Invasion des Enclaves Farsight
Les étoiles sont balayés par une tempête galactique de guerres et de massacres dont la pluie écarlate ne cesse jamais. Il n’y a pas de temps à perdre avec les principes de conscience et de raison. Pourtant, ceux qui y adhèrent doivent tenter de survivre à cette sombre époque.
Un de ces êtres est le Shas’o Vior’la Shovah Kais Mont’yr, plus connu sous le nom de Commandeur Farsight. Peu de T'au, dont la vie est pourtant courte et agitée, sont un jour parvenus à une telle réputation d’excellence martiale, ou ont été poussés aux mêmes extrémités par de terribles circonstances. Pour une partie de son peuple, Farsight est un paria et un déviant. Pour les autres, c’est un sauveur, celui qui mérite bel et bien de porter le Manteau du Héros.
En dépit de sa célébrité, de son point de vue, Farsight reste l’élève médiocre d’un maître qui avait atteint la perfection. Il tente de faire ce qui lui paraît juste, au nom du peuple qu’il dirige, et tente d’être à la hauteur des enseignements du vieux Commandeurs Puretide. Malgré tout, les années ne l’ont pas épargné. Alors que les gouttes écarlates de la pluie de la guerre continuent de tomber, la noblesse et la volonté d’O’Shovah sont mises à rude épreuve. S’il venait à faillir, qui sait quelles horreurs s’abattraient sur ce qu’il protège depuis si longtemps ?
Le Commandeur Farsight fit se poser son Exo-Armure XV-86 Supernova avec une grâce martiale. De l’huile de moteur souillait le sol sous ses pieds. Il était entouré de monticules de métal, écrasé par la hauteur des parois du canyon et englouti par l’ombre qu’elles projetaient. Au-dessus de lui, le ciel était d’un bleu cobalt.
Farsight prit le temps de vérifier les écrans de contrôle hexagonaux de son Exo-Armure. Les données du réseau de Drones indiquaient que des Guerriers de Feu débarquaient de leurs transports Devilfish à l’autre extrémité du canyon pour former des lignes de tir en armures rouges qu’aucun Ork ne pourrait traverser. D’autres écrans montraient que des bombardiers Sun Shark remontaient vers le ciel de Wurrbork en laissant dans leur sillage des emplacements d’artillerie ork en feu. Un autre écran relayait l’holocaméra de la Shas’vre Vior’Vesh et de son équipe furtive observant les ateliers des Mekboyz au cœur du canyon. Soudain, les armes des Exo-Armures Stealth ouvrirent le feu et massacrèrent les sentinelles Orks.
« Un Mont'ka efficace, » fit remarquer l’IA de son Exo-Armure de sa voix claire et monocorde.
« Est-ce de l’ironie, Supernova ? » demanda Farsight. Il trouvait bizarre le nouveau nom de l’IA, mais O’Vesa, le scientifique en chef de la Caste de la Terre, avait insisté. Il disait que cela avait un rapport avec l’intégration de l’IA dans cette Exo-Armure unique, toutefois Farsight n’avait pas de temps à perdre avec la théorie d’O’Vesa à ce sujet.
« Aucunement, Haut Commandeur, » répondit Supernova. « Mais vous serez sans doute intéressé de savoir que le Cadre du Commandeur Brightsword a déjà percé les fortifications ouest. »
« On ne peut pas le laisser te voler la vedette pour ton voyage inaugural, n’est-ce pas ? » dit Farsight en souriant.
« Certes non, mais avant cela, je pense qu’il est préférable de s’occuper des be’gel en approche sur notre flanc droit. »
Le regard de Farsight se porta sur un écran qui clignotait. Il montrait une transmission par drone d’une bande d’Orks qui escaladait un monticule de débris sur sa droite. Ils portaient des armes énormes à l’aide de harnais. Elles avaient l’air primitives, mais Farsight avait appris depuis longtemps à ne pas sous-estimer leur potentiel destructeur.
« Calibre les analyseurs de menace pour un engagement à courte portée. Supernova, » ordonna Farsight. « On va voir si ces améliorations sont aussi efficaces qu’O’Vesa le dit. »
« Le respecté Fio’o n’a pas tari d’éloges sur leurs vertus, Haut Commandeur. »
« La lame vive frappe avant la lame élégante… » répondit Farsight.
« Le Commandeur Puretide… » dit l’IA du tac au tac.
« Précisément. » dit Farsight en suivant du regard sur l’écran un itinéraire de vol par-dessus le monticule avant de le valider. Il ressentit une poussée familière lorsque les réacteurs de son Exo-Armure montèrent en puissance. Des amortisseurs inertiels atténuèrent les G au moment où son Exo-Armure Supernova s’envola, décrivit une parabole élégante au-dessus du monticule et plongea ensuite pieds en avant vers les Orks abasourdis. En quelques micromouvements, Farsight ajusta la posture de son Exo-Armure en plein vol pour passer en rase-mottes par-dessus trois Orks tout en ouvrant le feu avec son Fusil à Plasma. Les Peaux-Vertes subitement privés de tête s’effondrèrent.
Les autres Orks poussèrent des cris de guerre au moment où il atterrissait au milieu de leur bande. Ils tentèrent de pointer sur lui leurs armes énormes, mais elles étaient trop encombrantes pour être utilisées au corps à corps. Cela ne les empêcha pas d’ouvrir le feu, et le générateur de bouclier de Farsight émit plusieurs flashs lumineux tandis qu’il encaissait des tirs. Une roquette frôla la tête équipée de senseurs de son Exo-Armure, et un Ork eut le bras arraché par le tir d’un de ses camarades. Un des Peaux-Vertes décida de se servir de son arme comme d’un énorme gourdin et se jeta sur Farsight.
Ce dernier abattit la Lame de l’Aube avant que l’Ork l’atteigne. L’épée trancha net le fût de l’arme et fendit le crâne du Peau-Verte sur toute sa hauteur. Ses attaques suivantes vinrent à bout de deux autres créatures.
Hurlant de fureur, les Orks survivants se débarrassèrent de leurs harnais et dégainèrent des pistolets trapus et des Kikoup' tronçonneurs. Farsight adopta la Posture des Sept Coups de Taille Mortels. Il amortit une attaque contre son épaule blindée et riposta en enfonçant la Lame de l’Aube dans la gorge de son agresseur. Son générateur de bouclier crépita de nouveau en résistant à une rafale de balles, mais certaines d’entre elles s’écrasèrent contre le blindage écarlate de son armure Supernova. En quelques coups rapides, Farsight élimina deux Orks de plus, poussant les survivants à prendre leurs jambes à leur cou
Il les survola d’un grand bond et atterrit entre le monticule de détritus et une tour ork branlante toute proche, puis entreprit d’abattre à distance les Orks les uns après les autres, tout en se disant qu’il avait mieux à faire que perdre son temps à cela. En ce moment même, des membres des Huit étaient…
Quelque chose le frappa si fort dans le dos qu’il fut déséquilibré vers l’avant. Déployant les doigts de ses bras mécaniques, il se rattrapa avant de s’étaler au sol, puis se redressa en quelques poussées mesurées de ses rétrofusées. Il fit volte-face et atterrit face à la tour. Ses écrans lui montraient une petite bande d’Orks qui venaient d’en sortir. Ils entouraient un de leurs congénères aux yeux globuleux qui portaient un chapeau étrange. Des clochettes en cuivre étaient accrochées tout autour de son bord. Des étincelles d’énergie verte dansaient au-dessus de la tête de cet Ork.
« Un Bizarboy, » indiqua Supernova, utilisant à dessein le langage primitif des Orks. « C’était une attaque de science spirituelle, Haut Commandeur. »
« Est-ce que le générateur de champ contre-empathique d’O’Vesa fonctionne correctement ? » demanda Farsight. Il regarda un glyphe doré qui clignotait sur l'interface de commandement de son avant-bras. Elle fournissait les données sur les dégâts et les dysfonctionnements de son Exo-Armure, toutefois Farsight ne nota aucune icône couleur bronze ou acier qui aurait averti d’un problème.
« S’il ne fonctionnait pas, cette attaque aurait endommagé des systèmes primaires, » répondit Supernova. « À la place, elle n’a infligé que des dommages superficiels. »
« Ne laissons pas à ces be’gel une autre occasion de mettre à l’épreuve notre système-talisman, » conclut Farsight en réfléchissant en même temps à un vecteur d’attaque. Cependant, avant qu’il puisse redécoller, le Bizarboy poussa un hurlement dément.
Ses gardes reculèrent craintivement et échangèrent des regards inquiets tandis que la bouche du Bizarboy se distendait de façon impossible. Un geyser ectoplasmique jaillit de sa gorge et forma un nuage au-dessus de lui. Farsight était médusé. Il vit des silhouettes se former dans cette masse verte, comme si elles dansaient sous ses yeux. Il se vit pilotant son Exo-Armure Supernova, sa lame maculée de sang ork. Il vit une créature imposante, aux yeux tels des lanternes, qui étendait une main griffue en fer pour la refermer sur une étoile repoussante qui pulsait comme une tumeur. Vint ensuite une effigie grotesque, et Farsight fut choqué quand il comprit qu’il s’agissait de lui, mais sous une forme mutante. Des crânes d’humains, d’Orks et même de T'au décoraient son Exo-Armure maculée de sang. D’une main, il tenait une énorme hache sertie de bronze. L’image cauchemardesque se dissipa et Farsight vit des hordes d’Orks et d’humains envahissant le monde-enclave de Vior'los en tuant tous les T’au. Un immense vaisseau apparut, puis se dissipa en même temps que la vision. Il y eut un bruit sourd de déflagration, et le corps décapité du Bizarboy s’effondra, de la matière ectoplasmique dégoulinant de son cou privé de tête.
Farsight essayait de reprendre son calme et de ralentir les battements de son cœur. Il ignora les gardes du Bizarboy qui s’enfuyaient, et ne put se retenir de jeter un coup d’œil à la rune du système-talisman de son avant-bras. Il se souvint avoir déjà eu des visions de ce genre, sur la planète où il avait trouvé son talisman et la Lame de l’Aube.
« Arthas Moloch… » souffla-t-il.
« Haut Commandeur ? » dit Supernova. « Tu as enregistré ça ? »
« Holocapture haute résolution, Haut Commandeur. »
« Verrouille-la dans ta banque de données. Je vais la revisionner avant d’en parler à quiconque. On ne peut pas écarter la possibilité d’une ruse de la part des be’gel. »
« Vous avez raison, Haut Commandeur. »
« Encore de l’ironie, Supernova ? »
« Je n’ai rien dit de tel, Haut Commandeur. »
En vérité, Farsight n’y croyait pas vraiment non plus. Une pointe de terreur s’était logée dans son cœur. Quel était cet être monstrueux qui tendait la main vers lui ? Que signifiait cette vision, tant de Tau’cyr après les événements d’Arthas Moloch ? Si Farsight avait bien appris quelque chose sur cette planète terrible, c’était que la galaxie était plus dangereuse et étrange que ce que la Caste des Éthérés voulait faire croire à son peuple.
Il fut interrompu dans ses pensées par un glyphe de communication sur son écran de contrôle. Farsight agrandit l’hexa-écran d’un regard et vit apparaître les traits du vénérable Shas’o Sha’vastros, lui aussi à l’intérieur du cockpit de son Exo-Armure.
« Haut Commandeur, qu’est-ce qui vous a ralenti ? » demanda Sha’vastros.
« Des be’gel, mon ami, rien de plus. » répondit Farsight.
Sha’vastros fronça les sourcils, mais hocha brièvement la tête.
« Brightsword et moi requérons votre présence. Nous avons éliminé les ingénieurs Peaux-Vertes, mais nous avons trouvé quelque chose de mauvais augure dans leur atelier. »
« Je me mets en route, » répondit Farsight. Essayant de chasser de ses pensées l’étrange vision, il traça du regard un itinéraire de vol jusqu’au lieu où se trouvaient ses camarades, et qui était indiqué par deux glyphes dorés sur sa carte stratégique.
« Que se passe-t-il, encore ? » marmonna-t-il avant de s’élancer de nouveau vers le ciel.
Dans l’espace interplanétaire, loin des trajectoires orbitales des croiseurs du Kor’vattra de Farsight, une frégate impériale de classe Sword attendait. Sa coque arborait l’héraldique noire et argentée de la Deathwatch. Le nom Bleak Missive était gravé sur sa proue en forme de lame. Sa coque crénelée était invisible des senseurs des navires de guerre des T’au grâce à une rétro-adaptation de leur propre technologie de champ Stealth.
De plus petites versions de ce même champ Stealth masquaient une nuée de Servocrânes sophistiqués, qui en cet instant observaient les derniers combats de la bataille sur Wurrbork. Ces objets flottaient grâce à des annulateurs gravitiques, et leurs yeux rouges voyaient tout. Ces données vidéos étaient relayées à travers l’espace sur des canaux trois-fois cryptés et autosanctifiés, et parvenaient jusqu’aux écrans principaux du pont du Bleak Missive.
Quatre Space Marines en armures noires se tenaient sur la plateforme de l’observatum du pont et étudiaient ces images : le Capitaine du Guet Tholonius, avec son épaulière ornementée affichant l’héraldique des Ultramarines, l’énorme Sergent du Guet Osgor des Minotaurs, tenant toujours à la main son Marteau Tonnerre, le Copiste Cachecis arborant le vert des Sons of Medusa et le bleu du Librarium en plus du noir de la Deathwatch, et le Sergent du Guet Lyora des Imperial Fists, l’Épée Énergétique au fourreau. Ils étaient telles des statues immenses qui surplombaient l’effervescence du pont, avec son équipage, ses Serviteurs, ses Technoprêtres murmurant des cantiques et ses cyber-chérubins.
Les Space Marines faisaient des observations stratégiques à voix basse en observant la bataille sur la planète. Ils étaient des Frères de Bataille, des compagnons de guerre qui partageaient tous leurs secrets. Pourtant, seulement deux d’entre eux étaient réellement qui ils semblaient.
L’agent qui avait adopté la personnalité du Sergent du Guet Lyora avait porté de nombreux noms au cours de sa longue et sanglante carrière. Ce chasseur d’extraterrestres et ses suivants avaient appris depuis longtemps à tenir une conversation secrète grâce à de simples gestes, des postures et des phrases codées, et ce en même temps qu’ils suivaient une discussion anodine.
« Pour des Xenos, ces T’au ont appliqué une stratégie génocidaire efficace, » dit Lyora. Au même moment, par un subtil changement de posture, en touchant son pouce avec son index et par son ton de voix, il transmettait un tout autre message à l’agent qui se faisait passer pour le Copiste Cachecis.
Mener à bien. Recommencer aussitôt. Orchestrer la retraite. Je participe.
« Optimale à tout point de vue, en dehors des agissements de leur chef vénéré, O’Shovah, » répondit Cachecis. Il hocha la tête en fronçant les sourcils. « Je pense que nous avons été témoin de l’événement cathartique. Le Tarot de l'Empereur disait vrai. Le seigneur de guerre xeno va bientôt partir pour le Monde Mort. Une fois qu’il sera là-bas, nous l’éliminerons, et mettrons fin à la menace de ses enclaves. Capitaine du Guet, il me faut méditer pour tenter de déterminer avec précision le moment idéal. »
Maître. Bien Compris. Exécution.
« On maintient les protocoles d’observation jusqu’à ce qu’une occasion se présente, » ordonna le Capitaine du Guet Tholonius. « Pilote ! Tenez-vous prêt à suivre discrètement les vaisseaux xenos. Copiste, vous avez mon aval. Tout avantage que vous pourrez nous procurer sera précieux. »
« Je vais t’accompagner jusqu’aux cellules de contemplation, » annonça Lyora tout en tapotant le Bolter fixé à sa cuisse. « Elles sont sur le chemin du champ de tir. Tu en profiteras pour me donner ton avis, puis j’irai m’entraîner pour être prêt le moment venu. »
Chapelle de communion. Quinze minutes. Sois prêt.
« Tu as raison, frère. » dit le Sergent du Guet Osgor de sa voix de stentor. « Nous devons faire preuve de vigilance et être toujours prêts à frapper. Le danger prévient rarement de sa venue. »
« Sages paroles, frère. » répondit Lyora en réprimant aisément un sourire en coin tandis que Cachecis et lui quittaient le pont.
