
Des lueurs scintillantes s’enroulèrent autour de l’Harlequin. Là où la lumière magique tombait, les chaînes des Space Marines loyalistes étaient réduites en poussière. Même les sorts de Kairos furent défaits, et Guilliman esquissa un sourire carnassier quand ses entraves de cristal se brisèrent.
Les Ultramarines libérés avaient toujours leur armure, mais étaient désarmés. Répondant aux questions avant qu’elles puissent être posées, la Prophète des Ombres révéla que les armes des loyalistes, leurs véhicules et leurs alliés avaient été enfermés dans des cryptes à stase à quelque distance de leurs cellules, mais qu’elle pouvait les y guider. Guilliman fit signe à son mystérieux bienfaiteur d’ouvrir la marche. Le Primarque ne faisait pas confiance aux Aeldaris, ni au Space Marine ténébreux qui les accompagnait, mais pendant que son brillant intellect évaluait les raisons de leur implication, il les laisserait les conduire au reste de ses forces. Guilliman n’allait certainement pas abandonner l’épée de son père dans ce nid de vipères, ni les courageux alliés qui l’avaient suivi dans sa quête.
Marchemonde et ses Harlequins guidèrent les loyalistes par la porte qu’ils avaient empruntée pour entrer dans la prison. Plusieurs centaines d’Ultramarines impatients d’en découdre leur emboîtèrent le pas de Guilliman, Sicarius, et Cypher. C’était une force capable, même privée de Bolters et de couteaux, qui parcourait les sombres corridors et escaliers au pas de course. La vitesse était plus importante que la discrétion ; même si la bataille faisait rage en surface, l’évasion serait bientôt remarquée.
La première chambre de stase qui fut fracturée contenait Sainte Célestine et ses Geminae Superia. La deuxième permit de réunir l’Archimagos Cawl et ses forces du Mechanicus. Grâce à la puissance de feu des Onagres des Dunes et des rangs de Skitarii et Serviteurs de combat, les loyalistes submergèrent rapidement les Red Corsairs qui montaient la garde devant la dernière chambre de stase. Ils y trouvèrent non seulement Voldus, ses frères Chevaliers Gris et leurs Cuirassiers Némésis, mais aussi tous les autres Space Marines de la croisade, et les dizaines de chars et de Dreadnoughts qu’ils avaient emmenés dans leurs vaisseaux.
Le Capitaine Sicarius suggéra de se tailler un chemin à travers la bataille pour reprendre leurs navires. Marchemonde secoua la tête. Il y avait des milliers d’Heretic Astartes et de Démons dans la forteresse. Les combats près des docks étaient âpres. Toute tentative de récupérer les vaisseaux de la croisade était vouée à l’échec. Les loyalistes auraient encore pu arguer contre cette idée, mais la Prophète des Ombres leur révéla que les équipages avaient été sacrifiés en même temps que les gardes impériaux et les Sœurs de Bataille de la croisade. Pire, les Navigators de la flotte avaient été emmenés enchaînés sur un vaisseau rapide vers la forteresse personnelle de Huron Sombrecœur.
Heureusement, Marchemonde connaissait un autre moyen d’évasion - la route que Cypher et les Harlequins du Chemin Voilé avaient empruntée pour venir jusqu’à Guilliman, et qu’ils allaient utiliser pour rejoindre Terra. Au cœur de la forteresse, barré par une ancienne technologie mais toujours opérationnel après des millénaires, il y avait un passage stabilisé vers la Toile. Il donnait sur des artères majeures que pouvaient emprunter même des vaisseaux spatiaux - les machines de guerre impériales y passeraient largement.
L’armée impériale et ses guides jaillirent de l’armurerie et se dirigèrent vers les tunnels inférieurs. Toutefois, l’éveil des salles profondes de la forteresse n’était pas passé inaperçu. En chemin, les loyalistes rencontrèrent une résistance renforcée de Red Corsairs et de Démons envoyés pour les bloquer.
Même si Guilliman et ses compagnons luttaient férocement, leur progression fut gravement ralentie. Poussant dans une immense salle de ponts mobiles et de gouffres noirs, ils se retrouvèrent entourés de toutes parts. La situation était mal engagée, mais ce fut à ce moment que des flammes spectrales bondirent au milieu de l’ennemi. Les relevés auspex clignotaient sauvagement, et des voix fantomatiques chuchotaient et sifflaient dans le réseau vox tandis que des silhouettes étranges surgissaient de la conflagration et ouvraient le feu. Vêtue de noir et d’os, auréolée de feu éthérique, la Légion des Damnés était apparue pour secourir la croisade. Leurs volées balayèrent les forces du Chaos devant Guilliman, et avec Marchemonde à son côté, le Primarque put avancer à nouveau.
Suivirent de longues minutes sanglantes, les échanges de tirs éclairant la pénombre. Les deux camps fonçaient pour battre l’autre à la course, si bien que Guilliman et son armée atteignirent le cœur de la Forteresse Noire en même temps que leurs ennemis. La salle était immense, elle devait faire au moins cent milles de diamètre. Le sol comme le plafond se perdaient dans l’ombre. Des motifs de lumière chatoyante dansaient sur les parois, et clignotaient tout le long de la colonne noire titanesque qui s’élevait au centre de la salle. Saillant de cette colonne, telles les branches tordues de quelque sombre divinité végétale, rayonnaient des centaines de ponts, d’escaliers, de plates-formes et de portiques, tous scintillant de la même bioluminescence étrange qui jouait sur les murs.
D’innombrables portes s’ouvrirent sur le cœur de la Forteresse Noire, d’énormes portails qui semblaient prévus pour des géants. Certains déversèrent des Démons de Tzeentch, aux feux fulgurant dans les ténèbres. D’autres vomirent des Démons de Khorne, dont les meutes dévalèrent des ponts assez larges pour des Titans.
La plupart des Démons étaient encore au loin, de petites silhouettes semblables à des insectes du fait des dimensions de la salle, mais certains osts pourraient intercepter les forces de Guilliman avant qu’elles arrivent en son centre. Mais le Primarque n’avait pas le choix - Marchemonde indiqua une plate-forme sur le flanc de la colonne. Guilliman y vit le miroitement ténu d’énergies ésotériques, et sut qu’il s’agissait de l’entrée de la Toile dont avait parlé la Prophète des Ombres.
Guilliman donna l’ordre d’avancer. Ses forces affluèrent sur les ponts les plus proches, guidées dans le labyrinthe d’arches et de plates-formes interconnectées par les Troupes du Chemin Voilé. Les chars Space Marines et les Cuirassiers Némésis ouvraient la voie, suivis d’escouades de l’Adeptus Astartes, de Chevaliers Gris et de Skitarii.
La traversée devint plus périlleuse comme des salves frappèrent les loyalistes par-dessus les abîmes. Des combats éclatèrent quand les Red Corsairs firent feu depuis les passerelles supérieures et les canons de Khorne crachèrent des crânes hurlants. Des plates-formes aussi larges que des champs de parade accueillaient des batailles entre Machines-Démons et escadrons de blindés Ultramarines. Les loyalistes tiraient en avançant, ouvrant des brèches dans la masse de l’ennemi. Par ailleurs, les forces de Khorne et de Tzeentch s’attaquaient entre elles, les Sanguinaires se taillant un chemin dans des escaliers couverts d’ichor, tandis que les Horreurs purgeaient les plates-formes par les flammes.
Guilliman vit Kairos le Tisseur de Destins à l’autre bout de la salle, exhortant ses disciples et lançant des traits ensorcelés sur les loyalistes. À l’évidence, le Démon Majeur n’avait aucune envie d’affronter la colère de Guilliman, car il prenait soin de rester éloigné du creuset de la bataille.
Au contraire de Skarbrand. Surgissant d’un portail béant dans le mur de la grande salle, le Buveur de Sang flambait tel un autodafé. Ses hurlements résonnèrent dans l’espace caverneux, sa soif de sang infectant l’esprit de tous ceux qui les entendaient.
Sous l’influence de Skarbrand, les Frères de Bataille de Guilliman devinrent de plus en plus agressifs et impétueux. Contaminés par la fureur du Démon, Amalrich et les derniers Black Templars se détournèrent de leur chemin et se jetèrent sur une meute de Démons de Khorne. Le sang gicla quand une mêlée sauvage éclata. Le Primarque songea un instant à faire dévier se propres forces pour aider Amalrich, mais avec Skarbrand qui déboulait et des Démons qui s’amassaient sur chaque front, il n’en avait pas le temps. Le cœur lourd, Guilliman aboya ses ordres sur le vox, refrénant les Ultramarines et leurs Primogenitors par la seule force de sa volonté. Amalrich se rua en beuglant sur le grand Skarbrand, sa lame noire heurtant les haches du Buveur de Sang encore et encore.
Voldus et ses Cuirassiers Némésis avaient pris la tête de la progression, tandis que les spectres de la Légion des Damnés défendaient l’arrière sans un mot ; si bien que la croisade approchait de l’entrée de la Toile. Cawl et ses Skitarii fauchaient les rangs de Démons. Les Vindicators des Novamarines pulvérisèrent trois ponts que l’ennemi empruntait pour attaquer de flanc, jetant des Horreurs dans le vide. Greyfax et Célestine se battaient côte à côte, et abattirent trois Hérauts de Tzeentch en autant de minutes. Les Harlequins étaient partout, sprintant sur les passerelles, sautant de pont en pont, perçant et taillant avec une adresse à couper le souffle, exécutant leur danse de guerre autour des loyalistes.
Ce fut alors que Skarbrand poussa un rugissement de fureur assourdissant, prit son élan et bondit. Le maudit Buveur de Sang s’envola au-dessus du gouffre, une terrible blessure laissant une traînée d’ichor derrière lui. Guilliman vit la lame noire d’Amalrich plantée dans la poitrine du Démon Majeur. C’était le seul signe qu’il restait du Champion de l’Empereur - une expiation sanglante de son échec sur Cadia.
Skarbrand atterrit dans un fracas prodigieux au milieu de la Légion des Damnés, ses sabots jetant des étincelles sur le pont. Ses haches, Massacre et Carnage, frappaient à gauche et droite. Les spectres enflammés étaient brisés, leurs corps démantibulés tombant tels des charbons ardents dans les abysses.
Les guerriers les plus en arrière de la force de Guilliman se retournaient, et la folie du Buveur de Sang emportait les Frères de Bataille et les chars. Comprenant qu’il allait perdre le contrôle de la situation, Guilliman ordonna à tous les Impériaux de gagner le portail. Un dernier pont enjambait le vide en reliant la plate-forme sur laquelle se tenait Guilliman à celle où le portail clignotait. Le Primarque prit position à la tête du pont, campa ses pieds et tira sa lame, tandis que tous ceux qui pouvaient encore suivre son ordre l’exécutaient. Le flot de l’infanterie et des véhicules passèrent devant lui, suivant les Harlequins dans la Toile, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que Sicarius et Célestine attendant devant l’entrée.