Exactement quinze minutes après le temps décidé par les deux membres de l’Alpha Legion, Lyora descendait une échelle de maintenance et pénétrait dans la chapelle de communion établie par son équipe. À l’origine, ce petit endroit était un module de régulation atmosphérique tertiaire. Un simple lieu aux parois métalliques éclairées par des néons, et juste assez grand pour que deux guerriers de l’Hereticus Astartes puissent s’y tenir debout sans que leurs cuirasses se touchent. Cette chapelle se trouvait dans les entrailles de la frégate, là où personne en dehors des serfs et des Serviteurs les plus insignifiants ne s’aventurait jamais. De toute façon, ces éventuels intrus étaient détournés par des glyphes psychoactifs gravés sur les parois et les cloisons de tout le pont : ceux qui passaient là oubliaient soudain pourquoi ils étaient venus et faisaient demi-tour.
L’endroit avait été adapté à sa nouvelle fonction par un des agents de Lyora versé dans les arts techno-ésotériques. Des câbles avaient été arrachés derrière deux trappes de visite et utilisés pour former sur les murs, le sol et le plafond les runes de Vashtorr l'Arkifane. Parmi elles, des talismans runiques fabriqués dans les forges des âmes pendaient tels des fruits étranges. Ils servaient à camoufler toute activité psychique ayant lieu dans la chapelle de communion. Il y avait aussi des générateurs de camouflage parasite qui agissaient de même pour le son.
Cette chapelle de communion satisfaisait Lyora. C’était un lieu normalement purement utilitaire, perverti avec amour pour devenir quelque chose de caché et de secret, où il pouvait communier avec un Démon, au nez et à la barbe de ses ennemis.
Il fut également satisfait de constater que Cachecis était déjà là, comme il le lui avait ordonné. Certes, ce dernier n’avait jamais failli dans son devoir, mais les impondérables étaient la norme quand on agissait sous couvert. Le faux Copiste avait enfilé son casque. Des câbles qui partaient de ses canons d’avant-bras et de ses gantelets le reliaient au mur.
Cachecis attendit que Lyora ait refermé l’écoutille et activé les générateurs de camouflage parasite pour parler.
« Seigneur Glass, tout est prêt. »
« Merci, Frère Sylas. Tu peux commencer la communion. »
Le véritable nom du faux Sergent du Guet n’était pas plus Seigneur Glass que Lyora. Celui de son camarade n’était ni Cachecis, ni Sylas. Cependant, pour cette opération, en ce lieu et en cet instant, tels étaient les identités et les noms qu’ils avaient choisis.
Sylas pencha la tête en arrière et expira bruyamment à travers sa grille-vox. Son souffle se condensa et se mit à crépiter dans l’espace confiné.
Le Seigneur Glass était proche de Sylas, et il sentit la température qui chutait malgré la thermorégulation de son Armure Énergétique. D’abord faiblement, puis de plus en plus fort, les câbles qui décoraient la chapelle se mirent à luire, comme s’ils surchauffaient. Une brume se forma comme par enchantement. Elle s’épaissit au point que le Seigneur Glass sentit sa gorge envahie par des toxines pétrochimiques.
Un mortel non posthumain présent dans la chapelle en cet instant serait mort en quelques secondes, se dit Glass. Heureusement, il était un Space Marine, et il avait une communion à célébrer. Alors qu’une lumière infernale émanait des jointures de l’armure et des optiques du casque de Sylas, le Seigneur Glass sut que ce serait bientôt à lui d’agir.
« Sombre Artificier, nous offrons notre communion. Nous sommes cachés à leur insu parmi les serviteurs du cadavre. Tout se passe comme les journaux de données prophétiques récupérés dans le Sanctum-augure Vigus-cinq l’annonçaient. Le seigneur de guerre xeno a eu la vision et a découvert la machine des Peaux-Vertes. Il commence à suivre le chemin et nous le suivons comme son ombre. »
Le Seigneur Glass décompta lentement à partir de cinq, au rythme des battements de ses cœurs. À la fin du décompte, Sylas se raidit, comme s’il subissait un choc électrique. Un flot d’anticode jaillit de sa grille-vox alors qu’il était parcouru de spasmes. La lumière des optiques de son casque se mit à briller d’un rouge infernal. Le Seigneur Glass enregistra calmement le flot de sons à l’aide du système audio son armure, jusqu’à ce qu’il cesse brusquement. La lumière rouge faiblit et la brume toxique se dissipa. Les câbles grésillèrent puis perdirent leur éclat. Frère Sylas s’affala contre le mur, les bras emmêlés dans les fils qui le reliaient à la paroi.
« Reprends-toi, frère. Nous avons été illuminés, » annonça le Seigneur Glass. Sylas se remettait péniblement. Il toussa à travers sa grille-vox et se redressa avant de dénouer les fils autour de ses bras. Le Seigneur Glass nota que des volutes de vapeur montaient toujours de son armure. Lorsque le faux Copiste retira son casque, un peu de mercure dégoulinait de sa narine. Il l’essuya en poussant un grognement et expira bruyamment.
Pendant que son camarade retrouvait sa composition, le Seigneur Glass accéda aux récepteurs auditifs du gorgerin de son armure. Vérifiant les dernières données entrantes, il isola le rugissement d’anticode et le convertit grâce à des filtres arcaniques. Le son qui sortit de son émetteur vox secondaire était lu au cinquième de la vitesse normale, et modulé à cinq point cinq sur une bande de données sermonnales. Ainsi, la voix de Vashtorr l’Arkifane résonna tel le grondement d’une forge et les grincements de rouages.
Parfait, comme toujours, Sergent du Guet. Vous êtes un rouage bien huilé. Relisez ce message en le modulant d’un cinquième de bande de plus, et vous aurez les coordonnées. Vous trouverez une excuse pour vous déployer en ce lieu rapidement et efficacement, et vous tiendrez prêt. J’ai d’autres outils pour récupérer ce fragment, mais notez ceci : il est le plus essentiel, le catalyseur de tout le reste. On ne peut risquer de le rater, ou confier son acquisition à un seul mécanisme. Vous êtes ma soupape de sécurité, Sergent du Guet. Et je vous dirai si j’ai besoin de vous.
« Il en sera ainsi, Sombre Artificier, » dit le Seigneur Glass en recalibrant les données audio pour en extraire les coordonnées.
« Dois-je répandre l’illumination parmi nos frères ? » s’enquit Sylas.
« Oui, Copiste Cachecis, » répondit le Sergent du Guet Lyora. « Qu’ils se tiennent prêts. Le code d’activation sera "Œil de Verre". Hydra Dominatus, frère. »
Le Fléau des Orks
- « Nous combattons depuis si longtemps la menace des be’gel contre nos planètes. Ils se sont toujours relevés suite à leur défaites pour repartir à l’assaut, pourtant à chaque nouvel affrontement nous avons appris, alors qu’ils sont restés ignorants. Ensemble, nous sommes devenus la vague qui lave leur souillure, la roche contre laquelle ils se brisent, la tornade qui balaie les terres pour effacer toute trace de leur existence. Ensemble, nous avons enfin une chance de remporter la victoire finale. »
- - O’Shovah, extrait du discours sur la force de la Voie du Vash’ya
De nombreuses années, ou "t’au’cyr" s’étaient écoulées depuis que les Enclaves Farsight avaient fait sécession de l’Empire T'au. Jamais au cours de cette longue période les T'au séparatistes n’étaient parvenus à obtenir une victoire décisive contre les Orks qui les assaillaient. La Guerre des Dakka, ainsi que la nommaient les Orks, continuait de faire rage. Toutefois, la source du succès des Orks se retournait désormais contre eux.
Avant que les Enclaves Farsight deviennent des Septs T'au, la région spatiale qu’elles occupent était infestée par les Orks. Même si O'Shovah et ses compagnons étaient parvenus à vaincre les défenseurs humains de ces planètes, il n’en fut pas de même pour les Peaux-Vertes. La guerre faisait rage aussi bien dans l’espace que sur le sol des Enclaves, dans le Golfe de Damoclès jusqu’aux étendues spatiales sauvages à la limite de l’Empire T’au. Certains disaient que c’était son sens du devoir qui obligeait le Commandeur Farsight à combattre les Orks, même après que leur menace eût été écartée des Enclaves elles-mêmes. D’autres affirmaient que c’était son tempérament de natif de Vior'la et sa haine des Orks, ou peut-être le désir de prouver sa valeur à son peuple alors que la Caste des Éthérés l’avait rejeté.
Tous ces facteurs étaient importants, toutefois ce qui motivait vraiment O’Shovah était sa compréhension remarquable de la menace réelle que représentaient les Orks. Il savait qu’à moins de débarrasser chaque planète de toute trace de leur présence, les Peaux-Vertes reviendraient tôt ou tard. Il avait pu le constater à d’innombrables reprises quand, en dépit de ses efforts, les Orks les étaient revenus envers et contre tout. On aurait pu penser que le fait que Farsight élimine le Seigneur de Guerre Grog Dents d’Fer et tous ses lieutenants aurait dû mettre fin à la guerre. À la place, cela laissa l’occasion au tristement célèbre Nazdreg Ug Urdgrub de prendre la place de Grog.
Le Règne de Nazdreg
Grog avait lancé la Guerre des Dakka, et Nazdreg comptait bien la terminer. Il était connu dans de nombreux secteurs impériaux pour les destructions qu’il avait occasionnées, de Piscina IV à Medusa V. En tant que Seigneur de Guerre du clan des Bad Moons. Nazdreg était un égocentrique, extraverti obsédé par la richesse, qui adorait les canons énormes et bruyants, les prototypes d’armes improbables et les montagnes de butin. Il était persuadé que l’inventivité de ses Mekboyz motivés par ses richesses lui permettrait de prendre l’avantage sur les T’au, ou "Frêl’ Kitir" comme les Orks les surnommaient. Le rêve de Grog Dents d’Fer avait été de dépasser la puissance de feu des T’au et de les battre à leur propre jeu. Nazdreg voulait faire de ce rêve une réalité, afin de conquérir d’abord les Enclaves Farsight, puis le reste de l’Empire Tau.
Nazdreg établit des forteresses des deux côtés du Golfe de Damoclès, et même au cœur de sa dangereuse nébuleuse. Il usa de son influence pour recruter autant de Mekboyz que possible. Nazdreg offrit un accès libre à tout le butin mécanique et technologique récupéré sur les champs de bataille dévastés par ses hordes. Tout ce qu’il demandait en retour aux Mekboyz, c’était qu’ils fabriquent des armes ésotériques toujours plus puissantes à déchaîner contre les T’au. Étant des inventeurs fous qui ne vivent que pour créer des machines instables et destructrices, les Mekboyz ne furent que trop heureux de s’exécuter.
Les affrontements qui s’ensuivirent furent cataclysmiques. De féroces batailles spatiales eurent lieu, lors desquelles des centaines d’Orks se téléportaient à bord de navires T’au, ou piégèrent des navires du Kor’vattra dans d’immenses bulles de force. Les planètes des Enclaves firent face à des invasions successives de Peaux-Vertes. Leurs défenseurs durent affronter des superforteresses mobiles grandes comme des villes, des zeppelins cracheurs de plasma, des machines tunnelières à impulsions gravitiques. Chacun de ces conflits était caractérisé par une puissance de feu apocalyptique, et ils étaient de pire en pire.
Comprenant que Nazdreg risquait de conquérir les planètes qu’ils protégeaient depuis si longtemps, Farsight et ses meilleurs stratèges devisèrent d'un plan pour vaincre l’ennemi. Voyant que les Orks tentaient de prendre l’ascendant dans les échanges de tirs, O’Shovah décida de favoriser ce qu’il nommait, la Voie de la Courte Lame. Il y ajouta des doctrines visant à engager les Orks à courte portée, en faisant usage de cadres très mobiles grâce à des transports blindés, tout en s’assurant une supériorité aérienne localisée pour frapper en toute impunité. Il ordonna aussi de traquer et de tuer les Mekboyz. Farsight créa de plus un corps de récupération constitué de pilotes de la Caste de l'Air et d’ingénieurs de la Caste de la Terre, chargé de collecter toutes les épaves des champs de bataille, afin de priver Nazdreg de pièces technologiques à étudier. Les Peaux-Vertes se retrouvèrent donc privés de ressources, tout en étant régulièrement battus à plate couture en assaut rapproché, alors que d’ordinaire ils excellaient dans ce domaine.
Alors que les Orks étaient forcés de travailler avec de plus en plus de matériel de mauvaise qualité, et qu’ils perdaient de plus en plus de Mekboyz, le niveau technologique de leurs armes diminua, et par conséquent leur puissance de feu. Cela permit aux forces d’O’Shovah de combiner leurs tactiques à courte portée avec des méthodes plus traditionnelles de pilonnage à longue distance. Ces méthodes donnèrent à la stratégie préférée de Farsight, le Mont'ka, ou Coup Fatal, une efficacité décuplée. Même si Nazdreg et ses lieutenants menaient des contre-offensives dévastatrices, la guerre tournait inexorablement en leur défaveur. Les forteresses des Orks situées du même côté du Golfe de Damoclès que les Enclaves des T’au furent détruites les unes après les autres.
L’instinct de survie de Nazdreg était beaucoup plus développé que celui de la plupart des Orks : il s’enfuit de l’autre côté du Golfe de Damoclès, et se réfugia dans sa plus puissante forteresse, la planète Dregrokk. Concomitamment, il ordonna à ses Mekboyz survivants de créer une arme vengeresse : s’il ne parvenait pas à conquérir les Enclaves Farsight, il essaierait au moins de les anéantir pour en priver les T’au.
Le point de bascule eut lieu sur la planète Wurrbork, située en bordure du Golfe de Damoclès. Une bande de Gros Meks déjantés inventa un canon à énergie basé sur les technologies de la téléportation et de la manipulation des champs de force. Baptisé "le téléfrakasseur", cette arme détruisait tout ce qu’elle visait, car elle piégeait les molécules constituant l’objet dans un amas de bulles de force qu’elle dispersait ensuite dans le Warp. En créant une version de cette arme suffisamment grande, les Mekboyz pensaient pouvoir l’adapter aux Kroizeurs Orks. Le pilonnage d’une telle armada pourrait alors détruire n’importe quelle planète, et Nazdreg avait déjà quatre cibles en tête… Toutefois lorsque Farsight et ses guerriers attaquèrent leur repaire, les Mekboyz s’enfuirent jusqu’à la forteresse de Nazdreg avec leurs prototypes, mais en abandonnant leurs plans. Ces derniers furent découverts par les T’au après leur victoire dans les canyons de détritus de Wurrbork, et poussèrent Farsight à accélérer le rythme de ses opérations.
Dregrokk
Les technologies de traduction des Enclaves Farsight étaient plus sophistiquées que celles de l’Empire T’au par conséquent, l’écriture à glyphes des Mekboyz révéla l’horrible plan de Nazdreg. Suite à sa campagne d’attrition, Farsight envisageait au départ de reprendre des forces avant de poursuivre Nazdreg de l’autre côté du Golfe de Damoclès. Désormais, il était évident qu’il n’y avait pas une seconde à perdre. Même si certains de ses commandants se montraient plus prudents, Farsight ne voulait pas attendre. Même avec leurs moteurs ZFR avancés, les T’au ne pouvaient pas traverser le Golfe aussi rapidement que les Orks qui utilisaient la technologie Warp. Si le Mont’ka contre Nazdreg n’était pas lancé sur-le-champ, Farsight était convaincu qu’il arriverait trop tard pour empêcher les Orks de fabriquer leurs nouvelles armes. Par conséquent, il rassembla autant de vaisseaux du Kor’vattra et de troupes de la Caste du Feu que possible, puis établit un itinéraire jusqu’à Dregrokk pour la bataille finale contre Nazdreg. Pendant tout ce temps, Farsight fit mine d’ignorer (du moins en public) que le monde-forteresse de Nazdreg occupait le même système stellaire que la planète hantée d’Arthas Moloch. Était-ce une coïncidence ? Il en doutait, et réfléchissait souvent aux significations de son étrange vision.
Quant à lui, Nazdreg ruminait ses défaites récentes et travaillait d’arrache-pied. Même si beaucoup de bandes d’Orks infestaient encore des bases dans le Golfe et sur des mondes proches de l’Empire T’au, Nazdreg avait rassemblé ses plus grandes tribus sur Dregrokk pour se préparer à l’attaque inévitable de Farsight. Cela avait provoqué un surpeuplement, non seulement dans les docks spatiaux, mais aussi sur les centaines d’îles des océans bouillonnants de la planète. Les luttes intestines typiques des Orks se multipliaient tandis que les divers seigneurs de guerre sous les ordres de Nazdreg tentaient de conquérir toujours plus de territoires et de gagner en statut. De plus, ces milliards de Peaux-Vertes représentaient une accumulation d’énergie Waaagh! colossale. Nazdreg savait qu’il n’avait pas beaucoup de temps avant de perdre le contrôle de sa horde. Il travaillait nuit et jour avec ses Mekboyz pour terminer la fabrication de ses batteries de téléfrakasseurs. Les ateliers et les générateurs de Dreggville étaient en effervescence, avec leur lot d’explosions accidentelles. Bon an, mal an, les canons prenaient forme. Nazdreg n’avait pas été aussi actif depuis des années, car cette course contre le temps le galvanisait. Il allait achever ses armes, entasser ses Boyz dans les kroizeurs et détruire les Enclaves Farsight. Il y aurait assez de butin à prendre sur les quatre planètes, et Nazdreg montrerait à ce gros clown rouge de Farsight qui était le boss.