Skarbrand faucha les derniers légionnaires damnés et prit pied sur la plate-forme. Guilliman sentit la structure trembler et plier sous le poids du Démon. Puis leurs regards se croisèrent, et le Primarque sentit une fureur irraisonnée monter en lui. Skarbrand était venu prendre le crâne de Guilliman en l’honneur de Khorne, et le Démon n’avait pas l’intention de laisser sa proie lui échapper.
L’esprit de Guilliman était en feu, rempli des visages grimaçants de ses frères qui avaient succombé au Chaos. À chaque pas que Skarbrand faisait vers lui, la colère de Guilliman grandissait, tandis que le pont semblait fondre, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que le Primarque et le Buveur de Sang, piégés ensemble dans une arène de flammes rugissantes.
Incapable de se dominer, le Primarque beugla un cri de guerre et bondit à la rencontre de Skarbrand qui chargeait. La Lame de l’Empereur croisa Massacre avec un bruit de métal douloureux, tandis que Carnage passait au-dessus de la tête du Primarque d’un cheveu. Guilliman plongea son épaulière dans le ventre de son adversaire, puis pivota sur place et envoya un revers de la Main de Domination à Skarbrand. Le coup aurait transpercé la coque d’un blindé, mais le Démon vacilla à peine avant de se lancer à nouveau à l’assaut. Les haches de l’enfer s’abattaient en arcs incessants, Guilliman parvenant tout juste à parer ou à éviter chaque coup.
Le Primarque sentait sa haine et sa rage culminer à des sommets inédits, éclipsant totalement son sens de la stratégie. Il comprit vaguement que, bientôt, il finirait par se jeter sur Skarbrand, en frappant comme un dément, jusqu’à ce que sa tête soit séparée de ses épaules.
Dans un effort de volonté titanesque, Roboute Guilliman dompta la rage surnaturelle qui noyait sa raison. Le Primarque essoufflé piégea les feux de la fureur dans un anneau mental d’acier froid. Alors qu’il affrontait son ennemi monstrueux dans la réalité, il livrait une seconde bataille dans son esprit. Peu à peu, il parvint à contenir sa rage.
Poussant un dernier cri de souffrance mentale, Guilliman repoussa toute sa fureur et sa haine, et les enferma derrière des fortifications impénétrables. Alors, les feux qu’il percevait autour de lui moururent, et le pont salvateur retrouva son attention. Au bout du pont, Sicarius et Sainte Célestine l’exhortaient à agir avant qu’il soit trop tard.
Peu disposé à laisser son ennemi s’évader, Skarbrand s’élança en brandissant ses haches. Guilliman évalua calmement la menace, leva la Main de Domination et repoussa le Démon d’une salve bien ajustée.
Skarbrand hurla de colère comme les obus explosifs déchiraient son front et projetaient des morceaux de chair sur la plate-forme. Pas à pas, le Démon dut reculer, mais il ne tombait toujours pas. Guilliman serra les dents et tira les dernières munitions de son magasin, en visant la lame noire d’Amalrich. Un des bolts atteignit l’épée et la pulvérisa en une tornade d’éclats noirs mortels. Le torse de Skarbrand fut déchiré, et il bascula dans le vide en poussant un ultime rugissement de rage.
Guilliman se retourna aussitôt et sur le pont pour sauter dans courut à la Toile à la suite de Sicarius et de la Sainte Vivante. Derrière lui, les runes de protection du portail le scellèrent avec un craquement sec, bloquant la vague de Démons qui déferlait à la toute dernière seconde.
Le Labyrinthe du Chasseur
« C’était une légende que la Toile se lovait comme des serpents entrelacés. Les humains croyaient sottement que c’était par hasard ou par nécessité. Les serviteurs du Dieu Moqueur sont plus avisés. »
- Prophète des Ombres Sylandri Marchemonde.
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Les Space Marines, Chevaliers Gris et soldats de l’Adeptus Mechanicus se tenaient dans un espace aux dimensions invraisemblables, au milieu des brumes miroitantes de la Toile. Des lumières papillotaient autour d’eux, et un bruit tonitruant roulait au loin, tel un battement de cœur colossal, ou des vagues s’écrasant sur un rivage rocheux.
Deux tiers environ des guerriers qui s’étaient échappés de leurs cellules étaient encore en vie. Voldus et ses Chevaliers Gris n’avaient subi qu’une poignée de pertes, tout comme les Harlequins. Cypher avait lui aussi survécu à la course effrénée dans la forteresse, et se tenait à présent à la tête d’une bande de Space Marines en armures sombres qui avaient manifestement attendu son retour. Pendant que les soldats de Guilliman se regroupaient, Sylandri Marchemonde vint auprès du Primarque. Elle s’arrêta un moment pour échanger un regard long et grave avec l’Archimagos Cawl avant de se tourner vers Guilliman sans un mot d’explication.
Elle recommanda de ne pas s’attarder. Elle avait émaillé cette région de la Toile d’escadrons de Motojets Tisseurs Célestes. Ces éclaireurs lui faisaient leurs rapports, qui signalaient des intrus lourdement armés en armures bleues et or. Les guerriers portaient sur eux la puanteur de la sorcellerie du Chaos, et la marque de Tzeentch.
L’esprit de Guilliman fusa, raccordant des fragments d’informations et de faits grâce à son intuition de stratège hors pair. C’était Magnus, comprit le Primarque. Son frère manipulateur - qui avait dû deviner précisément comment les choses se passeraient pour Guilliman - avait envoyé ses fils maudits intercepter les Impériaux.
Les événements se mirent place dans l’esprit de Guilliman. Magnus avait jeté la croisade de Guilliman dans le Maelström non pas pour la détruire, mais pour l’affaiblir. Il avait propulsé le Seigneur d’Ultramar sur une trajectoire spécifique du destin, que Magnus savait mener à sa capture et à son incarcération dans cette prison particulière, et enfin à son évasion dans cette portion de la Toile. Guilliman ne pouvait pas savoir que le Roi Pourpre avait fait appel à son plus grand champion, Ahriman, pour qu’il lui apporte son savoir volé aux Aeldaris des tracés de la Toile, mais à part cela, les conclusions du Primarque étaient parfaitement correctes.
Avec hâte et sincérité, Guilliman chercha le conseil de ses plus fidèles lieutenants. Ils devaient déterminer ce que Magnus complotait, et vite, avant de tomber dans le piège tendu par le Primarque Démon. Ce fut Voldus - fort de son savoir acquis dans les bibliothèques de Titan - qui eut la meilleure intuition. Il y avait un passage protégé vers la Toile dans le palais de l’Empereur. Voldus supposait qu’il était lourdement défendu, verrouillé avec les plus puissantes conjurations que l’Imperium pouvait formuler, mais il était quand même là. Peut-être Magnus connaissait-il son existence, et voulait-il les suivre ?
Le sens stratégique de Guilliman était en ébullition, dessinant des modèles imbriqués dans des modèles, et percevant la vérité. Magnus savait déjà où était le passage, comprit-il. On murmurait que le Roi Pourpre était déjà passé par cette porte, et ce faisant, avait déclenché la catastrophe qui s’était abattue sur lui et sa Légion.
Magnus n’avait pas besoin qu’ils le guident vers la porte. Il voulait les suivre, comptant sur le fait que les défenses seraient désactivées pour laisser passer Guilliman. Le Primarque Démon voulait frapper Terra, le Trône d’Or de l’Empereur de l’Humanité, et il espérait lancer son attaque au moment où la porte serait grand ouverte au passage du Primarque des Ultramarines.
Guilliman se rendit compte, non sans une pointe de désespoir, que la croisade ne pouvait pas ressortir sur Terra, pas si cela permettait à Magnus de frapper le berceau de l’Humanité. Or, Sylandri Marchemonde n’avait jamais espéré leur faire prendre ce chemin. Au lieu de cela, la Prophète des Ombres révéla un secret que les Aeldaris gardaient depuis longtemps.
Sommeillant depuis des millénaires, caché sous un voile de sceaux de protection impénétrables, même par les plus puissants Psykers humains, un espar isolé de la Toile s’étirait le long de la frontière entre l’espace réel et le Warp jusqu’à Luna, l’unique satellite naturel de Terra. C’était vers cette porte couverte d’illusions que la croisade devait à présent se hâter.
Leur destination arrêtée, les croisés survivants se mirent en route sur-le-champ. Ils avaient déjà traversé de vastes pans de l’espace, et s’étaient taillé un chemin dans des environnements infernaux, pourtant ils entamèrent cette nouvelle étape de leur âpre voyage sans se plaindre. Tous ceux qui étaient partis d’Ultramar s’étaient préparés à donner leur vie pour cette cause, et à endurer toutes les difficultés nécessaires pour ramener Roboute Guilliman sain et sauf sur Terra. Leur décision était définitive.
Les Harlequins du Chemin Voilé ouvraient la marche d’un pas vif. Ils progressaient désormais dans leur propre territoire, et se déplaçaient donc avec encore plus d’agilité et de confiance. Les bandes d’Harlequins disparaissaient dans des raccourcis à peine visibles, ou en se faufilant dans des arcades gravées dans la pierre. D’autres réapparaissaient de la même manière, passant au compte-gouttes devant ou derrière la masse des chars et des fantassins impériaux. Leurs Motojets survolaient la procession de temps à autre, filant dans les passages plus larges dans un flou polychrome. Pendant ce temps, Guilliman et ses suivants maintenaient une cadence acharnée, les chars progressant à l’avant-garde, tandis que l’infanterie lancée au pas de course et les Onagres des Dunes cliquetants fermaient la marche.
La Toile se modifiait autour d’eux, des passages brumeux aux tunnels sombres et pleins d’échos, des étendues de cristaux polyédriques brillant de mille feux aux spirales aux formes curieusement charnelles pulsant d’un mouvement péristaltique. Sans les Harlequins, les loyalistes se seraient sûrement perdus en quelques minutes, ou auraient croisé la route d’une des entités prédatrices qui hantaient la Dimension Labyrinthique. Grâce aux Aeldaris, les forces impériales voyagèrent sans encombres.
Tout cela changea quand on rapporta avec angoisse à Marchemonde que des familiers qui avaient espionné les loyalistes et s’étaient soustraits aux Motojets qui les poursuivaient. Sur l’insistance de la Prophète des Ombres, la cadence exténuante s’accéléra encore, au point que les Serviteurs les plus lents furent abandonnés à leur sort. Alors que Guilliman et ses guerriers couraient dans une grotte brumeuse parsemée de cristaux, des volées de tirs s’abattirent sur eux depuis les flancs.