Ses rêves de pillage et de carnage furent interrompus par une agitation à l’extérieur des ateliers des Mekboyz. Laissant ces derniers poursuivre leur travail, Nazdreg sortit dans l’idée de cogner quelques têtes, et découvrit ce qui se passait. Si les explosions lointaines dans la haute atmosphère et les batailles aériennes féroces au-dessus de Dreggville ne suffisaient pas, les cris de panique des Grots Bastos étaient à eux seuls suffisamment éloquents : les T’au étaient arrivés. Leurs navettes d’assaut rouges et leurs bombardiers plongeaient depuis le ciel. Ils n’avaient pas attendu que Nazdreg vienne à eux, et avaient décidé d’attaquer Dregrokk. Ravi, Nazdreg ordonna à ses Grots de faire briller son armure et d’attacher plus de bandes de munitions à son Fling' kustom, puis d’agiter les drapeaux des sémaphores et de faire sonner les cors d’alarme. L’heure de la baston avait sonné !
La joie de Nazdreg fut de courte durée, car les T’au ne tardèrent pas à prouver une fois de plus leur sournoiserie. Il y eut d’abord des rapports en provenance des spatioports, informant que les T’au avaient détruit une bonne patrie des amarres qui reliaient les docks spatiaux à leurs monte-charges orbitaux. Ces plates-formes gigantesques avaient commencé à dériver et à se percuter mutuellement, provoquant d’énormes dégâts aux kroizeurs, et emplissant l’atmosphère d’épaves en feu. D’autres kroizeurs et des navires d’éperonnage affluaient du reste de la planète pour intervenir, mais la situation était chaotique.
Même s’ils ont mené des expérimentations sur les Moteurs Warp capturés sur des vaisseaux impériaux pendant la Croisade de Damoclès, les T’au n’ont pas encore créé (ni même compris) la technologie de la translation Warp. En revanche, leur accélérateur ZFR leur permet des voyages presque aussi rapidement que la lumière, bien que cela ne leur permette pas d’aller aussi vite que leurs adversaires maîtrisant les voyages dans le Warp. |
Profitant de la confusion, les T’au avait déjà déposé au sol un nombre conséquent de troupes, la plupart à Dreggville, avec seulement des éléments épars chargés de ralentir ou de leurrer les tribus de Peaux-Vertes qui peuplaient les îles méridionales. Des cadres avancés de Cibleurs et d’Exo-Armures aux capacités furtives lançaient des attaques surprises contre des générateurs vitaux, et en avaient déjà neutralisé plusieurs. Par conséquent, le réseau énergétique de Fort Junkatusk était surchargé, ainsi que celui des Ateliers de Krabouilleurs d’Ogbork, et toute une zone de plusieurs kilomètres de diamètre depuis les Hauteurs de Skrappa jusqu'à la Brasserie de Champignons de Grukkit. Ainsi, les aéronefs des T’au étaient à l’abri des emplacements de Kanons Trakteurs et de Tourelles Flak. Ils avaient pu débarquer un grand nombre d’Exo-Armures, de transports de troupes et de cuirassés. Ces forces convergeaient vers le cœur de Dreggville sous un appui aérien terrifiant. Elles laminaient les Orks sur leur chemin grâce à leur puissance de feu.
Toutefois, Nazdreg savait que l’avantage de la surprise ne durerait pas pour les T’au. Ils avaient frappé vite et fort, mais ils faisaient face à une planète entière peuplée d’Orks avides de déchaîner leur brutalité. Nazdreg était donc convaincu que les T’au avaient surestimé leurs capacités, et qu’ils seraient bientôt submergés sous un raz-de-marée de Peaux-Vertes. Mais d’ici là, le Seigneur de Guerre Ork était obnubilé par une seule bataille… au nord, la plus grosse concentration de T’au avait déposé une force de marcheurs d’artillerie dont les salves avaient détruit la Muraille d’la Dent d’Mork. Des blindés et des Exo-Armures s’étaient engouffrés dans la brèche, vers le cœur de Dreggville. Nazdreg était certain que c’était là que se trouvait Farsight, afin de mener l’assaut des Exo-Armures rouges. La rumeur disait que le Seigneur de Guerre Skragga avait déjà réagi avec sa grosse bande de Gargants pour intercepter les T’au.
Il était hors de question que Nazgred laisse ce parvenu de Deathskull et ses Gargants lui voler toute la gloire. Beuglant des ordres, il rallia à lui ses meilleures bandes de Nobz et ses Boyz avec le plus de dakka. Les Bad Moons s’entassèrent à bord des Chariots d’Guerre de la brigade personnelle de Nazdreg, chacun de ces engins étant hérissés d’armes, et disposant d’un champ de force et d’un Rouleau Kompresseur. Nazdreg lui-même embarqua à bord de son énorme Forteresse de Bataille Gitcrusha et rugit l’ordre de se mettre en route. Il allait tuer Farsight de ses propres mains, et prouver ainsi qu’il était le maître incontesté de la Waaagh! Nazdreg.
Le Coup Fatal
- « Les be’gel semblent brutaux, stupides et irrationnels. Ils ne comprennent pas les bénéfices de la collaboration. Ils choisissent de se battre même si cela met leur survie en péril, et n’ont aucune considération pour leurs congénères. Toutefois, c’est au moment où on les sous-estime, où on méprise leur technologie qu’ils sont les plus dangereux. »
- - O’Shovah, Traités sur la Menace des Be’gel.
Ce ne fut que lorsque la brigade blindée de Nazdreg fut partie vers le nord que le Destroyer Lance-missiles Manta d’O’Shovah se plaça en vol stationnaire au-dessus de l’atelier fortifié de Mekboy où étaient construits les téléfrakasseurs. L’appareil fit pleuvoir des missiles guidés par des Drones et des tirs de plasma sur les défenses qui entouraient l’atelier. Au même moment, les formes trapues d’Exo-Armures T’au descendirent sur les flammes de leurs rétrofusées vers l’édifice. Torchstar, Arra’kon, Ob’lotai 9-0, Sha’vastos, Brightsword, Bravestorm, O’Vesa dans sa Riptide modifiée et Farsight en personne pilotant sa Supernova : les héros des Enclaves Farsight atterrirent en formation parfaite, ouvrirent le feu sur les Orks qui affluaient de toutes les directions, et plongèrent dans la bataille.
Farsight et Brightsword menaient l’assaut, comme ils l’avaient fait si souvent auparavant. La Lame de l’Aube abattait les Mekboyz rugissant de colère et décapitait les Boyz lancés en pleine charge. Les deux Éclateurs à Fusion de Brightsword laissaient de profonds sillons carbonisés sur leurs cibles. La Sous-commandante Torchstar les suivait de près. Chaque fois que des Orks essayaient d’encercler les deux héros, elle les repoussait avec ses Lance-Flammes. Venaient ensuite Sha’vastos, Bravestorm et Ob’lotai, le noyau indestructible autour duquel opéraient leurs camarades. Ces trois guerriers déchainaient une puissance de feu terrifiante, éliminant des dizaines de Peaux-Vertes avec des projectiles à dispersion et des salves de missiles, avant que le gantelet onagre de Bravestorm broie les rares survivants. O’Vesa fermait la marche, et n’était pas moins redoutable bien qu’il fût un scientifique courtaud de la Caste de la Terre. Son énorme Exo-Armure Riptide faisait de lui une machine de guerre qui essuyait sans broncher les tirs des Peaux-Vertes tout en pulvérisant les bandes d’Orks et les Buggys avec son Accélérateur à Ions.
De plus en plus d’Orks et de Grots affluaient depuis les décharges et les autres ateliers alors que la nouvelle de l’attaque des T’au se répandait. Ils surgissaient du moindre recoin et de la plus petite fissure tels les insectes d’une fourmilière dérangée par un prédateur. Néanmoins, les tirs d’appui du Manta et la puissance de feu des Huit empêchaient les Orks de bénéficier de l’avantage du nombre. Les rokettes et les rayons d’énergie étaient déviés par les générateurs de bouclier. Torchstar tituba quand une rafale abîma une des articulations de jambe de son Exo-Armure, mais elle se rétablit rapidement. L’armure d’O’Vesa subit une profonde balafre lorsqu’un Marcheur Ork s’approcha suffisamment prêt pour lui porter un coup violent. Celle de Brightsword fut noircie par les flammes d’une bande de Kramboyz, mais cela ne l’empêcha pas de continuer le combat. En quelques minutes, les Huit se frayèrent un chemin jusqu’à l’atelier de Mekboy où étaient fabriqués les téléfrakasseurs.
Ils se retrouvèrent dans un espace immense rempli de machines incompréhensibles aussi grosses que des chars, de cuves et de fourneaux, de convoyeurs bruyants, de chaînes d’assemblage et de grues, le tout au milieu d’un entassement de ferraille et de détritus abracadabrant. Les senseurs des Exo-Armures ne tardèrent pas à détecter ce qui semblait être des copies des super-armes de l’ennemi au milieu de ce capharnaüm : leurs silhouettes immenses étaient alignées au milieu du gigantesque atelier. Entre les T’au et leur objectif se trouvaient des bandes éparses de Mekboyz accompagnés de leurs assistants Grots, qui se précipitaient sur leurs armes pour faire face à l’intrusion des T’au. Vérifiant les vecteurs d’attaque, les Huit se mirent en position. Ob’lotai 9-0 et O’Vesa allaient retenir les Orks qui arrivaient de l’extérieur pendant que Farsight, Brightsword, Torchstar, Bravestorm, Arra’kon et Sha’vastos lançaient l’assaut.
Plus au nord, Nazdreg avait atteint la ligne de front. Tandis que ses colonnes de Chariots de Guerre cheminaient bruyamment vers les T’au, il ordonna à son pilote de s’arrêter. Ignorant les grommellements de mécontentement de ses Nobz qui ne pensaient qu’à se battre, le Seigneur de Guerre réfléchit. Une force importante de T’au en armures rouges avait ouvert une brèche dans la muraille d’La Dent d’Mork et attaquait férocement, toutefois Nazdreg avait affronté Farsight suffisamment souvent pour voir que cette fois, il n’était pas présent. Nazdreg avait pu constater les tactiques de Farsight auparavant, si bien qu’il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre où son adversaire devait se trouver s’il n’était pas ici. Enragé à l’idée que le Commandeur T’au se soit joué de lui et qu’il menace ses précieux téléfrakasseurs, il sut qu’il devait retourner sur-le-champ à ses ateliers.
Le Seigneur de Guerre prouva une fois de plus pourquoi il était célèbre tant pour sa ruse que pour sa brutalité et sa richesse. Lassé que les T’au évitent sans cesse le contact pour abattre ses Orks de loin, Nazdreg avait ordonné à ses meilleurs Mekboyz d’adapter d’énormes projecteurs de champ shokk à sa forteresse de bataille afin qu’elle puisse être envoyée au cœur de la mêlée en quelques secondes. Il beugla un ordre et les coordonnées de sa destination furent entrées. Se mettant à tourner sur eux-mêmes de plus en plus vite, au milieu d’éclairs d’énergie Warp, les projecteurs finirent par faire apparaître un portail vert vers lequel le pilote de Nazdreg accéléra en hurlant de joie.
Un instant plus tard, une immense faille d’énergie verte apparut dans les airs, dix mètres au-dessus de l’atelier des Mekboyz. Alors que ses chenilles tournaient toujours, et que ses passagers Peaux-Vertes s’accrochaient tant bien que mal à sa structure, le Gitcrusha jaillit du portail et s’écrasa au sol dans un bruit d’enfer. Les plaques de blindage se tordirent et plusieurs Nobz surpris furent projetés en tous sens et atterrirent au milieu des établis et des piles de pièces détachées. Abîmée mais toujours fonctionnelle, la Forteresse de Bataille de Nazdreg se mit à fumer par tous ses échappements et, tel un aurochs sonné se remettant debout, elle reprit sa route.
Par chance pour Nazdreg, l’énorme véhicule était apparu entre les Huit et les téléfrakasseurs. Il avançait désormais en prenant de la vitesse et en déchaînant une tempête de rayons d’énergie, de rokettes et de balles. Les artilleurs Orks tentaient d’atteindre les pilotes T’au surpris qui entreprirent des manœuvres d’esquive. Les machineries et les établis furent ravagés par cette pluie de feu, ainsi que bon nombre de Peaux-Vertes, qui finirent pulvérisés ou aplatis sous les chenilles de la Forteresse de Bataille. Malgré tout, cette attaque imprévue prélevait son tribut chez les Huit. Le Shas’o Arra’kon perdit ses deux Drones d’Attaque avant qu’un rayon d’énergie pénètre le blindage de son Exo-Armure et le blesse gravement. Farsight fut touché en plein vol par une salve de rokettes et projeté contre une montagne de débris, qui s’effondra alors sur lui telle une avalanche. Torchstar et Brightsword furent touchés eux aussi, à la fois par des tirs de la Forteresse de Bataille et des Orks qui les entouraient. Enfin, un tir chanceux atteignit Ob’lotai 9-0 dans le dos, et fit tomber en avant la pesante Exo-Armure, tandis que les puces de son IA grésillaient et fumaient.
Entendant les cris de panique de son équipe dans le système de communications, Farsight serra les dents de rage. Poussant ses réacteurs à fond, il fit jaillir son Exo-Armure Supernova de la pile de détritus dans un geyser de fragments métalliques, puis ordonna à Sha’vastos de mener l’attaque contre les téléfrakasseurs pendant que Brightsword et lui s’occupaient de la Forteresse de Bataille de Nazdreg.
Les deux Commandeurs T’au s’élancèrent vers l’énorme véhicule, utilisant au mieux les IA de leurs Exo-Armures pour éviter l’essentiel des tirs. Farsight voulait créer une diversion et atterrit au beau milieu du compartiment d’équipage à ciel ouvert. Son Fusil à Plasma liquéfia un Nob avant que sa lame en tue deux autres. Poussant brutalement ses sbires, Nazdreg abattit sa grosse Pince Énergétik' sur Farsight, mais ce dernier para avec sa Lame de l’Aube puis se déroba. La pince d’un Nob parvint à l’atteindre, cependant la force du coup fut dissipée par le générateur de bouclier de l’Exo-Armure. Un autre Ork lui tira dessus à bout portant. Le tir perfora le blindage et blessa le vénérable Commandeur. Nazdreg revint à la charge et fit pleuvoir une pluie de coups que Farsight para tant bien que mal. Toutefois, avant que le Peau-Verte puisse lui porter une attaque mortelle, sa diversion porta ses fruits. En effet, le Commandeur Brightsword en avait profité pour s’approcher et ouvrir le feu avec ses deux Éclateurs à Fusion sur les mécanismes des projecteurs de champ shokk de la Forteresse de Bataille.
Lorsque son camarade le prévint du danger, Farsight s’échappa du combat. Les rayons d’énergie des Éclateurs à Fusion forèrent un trou dans les entrailles du Gitcrusha. Brightsword prit lui aussi son envol alors qu’une instable énergie Warp était libérée. Il y eut un flash vert aveuglant, un son de déchirure puis de succion assourdissant, et enfin un ultime beuglement de défi de Nazdreg avant que le silence s’installe. Lorsque la lumière verte eut totalement disparu, les T’au et les Orks purent constater que Nazdreg et sa Forteresse de Bataille n’étaient plus là. Il n’en restait qu’un cratère fumant et quelques particules luisantes qui planaient dans l’air.
Épilogue
La rumeur de la mort apparente de Nazdreg se répandit comme une traînée de poudre et les défenses des Orks sombrèrent dans l’anarchie. Après avoir détruit tous les téléfrakasseurs, Farsight et ses cadres de chasse retournèrent à leurs transports en emmenant leurs blessés. Le plan prévoyait de battre en retraite vers l’orbite de la planète avant de coordonner la série de frappes suivantes. Pour l’instant privée de chef, la horde de Nazdreg allait sans-doute sombrer dans des luttes intestines que Farsight comptait exploiter pour l’anéantir. Il était plus déterminé que jamais à mettre un terme à leur menace une bonne fois pour toutes, car beaucoup de T’au étaient morts à Dreggville, et l’Exo-Armure Broadside d’Ob’lotai 9-0 avait été si endommagée que son IA était sans doute irrécupérable. En dépit de sa nature artificielle, Ob’lotai faisait partie des meilleurs amis et des plus vieux camarades de Farsight, et ce dernier était dévasté à l’idée de le perdre.