Quinze soldats tombèrent sous la première salve, jetés à terre par des bolts chemisés de flammes scintillantes. Des Rhinos explosèrent au milieu de traits de sorcellerie bondissants, tandis que les Skitarii submergés par le feu du changement dégénéraient en chair mutante.
Guilliman aboya ses ordres et les loyalistes se dispersèrent dans l’instant, gagnant le couvert des affleurements de cristaux. Tout autour d’eux, transperçant le voile des brumes, apparurent les automates pesants des Thousand Sons. Les golems en armure faisaient feu de leurs Bolters de part et d’autre de leur avance, lâchant une grêle ininterrompue de bolts ensorcelés. Des hordes de Tzaangors croassant se déplaçaient entre leurs rangs en brandissant des lames argentées.
Les hommes de Guilliman ripostèrent, faisant chanceler nombre de leurs assaillants quand leur armure était éventrée et laissait couler la poussière qui les animait. Cypher tournoyait et plongeait, esquivant tous les tirs qui le ciblaient et fauchant l’ennemi avec ses pistolets brasillants. Voldus lança une contre-attaque cinglante contre les Thousand Sons, son marteau broyant les Rubricae et soulevant des nuages de poussière scintillante.
Malgré tout, l’étau des Rubricae se refermait, leurs maîtres montés sur des disques volants jetant des sorts sur les loyalistes. Guilliman sut que cette bataille était impossible. Le Primarque fut indigné de devoir fuir encore, car il lui semblait que depuis son départ d’Ultramar, c’était tout ce qu’il avait fait. Mais le but qu’il poursuivait était de la plus haute importance, et mourir ici n’allait pas aider l’Imperium de son père. Guilliman brandit son épée et initia le mouvement pour s’extraire du piège des Thousand Sons. Tous ses Frères de Bataille ne purent s’échapper indemnes, et d’autres précieuses vies furent perdues - ainsi que leur patrimoine génétique - quand les Space Marines furent fauchés dans leur course par les tirs ennemis. Mais avec la Sainte ailée qui taillait un chemin devant eux, les loyalistes distancèrent leurs assaillants et s’enfoncèrent plus loin dans le dédale de la Toile.
Ils furent attaqués sans relâche, les Tzaangors bêlants et les Rubricae surgissant de passages latéraux ou tenant des jonctions devant eux. Pourtant, les loyalistes persévéraient, se jetant tête baissée dans chaque embuscade et chaque blocus avec Guilliman, Voldus, Greyfax, Célestine et Cypher à leur tête. Enfin, les Impériaux parvinrent à un portail scellé par des runes, devant lequel ils remirent leurs casques et respirateurs en place. Puis, précédés par la Prophète des Ombres, ils sortirent de la Toile, à la surface de Luna.
Sur la Mer des Tempêtes
« L’histoire de la galaxie est une tapisserie cousue de terreur et de sang. Mais parmi les innombrables fils de ténèbres, il y a des filigranes de lumière, des moments d’héroïsme et de bravoure qui brillent d’autant plus que l’ombre les entoure. Ce sont de tels actes désespérés qui tissent le futur. Ce sont de tels actes désespérés qui entretiennent l’espoir. »
- Eldrad Ulthran, Grand Prophète d’Ulthwé.
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Guilliman traversa les lumières scintillantes de la porte sur la Toile, et subit l’effet consécutif déconcertant de double réalité. Il passa d’une clarté tamisée à un éclat éblouissant et des ombres crues, d’un air doux et chaud au vide froid et mortel. La gravité disparut autour de lui, et d’un seul pas, Guilliman s’élança du portail sur la Toile dans la poussière lunaire.
La croisade avait abouti dans un cratère profond, dont la majeure partie était plongée dans les ténèbres. Des colonnes de lumière tombaient du ciel, là où les rayons de Sol coulaient du bord de la fosse. Conscients que l’ennemi était sur leurs talons, les loyalistes gravirent rapidement les flancs de la cavité. Les Space Marines faisaient des sauts prodigieux dans cet environnement à faible gravité.
Les chars soulevaient des nuages de particules en accélérant le long de la pente. Les Skitarii marchaient implacablement vers le haut, faisant fi de la part organique de leur corps qui gelait et noircissait. Ces soldats ne feraient pas long feu sur Luna, mais ils subsisteraient le temps nécessaire pour servir l’Omnimessie.
Au-dessus d’eux, Célestine gagnait en altitude dans le ciel noir - ses Geminae Superia avaient mis leurs casques, mais la Sainte Vivante n’avait pas besoin de se masquer.
Derrière eux, Marchemonde et ses Harlequins s’attardaient près du portail sur la Toile. La Prophète des Ombres rassembla ses pouvoirs, braqua son bâton sur la porte et entama une scansion susurrante. Les runes sur les côtés de la structure produisirent une lumière incandescente.
**Nous écrivons une histoire de sang et de malheur, mon mentor. Une tragédie est à l’œuvre.** **De quoi s’agit-il, Lladrea ? Où on sont les Ynnari ?**
**Une autre puissance s’interpose ? L’écheveau est emmêlé ?**
**Quelle arrogance ! Sont-ils si dépités ?**
**Que s’est-il passé alors ? Où avons-nous fait un faux pas ?**
**Contenez-vous, Lladrea. Nous touchons au but, mon amie, et Asurmen lui-même est avec nous. Soyez forte, et nous vaincrons.**
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Avant que Marchemonde puisse terminer son rituel, la porte pulsa sous l’effet de sombres énergies. Un feu bleu se mit à tourbillonner, son rugissement ressemblant à un grondement sourd dans cette atmosphère raréfiée. L’Aeldari s’écarta au dernier moment, mais nombre de ses suivants n’eurent pas cette chance. Leurs corps graciles furent avalés par les flammes, et alors que leurs combinaisons dathedi brûlaient, leurs corps fondirent comme de la cire ou moururent congelés.
Près du bord du cratère, Guilliman vit le portail corrompu briller d’un feu noir. Des flots d’énergie sautaient et s’enroulaient, dansaient sur les parois de la fosse et réduisaient les Aeldaris en cendres. Les premiers Marines Rubricae émergèrent de l’orage crépitant, leurs pas étouffés par le sol. Ils levèrent leurs Bolters et ouvrirent le feu sur les Impériaux.
Les armures se rompirent et les âmes se consumèrent. Des corps massifs portant les couleurs des Novamarines et des Mortifactors roulèrent au ralenti le long de la pente, dans une cascade de poussière silencieuse. Un Cuirassier Némésis bascula en arrière, son pilote abattu. Les autres loyalistes ne s’arrêtèrent pas, franchirent le rebord du cratère et sortirent de la ligne de tir des Thousand Sons.
Enfin, la retraite pouvait s’interrompre. Guilliman et ses suivants qui avaient survécu étaient à la surface de Luna elle-même, près du cœur de Mare Tempestus. Partout il y avait des carcasses rouillées de vieux Space Hulks et autres navires impériaux échoués, un cimetière de vaisseaux mis hors service. En haut, la noirceur de l’espace était mouchetée d’étoiles, et au-dessus de l’horizon, le ciel était rempli de docks orbitaux et de plates-formes de défense. Les nuées de léviathans gothiques couverts de lumières étincelantes évoquant la grandeur des docks de Luna n’étaient rien à côté du spectacle qu’offrait Terra, suspendue dans un cadre noir d’encre. C’était la destination de Guilliman, la fin de son voyage.
Or, un ennemi mortel était toujours aux trousses du Primarque, et on ne pouvait le laisser exercer ses maléfices à portée de vue du monde du trône. Guilliman savait que le phénomène Warp qui se manifestait dans le cratère devait avoir déclenché toutes les alarmes et augures d’urgence dans un rayon de dix terra-sols.
Il ne faudrait pas longtemps pour que des forces impériales imposantes viennent enquêter, mais on ne pouvait savoir quels dégâts irrévocables Magnus pourrait causer avant leur arrivée. Guilliman se rappela les visions que Kairos lui avait transmises, d’un monde brisé écrasant une Terra noircie par le feu, et il frissonna. Il devait retenir l’ennemi ici, et repousser les Thousand Sons, ou, du moins, les bloquer le temps que les secours arrivent.
Les Thousand Sons affluaient par la porte sur la Toile en nombre croissant, les Sorciers sur leurs disques volants poussant les guerriers du Scarabée Occulte et les Marines Rubricae. Leur avance était constante et implacable, remontant le cratère tout en faisant feu. Jugeant que le cratère lui-même offrait la meilleure chance de contenir l’ennemi, Guilliman dissémina ses guerriers, ses marcheurs et ses chars le long du bord et leur ordonna de déverser leurs tirs sur les Thousand Sons.
Space Marines, Dreadnoughts, Land Raiders, Vindicators, Skitarii, Onagres des Dunes, Serviteurs de combat, entre autres, ouvrirent le feu. Utilisant le bord du cratère comme couvert, et tirant parti de leur position surélevée, les loyalistes tirèrent bolée après volée sur les Heretic Astartes en contrebas. Des automates furent renversés par des explosions dévastatrices et dévalèrent le cratère. Une poussière scintillante s’envolait de trous dans les plastrons baroques, flottant dans la gravité basse et faisant s’écrouler les armures naguère animées.
Les sergents aboyaient des ordres sur le vox, coordonnant les volées de canons laser et d’obus Demolisher pour pilonner les Rubricae. Cypher et ses compagnons ténébreux faisaient pleuvoir le feu sur les Thousand Sons. Greyfax plantait un pieu d’argent dans un Rubricae à chaque tir. Voldus déchiraient les traîtres à distance avec les pouvoirs de son esprit.
Des cadavres armurés s’entassaient au bas du cratère, cernant le portail sur la Toile de charognes. Jaillissant de fissures et d’affleurements rocheux à la périphérie du cratère, les derniers Harlequins ajoutèrent leurs tirs à la fusillade, les grêles monomoléculaires tranchant les armures et les chairs des disques démoniaques.
Il apparut un temps que les Thousand Sons seraient refoulés au fond du cratère. Même si leurs tirs de riposte causaient une lente usure chez les loyalistes, les traîtres perdaient bien plus de guerriers qu’ils n’en tuaient.
Une nouvelle impulsion de sombre pouvoir s’échappa de la porte sur la Toile, ses énergies tournoyant toujours plus vite, jusqu’à créer un vortex de flammes. Une vague de terreur surnaturelle balaya les loyalistes quand une immense silhouette cornue mit le pied à la surface de Luna. Déployant ses ailes, Magnus le Rouge regarda Guilliman avec un sourire malfaisant.
Les Dieux de la Guerre
Se dressant de toute sa hauteur, Magnus le Rouge brandit sa haste ensorcelée et prononça des mots de pouvoir qui défiaient toutes les lois de la nature. Des flammes violettes bondirent, formant des boucliers miroitants autour des Thousand Sons.
Subitement, les Rubricae et le Scarabée Occulte pouvaient avancer sans danger, remontant la pente tandis que les tirs ennemis explosaient contre les boucliers de Magnus. Les Thousand Sons n'avaient pas à contourner une telle obstruction, et des dizaines de loyalistes s’écroulèrent en haut du cratère.
Constatant le changement soudain de situation, et sachant qu’ils devaient tenir à tout prix, Guilliman ordonna aux survivants de se replier. Quelques instants plus tard, les premiers rangs de Rubricae apparurent au rebord du cratère et avancèrent tout en tirant. Davantage de Thousand Sons marchaient derrière eux, et les loyalistes battirent en retraite vers les épaves et les autres cratères pour se mettre à couvert, tandis que leurs chars reculaient progressivement en faisant feu de tous leurs canons.
Magnus sortit de la cavité. D’un seul mot, il anéantit trois Cuirassiers Némésis, consumant leurs protections et broyant leur armure. D’un seul geste, il souleva un Land Raider Ultramarines et l’envoya sur les Skitarii comme un boulet de canon. Magnus brandit son sceptre et la réalité se fendit, laissant une marée de Démons se déverser hors du Warp.
Jugeant que le Primarque Démon détruirait rapidement son armée si on le laissait faire, Guilliman chargea droit sur lui. Poussant un cri de guerre tonitruant, le Primarque des Ultramarines se tailla un chemin dans les Rubricae et exécuta un saut héroïque depuis le rebord du cratère.
Guilliman s’éleva, sa lame laissant une traînée de flammes derrière lui. Magnus vit son frère venir et entonna une incantation de douleur, mais avant qu’il puisse la finir, le Seigneur d’Ultramar frappa. Magnus parvint à parer l’épée de son frère avec sa haste, mais l’impact de bélier du saut de Guilliman fit reculer le Roi Pourpre, loin des combats. Les deux Primarques dégringolèrent sur la surface poussiéreuse de Luna, et finirent leur chute contre l’épave rouillée d’une frégate impériale. Des panneaux de métal et des ferronneries corrodées tombèrent autour d’eux, enterrant les deux frères en duel sous une avalanche de débris. Pendant ce temps, la bataille autour du cratère faisait rage, les derniers croisés luttant farouchement pour leurs vies.
Guilliman se débattit pour se libérer, en jetant de côté un panneau rouillé tout en ignorant les alarmes qui sonnaient dans son casque. Son armure était ébréchée, ses réserves d’air s’échappaient et le froid du vide s’infiltrait. Sans sa constitution quasi divine, et la technologie de survie de Cawl, Guilliman aurait vraisemblablement péri.
Au lieu de cela, il leva sa lame et se dépêtra de l’épave à coups de pied. « Magnus, » cria-t-il à travers sa grille vox, scrutant ses environs. Le Primarque savait que son frère aux dons douteux pouvait l’entendre, même dans le vide de l’espace. « Je sais très bien que tu n’es pas mort. Affronte-moi ! » Un rire rauque roula tout autour de Guilliman, un son évoquant un mal ancien. La forme éthérée de Magnus s’éleva au-dessus de l’épave et vint flotter au-dessus de lui. Le Primarque Démon se solidifia à nouveau, immense et menaçant. « Très bien, Roboute, » rit Magnus, dont les mots étaient comme une pluie de cristaux tombant sur le sol pâle. « Me voici, en chair et en os. Et - curieusement - te voilà. » Magnus pencha la tête de côté et sourit. « Dans mon souvenir, tu n’étais pas si… insignifiant. » « Dix millénaires ne t’ont pas rendu moins arrogant, » lança Guilliman, en tournant prudemment autour de son adversaire imposant. Sous son casque, une mine de dégoût déformait ses traits patriciens alors qu’il regardait la forme monstrueuse du Roi Pourpre. « Et je note que toutes ces années ne t’ont pas épargné. » Magnus soupira. « Comment peut-on avoir de si grands desseins et une vision aussi étriquée ? Cela m’a toujours échappé. Ceci, » dit le Primarque Démon tandis que des énergies empyréennes s’agitaient autour de son arme, « est le véritable pouvoir. » « Je ne vois pas le pouvoir, » dit Guilliman, secouant la tête de consternation. « Je vois la corruption, et l’asservissement à des monstres qui sont vénérés comme des dieux. » « Sur ce point, Roboute, » rit Magnus en jetant un regard aux loyalistes qui combattaient près de là, « nous pourrions tomber d’accord finalement. » Le sourire du sorcier se mua en rictus quand il remarqua que son frère observait le ciel. « Tu espères occuper mes fils et moi le temps que les restes de cet Imperium paralysé viennent te sauver ? » |
« Je n’atteindrai peut-être pas la salle du trône de notre père aujourd’hui, mais je te promets que tu n’y arriveras pas toi non plus. Tu seras mort bien avant que les secours arrivent. Ce sera un salaire très satisfaisant pour ma peine. »
À ces mots, Magnus attaqua. Le géant était bien plus rapide que Guilliman l’aurait cru ; sa haste ensorcelée frappa pour couper le Seigneur d’Ultramar en deux. Guilliman sauta en arrière, soustrayant son ventre au coup de taille de Magnus ; l’arme arracha quand même quelques étincelles à son armure. Guilliman atterrit sur la proue dentée d’une épave de frégate. Avant qu’il puisse faire le point de la situation, Magnus lui envoya des boules de feu bleu. Guilliman se jeta hors de leur chemin, glissant le long du flanc rouillé de la proue pour se réceptionner accroupi. Il se lança à la charge, jaillissant du nuage de poussière soulevé par son atterrissage et évitant adroitement les projectiles psychiques de son frère. La Main de Domination n’avait plus de munitions, mais elle restait une arme prodigieusement puissante. Guilliman fit un pas de côté pour esquiver la lame de Magnus, et se glissa sous la garde de son frère pour lui asséner un terrible uppercut. L’impact souleva Magnus du sol et le propulsa dans le ciel noir. Des filas de sang ardent s’échappaient de la mâchoire brisée de Magnus, faisant germer des champignons kaléidoscopiques où ils éclaboussaient la surface lunaire. Un tourbillon d’énergie enveloppa Magnus, arrêta son élan et le remit d’aplomb alors qu’il hurlait de colère. L’œil du Primarque Démon dardait la haine, et Guilliman comprit avec tristesse à quel point son frère s’était égaré dans la folie. « L’arrogance, » cria Guilliman. « Elle a toujours été ton point faible. Tu croyais que ce serait un combat facile, que les dons de tes prétendus dieux me rendraient impuissant. Peut-être que tes maîtres ne sont pas à la hauteur de tes espérances ? » La rage de Magnus disparut en un clin d’œil, et il ricana avec mépris en réponse à la raillerie de Guilliman. « Tu aimerais bien le croire, n’est-ce pas ? Que la loyauté de l’obéissant Roboute Guilliman était justifiée ? Qu’à présent que les ramifications de nos choix sont évidentes, tu peux me prendre de haut comme tu l’as toujours fait ? » |
Avec une violence inattendue, Magnus plongea en abaissant sa haste. Des flammes multicolores jaillirent de sa lame, avalant Guilliman et le rocher sur lequel il se tenait. La poussière lunaire explosa en nuages crépitants. Des feux de Saint-Elme dansèrent sur les débris de fer, et Roboute hurla comme la douleur déchirait son corps.
Pétillant de puissance brute, Magnus descendit, toujours en déversant le feu du Warp sur son frère. Guilliman cria encore, et mit genou à terre comme son armure flambait. Les systèmes surchargés jetaient des étincelles, et l’odeur de sa propre chair en train de cuire emplit ses narines. Désespéré, Guilliman bondit en arrière sans la moindre grâce. Il s’écrasa dans un tas de débris d’enginarium, les flammes clignotant encore sur son armure. Magnus se posa en se gaussant cruellement. Empiégé dans les rebuts, Guilliman essaya de se relever. Le corps du Primarque était une masse de douleur, et son armure répondait mollement, certains de ses servomoteurs ayant grillé. « Non, mon. frère, » dit Magnus. « Tu restes où tu es. » Le Primarque Démon fit un geste, et des griffes spectrales arrachèrent plusieurs tonnes de machinerie d’une épave à proximité. Guilliman eut le temps de se préparer à ce que la masse disgracieuse le frappe telle une comète, pour l’ensevelir sous une avalanche de métal. Guilliman fut enterré vivant. Des alarmes sonnaient à ses oreilles, des signaux clignotaient dans sa vision périphérique. La douleur d’organes lacérés et d’os fracturés sapait sa volonté, et le Seigneur d’Ultramar fut tenté de simplement abandonner. Puis il repensa à ses fils qui avaient souffert si longtemps, et qui s’étaient battus si dur pour les idéaux d’un Imperium qu’ils n’avaient jamais vraiment connu. Il n’allait pas les trahir. Il n’allait pas laisser un de ses frères dégénérés le soustraire à ses responsabilités - pas cette fois. Il tendit ses muscles, concentra sa force, et se creusa une sortie dans la montagne de débris de métal. Il rugit en jetant de côté une unité de condensateur aussi grosse qu’un Land Raide, et sortit, ensanglanté mais indompté, dans l’âpre lumière de Luna. Magnus haussa un sourcil, et leva sa lame pour lancer un autre sort. Ce fut alors que le feu illumina le vide. |
La Colère de l'Empereur
Le Grand Maître Voldus leva la tête et remercia l’Empereur pour la délivrance qui pleuvait sur le champ de bataille. Les forces de la croisade formaient des îlots de résistance, certains au niveau des morceaux d’épaves, d’autres derrière les amas rocheux lunaires. Les Thousand Sons les avaient encerclés et déversaient un feu d’enfer sur leurs positions pendant que des Démons de Tzeentch passaient au-dessus, juchés sur des disques dorés, afin de les arroser de flammes Warp.
Cependant, des renforts arrivaient. Des aéronefs dorés passaient en rase-mottes au-dessus du sol de la Lune. Des explosions ravagèrent les rangs des Rubricae et des Horreurs. Les tirs de laser et les bombes mettaient en pièces les fantassins de Tzeentch.