Néanmoins, avant que la phase suivante de la guerre de Dregrokk commence, des nouvelles terribles parvinrent à la flotte du Kor’vattra. Des dissonances spatiales inquiétantes avaient été détectées en bordure du système, tout près de la planète des Orks. Des navires humains corrompus étaient sortis en grand nombre d’une faille dans la trame de la réalité, et il ne faisait aucun doute, compte tenu des rencontres précédentes des T’au avec eux qu’ils se montreraient hostiles. Les T’au devaient donc non seulement repousser les assauts des Orks dans l’orbite de Dregrokk, mais aussi faire face à une nouvelle menace qui pourrait s’avérer pire que celle des Peaux-Vertes.
Les Commandeurs Farsight, Sha’vastos et Brighisword étaient sanglés sur les sièges du pont de l’Unity, un cuirassé de classe Or’es El’leath. Debout côté deux, ses bras courts croisés derrière son large dos, se tenait une holo-sim d’O’Vesa, le scientifique et ingénieur en chef de Farsight. Le navire tremblait sous l’effet des tirs de ses batteries et des impacts absorbés par ses boucliers. Les membres de la Caste de l’Air gérant la passerelle vaquaient à leurs occupations avec une hâte discrète que Farsight reconnaissait comme les premiers signes de la panique. Les écrans s’emplissaient d’explosions énormes illuminant le vide et auréolant les tons barbares des vaisseaux Orks se rapprochant de tous côtés.
« Les données montrent que nos boucliers subissent une dégradation importante, » déclara O’Vesa, un léger sifflement parasitant sa voix. « Cependant, je dois féliciter les artilleurs de l’Unity pour leur efficacité. »
Brightsword balaya le commentaire d’un geste.
« Leurs efforts risquent d’être vains face à ce que nous affrontons. »
Il agrandit un écran d’un glissement de doigt. Sur celui-ci, des glyphes orks verts envahissaient l’espace depuis des bases éparpillées dans tout le système et au-delà. Certains n’arriveraient pas avant des jours, Farsight le savait, mais le nombre de Peaux-Vertes était alarmant. Pendant ce temps, un autre groupe de glyphes violets s’approchait de la sphère d’engagement. Farsight remarqua qu’il s’agissait du symbole da’noh, indiquant un contact inconnu ou mal compris.
« Cela n’aurait pas dû se passer ainsi, » lâcha-t-il, incapable de masquer son amertume.
« Les gue’la corrompus n’auraient pas pu arriver à un pire moment, » approuva Sha’vastos en joignant le dos de ses mains dans le geste de la vallée de larmes.
« La mort du Seigneur de Guerre durait dû nous permettre de frapper avec impunité, » continua Farsight. « Nous aurions d’abord arraché les crocs des be’gel en orbite, puis, alors qu’ils perdaient leur temps dans des duels stupides, nous aurions tué leurs chefs et détruit leur base technologique. Pendant que d’autres be’gel arrivaient de l’espace, nous aurions… »
Farsight ponctua sa phrase avec le geste de la lame qui protège une frappe.
« …Pendant que nous achevions ceux à la surface. »
« Au lieu de cela, nous avons dû nous replier sous peine d’être piégés entre les ennemis, et nous avons perdu les fenêtres de tirs pour lancer nos frappes, » soupira Sha’vastos.
« Plutôt que d’éliminer la ruche, nous lui avons simplement donné un coup de pied et devons maintenant affronter l’essaim enragé alors que de nouveaux chefs Orks s’affirment et tournent leur attention vers nous, » ajouta Brightsword.
Un nouvel impact ébranla l’Unity. Des microdrones survolèrent le pont et se posèrent en un réseau de soutien autour des artilleurs contrôlant les batteries de défense.
« Nous devons agir vite, » intervint O’Vesa. « Nous ne pouvons plus nous contenter de nous défendre. L’inaction sera notre mort. »
« Vous êtes sage à bien des égards, Dragon de Pierre, » rétorqua Sha’vastos avec la phalange sur le front montrant l’intellect reconnu. « Mais nous vivons un moment critique en dehors de vos sphères d’expertise. C’était un plan osé, risquant de nous éparpiller et de nous affaiblir. Nous ne pouvions prévoir l’arrivée de ce nouvel ennemi, mais nous devons maintenant y faire face avec équilibre et sagesse, de peur qu’une erreur entraîne un désastre. »
Farsight sentit une pointe de culpabilité en se remémorant ses visions. Il fixa les images agrandies des vaisseaux gue’la monstrueux en approche, et du vaisseau-planétoïde cyclopéen croisant au milieu d’eux. Il revit les yeux luisants et les serres métalliques tendues vers lui.
« L’imbécile voit l’indécision et l’appelle patience, » gronda Brightsword, en fusillant Sha’vastos du regard.
Farsight fit le geste de la querelle apaisée.
« J’ai besoin de conseils, mes amis, pas de rancœur. Nos compagnons des Huit connaissent leurs tâches, mais la vôtre est de revêtir le manteau de la sagesse. La pierre est stoïque, l’eau coule calmement, l’air souffle l’illumination, et le feu brûle avec confiance. Effectivement, nous devons agir vite et sagement. Si nos adversaires convergeaient sur nous, une poignée de nos vaisseaux pourraient se frayer un chemin, mais nos bâtiments de soutien, les navires scientifiques, les frégates médicales et les ravitailleurs seraient tous détruits, exact ? »
Ses camarades acquiescèrent.
« Je ne crois pas que nous puissions échapper à ce péril en nous retirant dans les enclaves, » poursuivit Farsight. « Cela attirerait des ennemis sur les mondes que nous voulons protéger. De plus, même si cela me peine de le reconnaître, nos réacteurs ZFR ne sont pas à la hauteur de la translocation énergétique employée par les be’gel et les gue’la. »
« Ils pourraient nous submerger, » dit Brightsword.
Sha’vastos fit le geste du pouce sur le bout des doigts du problème complexe.
« Pire, » répondit-il. « Ils pourraient nous dépasser, et nous trouverions les enclaves en flammes et nos ennemis en embuscade. »
« Pardonnez l’ignorance martiale d’un scientifique, » intervint O’Vesa, les parasites déformant ses mots. « Pourquoi supposer que nous sommes la cible des deux factions ? Les gue’la pourraient être là avec un but commun au nôtre ? Les gue’la et les T’au ont déjà combattu les be’gel ensemble. »
Farsight agrandit un écran. Les vaisseaux grotesques des nouveaux arrivants apparurent au premier plan.
« Rappelle-toi qu’il y a plusieurs sortes de gue’la. Observe la corruption organique et architecturale, les runes luisantes. Toutes les rencontres avec ceux-là ont montré qu’ils étaient hostiles. Leur nature a été pervertie par une science de l’esprit débridée. »
Farsight s’interrompit en revoyant le monstre aux yeux étincelants, puis lui-même en chef de guerre barbare sanguinolent et bardé de crânes.
« Même s’ils offraient leur aide, je n’accepterais pas. Ils ne sont peut-être pas alliés aux be’gel, mais ils sont nos ennemis aussi sûrement que ces sauvages déments. »
« Et pourtant, les laisser indemnes invite un assaut écrasant sur les enclaves, » objecta Brightsword. « Les be’gel connaissent déjà nos foyers, et les guets n’auraient aucun mal à les découvrir. »
Sha’vastos croisa les doigts dans l’ancien geste de défense fio’taun.
« Pouvons-nous les combattre tous ? » demanda O’Vesa.
« Peut-être, » lâcha Brightsword. « Une série de Mont’ta rapides contre les plus grandes concentrations de vaisseaux be’gel, puis un repli et une nouvelle attaque contre les éléments de tête gue’la ? »
« Courageux, mais même vous n’y croyez pas, » répliqua Sha’vastos. « Même si nous avions attendu des renforts avant de traverser le golfe, nous n’aurions ni le nombre ni la puissance de feu nécessaire pour vaincre les deux ennemis. »
« Pas dans l’espace. » Farsight parlait lentement, les yeux fixés sur les écrans. Il combattit le sentiment vertigineux de préordination. « Et si nous entraînons nos ennemis dans un conflit terrestre ? Je ne vois pas les be’gel réfréner leur agressivité naturelle. Ils se jetteraient sûrement sur les gue’la corrompus. »
« Un Kauyon dans lequel nous serions l’appât, et où nos ennemis se tendraient des embuscades mutuelles, » résuma Sha’vastos.
« Mais sur quel champ de bataille ?" demanda O’Vesa. « Vous ne suggérez quand même pas de retourner sur le monde en dessous de nous ? Il grouille de be’gel. »
En guise de réponse, Farsight agrandit un autre écran. Tous contemplèrent l’orbe pâle comme la cendre d’Arthas Moloch.
« Mais elle est en quarantaine… » commença O’Vesa.
« Sur mon ordre, que j’annule immédiatement, » le coupa Farsight.
« Défier à nouveau ce lieu tragique ? Du désespoir… » souffla Brightsword, d’un calme inhabituel.
Farsight désigna les glyphes d’alerte clignotants. Les écrans s’emplirent de navires s’affrontant et du ballet des escorteurs en manœuvre.
« Pour triompher, le sage s’adapte… » rétorqua-t-il. « Rassemblez nos vaisseaux restants et coordonnez une contre-offensive pour attirer l’attention de nos ennemis. Ensuite, nous faisons une percée vers Arthas Moloch et nous les entraînons avec nous. Nous donnons à nos appareils de soutien la possibilité de se mettre à l’abri, et nous troquons ce théâtre d’opérations pour un autre de notre choix. »
« Et ensuite ? » demanda Brightsword. « Débarquement complet ? »
« Pour tous les cadres, dispersion globale et protocoles de guérilla, » répondit Farsight. « Nous les attirons après nous comme la lumière attire le chasseur imprudent dans le marécage fio’taun. »
Et en dernier recours, pensa Farsight, il y avait sur ce monde une sombre puissance de destruction rivalisant avec tout ce qu’il connaissait. Si tout le reste échouait, il lâcherait cette force sur ses ennemis. Pourtant, il essayerait d’autres mesures avant, tout aussi désagréables mais moins périlleuses. Elles pourraient s’avérer être le seul moyen de préserver la vie de ses guerriers.
« Faites-le maintenant, mes amis, » dit-il. « Mais O’Vesa, je voudrais aussi que vous invoquiez Te’vash’j’kaal. »
Ses camarades le dévisagèrent d’un air choqué.
« L’humble écho de l’unité perdue, » murmura O’Vesa. « Faut-il en arriver là ? »
« Ne tarde pas, Dragon de Pierre, » lâcha Farsight, en essayant d’éliminer la lassitude dans sa voix. « Lance la torpille du Drone Messager. Notre destin, et peut-être celui des enclaves, en dépend. »
« Il en sera fait selon vos ordres, » dit O’Vesa. « Nous vous faisons confiance, comme nous l’avons toujours fait, Haut Commandeur. »
Un Monde Mort
La Funesteflotte qui avait empêché le coup fatal du Commandeur Farsight était dirigée par Ughalax le Mangeur d’Âmes, Prince Démon de la Black Legion. Contrôlant l’Arche Fatidique Unhallowed, et accompagné d’une puissante force de renégats, Ughalax avait prêté serment de récupérer le Fragment-clé par tous les moyens nécessaires.
Lors des guerres des Funesteflottes, Ughalax avait déjà orchestré la chute de la planète Vaingloria. Le Prince Démon y avait gagné son premier Fragment-clé, une antique lame ailée enchâssée dans une pierre noire, dormant dans la galerie privée du gouverneur. Il avait également réduit en cendres toutes les cités et anéanti les défenseurs du monde par la même occasion. Au lendemain de sa victoire, les sorciers cyborgs d’Ughalax avaient organisé un sombre rituel destiné à contacter Abaddon le Fléau pour savoir ce que le Prince Démon pouvait encore faire pour l’effort de guerre avec la puissance prodigieuse de sa Funesteflotte.
Cependant, les sorciers d’Ughalax n’avaient pas conjuré une manifestation du Fléau, mais avaient été possédés par Vashtorr, le demi-dieu démoniaque. L’Arkifane avait donné de nouveaux ordres au Mangeur d’Âmes. Il devait se rendre aux coordonnées approximatives d’un Fragment-clé essentiel, le localiser, éliminer tous les ennemis sur son chemin, et récupérer le trésor de Vashtorr, en utilisant tous les moyens nécessaires pour le livrer rapidement à l’Arkifane.
Sombre Devoir
Machine de guerre colossale et cauchemardesque, l’Unhallowed était accompagné d’une flotte de vaisseaux hérétiques allant des rapides escorteurs d’assaut aux cuirassés gigantesques. Outre son contingent non négligeable de la Black Legion, la force d’Ughalax comprenait des éléments hérétiques aussi nombreux que variés : un ost de World Eaters commandé par l’infâme Gakhar le Sauvage, les Night Lords du Prince-Boucher, plus d’une vingtaine de bandes félonnes, des régiments entiers du Militarum Traitoris, des Maisonnées de l’Infamie et leurs terribles Chevaliers du Chaos, ainsi que trois manipules de la Legio Vulturum, les redoutables Corbeaux Pourpres. Capable de conquérir des systèmes planétaires, cette armada se consacrait uniquement à la chasse.
Lorsque sa Funesteflotte émergea du Warp, Ughalax découvrit une scène de sauvagerie. La bataille furieuse des flottes orks et t’au embrasait le vide, tandis que la divination astrale révélait de nombreux autres vaisseaux peaux-vertes se ruant pour rejoindre le combat. Le Prince Démon lutta contre l’envie d’attaquer lui aussi, mais son devoir était ailleurs. Tous les champions du Chaos qui commandaient une Arche Fatidique avaient reçu des esclaves Psykers augmentés, équipés de casques démons parasites les aidant à détecter la signature psychique des Fragments-clés. Ceux qui servaient le Mangeur d’Âmes s’étaient tous concentrés sur Arthas Moloch. Même si cela n’avait pas été le cas, Ughalax aurait ressenti l’énergie Warp latente se dégageant de ce Monde Mort.
Manifestement, Ughalax allait devoir contourner les Xenos pour continuer sa quête. Mais avant qu’il ne puisse donner l’ordre, Gakhar le Sauvage et ses vaisseaux d’assaut rompirent leur formation et plongèrent au cœur du conflit spatial. Le Prince Démon les regarda avec mépris, peu étonné que ces guerriers qu’il considérait comme des animaux aient coupé leur laisse et abandonné leur devoir au profit du massacre. Pourtant, ses traits monstrueux se fendirent d’un air amusé lorsque les appareils des T’au répondirent à la tenaille menaçante des Orks et des World Eaters en se repliant droit vers Arthas Moloch. Une à une, les flottilles peaux-vertes changèrent de cap pour suivre les T’au jusqu’à ce que d’immenses forces convergent sur le Monde Mort. Le Mangeur d’Âmes compris alors qu’il pourrait se couvrir de gloire au combat tout en honorant son devoir envers l’Arkifane.
Comme pour souligner cette pensée, tandis qu’Ughalax ordonnait à sa flotte de se hâter vers Arthas Moloch, un diablotin de Vashtorr émergea, crépitant et fumant, des entrailles métallodermiques du trône du Prince Démon. D’une voix faite de parasites et de cliquetis d’horlogerie, il déclara à Ughalax que son maître avait mis en place un autre mécanisme sur la planète, et que, s’il en avait besoin, ce rouage se déclencherait. Le sourire carnassier du Mangeur d’Âmes s’élargit sans atteindre les puits sombres de ses yeux. Arthas Moloch redeviendrait un lieu de mort, pensa-t-il.
Course contre le Temps
La flotte de Farsight atteignit Arthas Moloch quelques heures avant ses ennemis, en partie grâce à l’escalade des affrontements entre les flottilles peaux-vertes et l’avant-garde d’Ughalax. Les forces d’O’Shovah atterrirent immédiatement. Le personnel médical, logistique, d’ingénierie et combattant occupait toutes les nacelles de largage disponibles, et était accompagné par l’ensemble des escorteurs et des soutiens à la disposition de la flotte. Lorsque les éléments Kor’vattra de l’état-major de Farsight quittèrent l’orbite et s’enfuirent aux confins du système, ils n’étaient plus pilotés que par des IA et des équipages squelettiques composés de spécialistes de la Caste de l’Air et de la Terre.