Au même instant, des léviathans d’adamantium et de plastacier arrivèrent en vrombissant. Ces appareils de la Flotte de Défense de Terra se placèrent en orbite basse, et leurs formes gigantesques jetèrent des ombres sur tout le champ de bataille. Aidés par des données de triangulations transmises par l’Archimagos Cawl, ces bâtiments libérèrent un barrage précis contre l’ennemi.
La poussière lunaire forma de petites tornades lorsque des énergies de téléportation se manifestèrent. Une lumière aveuglante se propagea, et les géants dorés de l’Adeptus Custodes apparurent en brandissant leurs lances gardiennes. Des grêles de bolts s’abattirent sur les Rubricae. Les Sorciers tonnèrent des imprécations et ordonnèrent à leurs golems d’attaquer ce nouvel ennemi, mais leurs efforts furent vains. Se déplaçant à une vitesse à couper le souffle, les Custodes se frayèrent un chemin à travers les Astartes hérétiques. Ils combattaient tels des héros de légende. Leurs lames fendaient les armures comme du beurre.
Les dernières poches de résistance se rallièrent en voyant cette aide inattendue, et les guerriers de Macragge contre-attaquèrent avec une fureur renouvelée. Voldus sortit de l’épave d’un transporteur à la tête de ses derniers Chevaliers Gris et Cuirassiers Némésis afin de mener une charge valeureuse. Son marteau pulvérisait les protections en céramite de ses adversaires, et des éclairs psychiques dévastaient les rangs ennemis malgré les efforts des Sorciers adverses pour les dissiper. Katarinya Greyfax combattait à ses côtés. Sa volonté d’adamantium mettait à genoux les invocateurs de Tzeentch, qui mouraient ensuite prestement sous sa lame.
Saisissant cette opportunité, Sainte Célestine fonça dans la mêlée avec ses Geminae Superia. Le Capitaine Sicarius la suivit en ralliant ses Ultramarines et leurs camarades.
Le son étouffé de réacteurs se fit entendre dans le ciel, annonçant la venue d’autres forces impériales. Des Modules d’Atterrissage jaunes atterrirent sur les colonnes de flammes de leurs rétrofusées, puis leurs écoutilles s’ouvrirent et des Space Marines des Imperial Fists apparurent. Ils ouvrirent immédiatement le feu avec leurs Bolters. Des aéronefs grondèrent, tout d’abord des Stormraven à la coque jaune, puis des Stormtalon dont les armes mitraillèrent les Thousand Sons. Plusieurs furent pris pour cible en retour par des canons rotatifs et des éclairs ensorcelés, et se crashèrent.
Parmi ces appareils se trouvaient trois Valkyries aux carlingues noires et rouges, et arborant le symbole de l’Adeptus Astra Telepathica. Ils zigzaguèrent entre les explosions et le maelström de la bataille, et se dirigèrent vers l’endroit où Guilliman affrontait son frère cyclopéen.
Des flammes purpurines jaillirent. Elles arrachèrent une aile à l’aéronef de tête, qui atterrit en catastrophe en traçant un long sillon dans le sol. Les deux autres poursuivirent vers leur objectif, et ouvrirent leurs rampes dès qu’ils se placèrent en vol stationnaire juste au-dessus du sol. Pendant que leurs courageux pilotes ouvraient le feu contre Magnus, deux escouades de Sœurs du Silence débarquèrent non loin de Guilliman et se mirent en position de combat. Magnus esquissa un geste de colère dans les airs, et un des appareils fut emporté par des ondes télékinétiques, et alla percuter le second. Les deux Valkyries explosèrent et se crashèrent, mais les Sœurs du Silence avaient eu le temps de débarquer. Magnus pointa son vouge et envoya des vrilles de flammes vertes et jaunes dans leur direction, mais elles se dissipèrent avant de les atteindre sous l’effet de l’aura de négation psychique qui émanait des guerrières.
Comprenant qu’il venait de gagner un précieux avantage, Guilliman sauta de l’épave et se posta au milieu des sœurs, afin qu’elles le protègent de la sorcellerie de son frère. Le groupe chargea alors droit sur Magnus.
Le Primarque Démon libéra une autre salve de destruction mentale, puis gronda de frustration en la voyant s’étioler comme la première. Il saisit fermement son vouge et s’avança pour affronter ses ennemis au corps à corps. S’il ne pouvait pas les détruire grâce au pouvoir du Warp, il allait les mettre en pièces avec son arme jusqu’à ce qu’il n’en reste que des morceaux ensanglantés.
Sous le ciel noir de la Lune, alors que l’antique Terra observait la bataille impassiblement, les deux Primarques s’affrontèrent de nouveau.
Marchemonde bondit. Elle décocha un coup de pied à la tête d’un Rubricae, si fort qu’elle lui arracha le casque. Elle s’éloigna de cette première victime, virevoltant à travers les airs avant de tisser un charme de confusion autour d’un Sorcier. Le serviteur de Tzeentch hurla de panique et ôta son casque précipitamment. Sa chair se congela en quelques secondes, puis ses yeux explosèrent et des jets de sang jaillirent de son nez, de sa bouche et de ses oreilles. Marchemonde émit un rire sadique tout en atterrissant gracieusement. Elle balaya les jambes de deux Rubricae avec son sceptre, avant d’esquisser une révérence moqueuse à leurs camarades.
Elle recula ensuite au milieu des salves de bolts maudits, juste au moment où des Harlequins chargeaient les Rubricae depuis une direction inattendue. Les serviteurs du Dieu Moqueur pouvaient accomplir des acrobaties époustouflantes grâce à la faible gravité. Marchemonde rit de nouveau en voyant les gestes maladroits des Rubricae qui tentaient de réagir. Bondissant et effectuant un salto, Marchemonde chercha des yeux le porteur de l’Armure du Destin. Il se trouvait prés de l’épave d’un navire humain primitif, et affrontait son frère monstrueux à la tête d’une bande de guerrières. Marchemonde frémit en sentant le vide psychique qui émanait d’elles malgré la distance. Guilliman et Magnus échangeaient des coups terrifiants. Les guerrières faisaient de leur mieux pour l’aider, en frappant le Démon avec leurs lames et en l’arrosant de tirs de Bolter. Plusieurs d’entre elles étaient déjà mortes, toutefois celles qui restaient suffisaient à étouffer les pouvoirs psychiques de Magnus. Sylandri atterrit gracieusement en ignorant une tempête de flammes magiques qui se déchaîna non loin sur sa gauche. Les Démons étaient trompés par son holochamp et ne visaient pas le bon endroit. D’une pensée, Sylandri activa le système de communications de son casque pour contacter son Death Jester nommé le Prince Creux. « L’heure est venue, » dit-elle. "Nous avons joué notre rôle. La haine fratricide brûle de nouveau." « Le rideau va tomber ? » murmura alors le Prince Creux d’une voix joyeuse. « Indignation. Outrage. Vendetta. » « Il doit en être ainsi, » acquiesça Merchemonde. « Je dois préparer le portail. Parachève cet acte et que le destin fasse le reste. » Sans attendre de réponse, Marchemonde coupa la communication. Elle sprinta vers le cratère d’où ils étaient tous sortis. Elle zigzaguait pour esquiver les menaces, bondit par-dessus le rebord du cratère et se laissa glisser le long de la pente sans perdre son l’équilibre. Elle s’arrêta au fond, dans un nuage de poussière similaire à de la neige, et s’accroupit au milieu des cadavres en armures. La pénombre était illuminée par le maelström de la lumière violacée qui émanait du portail sur Toile corrompu. C’était l’œuvre de Magnus, qui avait maudit cette porte afin de l’emprunter. Marchemonde eut un sourire méprisant sous son masque. Il allait payer pour son arrogance. Elle savait qu’en ce même instant, le Prince Creux avait ouvert une communication avec Guilliman afin de lui exposer leur plan. Le Death Jester disait au Primarque que Magnus ne pourrait être banni qu’en projetant son corps à travers le portail sur la Toile. |
Si les visions de Marchemonde étaient correctes, Guilliman allait mordre à l’hameçon.
Elle devait donc préparer le portail, qui était pour l’heure gardé par deux Sorciers. S’approchant en se servant des cadavres et de ses pouvoirs d’illusion pour passer inaperçu, elle dégaina son pistolet shuriken. Elle pressa la détente, modifia légèrement sa prise, et la pressa de nouveau, à plusieurs reprises. Les Sorciers titubèrent sous les impacts. Les projectiles avaient été tirés avec tant de précision qu’ils perforèrent les gorgerins et sectionnèrent les carotides. Les deux Sorciers s’effondrèrent et Marchemonde entama immédiatement ses incantations. Les énergies autour du portail enflaient et frémissaient. Les runes du linteau se mirent à briller intensément tandis que les vibrations faisaient trembler la surface miroitante de cette porte entre les mondes. En cet instant, les demi-dieux apparurent au bord du cratère. Ils saignaient tous d’eux sous l’effet des coups qu’ils s’étaient portés. Il restait encore une poignée de Sœurs du Silence. Magnus en coupa une en deux d’un revers de vouge, qui termina sa course en allant érafler la cuirasse de Guilliman. Le Seigneur d’Ultramar riposta en repoussant Magnus avec une grêle de coups portés avec l’Épée de l’Empereur, puis il le gratifia d’un violent coup d’épaule qui envoya le Roi Pourpre rouler le long de la pente. Guilliman bondit après lui, sans lui laisser le temps de se relever. L’assaut du Primarque était impitoyable, et malgré ses blessure, il se jetait de toutes ses forces dans une ultime attaque pour tenter de prévaloir. Marchemonde se fondit dans les ombres comme les deux frères se rapprochaient du portail sur la Toile, cependant elle ne cessa pas ses invocations, et agitait doucement son sceptre. Magnus fit apparaître une sphère d’énergie Warp et l’envoya contre son frère. Le halo de fer de Guilliman absorba l’essentiel de l’impact, toutefois il fut repoussé violemment. Dos au portail, le Primarque des Thousand Sons invoqua ensuite une vague d’énergie télékinétique qui projeta plusieurs cadavres de Space Marines, aussi bien loyaliste que renégats, vers les dernières Sœurs du Silence. Sylandri les vit disparaître sous un monticule de corps désarticulés au poids écrasant, et immédiatement, l’aura d’annulation psy qui émanait d’elles s’évanouit. La Prophète des Ombres se releva, craignant soudain pour l’issue du Dernier Acte, mais au même moment, Guilliman contre-attaqua en poussant un rugissement et se rua contre son frère. La lame enflammée s’enfonça profondément dans le torse de Magnus. Des flammes dorées jaillirent et Magnus hurla de douleur, libérant ses énergies mentales de façon incontrôlée. L’onde de choc parcourut le cratère et jeta Sylandri au sol. L’explosion psychique fit également reculer Guilliman, qui ce faisant, retira son épée du corps Magnus. Celui-ci tituba en arrière, juste dans l’encadrement du portail. Sylandri saisit sa chance d’un mot, elle brisa la pierre runique qu’elle tenait dans la paume de sa main et scella pour toujours le portail. En se refermant, celui-ci aspira violemment tout ce qui se trouvait à proximité, et Magnus fut emporté dans les méandres de la Toile. |
Réduits en Poussière
« La bataille n’est pas terminé lorsque l’ennemi a été vaincu. Il doit être exterminé, et toute trace de ses œuvres doit être éradiquée. Son esprit, et celui de son peuple, doivent être brisés afin qu’ils ne s’en remettent jamais. Ce n’est que lorsque toute existence et tout souvenir de l’ennemi est anéanti que la guerre est terminée. »
- Roboute Guilliman, le Codex Astartes.