Arthas Moloch était un rocher aux plaines de cendres émaillées des vestiges d’une civilisation perdue dans l’oubli. Le Commandeur Farsight avait déjà mené des cadres à sa surface, quand il appartenait encore à l’Empire T’au et obéissait â un trio de la Caste des Éthérés. À l’époque, sa mission avait été une chasse à l’Ork ayant vraiment mal tourné. Poursuivant leur proie dans un dédale de ruines, les T’au avaient affronté les be’gel sur une structure mystérieuse appelée l’Estrade Stellaire. Bien que Farsight et ses camarades ne comprennent toujours pas comment cela s’est produit, le conflit ouvrit un portail à travers lequel des horreurs infernales se déversèrent. Les T’au les baptisèrent Molochites. Ces monstres malveillants n’obéissaient à aucune loi naturelle et, alors que la bataille s’intensifiait, les trois Éthérés accompagnant l’armée d’O’Shovah furent tués. C’est au cours de ce combat cauchemardesque pour la survie que Farsight acquit la Lame de l’Aube et son talisman hexagrammatique. C’est également cet affrontement qui l’entrainera sur le chemin de l’exil de son Empire T’au bien-aimé.
Après la campagne d’Arthas Moloch, Farsight ordonna à la Caste de l’Air de bombarder méthodiquement la planète au plasma, et jura de ne jamais revenir. Pourtant, aujourd’hui, il descendait à nouveau vers le désert carbonisé de la planète. Un pressentiment effroyable envahit le Haut Commandeur alors qu’il répartissait ses forces sur le monde et leur assignait des missions. Les T’au allaient se livrer à une guérilla reposant autant que possible sur la mobilité et la furtivité pour déjouer les attaques des Orks et des adorateurs du Chaos, et dans l’idéal, amener des derniers à s’affronter mutuellement. Les troupes d’O’Shovah devaient établir des bases temporaires pour les aérodromes, les dépôts de munitions et autres, tout en gardant la capacité de démanteler leurs installations et partir à tout moment. En résumé, ce plan ressemblait énormément aux stratégies Kauyon pratiquées par la Commandeur Shadowsun, célèbre pair de Farsight, et empruntait beaucoup à sa méthodologie. Les T’au n’avaient aucune chance de gagner une guerre frontale contre ces ennemis puissants et nombreux. En revanche, une campagne d’embuscades pouvait durer de nombreux kai’rotaa.
Ce plan était motivé par un raisonnement simple. Farsight connaissait l’emplacement de l’Estrade Stellaire et il pensait pouvoir lâcher les Molochites sur ses adversaires inconscients du danger. Il considérait cela comme une stratégie de dernier recours où sa propre ignorance n’était qu’un des nombreux risques potentiels. C’est pourquoi il avait invoqué le Ta’vash’jkaal. En ce moment même, la torpille de son Drone Messager se dirigeait vers l’Empire T’au à une vitesse qui aurait tué un équipage ordinaire. Elle transportait un appel à l’aide destiné aux Éthérés, pour qu’ils se souviennent que les partisans d’O’Shovah étaient toujours des T’au, et que les guerriers des enclaves étaient intervenus plus d’une fois pour soutenir l’Empire. À présent, Farsight demandait la même chose à ses anciens maîtres. Il offrait même sa reddition inconditionnelle, si c’était le prix à payer pour un soutien militaire contre des ennemis communs, et pour permettre à ses enclaves de conserver leur indépendance. Il espérait que cette offre serait trop alléchante pour que les Éthérés y résistent. De plus, malgré leur éloignement et leur conflit personnel, le Haut Commandeur ne pouvait croire que les Éthérés abandonneraient leur peuple à la merci des infimes be’gel.
Ainsi, alors que les armées des Peaux-Vertes et du Chaos envahissaient la surface d’Arthas Moloch et s’affrontaient violemment dans le vide au-dessus, Farsight luttait pour gagner du temps. Du temps pour que son message soit reçu et que son contenu débattu. Du temps pour que les Éthérés mobilisent des renforts, et qu’ils atteignent Arthas Moloch. Du temps pour trouver une solution moins extrême que l’Estrade Stellaire.
Le courageux Sho débuta en tant que Guerrier de Feu du belliqueux Sept Vior’la. Il grimpa rapidement les échelons pour revêtir le Manteau du Héros et se distingua pendant la guerre contre les Orks d’Arkunasha, où il gagna le surnom de "Farsight".
Alors qu’il combattait les Orks lors de sa première visite sur Arthas Moloch, O’Shovah assista à l’ouverture d’un portail démoniaque. Les entités malveillantes qui en émergèrent massacrèrent les trois Éthérés dirigeant l’expédition.
Libéré de l’autorité des Éthérés, O’Shovah poussa ses fameuses Enclaves Farsight à se séparer de l’Empire T’au. Elles étaient décidées à forger leur propre destin au-delà des frontières de l’Empire, pour le meilleur ou pour le pire.
Sur Arthas Moloch, Farsight acquit une arme mystérieuse, la Lame de l’Aube. Cette relique Xeno augmenta considérablement sa durée de vie et sa puissance, permettant au Commandeur de diriger ses enclaves pendant de nombreux kai’rotaa.
Cendres Rouges
Les premières semaines du conflit furent aussi violentes qu’anarchiques. Les T’au s’en tenaient à leur stratégie, se retirant rapidement d’engagements défavorables et cherchant à appâter les hordes Orks déchaînées pour qu’elles évacuent leur agressivité sur les nombreuses bandes du Chaos écumant la surface de la planète. Exploitant les zones dégagées des plaines de cendres, lançant des embuscades meurtrières au milieu des ruines et des statues étranges, ou harcelant leurs ennemis avec une puissance aérienne supérieure, les troupes t’au firent payer un lourd tribut à leurs adversaires.
De son côté, Ughalax se concentrait sur la récupération du Fragment-clé situé quelque part sur Arthas Moloch. Il disposait de vastes forces, dont la puissance combinée suffisait largement à la conquête de systèmes entiers. Cependant, la situation était problématique. L’immense planète était inhospitalière, misérablement uniforme dans sa désolation, et de plus en plus infestée par les Orks. Le Fragment-clé pouvait se trouver dans n’importe quelle ruine émergeant des dunes de poussière dans les entrailles d’une des montagnes déchiquetées, ou sous le lit craquelé d’un de ses anciens océans sans que rien ne trahisse sa présence. Le Mangeur d’Âme aurait dû pouvoir compter sur ses esclaves Psykers, mais, depuis l’atterrissage, les créatures difformes s’étaient mises à divaguer. Quelque chose dans les émanations empyréennes du monde submergeait leurs sens au point que localiser la trace de l’artefact revint à trouver un feu de signalisation à la surface d’une étoile. Le Prince Démon fut contraint de diviser la surface de la planète en une grille complexe, puis de charger ses guerriers de fouiller un secteur après l’autre, en utilisant tous les moyens ésotériques et les sombres pactes à leur disposition pour trouver le trésor.
Il fallait aussi tenir compte des champions qui servaient Ughalax, et les bandes qui combattaient sous leurs bannières. Les adorateurs des Dieux Sombres sont, par nature, divisés dans leurs objectifs et capricieux dans leurs actes. Les membres de la Black Legion, ou ceux qui avaient prêté allégeance à Abaddon, comme les Princeps des Corbeaux Pourpres ou les chefs de régiment des Molosses de Fer, s’en tinrent à leur mission. D’autres, non. Les Word Bearers d’Asmor Bleakverse prétendirent suivre les ordres, mais passèrent plus de temps à capturer des victimes sacrificielles chez les T’au, les Orks et même certaines bandes du Chaos imprudentes. Pendant ce temps, les sorciers Thousand Sons de la Trame Déroutante furent fascinés par les ruines antiques et abandonnèrent leur mission principale pour tenter de purger une horde de peaux-vertes d’une zone de vestiges particulièrement bien conservés. Les World Eaters de Gakhar le Sauvage étaient les plus indisciplinés de tous, se déchaînant partout où il y avait des combats et des effusions de sang. Le fait qu’ils aient prélevé un lourd tribut chez les T’au et les Orks n’excusait pas leurs échecs aux yeux du Prince Démon.
Au fil des semaines, Ughalax discerna un schéma dans les efforts de ses ennemis. Dans certains secteurs, ses bandes ne rencontraient aucune opposition, mais dans d’autres, elles subissaient rapidement l’assaut meurtrier des forces t’au. Plus il avançait dans ces régions, plus il repérait des poches de résistance rassemblées autour d’une zone de déserts et de ruines dans l’hémisphère nord d’Arthas Moloch. Intrigué, le Prince Démon maintint son avancée et, comme prévu, se heurta à une opposition encore plus violente. Le Mangeur d’Âmes en conclut que, soit ses ennemis avaient caché leurs états-majors principaux dans cette région lourdement défendue, une raison suffisante pour frapper et éliminer au moins un obstacle à sa quête, soit ils savaient que quelque chose dans cette zone méritait d’être protégé. C’est ainsi qu’au prix de pertes énormes, les adorateurs des Dieux Sombres se rapprochèrent de l’Estrade Stellaire.
Les Orks, quant à eux, se déversaient sur la surface comme une pluie d’orage. Beaucoup vinrent simplement pour le plaisir du combat. Certains atterrirent sur la planète et partirent à la recherche de la bagarre la plus proche, d’autres plongèrent dans le ballet toujours changeant des batailles spatiales autour d’Arthas Moloch. À un moment donné, une horde de Flibuztiers particulièrement ambitieuse aborda même l’Unhallowed. L’opération se termina mal pour eux, mais les Orks laissèrent un sillage de destruction à travers le vaisseau amiral d’Ughalax et, même après leur mort, des traces de leur écosystème infestèrent des ponts entiers de l’Arche Fatidique. Les Peaux-Vertes attaquèrent les bandes du Chaos alors que les hérétiques tentaient de trouver le Fragment-clé. Ils se jetèrent allègrement sur les cadres t’au partout où ils les trouvaient, leurs Kultes d’la Vitesse leurs Brigades Blitz et leurs pilotes prenant comme un défi personnel non seulement de dépasser les rapides T’au, mais aussi de les vaincre au combat. De tels conflits coûtaient généralement plus cher aux Orks qu’à leurs ennemis, mais ils pouvaient absorber leurs pertes bien plus facilement que les T’au. Des batailles comme l’Offensive de la Zone Morte, l’Embuscade du Canyon Dentelé et le désastreux Massacre des Chambres Creuses virent les partisans de Farsight subir les pertes atroces qu’ils tenaient tant à éviter.
À mesure que la guerre durait, plusieurs puissants Seigneurs de Guerre Orks s’affirmèrent et contestèrent le trône de Nazdreg : le grossier mais rusé Bolgrog Bigtusk et sa horde d’Alpagueurs Flibuztiers ; Skragga Fundastomp et Bigmob, son Gargant, tout droit venu de Dregrokk ; le Gros Mek Gulf connu sous le nom de Boss Kifum’, dont la Zywaaagh! blindée était la terreur des déserts équatoriaux. Chacun ralliait toujours plus d’Orks à sa bannière après chaque victoire. Des hordes vertes se rassemblèrent. Leurs stratégies devenaient de plus en plus cohérentes tandis que les territoires qu’elles revendiquaient encerclaient peu à peu les cadres t’au dans des zones de plus en plus petites. La frustration, la colère et les remords de Farsight ne cessaient de croître, alors que ses pertes s’accumulaient et qu’il était toujours sans nouvelles de l’Empire T’au.
Attrition Sinistre
Avec chaque embuscade, chaque retraite, escarmouche et bataille, la guerre affaiblissait un peu plus les T’au. Pourtant, quel que soit le prix payé par les guerriers de Farsight, cette guerre prélevait un tribut plus conséquent au grand O’Shovah. Il ressentait chaque mort comme si l’un de ses propres liens ta’lissera était tombé. Il vit ses forces diminuer, s’obligea à écouter les dernières transmissions de chaque base envahie et de chaque cadre isolé en territoire hostile. Il vit les Huit réduits à six, tous blessés et épuisés de corps et d’esprit alors qu’ils organisaient des raids audacieux et des défenses furieuses.
Les lieutenants de Farsight s’inquiétaient pour leur chef. Ils lui assurèrent qu’il n’aurait pu prévoir l’arrivée des gue’la et qu’il avait choisi la voie la plus sage en luttant sur Arthas Moloch. Leurs paroles n’apportèrent aucun réconfort à Farsight. Lui seul connaissait la vision dont il avait été témoin, et il se demandait maintenant comment il aurait pu mieux interpréter son avertissement, et quels cauchemars elle pouvait encore présager. Au début, il avait gardé le secret parce qu’il voulait comprendre la vision et qu’il craignait qu’elle ne soit une duperie de la science de l’esprit. Maintenant, il gardait le secret par honte. O’Shovah se flagellait pour ce qu’il percevait comme un échec impardonnable à interpréter ce présage, quelle que soit sa source. Farsight ne s’était jamais senti aussi peu digne de son nom.
Ce fut la colère plus que le désespoir qui s’accumula dans le cœur de Farsight pendant cette campagne de guérilla épuisante. De la colère contre l’agressivité aveugle des Orks, et la cruauté délibérée des gue’la corrompus, dont la mission restait d’une opacité frustrante. De la colère contre lui-même pour avoir attiré ses partisans dans cette Mort des Lames Innombrables. De la colère, surtout, envers les Éthérés qui, selon lui, avaient dû recevoir son message et avaient eu tout le temps d’envoyer de l’aide. Même en tenant compte de l’immensité de l’espace et du temps qu’il faudrait aux renforts pour atteindre le système, O’Shovah était de plus en plus frustré de ne voir aucun signe de l’Empire T’au. Dans ses moments les plus sombres, ses méditations étaient troublées par les visions des châtiments terribles qu’il infligerait à ses ennemis et aux Éthérés s’il en avait l’occasion. Le plaisir qu’il tirait de ces fantasmes meurtriers perturbait profondément le Haut Commandeur, le poussant à canaliser sa rage de manière proactive et, il l’espérait, plus saine.
La rage de Farsight se matérialisa par un changement de stratégie audacieux et agressif. Ses forces étaient déjà pressurées dans la région de l’Estrade Stellaire, une zone de plusieurs centaines de kilomètres de large, mais qui n’était qu’un fragment du champ de bataille planétaire que les T’au avaient organisé à l’origine. Plutôt que de chercher à s’échapper, O’Shovah organisa une série de missions ambitieuses pour créer des couloirs terrestres et aériens par lesquels ses forces les plus éloignées pourraient se replier dans ce qu’il avait baptisé la Zone d’Exclusion de l’Estrade Stellaire. Ainsi renforcé, Farsight demanda ensuite à ses Commandeurs les plus talentueux de mener une des offensives percutantes contre les états-majors be’gel et gue’la identifiés. Les cibles furent localisées par des images de Drone et des équipes de Cibleurs, puis soumises à des assauts Mont’ka féroces. Le Boss de Guerre Luggnut de la Brigade Blitz d’la Terreur, le Boss Goff Pince Rouj’, Tessyldath le Seigneur Étincelant, et même le redoutable Prince-Boucher, tous furent victimes de ces attaques éclair, et après leur chute, leurs forces, représentant des menaces majeures pour la Zone d’Exclusion de l’Estrade Stellaire, perdirent leur élan ou s’effondrèrent à cause de luttes intestines. À long terme, Farsight savait qu’une telle action allumerait une balise au-dessus de la position T’au et qu’un monde grouillant d’ennemis la verrait. Mais à court terme, cela donnait plus de temps aux Éthérés pour envoyer de l’aide, et cela plaçait Farsight à portée de l’Estrade Stellaire si tout le reste échouait.
Sur un plan plus personnel, la colère d’O’Shovah le poussa à mener les offensives les plus dangereuses. N’ayant jamais été du genre à commander depuis l’arrière, l’agressivité exacerbée de Farsight inquiétait pourtant ceux qui le connaissaient depuis longtemps, même si elle poussait ses guerriers à encore plus de violence. C’est Farsight qui croisa le fer avec Sledrach le Duelliste, au milieu des épaves en feu de l’Offensive de la Colline Fantôme, et qui trancha la tête du champion de Slaanesh. C’est également Farsight qui se fraya un passage jusqu’à la passerelle du Rekka, le Krabouilleur du Kap'tain' Fragga, et qui poussa les commandes de la machine avec le sang du Boss. Il se tailla un chemin jusqu’au cœur du 816e Vostokhien. et dilacéra le tyran qui les commandait. Il abattit le Tortionnaire Infernal, le Chevalier de la Baronne Nicias, puis s’arrogea la tête de la pilote. Il servit d’appât pour attirer le Boss de Guerre Dakbadd Baddakka dans un feu croisé fatal. O’Shovah était toujours en première ligne, et la teinte cramoisie de son Exo-Armure cachait mal le sang qui le recouvrait des pieds à la tête.