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Guilliman se redressa en chancelant. Il saignait abondamment sous son armure noircie et fumante. La structure de la porte se tenait toujours devant lui, mais il n’y avait nulle trace de son frère. Magnus avait-il été détruit ? Guilliman l’espérait sans parvenir à s’en convaincre. Le plan des Harlequins semblait trop évident, et la disparition de Magnus avait été trop soudaine. Roboute chercha des yeux Sylandri, mais elle s’était évanouie elle aussi. Interrogeant ses troupes dans le vox, il eut la confirmation que les guerriers du Chemin Voilé avaient disparu eux aussi, sans que personne ne sache comment. S’il avait été dupé, Guilliman ne savait pas pour quelle raison, mais au moins, la menace de Magnus avait été levée pour l’instant.
Écoutant les rapports de ses lieutenants, Guilliman comprit que la bataille était presque gagnée. Alors même qu’il affrontait son frère, une parcelle de son esprit était restée concentrée sur le déroulement des combats, et il reconstitua rapidement le puzzle des événements passés.
Renforcée par l’Adeptus Custodes et les Imperial Fists, la croisade avait refoulé les Thousand Sons. Des automates de Tzeentch jonchaient cette zone de la Mare Tempestus. Ce n’étaient plus que des armures ornementées mais disloquées, et éparpillées au milieu de l’épave. Les Démons invoqués par Magnus avaient disparu en même temps que lui.
Les barrages orbitaux et les aéronefs annihilèrent tous les traîtres qui tentèrent de s’échapper. Les derniers Sorciers avaient rassemblé leurs Rubricae et leurs Scarabées Occultes, et se dirigeaient lentement mais inexorablement vers le bord du cratère. Ils avaient ressenti le bannissement de leur maître, toutefois ils ne se doutaient pas que le portail sur la Toile avait été scellé. Et alors qu’ils espéraient s’échapper, ils se dirigeaient vers Guilliman.
Le Primarque harassé serra les dents, et avança en boitant à la rencontre de ses ennemis. Son auspex lui indiquait l’itinéraire que suivaient les traîtres et les routes empruntées par les forces impériales qui les harcelaient. Même s’ils étaient décimés, les Thousand Sons restaient dangereux et avaient réussi à passer les lignes de défense des Skitarii de Cawl.
Guilliman gravit la pente intérieure du cratère pour intercepter les serviteurs de Tzeentch, et au même instant, la montagne de cadavres derrière lui frémit. Parvenant enfin à se libérer de l’ensevelissement, trois Sœurs du Silence émergèrent du cairn funeste et se hâtèrent de rejoindre le Primarque pour l’aider.
Les pouvoirs des Sorciers et des Psykers sont réduits à néant à proximité des Sœurs du Silence. Bien qu’elles soient muettes à cause des vœux quelles ont prononcés, ce sont de redoutables guerrières qui communiquent grâce à des signes de main complexes. En plus de leurs talents martiaux, les Sœurs du Silence sont des annulateurs psy, car elles possèdent une mutation rare, appelée le gène du Paria, si bien que leur existence dans le Warp s’apparente à un trou noir. De fait, elles sont littéralement dénuées d’âme, et leur simple présence suffit à provoquer des nausées et des troubles d’anxiété. Ces effets sont décuplés chez les Psykers, qui sont plongés dans l’effroi et la révulsion. Jadis, les Sœurs du Silence étaient la branche militante de l’Adeptus Astra Telepathica. Elles ont été officiellement dissoutes après l’Âge de l’Apostasie, mais leurs groupes continuent le combat, de façon secrète et lors d’opérations spéciales. |
Les derniers Thousand Sons se trouvaient à quelques centaines de mètres du bord du cratère, et se dirigeaient droit vers Guilliman. Ils avaient adopté une formation plus ou moins circulaire. Les Rubricae formaient un cordon extérieur, sans laisser la moindre brèche. Les forces loyalistes les encerclaient. Des escouades d’infanterie et des escadrons de chars leur tiraient dessus sans discontinuer. De plus en plus de Rubricae étaient détruits, pourtant le rythme de la progression des survivants ne ralentissait pas à cause des Sorciers au cœur du cercle, qui poussaient leurs automates à avancer en dépit des pertes.
Guilliman se jura qu’ils n’iraient pas plus loin. Il envoya des ordres à ses troupes par le biais de son vox, leur demandant d’engager les Thousand Sons de tous les côtés à la fois, pendant que les véhicules assuraient des tirs d’appui. Ensuite, Guilliman brandit sa lame ardente et attaqua.
Les forces impériales se refermèrent sur les traîtres comme un poing ganté. Les bruits étouffés des tirs qui résonnaient au-dessus de la Mare Tempestus signalèrent l’hallali. Au même instant, Voldus, Cypher, Greyfax, Cawl et Célestine chargèrent l’ennemi à la tête de leurs soldats, en faisant parler leurs propres armes.
Les Marteaux Tonnerre frappaient avec la force du tonnerre. Les épées énergétiques tranchaient les armures comme si elles n’existaient pas. La sorcellerie transformait les guerriers en statues de cristal, ou en amas de chair mutante. À travers cette mêlée démentielle avançait Roboute Guilliman. Il se frayait un chemin vers les Sorciers au cœur de la formation ennemie. Trop de sang loyaliste avait été versé. Trop de soldats courageux étaient morts pour amener Guilliman suffisamment près de Terra. Il devait mettre un terme au massacre sur-le-champ.
Le premier Sorcier qu’il atteignit fut désarçonné de son disque, et vola dans les airs comme un pantin. Les deux autres périrent à coups d’épée, dans des giclées de sang qui formèrent de petits nuages de globules écarlates. Trois autres tentèrent de déchaîner leurs pouvoirs contre le Primarque, cependant leurs efforts furent réduits à néant par les capacités surnaturelles des trois Sœurs du Silence.
Un des Sorciers parvint à enfoncer son épée dans l’épaulière du Primarque et à faire couler son sang. Un autre fendit un des optiques de son casque d’un coup de sceptre. Ce furent les seules attaques couronnées de succès des Sorciers. Le Seigneur d’Ultramar les abattit les uns après les autres, laissant derrière lui des cadavres en suspension dans l’air.
La bataille se termina enfin. Les derniers Rubricae privés de maîtres furent mis en-pièces, et les nuages de poussière soulevés par les combats finirent par retomber. Les loyaux guerriers de Guilliman s’agenouillèrent alors autour de lui, tandis que lui-même prenait le temps de retrouver ses forces, et d’endurer la douleur du corps et de l’âme.
Le Monde Trône
Après la bataille de la Lune, les choses changèrent précipitamment. Des vagues d’aéronefs descendirent pour désintégrer les cadavres des traîtres qui jonchaient la région. Des agents de l’Inquisition et des équipes de Magi Xénotechnologues envahirent le champ de bataille, les premiers pour assurer la mise en quarantaine, les seconds pour se ruer vers le portail sur la Toile désactivé. Guilliman les ignora, et laissa l’Apothicaire le plus expérimenté des Imperial Fists prendre soin de ses blessures, puis insista afin que ses compagnons et lui puissent continuer leur route. Nul ne fut assez stupide pour s’opposer à la volonté d’un Primarque, d’ailleurs, personne à part les Custodes ne pouvait s’empêcher de regarder Guilliman bouche bée sans oser lui parler, c’est pourquoi il put agir comme il l’entendait.
C’est alors qu’arriva un énorme astronef à l’aspect inhabituel. Sa couleur dorée était éclatante sous la lumière du soleil, et il ressemblait à un immense Aquila impérial. Des gerbes de flammes dansaient sur ses ailes, et il se posa sur des trains d’atterrissage semblables à d’énormes serres. Des guerriers de l’Adeptus Custodes descendirent de sa rampe de débarquement, se joignirent à ceux déjà présents et formèrent une haie d’honneur. Guilliman et ses compagnons encore en vie passèrent au milieu de celle-ci la tête haute. Des Space Marines, des Chevalier Gris et les chefs de l’ex-croisade Célestinienne entrèrent ainsi à l’intérieur du ventre de l’appareil.
Une fois la rampe refermée et le compartiment pressurisé, les Custodes retirèrent leurs casques et s’inclinèrent devant Guilliman. Pendant que l’appareil vibrait et décollait, le Capitaine-Bouclier qui les commandait se présenta en tant que Ty Adronitus, et expliqua que Guilliman et ses guerriers allaient être emmenés sur Terra au plus vite. Ils allaient se poser au spatioport du Mur d’Éternité, d’où ils allaient participer à un défilé triomphal jusqu’au Palais de l’Empereur. Les Hauts Seigneurs se doutaient que Roboute souhaitait se rendre auprès du Trône d’Or. Les Custodes étaient là pour s’en assurer, et pour célébrer dignement le retour d’un Primarque au Monde-Trône.
Guilliman approuva ces préparatifs. Même s’ils étaient toujours prêts à se battre et à donner leurs vies si la situation l’exigeait, ses compagnons et lui étaient harassés par les épreuves qu’ils avaient endurées depuis leur départ de Macragge. Ainsi, alors que l’aéronef quittait la surface de la Lune et se dirigeait vers Terra, Guilliman et ses camarades s’installèrent dans leurs trônes de vol et observèrent le paysage à travers les écrans-picts. Beaucoup repensaient aux pertes terribles subies par la Croisade Terrienne afin que le Primarque arrive jusqu’au Monde-Trône, cependant ils se laissèrent peu à peu gagner par l’admiration en regardant les écrans.
Alors que le vaisseau quittait la Lune, ses docks orbitaux et ses chantiers navals leur apparurent dans toute leur splendeur. Des centaines de navires, des milliers de forges, de plates-formes d’armes, d’habs-gravs et de quais s’étiraient dans le vide au-dessus de la surface crayeuse du satellite, alors qu’une bonne partie de la Lune elle-même était recouverte de macroruches et de cimetières d’épaves similaires à celui où la croisade avait combattu récemment.