Les yeux de Farsight s’ouvrirent brusquement dans son cocon de commandement et il expira.
« Cela n’arrivera pas, » souffla-il. « Nous ne sommes pas ainsi. »
Baigné dans la lueur des instruments de la Supernova, le vent hurlant sa complainte dans les ruines d’Arthas Moloch, il se demanda si c’était vraiment le cas.
La réponse tant attendue des Éthérés arriva enfin après la Bataille des Tours Hâves, un affrontement coûteux contre une énorme horde d’Orks. Pendant le combat, l’Exo-Armure Iridium du Commandeur Bravestorm subit des dommages catastrophiques. Le cocon de survie du vénérable guerrier fonctionnait encore, mais il était clair qu’il devrait être installe dans une nouvelle Exo-Armure après un séjour dans les installations médicales. En attendant, Bravestorm devait être placé en stase pour éviter la mort. Farsight supervisait en personne l’extraction du vétéran de l’épave de son Exo-Armure. ruminant sur le fait que les Huit n’étaient plus que cinq, lorsqu’un faisceau lumineux traversa les cieux dans sa direction. La panique fit place à l’enthousiasme quand les T’au comprirent qu’il ne s’agissait pas d’un tir orbital visant O’Shovah, mais un Drone Messager très avancé. Après avoir scanné le Haut Commandeur pour vérifier qu’il avait trouvé son destinataire, le Drone projeta un hologramme du grand Aun'Va lui-même. Sur son trône, le regard impérieux, l’Éthéré Suprême dégageait l’autorité sereine et absolue qui avait inspiré et rassuré des générations de T’au. Hélas, avant même que l’hologramme ne parle, O’Shovah eut un sombre pressentiment. Il avait déjà vu cette expression de désapprobation arrogante sur le visage des Éthérés.
Sans préambule, Aun’Va exprima la gratitude de l’Empire pour l’aide que les Enclaves de Farsight avaient apportée au cours de ce qu’il appela "plusieurs campagnes éprouvantes." Il loua l’offre de reddition d’O’Shovah au nom de son peuple, suscitant des exclamations surprises parmi les T’au alentours ignorant tout de la proposition de leur Haut Commandeur. Aun’Va observa qu’O’Shovah voyait sans doute dans son offre l’esprit même du Bien Suprême. Puis l’expression de l’Éthéré Suprême se figea, ses mains se joignirent en un geste élégant de tuteur corrigeant un élève, et la colère envahit Farsight quand il comprit qu’il avait sa réponse. Aun’va méprisait sa proposition, disant que cela prouvait sans aucun doute que le Haut Commandeur n’avait jamais vraiment compris le Bien Suprême, ou les sacrifices qui doivent être faits en son nom. Il déclara que Farsight avait fait son choix en tournant le dos à l’Empire T’au, qu’il était irrémédiablement vash’ya, et qu’il ne connaîtrait jamais le pardon. Pour le crime de s’être laissé séduire par la vision déviante d’O’Shovah, les habitants des enclaves étaient condamnés avec lui. Aun’Va demanda à Farsight d’infliger le maximum de dégâts aux be’gel et aux pela, afin d’apporter une dernière petite aide à l’Empire T’au. Puis son image disparut.
Avant que quiconque puisse parler, O’Shovah vaporisa le Drone Messager d’un tir de son Fusil à Plasma Froid. La voix dangereusement calme, il ordonna la poursuite de l’extraction du Commandeur Bravestorm sans autres "distractions inutiles." Puis il demanda à ses guerriers de se rendre vers les positions de repli prévues. Farsight les rejoindrait après avoir médité sur la réponse du Conseil Élémentaire. Il devait déterminer le plan d’action que ses forces allaient adopter.
En vérité, Farsight savait qu’il n’avait qu’une seule option cauchemardesque : attirer ses ennemis dans une bataille autour de l’Estrade Stellaire et espérer que l’horreur des Molochites puisse être déchaînée sur eux. C’était inévitable, même si cette pensée le révoltait. Mais d’abord, il devait contrôler la fureur qu’il sentait monter en lui, car il craignait ce qu’il pourrait faire si elle le submergeait. Farsight avait besoin de violence. Il avait espéré épuiser ses réserves de colère au combat, et ainsi se purger de sa souillure. À son grand désarroi, le contraire s’était produit. À présent, abandonné et condamné par l’Empire T’au, entouré d’ennemis, O’Shovah cherchait à trouver la sérénité grâce à la méditation au milieu des ruines balayées par le vent et la dévastation de la bataille. Il s’agenouilla dans son Exo-Armure Supernova, chargeant son IA de surveiller la zone et de le prévenir en cas de menace. Alors, les membres tremblant d’une rage à peine contenue, le Commandeur Farsight tenta de se reprendre le contrôle de lui-même.
L'Estrade
La victoire sur Arthas Moloch n’était plus possible pour Farsight el le reste de ses forces. Ils préparèrent un dernier grand Kauyon qui scellerait le destin de leurs ennemis et couvrirait leur propre fuite. Du moins, ils l’espéraient.
Farsight s’était préparé à l’éventualité où l’Empire T’au rejetterait son appel. Ses ingénieurs de la Caste de la Terre déclenchèrent des matrices de projection laser diffusant des messages codés dans l’espace. En réponse, la lointaine flotte Kor’vattra tourna ses proues vers Arthas Moloch et se prépara pour une extraction à haut risque. Pendant ce temps, les cadres survivants démantelèrent leurs lignes de défense dans une série de retraites et d’embuscades aussi précises qu’élégantes.
Des équipes de Cibleurs marquèrent des Chariots d’Guerre et des Chevaliers du Chaos, s’arrêtant assez longtemps pour voir des volées de missiles Seeker frapper leurs victimes, avant de retrouver leurs Devilfish et de se replier sur la ligne de défense suivante. Les Stormsurge déchaînèrent des tempêtes d’artillerie avant de désengager leurs ancrages et d’être évacués par les Destroyers Lance-missiles Manta, alors même que des hordes de Peaux-Vertes grouillaient à leurs pieds. Plus d’un cadre durement éprouvé fut isolé et submergé, ses transports détruits, ses appareils abattus ou ses lignes de repli coupées par des Fondus d’la Vitesse ou des bandes de Space Marines du Chaos. Farsight et ses équipes en Exo-Armures firent le maximum pour accélérer la retraite en plongeant dans la mêlée à maintes reprises. Pendant ce temps, le Commandeur luttait contre l’envie croissante d’abandonner ses plans en faveur d’une contre-offensive furieuse sur tous les fronts. Encore et encore, il repoussa cette idée folle, mais elle refaisait toujours surface à chaque tête tranchée avec sa lame.
Les forces oks et du Chaos poursuivaient les T’au sur un théâtre d’opérations de plus en plus petit, et s’affrontèrent de plus en plus souvent. Les cadres de Farsight s’efforcèrent de profiter de ces combats pour se désengager et se replier. Bien vite, l’état-major d’O’Shovah s’était retiré dans la sinistre ceinture de ruines dominée par l’Estrade Stellaire. Tandis que les guerriers survivants des Huit et lui prenaient position sur le cercle gravé de l’immense structure ouverte, les mauvais souvenirs d’une autre bataille en ce lieu torturaient Farsight. Il eut l’impression que, s’il ouvrait le cocon de son Exo-Armure, une meute d’esprits t’au vengeurs s’y engouffrerait et le taillerait en pièces. Il écarta cette idée avec colère. Malgré tout ce qu’il avait vu des sombres mystères de la galaxie, O’Shovah restait pragmatique. Il s’accrochait aux enseignements du vieux Commandeur Puretide, s’étonnant d’avoir attendu si longtemps avant d’y penser, et sentit sa fureur et sa peur s’apaiser un peu.
Farsight mit de côté les notions de fantômes et d’esprits. Il se concentra sur les milliers de T’au qui combattaient encore sous son commandement et qui comptaient sur lui pour les sauver. Il attirerait l’ennemi dans une bataille sur l’Estrade, espérant libérer la terreur des Molochites sur eux, puis utiliserait la confusion qui s’ensuivrait pour se replier rapidement par un couloir de retraite bien gardé au nord, avant que les Molochites n’attaquent ses forces avec celles de ses ennemis.
La suite des événements dépendrait de la confusion régnant chez les gue’la et les be’gel. Les premiers avaient vu leurs effectifs fortement réduits par la guerre et, à en juger leur stratégie, Farsight était convaincu que cet ennemi était plus concentré sur la recherche d’un trésor que sur la destruction des T’au. Quant aux Peaux -Vertes, bien que leurs pertes aient été colossales, de nouvelles bandes arrivaient presque quotidiennement pour renforcer leur nombre apparemment infini. Cependant, O’Shovah espérait que ses vieux adversaires étaient maintenant tellement absorbés par les combats dans le système que, sans le génie de Nazdreg pour les guider, les T’au pourraient s’enfuir et laisser les be’gel combattre les gue’la. L’idée de laisser les Peaux-Vertes reprendre des forces sous un nouveau chef n’était qu’une déception supplémentaire jetée dans le feu alimentant la colère de Farsight. Lorsqu’il apprit que des troupes be’gel approchaient par le sud et l’ouest, et que des armées gue’la et leurs machines de guerre titanesques arrivaient par l’est, le Haut Commandeur fut contraint d’écarter toute autre considération. Il était temps de prouver une fois de plus qu’il méritait le Manteau du Héros, même s’il ne le pensait pas lui-même.
Dans les Ruines
Pendant le repli des T’au dans les ruines, les soldats et les Drones de la Caste du Feu transmettaient un flot constant d’observations stratégiques et tactiques à Farsight et à ses officiers. Certaines, dont les voies de retraite potentielles et les lieux d’embuscade probables, furent intégrées au plan global. D’autres furent archivées comme n’ayant pas de valeur immédiate. Parmi ces données figurait une étrange découverte faite par le Shas’vre Vior’vesh et son équipe Stealth. Sur une place bordée de statues, à un kilomètre au sud de l’Estrade Stellaire, ils avaient trouvé l’épave d’un aéronef monoplace que l’IA identifia comme étant de fabrication gue’la, et plus précisément, un chasseur des Dark Angels. L’équipe Stealth fut troublée par l’énergie étrange émanant de l’épave et par la masse cristalline sombre et palpitante qui avait émergé du vaisseau. De plus, une analyse multi-spectrale révéla que l’appareil était ancien, potentiellement âgé de plus de dix mille ans. De nombreux aspects de cette découverte étaient intrigants et, dans des circonstances moins désespérées, auraient mérité une enquête plus approfondie. En revanche, face aux hordes d’Ughalax et aux seigneurs de guerre Orks, il n’y avait pas de temps pour de telles curiosités. La trouvaille fut signalée comme potentiellement dangereuse, son emplacement fut noté par triangulation de Drone, puis elle fin classée par les T’au comme un autre des mystères d’Arthas Moloch.
Mais d’autres entendirent les transmissions de l’équipe Stealth et surent que leur moment était venu. Sur les conseils du Copiste Cachecis, le Bleak Missive, un vaisseau de la Deathwatch, avait suivi les forces de Farsight jusqu’à Arthas Moloch. Se fiant aux informations de leur Psyker apparemment loyal, le Capitaine du Guet Tholonius et ses guerriers avaient attendu, dissimulés par leur technologie furtive, épiant le flux et le reflux de la guerre depuis l’espace via Servocrâne. Certains brûlaient de passer à l’action, s’étonnant de ne pas simplement frapper, assassiner Farsight et laisser ensuite les ennemis de l’Empereur se détruire entre eux. Cachecis leur conseilla d’attendre le moment propice suggéré par le Tarot de l'Empereur. Pendant ce temps, le Copiste, ou Frère Sylas pour lui donner son titre opérationnel, obéissait au Seigneur Glass, son vrai maître de l’Alpha Legion. Ce dernier surveillait les communications prometteuses que les Diablotins de Vashtorr extrayaient d’un nuage de transmissions vox. Il attendait le signe qu’il savait imminent, et priait les Dieux Sombres d’avoir la chance de s’emparer du Fragment-clé avant Ughalax.
Sa foi fut récompensée lorsque les T’au consolidèrent leurs positions aux frontières de la ceinture de ruines. Comme Ughalax, le Seigneur Glass soupçonnait que l’artefact se trouvait quelque part dans la région défendue par les T’au. Il avait même commencé à se demander si les Xenos connaissaient son existence, ses soupçons attisés par ce qu’il identifia comme un antique portail Warp, baptisé l’Estrade Stellaire par les T’au, et qu’ils semblaient avoir fondamentalement mal compris, à l’amusement cruel du Légionnaire. Puis vint la transmission du Shas’vre Vior’vesh, arrachée à l’éther et répétée en une boucle stridente par un Diablotin de Vashtorr sur le canal vox le plus lourdement codé du Seigneur Glass.
L’officier de l’Alpha Legion reconnut le Fragment-clé à partir des coordonnées ésotériques et des indications fournies par Vashtorr. Il sentit la volonté de sa divinité démoniaque à l’œuvre, et activa sa cellule en conséquence. D’après les scans orbitaux les plus récents, Ughalax lui-même fondait sur la ceinture de ruines à la tête d’un ost colossal, soutenu par les Titans des Corbeaux Pourpres, tandis qu’une horde de Peaux-Vertes était sur le point de déferler sur la région comme un raz-de-marée. La subtilité n’était plus de mise.
Le Capitaine du Guet Tholonius et ses Frères de Bataille furent horriblement surpris par les Traîtres en leur sein. Sur les trente-quatre Space Marines à bord du Bleak Missive, une bonne quantité était des agents secrets de l’Alpha Legion. Le signal codé "Œil de Verre" se répandit comme un poison dans le vox du vaisseau. Les membres de Hereticus Astartes réagirent immédiatement et le fracas des Bolts résonna dans les coursives sombres de la frégate de classe Sword. Quatre Loyalistes moururent, abattus ou poignardés sans armure et sans méfiance. Trois autres tombèrent en tentant de sécuriser l’enginarium, brisés et dévorés par des machines possédées par les Diablotins de Vashtorr. Des embuscades et des pièges fauchèrent quatre autres Loyalistes, ne laissant que Tholonius, l’imposant Sergent du Guet Osgor et un Blood Angel nommé Rakphon. S’ils avaient survécu pour raconter leurs exploits, ces trois frères auraient été loués par leurs Chapitres pour leur résistance face au Seigneur Glass et ses agents, mais leur destin était scellé. Le Bleak Missive filait à sa vitesse maximale vers l’atmosphère d’Arthas Moloch. Le temps que les Légionnaires s’échappent de la frégate condamnée à bord d’une navette, de nombreux vaisseaux orks et du Chaos l’avaient détectée et avaient ouvert le feu. Alors que le Seigneur Glass et ses guerriers survivants fonçaient vers la ceinture de ruines et les armées qui s’y battaient, le Black Missive était vaporisé, et avec lui toute trace de leurs actes.
Carnage
Malgré la charge des Orks, ce furent les World Eaters de Gakhar qui atteignirent en premier la ceinture de ruines. À bord de transports blindés ou s’accrochant aux chaînes ornant la coque des véhicules, plusieurs centaines d’hérétiques à l’armure cramoisie assaillirent les lignes de défense des T’au. Des explosions retentirent et des corps cuirassés tombèrent, brûlants, tandis que les canons-rails se déchaînaient depuis les décombres avec des craquements supersoniques. Des orages de tirs à impulsions suivirent, entrecoupées d’une pluie de plasma et de feu ionique. Les World Eaters s’effondraient sous les rafales dévastatrices transperçant leur armure et infligeant des dommages considérables que même leur physiologie transhumaine ne pouvait surmonter. Une telle résistance aurait arrêté la plupart des forces d’assaut, mais entre ses dons sombres, sa soif de sang féroce et le martèlement des Griffes du Boucher, l’ost meurtrier de Gakhar ne ralentit même pas. Les Renégats couraient avec des membres en moins ou leurs corps flamboyant comme des torches, en hurlant des louanges à Khorne. Les Land Raider et les Rhinos mutés percutèrent les vestiges xenos comme des bêtes déchaînées, les armes tonnantes tandis que leurs passagers débarquaient en faisant vrombir leurs Haches Tronçonneuses.