Plus loin, le vide spatial accueillait des navires et des défenses de toutes sortes. Des champs de mines occupaient des millions de kilomètres-cubes. Elles ressemblaient à des crânes hérissés de pointes. Des stations spatiales et des plates-formes d’armes stellaires à l’aspect menaçant faisaient la taille d’une cité. Des bâtiments de guerre du Ministorum rodaient dans les ténèbres. C’étaient des arches de pénitence, des reliquaires solaires de dizaines de kilomètres de long. Dans leurs salles sombres et glaciales, les fidèles murmuraient des prières et s’autoflagellaient pour la gloire de l’Empereur. Des vaisseaux intrasystème grouillaient autour de ces monstres du néant, telles des abeilles autour de leur ruche. La taille de tous ces appareils était éclipsée par le gigantesque fort stellaire qui se trouvait à mi-chemin entre la Terre et la Lune, et qui était toujours recouvert de grues et de servo-armatures car des réparations étaient en cours. C’était Phalanx, la base mobile des Imperial Fists. Elle était revenue du Système Cadia pour veiller de nouveau sur le Monde-Trône, comme un aigle surveillant son aire.
Au loin, à la limite du système solaire, on pouvait apercevoir l’orbe rouge et colérique de Mars et ses nombreuses plates-formes orbitales. Plus près de Terra, Guilliman s’inquiéta de voir des épaves à la dérive de navires impériaux et du Chaos, qui étaient en train d’être retirés par les énormes chaluts-factorums de l’Adeptus Mechanicus en vue d’être dépecés. Visiblement, la guerre était arrivée dans le système avant la croisade, et le pire était sans doute à venir.
Terra apparut enfin quand ils entamèrent leur descente. C’était une géante bouffie aux ressources naturelles épuisées, aux océans asséchés, et dont la surface était entièrement recouverte de conurbations. Des points lumineux la constellaient, alors que les macrostructures et les super-statues perçaient l’atmosphère voilée de pollution. Les spires des spatioports s’élevaient dans les ténèbres au milieu de nuées de chérubins-satellites, de balises d’électrosermon, de plates-formes de défense et de millions de navires de transport portant le symbole de l’Administratum.
L’appareil passa au milieu de cette anarchie organisée, son itinéraire bénéficiant d’un ordre de priorité élevé, jusqu’à ce qu’il se retrouve au milieu d’une brume chimique éclairée par des lumières artificielles. D’immenses structures grises, dorées et cuivrées apparaissaient de tous côtés. Elles arboraient une architecture gothique crasseuse, et étaient recouvertes de néons froids. Des servocrânes, des cyber-chérubins, des canonnières, des remorqueurs, des transporteurs, des barges-prisons, des corvettes de l’Arbites et des cotres-clochers du Ministorum allaient et venaient autour de l’astronef. Il descendit jusqu’à être entouré de spires coiffées de gargouilles qui cachaient tout le reste.
Enfin, il s’arrima à une plate-forme aménagée sur le flanc du spatioport du Mur d’Éternité. Elle était en marbre usé, entourée par des statues martiales couvertes de vert-de-gris d’où pendaient des braseros crachant de la fumée d’encens. Des silhouettes en robes étaient présentes pour accueillir le Primarque. Des servochœurs entonnaient des hymnes en l’honneur de l’Empereur tandis que des autoscribes griffonnaient des tomes reliés de fer et portés par des Serviteurs-esclaves avec des plumes d’aigle. Des dignitaires de l’Administratum et de l’Adeptus Terra se massaient, aux côtés de prêtres du Ministorum et de nobles vêtus de soie. Ils s’inclinèrent devant Guilliman, tout en faisant le signe de l’Aquila et en criant leur dévotion avec le plus de conviction possible.
Le Primarque fit de son mieux pour sourire et satisfaire cette plèbe, mais son esprit était en ébullition. La dernière fois qu’il avait vu Terra, des milliers d’années plus tôt, elle avait encore un aspect glorieux. Désormais, elle avait disparu sous des couches de constructions gothiques grotesques, des complexes industriels et des ornementations religieuses macabres.
Son désarroi ne fit qu’augmenter lorsqu’ils empruntèrent des ascenseurs qui les menèrent au sol. Ils traversèrent des salles lugubres dédiées à l’Administratum, où des files d’attente interminables s’étiraient à perte de vue. Des hommes et des femmes, aussi bien jeunes que vieux, scandaient leur dévotion et pleurèrent de joie en voyant le Primarque, pourtant ils n’osèrent pas quitter leur place dans la file durement gagnée par leurs ancêtres avant eux, afin que leur progéniture puisse espérer un jour arriver au bout.
Guilliman et ses guerriers, toujours accompagnés des Custodes, sortirent de cet édifice immense et se retrouvèrent sur une place encombrée par une foule qui marmonnait d’un pas traînant. De tous côtés s’élevaient des vitraux de près de deux kilomètres de haut, qui représentaient les Primarques. Guilliman vit Sanguinius, les ailes étendues, au-dessus d’une montagne de cadavres de mutants. Il vit le Khan, qui chevauchait une comète à tête de mort qui filait entre les étoiles. Vulkan le Brave tenait un marteau démesuré et utilisait comme enclume une planète entière.
Enfin, Guilliman vit sa propre image, au milieu d’un halo de lumière, tenant d’une main le Codex Astartes et de l’autre la tête d’un Démon cornu. Il était un géant au milieu d’une foule d’adorateurs angéliques, et pendant un instant, les paroles de Fulgrim lors de la parade sur Macragge lui revinrent à l’esprit. Toute l’Humanité le vénérerait tel un dieu, sans qu’il le croie lui-même.
Embarquant dans des transports super-lourds ornementés, Guilliman et ses compagnons traversèrent des boulevards interminables. Ils dépassèrent des tribus de pétitionnaires itinérants et des clans de prêtres indigènes, des serviteurs de l’Administratum aux visages lunaires et des bidonvilles où grouillaient les indigents et les infirmes. Des millions de gens les virent passer alors qu’ils se rapprochaient de l’immense forme du Palais Impérial, au sommet duquel on apercevait la lueur intense de l’Astronomican. Guilliman et ses compagnons voyagèrent deux jours durant au milieu de la foule et de lieux aussi bien grandioses que terriblement lugubres.
Ils passèrent sous une cité-arche décorés de fresques de souffrance, et sous le regard sévère des statues d’une dizaine de saints impériaux, chacune aussi grande qu’un Titan Imperator.
Ils traversèrent un pont colossal de quatre-vingts kilomètres de long, qui enjambait une faille embrumée dont les parois étaient incrustées de Manufactorums, d’entrepôts et d’usines vétustes.
Ils se faufilèrent sous les ombres de canons cyclopéens et de silos de défense qui dépassaient en taille tout ce que Guilliman avait pu voir au cours de son existence.
Finalement, ils pénétrèrent dans le Palais Impérial, par une porte dont le linteau représentait une bataille entre des anges et des Démons. Ils débarquèrent enfin de leurs transports, et Guilliman fut soulagé de continuer à pied. Ils passèrent d’autres portes ornementées avec tant de mauvais goût qu’il en eut la nausée. Enfin plus exténué par ce voyage que par toutes les batailles qu’il avait menées auparavant, Guilliman arriva devant une ultime porte. Derrière se trouvait la salle du Trône d’Or du Maître de l’Humanité, le lieu le plus saint de l’Imperium.
Devant le Trône d'Or
Il existait de nombreux chemins jusqu’au Trône d’Or. Cette porte dorée se trouvait à l’extrémité d’une voie processionnelle immense. Ses pavés usés étaient encombrés de millions de pèlerins et de supplicateurs désespérés. Une lumière dorée filtrait par les nombreux vitraux qui dépeignaient les exploits de l’Empereur. D’innombrables cierges brûlaient dans cette salle et emplissaient l’air de fumée âcre, tandis que des hymnes étaient chantés en permanence par des cyber-chérubins. L’encens se consumait, des cloches tintaient pendant que des prêtres du Ministorum délivraient des sermons hargneux du haut de leurs servochaires. Des myriades de Technoprêtres murmuraient et dodelinaient dans les recoins sombres. Des officiers de la Marine Impériale et de l’Astra Militarum devisaient et gesticulaient vers des tablettes de données tenues par des bedeaux en robes de bure. Des nobles pénitents étaient suspendus dans des cages de douleur dorées, et geignaient des excuses aux Custodes qui patrouillaient en dessous.
La porte était en or et en bronze incrustés de pierres précieuses, pourtant elle semblait vétuste. Elle mesurait cinquante pieds de haut, et se trouvait sous une arche de marbre noir, au sommet d’une volée de marches usées par le passage de milliards de visiteurs. Au pied des contremarches s’accumulaient les ossements de supplicateurs. Au sommet de l’escalier se trouvaient vingt guerriers de l’Adeptus Custodes. Ils étaient accompagnés par un prêtre de Mars, et menés par un officier au port altier arborant un casque à plumes, une armure dorée et une cape herminée.
Roboute Guilliman traversa la voie processionnelle au milieu des pèlerins et des supplicateurs qui tendaient des mains tremblantes pour effleurer son armure à son passage. Il était suivi par le Capitaine Sicarius, par le Grand Maître Voldus, par le Capitaine-Bouclier Adronitus, par le mystérieux Cypher et ses Frères de Bataille, par Belisarius Cawl, par Katarinya Greyfax et par Sainte Célestine. Cette dernière suscitait presque autant d’adoration que Guilliman lui-même, et elle se tourna une fois au pied des marches afin d’offrir sa bénédiction aux masses. Ce groupe était accompagné par les derniers Frères de Bataille de la Croisade Terrienne, qui marchaient comme à la parade. En dépit des épreuves endurées, ces Space Marines et ces Chevaliers Gris avaient toujours fière allure.