Les T’au, pour leur part, firent preuve d’une étrange réticence à se replier. Ils continuèrent à tirer alors même que leurs attaquants se rapprochaient à une vitesse effrayante. Quelques Guerriers de Feu poussèrent même des cris de guerre et rompirent les rangs pour aller aux devants des World Eaters. Ces malheureux furent découpés comme de la viande, avant que les Berzerks et les Octoliés n’atteignent la ligne de défense principale et que le sang coule à flots. Les cadres de ce secteur commencèrent lentement à battre en retraite, faisant désespérément appel à une couverture aérienne pour appuyer leur fuite, et les World Eaters se lancèrent à leur poursuite.
Cette scène se répéta, à des degrés divers, tout autour de la ceinture de ruines et dans ses zones extérieures. Des vagues de cultistes et de Gardes Renégats se déversèrent dans les plaines cendreuses, et se rapprochèrent des structures effondrées sous les tirs des T’au et les mitraillages des aéronefs xenos. Des Machines-Démons les accompagnaient ou volaient au-dessus de leurs têtes, profitant du carnage pour s’attaquer à tout engin de guerre t’au à portée. Des éclairs de téléportation fleurissaient au milieu des ruines tandis que les Terminators de la Black Legion et des Night Lords apparaissaient subitement et fauchaient les Xenos choqués. Ughalax lui-même avança au milieu d’une énorme colonne blindée de la Black Legion, au mépris de la puissance de feu des T’au, et s’enfonça comme une lance dans la partie est des ruines. Les tirs et les salves de missiles guidés par Drone ralentirent la Black Legion et ses alliés, mais sans les arrêter. Ils repoussèrent les T’au structure par structure, rue poussiéreuse après place hantée. Pendant tout ce temps, les T’au firent preuve d’une réticence à se replier ou à manœuvrer inhabituelles. Plus d’un cadre fut entièrement débordé après avoir refusé de céder du terrain et les Sabres de Feu luttèrent pour réorganiser des lignes de bataille affaiblies par ces pertes aussi sévères qu’inattendues.
L’arrivée des Orks propulsa les hostilités à un niveau apocalyptique. Dans les plaines cendreuses, les Gargants de Skragga Fundastomp se dirigèrent vers les Titans infernaux des Corbeaux Pourpres. Les Princeps corrompus, voyant un défi digne des Dieux Sombres lancèrent leurs machines-divines contre les effigies de guerre xenos. Des meutes de Chevaliers et de Krabouilleurs s’affrontèrent autour des géants mécaniques, tandis que des canons immenses tonnaient et que des boucliers énergétiques crépitaient et s’embrasaient.
Des combats acharnés éclatèrent au milieu des ruines et jusque dans les cieux. Des escadrilles de Zaviateurs virevoltaient entre les Métadracs, les chasseurs et les bombardiers t’au. D’autres piquaient pour saturer les rues mortes d’explosions et de marées d’huile de squig enflammée. Les Chariots d’Guerre, les Békanes, et les myriades de bolides du Boss Kifum’ assaillirent les adorateurs du Chaos et les T’au, et pour chaque véhicule peau-verte transformé en boule de feu par les tirs et les missiles, un autre traversait les lignes ennemies en laissant un sillage meurtrier.
Au même moment, les hordes de Bolgrog Bigtusk déferlaient sur les ruines, chevauchant des Squigs massifs ou s’accrochant à des Kariol’ arborant le pavillon noir des Flibuztiers. Des épaves roulantes rugissaient en leur sein, les meutes de Peaux-Vertes rivalisant pour savoir qui causerait le plus de dégâts en tirant avec des armes aux dimensions absurdes. Le Seigneur de Guerre Bigtusk lui-même chevauchait la proue d’une Kariol' Kitu démesurée tirée par un trio de squigs-pilons colossaux. Des Exo-Armures, des Métabrutus et d’autres combattants malchanceux disparurent sous les sabots monstrueux et les roues blindées, tandis que l’énorme véhicule traçait un chemin de destruction à travers des ruines millénaires.
Les bombardements au plasma de la Caste de l’Air avaient transformé des zones entière d’Arthas Moloch en vastes cratères de verre. Certains restèrent exposés, comme des champs de bataille meurtriers. D’autres, remplis de poussière et de cendres, étaient devenus de dangereuses dolines cachées avalant aussi bien les chars que l’infanterie. |
Alors même que les T’au se repliaient vers le site du Kauyon avec une réticence insolite, et que les Orks et les forces du Chaos envahissaient de plus en plus la zone, l’appareil du Seigneur Glass passait à basse altitude au-dessus de la ceinture de ruines, dans un panache fumant de rentrée atmosphérique. Après avoir évité les tirs antiaériens et les attentions démentes de plusieurs Dakkajets, la navette déclencha ses rétrofusées et se posa au milieu des vestiges sur le bord sud d’une place spécifique. Toujours vêtus des couleurs de la Deathwatch et accompagnés d’un groupe de Serviteurs aux yeux vides du Bleak Missive, les Légionnaires du Seigneur Glass débarquèrent. Ils avancèrent, armes prêtes, cherchant à couvrir tous les angles d’attaque en se rapprochant de leur cible : l’épave du Dark Talon. Une bande d’Orks émergea entre des statues sans visage, avant d’être fauchée par une féroce salve de Bolts. Plusieurs Peaux-Vertes chargèrent à travers le feu, mais le Seigneur Glass les accueillit avec sa lame, se glissant entre les coups puissants et éliminant les Xenos les uns après les autres.
Se détournant des cadavres alors que des intercepteurs s’affrontaient au-dessus de lui et que quelque chose de gros explosait non loin. Glass fit un geste vers l’épave. Sous la surveillance des Légionnaires, les Serviteurs industriels soulevèrent les restes mutilés du Dark Talon, avec son étrange excroissance cristalline. Puis, pas à pas, les cyborgs décérébrés transportèrent docilement le précieux Fragment-clé jusqu’à leur navette. Une fois leur trésor sécurisé, les hérétiques décollèrent et tournèrent la proue de leur vaisseau vers les cieux. Ils avaient trouvé ce que Vashtorr leur avait demandé. Il ne leur restait plus qu’à rejoindre l’Unhallowed et à offrir leur butin au portail Warp captif de l’Arche Fatidique. Le Seigneur Glass et ses guerriers n’avaient plus besoin d’Arthas Moloch, ni de ses armées en guerre.
L'Appel du Sang
Enfin, les Orks et les adorateurs du Chaos atteignirent l’Estrade Stellaire. Les World Eaters menaient l’attaque des hérétiques depuis l’est, tandis que la Zywaaagh! du Boss Kifum’ déferlait depuis le sud. Farsight avait replié ses cadres dans les ruines à l’extrémité nord de la zone, tandis que lui et le dernier des Huit se tenaient à découvert au centre de l’Estrade, comme appât pour le Kauyon. Toute la colère et l’amertume qui s’étaient accumulées en O’Shovah depuis le début de cette guerre envahirent son esprit. Son plan impliquait que l’ennemi soit attiré sur l’Estrade et reçoive une violente grêle de feu pour que son sang active l’énergie étrange de l’endroit. C’est ce qui s’était passé lorsque Farsight avait combattu là-bas jadis. Pourtant, maintenant, il brûlait d’allumer les propulseurs de son Exo-Armure et de charger l’adversaire.
Le Haut Commandeur n’était pas seul. Alors que les véhicules peaux-vertes et les adorateurs de Khorne se précipitaient vers eux ou se jetaient les uns sur les autres, plusieurs T’au sortirent des rangs pour les attaquer. Seul l’aboiement de Farsight dans le réseau-cadre empêcha ses guerriers, ainsi que le sous-commandant Torchstar et même O’Vesa, d’ordinaire plus docte, de se ruer au combat. O’Shovah n’était pas stupide. Il comprit qu’une force extérieure influençait ses unités et attisait leur agressivité. Quelle que soit l’étrange compulsion qui cherchait à posséder les T’au, Farsight était déterminé à ce qu’elle échoue. Ils ne deviendraient pas fous comme des Mon’t’au sauvages, même s’il luttait de toutes ses forces contre cette attraction.
Farsight montra l’exemple à ses guerriers, tenant sa position sur l’Estrade tandis que les vents chauds de la guerre tourbillonnaient autour de lui et que l’adversaire se rapprochait. Ce n’est que lorsque la première vague de Berzerks sortit des ruines pour traverser l’Estrade que Farsight et les survivants des Huit ouvrirent le feu. Les faisceaux de plasma et les missiles fauchèrent les hérétiques avant que Farsight et ses compagnons ne bondissent hors de portée grâce à leurs propulseurs. Alors que des hordes d’Orks déferlaient à découvert, les tirs des troupes de Farsight se mêlèrent au carnage. Tous les ennemis n’eurent pas l’obligeance de traverser l’Estrade, et les troupes t’au postées sur les flancs est et ouest signalèrent des contacts croissants avec des unités tentant d’encercler la position de Farsight. Pourtant, suffisamment d’ennemis périrent sur l’Estrade Stellaire pour produire l’effet que Farsight redoutait et espérait. Même maintenant, il se demandait si libérer les Molochites apporterait les résultats escomptés ou s’il condamnerait simplement tout son commandement. Les Éthérés ne lui avaient pas laissé d’autre option songea-t-il amèrement.
Tout commença par une lueur étrange qui se manifesta là où le sang coulait sur l’Estrade. Elle s’intensifia, puis une lumière apparut au-dessus de l’Estrade. Elle formait un cercle large et plat, un disque aveuglant que les détecteurs des Exo-Armures ne pouvaient comprendre, et qui donnait la nausée à quiconque le regardait. Puis vint le sang coagulé, qui plut du disque pour imbiber l’Estrade et les cadavres qui y gisaient. Une marée cramoisie garnie de morceaux de chair se mit à déferler, jusqu’à ce que des blocs rouges et charnus chutent sur l’Estrade. Ces manifestations horribles tressaillirent en fumant, puis déplièrent de longs membres, des têtes cornues et étiolées en levant des lames d’airain vers les cieux. Farsight sentit le dégoût lutter avec une soif de sang féroce dans son âme, alors que la malédiction des Molochites s’abattait sur les be’gel, les T’au et les gue’la corrompus.
Une folie totale s’installa. Alors même que les entités démoniaques pleuvaient du portail naissant et se jetaient sur tous les ennemis en vue, des forces de plus en plus importantes convergeaient vers l’Estrade Stellaire. Les Chevaliers du Chaos des Maisons Vextrix et Akumara s’avancèrent dans la zone, leurs canons et les sombres prières de leurs amplis-vox retentissant dans l’air. Aux pieds des géants cuirassés, la Black Legion se déchaînait. De plus en plus de véhicules du Boss Kifum’ traversaient les ruines, les conducteurs des Chariots d’Guerre et des bolides blindés faisant la course avec des Motards de Guerre pour atteindre les combats en premier. Des aéronefs s’étrillaient dans le ciel. Pendant ce temps, le portail flamboyant s’agrandissait tandis que des entités malveillantes en émergeaient pour semer le carnage.
Farsight sut que le moment était venu de se replier une dernière fois. Pour le meilleur ou pour le pire, son Kauyon insolite était lancé. Déjà, ses propres troupes avaient du mal à repousser les meutes de monstres sanguinolents et les bêtes d’airain, sans parler des World Esters qui avaient chargé les défenses t’au. Les équipes Stealth et Ghostkeel derrière les lignes lui rapportèrent que les forces orks se répandaient aux abords de la bataille pour menacer le couloir de retraite. Pire encore, le combat entre les Gargants et les Titans du Chaos se déplaçait vers les secteurs au nord des ruines et mettait aussi en péril la solution de retraite t’au. Farsight apprit également que ses vaisseaux Kor’vattra exécutaient un assaut foudroyant pour disperser les navires orks et chaotiques dans la zone de combat orbitale de l’hémisphère nord. Si l’adversaire se ralliait et forçait la flotte t’au à fuir avant que les unités terrestres puissent être évacuées, il n’y aurait peut-être plus d’autre chance de sauver les guerriers d’O’Shovah.
Un être ricanant avec une couronne de cornes se jeta sur Farsight qui l’abattit, savourant sa mort. D’autres ennemis surgirent de la fumée et des lumières aveuglantes et il les décapita un par un, la Voie de la Courte Lame dégénérant en tranchages, coupes et piétinements. Un Kamion rempli d’Orks contourna l’Estrade avant d’être pulvérisé par O’Vesa, qui se jeta sur les survivants et leur arracha la tête avec son Exo-Armure. O’Shovah ressentit chaque décapitation comme une petite victoire, une nouvelle punition dans un vœu de vengeance sans fin. L’IA de son Exo-Armure lui parlait avec un ton mesuré, mais ses mots n’étaient que des bruits assourdis par sa respiration rauque et le fracas du sang dans ses conduits auditifs. Des rêves éveillés de massacre et de puissance dansaient devant ses yeux, semblant se fondre dans l’éclat insoutenable du portail. Farsight, un goliath du champ de bataille, sa Supernova transformée en une machine de guerre à la stature rivalisant avec celle des Titans gue’la. Sa Lame de l’Aube avait été remplacée par une hache colossale plus adaptée à son statut de seigneur de la guerre sanguinaire. Des crânes cliquetaient sur des chaînes contre son armure maculée de sang, parmi lesquels ceux de tous les Éthérés qui avaient menti à lui ou à son peuple.
Que ferait un destructeur aussi puissant avec des stratégies ordonnées ou un repli couard, se demanda-t-il. Farsight fut soudain dégoûté par son propre plan de retraite. Laisser la bataille et la gloire aux autres ? Pourquoi devait-il toujours être celui qui faisait de tels sacrifices ? Pourquoi ceux qu’il commandait, et ceux qui l’avaient autrefois commandé, étaient-ils si faibles que le fardeau du devoir retombait toujours sur ses épaules ? Le ressentiment rongeait O’Shovah comme de la bile. Les demandes d’ordres et les appels à l’aide crépitaient, nasillards et assourdis, dans le réseau-cadre et il ne désirait rien de plus que de s’extirper de son cocon de commandement pour leur échapper.
Il sauta et combattit, trancha et coupa, mais même si les be’gel, les gue’la et les Molochites tombaient sous sa lame, la rage de Farsight grandissait toujours. Il n’y aurait pas de repli. De quel droit ses partisans espéraient-ils être sauvés par lui ? À travers la fumée et le tonnerre des explosions, il en vit beaucoup déchaîner des grêles de tirs ou charger follement. Il était heureux. Que les forts survivent, pensa O’Shovah. Peut-être seraient-ils dignes de continuer à lutter dans son ombre. Lui, en attendant, n’allait finalement se battre que pour lui-même. Il se battrait seul, à la manière des Mon’at, l’armée d’un seul guerrier.
Ce fut cette pensée qui brisa la transe sanguinaire noyant l’esprit de Farsight. Le vieux Commandeur Puretide avait trois grands élèves : O’Shaserra, la chasseuse rusée, O’Shovah, la lame rapide et tranchante ; Kais, le solitaire, celui qui se tenait et combattait à l’écart de ses propres compagnons ta’lissera. Farsight n’avait jamais compris les méthodes de ce dernier, et avait toujours eu pitié du T’au solitaire, car il n’assimilerait jamais les liens de loyauté ou de devoir qui donnaient un sens â la bataille.
O’Shovah s’accrocha à cette pensée comme un nageur qui se noie. Il s’éloigna d’un précipice, comprenant seulement maintenant qu’il oscillait au-dessus du vide. Le dégoût et l’horreur envahirent le Haut Commandeur alors qu’il entendait à nouveau les cris de folie et de désespoir de ses guerriers et qu’il voyait son plan s’effondrer pendant qu’il savourait la boucherie. De nouveau, la Supernova l’informa calmement que la fenêtre d’opportunité pour se replier s’était réduite à quelques minutes, que le pourcentage de chances d’une extraction réussie était en chute libre.
Avec un suprême effort de volonté, Farsight rejeta l’amertume et la haine cherchant à empoisonner son âme. Il s’aperçut que son talisman hexagrammatique luisait, de la fumée s’en échappant alors qu’il affichait une tension mécanique extrême. Polarisant ses récepteurs visuels, il fit tout ce qu’il put pour filtrer l’éclat vénéneux du portail et porta son attention sur ses hexacartes stratégiques. Farsight comprit qu’il pouvait encore sauver sa retraite, mais cela nécessiterait chaque once de ses talents de tacticien. Et, surtout, il devrait agir non pas comme un guerrier mais comme un chef.