Depuis plus de dix mille ans, l’Adeptus Custodes protège l’Empereur. Avant l’Hérésie d’Horus, ces guerriers resplendissants accompagnaient l’Empereur et étaient prêts à se sacrifier pour lui. Suite à son incarcération dans les machineries du Trône d’Or, ils surveillèrent sa forme immobile et patrouillèrent les salles du Palais Impérial, à l’affût de toute menace. Chaque guerrier de l’Adeptus Custodes est un héros. Ces soldats sont plus rapides et plus forts que ceux de l’Adeptus Astartes. Ils portent de magnifiques armures d’artificier, et ont le droit de s’équiper comme ils l’entendent. La plupart utilisent toutefois la traditionnelle lance gardienne, qui leur permet de faire face à des ennemis largement supérieurs en nombre et de triompher. Nul ne sait exactement combien de coups d’état, de rébellions et de tentatives d’assassinat ont été déjoués par l’Adeptus Custodes. Cependant, le fait que leurs talents martiaux ne se soient pas émoussés depuis dix mille ans prouve qu’ils ne sont pas restés oisifs au cours de leur longue veille. |
Guilliman s’arrêta au pied des escaliers et son regard croisa celui des Custodes. Leur chef s’avança, frappa trois fois le sol avec sa lance gardienne et se présenta comme étant le Commandeur Aquila Kalim Varanor. Il demanda en haut gothique qui venait se présenter devant la salle du trône de l’Empereur de l’Humanité.
Le Capitaine-Bouclier Adronitus présenta alors les uns après les autres les membres de la Croisade Terrienne. L’usage antique fut respecté et les échanges formels durèrent plusieurs minutes. Ils étaient rendus encore plus solennels par la présence d’un Primarque. On demanda la raison de la présence de Guilliman, et celle-ci fut donnée : il désirait une audience auprès de son père, l’Empereur. Un silence de plomb tomba comme des millions d’yeux fixaient le Commandeur Aquila qui toisait le Primarque. Est ce que Kalim Varanor suspectait une ruse ? Allait-il mettre en doute l’identité de Guilliman ?
Le Commandeur Aquila regarda alors le prêtre de Mars qui se trouvait à côté de Guilliman. Ce dernier hocha légèrement la tête, et Varanor rendit son verdict. Le Primarque était autorisé à se rendre seul dans la salle du trône. Pendant ce temps, les autres attendraient dehors.
Cypher se raidit et ses mains se portèrent instinctivement vers ses pistolets, mais Guilliman avait prévu cette éventualité. Ce Dark Angel et ses hommes avaient respecté leur part du marché en aidant Guilliman sur la Forteresse Noire. Malgré tout, le Primarque n’était pas stupide au point de lui faire entièrement confiance. Néanmoins, s’il ne reconnaissait pas Cypher, il savait quelle était la lame qu’il portait. Il avait frémi quand il l’avait vue. Il était hors de question que cet objet se trouve en présence de son père.
Guilliman ordonna alors aux Custodes de s’emparer de Cypher et de ses guerriers. Il pourrait résoudre plus tard l’énigme de leur présence. Cypher réagit en trahissant une émotion, pour la première fois depuis leur rencontre. Ses traits se figèrent de colère et il dégaina ses pistolets, mais il hésita pendant un instant crucial, comme s’il devait choisir entre tenter de fuir ou fondre vers la porte devant lui. Les Custodes en profitèrent pour les encercler, lui et ses guerriers, en pointant leurs lances vers eux. Lentement, d’un air résigné, Cypher rengaina ses armes, et ses frères et lui se mirent à genoux, les mains derrière la tête.
Une fois entravés par des électromenottes, ils furent emmenés par les Custodes et enfermés dans des geôles d’où personne ne s’était échappé depuis des milliers d’années. Toutefois, il ne faudrait que quelques heures à Cypher pour réussir cet exploit, sans laisser le moindre indice derrière lui. Mais pour l’heure, Guilliman se satisfaisait de parer au plus pressé. Le visage solennel, l’épée au fourreau et le casque sous le bras, le Primarque se dirigea vers la salle du trône de son père.
Les Custodes en haut des marches s’écartèrent pour le laisser passer. Le Technoprêtre s’avança cependant en émettant quelques paroles en binaire et en s’inclinant devant Guilliman. Aussitôt, l’Archimagos Cawl gravit les marches et se plaça près du Primarque. Guilliman attendit impatiemment pendant que les deux prêtres échangeaient des paroles dans un langage codé, puis Cawl se tourna vers lui. Seuls les Custodes perçurent ce qu’il disait à propos de pactes secrets sur Mars et de travaux sur le point d’être achevés, mais comme pour tous les secrets qu’ils avaient pu apprendre au fil des éons en haut de ces marches, ils feignirent de ne rien entendre et ne dirent rien.
Une fois cet échange terminé, Cawl fit volte-face et descendit les marches, suivi de son acolyte. Les prêtres disparurent au milieu de la foule puis quittèrent Terra, car ils avaient fort à faire sur la Planète Rouge.
Guilliman se retrouva seul devant la porte ornementée. Il était écrasé par son immensité. Un tocsin résonna dans la nef, et la foule laissa échapper un cri d’émerveillement et de crainte lorsque les battants de la porte s’ouvrirent. Elles ne révélèrent que des ténèbres et une brume vaporeuse. Celle-ci se lova autour des jambes de Guilliman avant de s’écouler le long des marches au milieu de l’écho de voix tristes et fantomatiques. Ses traits figés en un masque impassible, Guilliman inspira profondément et pénétra dans la salle du trône de l’Empereur de l’Humanité.
Les portes se refermèrent silencieusement derrière lui et il disparut de la vue de tous.
Les heures passèrent, au cours desquelles les guerriers de la Croisade Terrienne attendirent en silence. Les murmures de la foule se muèrent en prières enfiévrées, et plus d’un supplicateur s’avança pour présenter humblement quelles offrandes ou remerciements à Sicarius, à Voldus et à leurs frères. Sainte Célestine et Greyfax décidèrent que le moment était venu de partir, la première pour répandre ses bénédictions, la seconde pour aller faire enfin son rapport sur les événements à ses supérieurs de l’Ordo Hereticus.
Le Palais de l’Empereur ne suivait pas les cycles naturels du jour et de la nuit, car cette dernière était imperceptible à cause de la lumière artificielle et des nuages de pollution. Les électronéons et les lumen-chandeliers au bout des bâtons des servitors-lampes rythmaient l’activité. Les supplicateurs se blottissaient autour de feux allumés avec des piles des parchemins, et continuaient de prier pour le Primarque tout en avalant rapidement les bols de gruau nutritif que leur apportaient des Serviteurs du Ministorum. Beaucoup s’allongeaient sur des planches pour dormir, pendant que les Ultramarines restaient éveillés au pied des marches en attendant patiemment le retour de leur père génétique.
Lorsque le jour se leva (ce qui fut indiqué par la reprise des hymnes par les cyber-chérubins et par une lumière aveuglante), les portes se rouvrirent. Une brume étincelante en sortit. Elle était argentée, comme le reflet de la Lune sur des ossements. Au milieu de ce scintillement se découpait la silhouette de Guilliman.
Son expression était insondable alors qu’il rejoignait ses guerriers. La foule cria de frayeur et d’adoration, et supplia que le Primarque lui fasse part de ses révélations. Au lieu de cela, Guilliman rassembla ses soldats et pria le Commandeur Aquila de s’approcher. Guilliman demanda alors le rassemblement immédiat des Hauts Seigneurs de Terra, en informant qu’il comptait reprendre sa place au sein de cet auguste conseil. Il voulait redevenir le Seigneur Commandeur de l’Imperium de l’Humanité. Concernant son audience avec l’Empereur, il déclara qu’il avait reçu toutes les informations voulues.
Il y avait beaucoup à faire, car la menace du Chaos grandissait. Toutefois, Guilliman savait comment agir, et il était déterminé.
Au cours des jours qui suivirent, le Primarque se trouva au centre d’une activité effervescente. Il s’adressa aux Hauts Seigneurs, usant de son autorité pour en congédier plusieurs et les remplacer par des individus qu’il avait sélectionnés personnellement. Guilliman avertit les Hauts Seigneurs de la venue des ténèbres, un phénomène Warp ignoble qui commençait à se manifester d’un bout à l’autre de la galaxie. La guerre contre les Dieux Sombres allait connaître une nouvelle phase, plus terrible que jamais, car la Grande Faille allait s’ouvrir.
Les signaux de détresse astropathiques qui arrivaient sans cesse jusqu’à Terra confirmaient les prédictions du Primarque. Cadia n’était que le commencement. Du Secteur Fenris jusqu’au système infesté par les Orks d’Armageddon, d’Attila à Balor, tous subissaient l’étreinte du Chaos. De nouvelles failles Warp s’ouvraient sans cesse dans le néant, tandis que les phénomènes existants prenaient de l’ampleur, comme les fumerolles d’un volcan se muant subitement en nuées ardentes. Des lueurs ensorcelées s’allumaient entre les étoiles, et des choses monstrueuses s’agitaient derrière le voile de la réalité, tentant de le déchirer avec leurs griffes et leurs crocs avides.
Des secteurs entiers de l’Imperium étaient plongés dans les ténèbres, alors que d’autres faisaient état d’invasions de Peaux-Vertes, de flottes T’au ou d’osts Nécrons, qui semblaient décidées à profiter de ces phénomènes paranormaux pour conquérir de nouveaux domaines. Des millions de cultes hérétiques et des Psykers renégats se manifestaient. Tous les mondes de l’Imperium semblaient prêts à imploser.
En dépit de ces pertes désastreuses et de ces présages funestes, Guilliman exhortait les chefs de l’Humanité à garder espoir. L’Empereur n’ignorait pas leur détresse, pas plus que son Seigneur Commandeur.
Il fallait lever de nouvelles armées. Guilliman comptait utiliser les forges de Belisarius Cawl sur Mars pour donner vie à des armes si terribles que même les serviteurs des Dieux du Chaos ne pourraient leur faire face. Des flottes seraient construites, et des machines de guerre consacrées au nom de l’Empereur. Les Manufactorums allaient tourner nuit et jour, et tous les serviteurs de l’Imperium accompliraient leur devoir avec diligence. L’Imperium faisait face à une guerre à l’échelle galactique, et avec les tempêtes Warp qui se multipliaient, aucune planète n’était à l’abri. Néanmoins, l’Humanité n’allait pas se laisser noyer par le flot de menaces, elle allait émerger de cette lame de fond pour triompher.
Roboute Guilliman jura qu’il ne se terrerait pas derrière les murs de Terra. Il allait partir dans les étoiles à la rencontre de ses ennemis. Les mondes de l’Imperium allaient se serrer les coudes pour échapper à l’annihilation, et porter le fer aux mutants, aux traîtres, aux Xenos et aux hérétiques. Tels furent les ordres de Roboute Guilliman, et alors que les tempêtes Warp faisaient rage et que l’Astronomican lui-même avait du mal à percer le néant enténébré, de grandes armées et des armadas dignes de la Grande Croisade furent levées. Un âge de ténèbres s’annonçait, et l’Imperium allait l’affronter.
Source
- Gathering Storm - Livre III : L'Avènement du Primarch, produit par le design studio Games Workshop, 2017