S’éloignant du bain de sang sur l’Estrade, il appela ce qui restait des Huit avec une telle force de volonté qu’ils obéirent. Ils ne se battront plus aujourd’hui, intima-t-il, car c’est en cédant à l’attrait de la bataille et de la boucherie qu’ils risquaient de devenir les marionnettes de l’étrange science de l’esprit infectant ce lieu. Il n’ajouta pas qu’il craignait d’être le catalyseur de cet effet, la faille dans la cuirasse spirituelle de ses guerriers. Au lieu de combattre, ses camarades et lui utiliseraient la vitesse de leurs Exo-Armures et leur statut au sein de la Caste du Feu pour guider les survivants hors de cette zone et le long du couloir de repli aussi rapidement que possible. L’extraction était tout ce qui comptait maintenant. La retraite était une question de survie. Laissons les be’gel, les gue’la et les Molochites se détruire, ordonna Farsight, comme cela avait toujours été le plan. Les T’au ne se battront plus aujourd’hui.
Leur objectif redéfini, Farsight et ses camarades entamèrent la tâche ardue de mener la retraite vers le nord. Ils allaient réussir à quitter Arthas Moloch, ou mourraient en essayant.
Bolgrog Bigtusk chevauchait la proue de sa Méga-Kariol qui s’enfonçait dans le carnage de la bataille. L’imposant Boss Dresseur était brûlé et couvert de sang, ses fourrures carbonisées, son énorme chapeau tricorne violet troué par les balles. L’exaltation envahit son cœur alors que sa colossale Kariol’ Kitu passait au travers des murs en ruine comme un bateau fendant les vagues. Chaque choc révélait de nouveaux ennemis. Des Frêl’Kitir et des Kaoteux à picots se retournèrent horrifiés en voyant la masse de sabots, de ferraille et d’Orks hurlants qui leur fonçait dessus. Bigtusk les mitrailla jusqu’à ce qu’ils disparaissent inévitablement sous le rouleau compresseur des Squigs-pilons tirant sa Kariol’.
Tout bien considéré, c’était un combat splendide. Pourtant, le Boss Dresseur n’était pas satisfait. Les Boyz du Boss KifumKariol avaient devancé sa horde, et Bigtusk n’aimait pas ça.
« Allez, bande d’astikos, cognez-les bien! » rugit-il tandis que sa Kariol’ traversait une cour, théâtre d’une bagarre générale. Des Gars de Bigtusk se battaient contre des Kaoteux, et les Peaux-Vertes poussèrent des acclamations rauques à la vue de la Kariol’ de leur Seigneur de Guerre enfonçant les rangs adverses. Des Fling’ tonnèrent. Des Frags à manche explosèrent, projetant des débris et de la viande déchiquetée dans les airs. Les pavillons noirs s’agitèrent. Les Kikoup’ s’enfoncèrent dans des Armures Énergétiques noires et rouges, tandis que des serres luisantes et des Haches Tronçonneuses arrachaient des têtes vertes ou éventraient des Orks.
Bigtusk avait appris que les Frel’Kitir étaient, de façon assez déloyale, en train de se retirer en causant beaucoup de dégâts. En conséquence, il avait l’intention de contourner la bataille principale et de leur couper la route avant qu’ils ne s’échappent. Mais la mêlée semblait s’être un peu trop étalée. Eh bien, qu’il en soit ainsi, se dit le Boss Dresseur. Laissons les Frêles’Kitir s’enfuir. Il en avait marre d’essayer de livrer un bon combat avec des ennemis aussi glissants de toute façon. Les Kaoteux et les Démons, c’était autre chose ! Ils résistaient, et souvent, ils chargeaient même les Orks.
« Ça c’est d’la baston ! » gronda Bigtusk, faisant claquer sa pince hydraulique en sautant dans la mêlée depuis la proue de sa Kariol’. « V’nez, bande de nazes cloutés ! »
Il atterrit au milieu de zoms maigrichons en robes et portants des masques, écrasant plusieurs d’entre eux sous son énorme masse. Des balles rebondirent sur son armure ou éraflèrent sa peau comme des piqûres de squiguêpe. En retour, Bigtusk se déchaîna avec sa pince, un coup pulvérisa un zom et envoya son cadavre sur d’autres. Le Boss Dresseur en abattit deux autres à bout portant, la lueur du Fling’ éclairant leurs masques macabres alors même que leurs tripes ressortaient par le dos. Les survivants s’enfuirent.
Dans l’espace créé par sa boucherie, Bigtusk s’aperçut que sa Kariol’ avait dérivé trop loin vers le sud. De là où il se trouvait, le Boss Dresseur distinguait ce que ses Mekboyz avaient appelé eul Portail Zarbi briller à travers les ruines. Des Démons rouge sang surgissaient en meute de cette direction et attaquaient les Orks et les zoms. Bigtusk cracha de dégoût devant ce spectacle.
« J’déteste les dimons, ces zorribles trucs pas normaux, » gronda-t-il.
Le Boss Dresseur regarda autour de lui jusqu’à repérer Madd Squiggla. Le vieux Zarboy dominait le combat, s’accrochant à la rambarde de son zarmât qui se balançait sur le toit d’une autre Kariol’.
« HO, SQUIGGLA! » hurla Bigtusk, sa voix suffisamment forte pour couvrir le fracas de la bataille. Le Zarboy tourna la tête, mais à ce moment- là, le Boss Dresseur fut accaparé par un Kaoteux en armure rouge avec un casque à tête de mort qui le chargeait. Bigtusk écarta la Hache Tronçonneuse du guerrier, puis lui donna un coup de tête qui fendit le casque de son assaillant et le renversa. Piétinant le crâne de son agresseur dans un craquement satisfaisant, Bigtusk leva les yeux vers Squiggla qui le regardait avec impatience. Le Boss Dresseur inspira une grande bouffée d’air et mugit à travers le champ de bataille.
« RASSEMB’ TES GARS ET FUME EUL’ PORTAIL ZARBI KIBRILL’! »
Le vieux Zarboy grincheux fit un vague signe de la main qui aurait pu être une approbation, puis se retourna pour hurler sur le conducteur de sa Kariol’. Un instant plus tard, l’énorme engin s’ébranla et se dirigea vers la lumière lointaine du portail. Les Grots Messagers à bord de la Kariol’ de Squiggla agitèrent des drapeaux en lambeaux, signalant aux Kariol’ Kitu plus éloignés de se joindre à la percée.
Satisfait de l’exécution de ses ordres, Bigtusk replongea dans la mêlée avec enthousiasme. Il vida son Fling’ puis l’utilisa comme une massue, fracassant des crânes et brisant des nuques à chaque impact titanesque. Il accueillit un Kaoteux avec sa pince à piston, échangeant des coups et encaissant d’horribles blessures, rugissant son plaisir devant l’intensité sauvage du combat. Les cadavres cuirassés s’accumulaient autour du puissant Boss Dresseur, tandis que de plus en plus de plaies marquaient son énorme corps. Il poussa un rugissement tonitruant, et ses Boyz se rallièrent à lui, puis déferlèrent comme une marée verte pour charger la masse des Démons.
C’est au moment où les deux hordes s’écrasèrent l’une contre l’autre, que Bigtusk sentit une soudaine poussée d’énergie en provenance du portail tourbillonnant.
« Oh purée d’squigg, c’est parti, » grogna-t-il en se redressant et en serrant ses crocs dorés. Un instant plus tard, une nuée d’éclairs verts s’élança vers le ciel en provenance du portail. Une onde de choc brutale jaillit de l’épicentre, balayant les ruines et renversant les Orks. Les Démons furent emportés et dispersés comme des volutes de fumée, leurs hurlements de fureur se répercutant à l’infini tandis que leurs corps s’évaporaient.
Bigtusk cligna des yeux, surpris, tandis que des blocs de pierre s’écrasaient sur le champ de bataille et que des Peaux-Vertes stupéfaits se relevaient. Il ne restait plus un seul Démon pour s’opposer aux Orks. Squiggla avait dû assurer avec cette chose tourbillonnante ! se dit-il. Bien que Bigtusk entendit encore des coups de feu et le choc des lames résonner dans les ruines, son combat, qui avait été si glorieux auparavant, semblait avoir pris fin bien soudainement.
Bigtusk n’était pas le seul dans ce cas. Il finissait de répartir ses Boyz pour les envoyer trouver des ennemis à cogner quand le Chariot d’Guerre géant du Boss Kifum’ apparut au détour d’une rue et s’arrêta à côté de lui. L’énorme Gros Mek se pencha vers Bigtusk, ses lunettes de soudeur étincelante.
« C’est koi c’bazar ? » demanda le Boss Kifum’. « Lé dimons z’ont disparu, eul Frêl’ Kitir z’ont filé, et kazi tous les Kaoteux s’barrent aussi ! »
« Que des sangs d’gretchins, ces nazes, » acquiesça Bigtusk. « Et la band’ à Fundastomp ? »
« Ses Gargantz z’ont bien botté l’train des grands marcheurs aux zoms, » ricana le Boss Kifum’. « Une belle baston mine de rien ! »
« Ouaip, » répondit Bigtusk, une ébauche d’idée germant dans sa tête. « Ouaip, ces Kaoteux y sont plus marrant à taper qu’les Frèl’Kitir, hein ? »
« T’veux les choper ? » lâcha le Boss Kifum’, son rictus s’élargissant. Bigtusk désigna les ruines fumantes et les piles de corps.
« Que dalle à faire ici sauf nous taper d’ssus, et marre d’chasser eul Frêl’Kitir, c’pas drôle. »
« Banko ! Eul’premier qui fume le Boss eud’ Guerr’ des Kaoteux’ kommand’ la Waaagh!,, » cria le Boss Kifum’. Sans attendre de réponse, il frappa de son poing métallique le toit du Chariot. Le moteur du véhicule rugit et il projeta de la poussière et de la viande de cadavre derrière lui avant de filer à la poursuite des forces du Chaos.
« C’te fois, c’est moi qu’arriv’rai l’premier ! » rugit Bigtusk en fixant le Chariot d’Guerre. Il poussa un hurlement assourdissant pour rallier ses Kariol’ et ses Boyz. Les Kaoteux ne s’enfuiraient pas comme les Frel’Kitir, pas si le Boss Dresseur Bigtusk avait son mot à dire…
Neuf kai’rotaa s’étaient écoulés depuis la conclusion apocalyptique de la guerre. Farsight frémissait encore en se rappelant la retraite sanglante. Des bribes de lui revenaient : la folie carmin qui avait cherché à dominer son esprit ; la course effrénée vers le nord à travers les osts be’gel et gue’la ; le bruit de pas tonitruant des machines titanesques et le hurlement des moteurs de navettes alors que les pilotes de la Caste de l’Air bravaient des cieux remplis de feu et de mort. Le vol dans l’atmosphère d’Arthas Moloch avait été un cauchemar de turbulences et d’explosions. À présent, Farsight retournait une fois de plus sur la planète, dans le ventre d’un Appareil de Largage Orca, et ses seuls ennemis étaient la friction et la gravité, toutes deux aisément surmontées par les merveilles de la technologie t’au.
O’Shovah portait une combinaison renforcée à la place de son Manteau de Héros, et un Pistolet à Impulsions à la hanche. O’Vesa était assis sur la banquette à côté de lui, dans la tenue d’un scientifique de la Caste de la Terre. Abritée temporairement dans un drone avancé, la personnalité artificielle d’Ob’lotai 10-0 planait au-dessus d’eux. L’IA avait subi de tels dommages que la question se posait de savoir si elle pourrait à nouveau piloter une Exo-Armure. Mais si quelqu’un pouvait effectuer de telles réparations, c’était bien O’Vesa, songea Farsight.
« Notre dispositif de sécurité est au niveau maximum, » commenta le scientifique en regardant les équipes de Cibleurs partageant la soute avec eux. En plus de ces guerriers d’élite, Farsight avait prévu une escadrille d’escorteurs pour patrouiller au-dessus de leur site de largage, et plusieurs Cadres de Chasse restaient en réserve à bord de leur cuirassé El’leath en orbite. « Les scans des Drones ne suggèrent aucun signe de gue’la corrompu sur ce monde, ou même dans ce système. Les derniers be’gel sont à des centaines de kilomètres au sud de cet endroit, et ont dégénéré en tribus guerrières à basse technologie. »
« Hors de question de retourner sur ce monde sans cette protection, pas après tout ce qui s’est passé, » soupira Farsight.
« Peut-être est-ce un effet de ma dégradation engrammatique, mais j’aimerais des éclaircissements, » dit Ob’lotai 10-0. Les émetteurs du Drone lui conféraient un ton neutre et nasillard. « Pourquoi retournons-nous sur Arthas Moloch déjà ? »
Farsight fut incapable de répondre immédiatement, il était lui-même en conflit sur ce point. Après l’évacuation, la flotte t’au avait fui vers le vide sidéral en s’attendant à être poursuivie. Les scans révélèrent que les be’gel avaient déchaîné leur propre science de l’esprit pour massacrer les Molochites avant que ces créatures n’infligent des dommages majeurs à l’un des ennemis des T’au. O’Shovah était consterné de voir que même son plan le plus désespéré et le plus coûteux semblait avoir échoué. Pourtant, à part quelques petits vaisseaux be’gel, aucun ennemi n’avait daigné poursuivre les T’au. Stupéfaits, Farsight et ses camarades avaient observé les gue’la battre en retraite, poursuivis par la horde colossale de peau-verte tout entière. Depuis, à en croire les appareils de reconnaissance et les scans de Drones, le nombre d’Orks avait diminué, les Xenos se désintéressant du système vide et cherchant leur distraction ailleurs. Exempt de menaces, le système d’Arthas Moloch n’avait plus guère de valeur ou de péril, mais Farsight avait pourtant ordonné à ce corps expéditionnaire limité d’y retourner.
Ob’lotai 10-0 oscillait avec son moteur anti-grav, s’efforçant d’avoir l’air d’attendre. O’Vesa jeta un coup d’œil au Drone. Il ébaucha le geste de séparation des doigts d’une relation tendue. Farsight comprit. Il savait que ses camarades s’inquiétaient pour lui depuis sa folie apparente sur Arthas Moloch. Il n’avait pas apaisé leurs esprits lorsqu’il avait enfin avoué son étrange vision, et les avertissements qu’il y avait lus. Quelle ironie. Depuis le repli d’Arthas Moloch, il s’était senti plus serein de corps et d’esprit qu’il ne l’avait été en plusieurs kai’rotaa. Farsight se sentait purgé de quelque chose, comme débarrassé d’un parasite dont il ignorait l’existence.
Il se souvint de l’une des sages maximes du Commandeur Puretide et la prononça à haute voix.
« Une lame doit être chauffée à blanc avant que les eaux froides la trempent ou la tempèrent. »
Avant que ses camarades ne s’inquiètent encore plus, il se concentra et répondit à Ob’lotai 10-0.
« Nous revenons en partie pour enquêter sur les signes de vie et les spectres d’énergie insolites détectés par nos drones analystes. Quelque chose de fondamental a changé sur Arthas Moloch. J’aimerais savoir quoi. »
O’Vesa fit le geste symbolisant la requête incomplète.
« C’est une tâche que n’importe quelle équipe de scientifiques de la Caste de la Terre aurait pu accomplir, non ? Le Haut Commandeur des enclaves n’avait pas à s’en occuper en personne. »
O’Shovah réfléchit, puis répondit en faisant glisser la paume d’une main sur l’autre, signifiant la tempête apaisée, demandant ainsi à ses camarades de lui laisser un moment pour formuler correctement son propos.
Un doux carillon de trois notes retentit dans la soute de largage de l’Orca et les lumières devinrent d’un bleu océan profond indiquant un atterrissage imminent.
« Nous avons mené une guerre ici, mais je reste convaincu que nous l’avons fait avec un œil fermé, » reprit Farsight. « Il y avait des courants que nous ne pouvions voir, des aspects du conflit que nous ne soupçonnions pas. L’ignorance est dangereuse, mes amis, peu importent les souhaits du Conseil Élémentaire pour ses sujets. Je dois voir cet endroit par moi-même une dernière fois, et comprendre au moins un peu plus. »
« Tu veux défaire le fu’lasso, » approuva O’Vesa, en évoquant le nœud mental maudit du proverbe T’au. Il semblait soulagé d’avoir une explication qu’il pouvait concevoir. « Appelons cela un nœud de l’âme plus que de l’esprit peut-être, » répondit Farsight.
« Alors nous ferons ce que nous pouvons pour vous aider, Haut Commandeur, » émit Ob’lotai 10-0. O’Shovah fut surpris par l’élan de gratitude qu’il ressentit. Ses partisans auraient pu perdre confiance en lui, non seulement après Arthas Moloch, mais aussi en bien d’autres occasions auparavant. Il les avait tant éloignés de la lumière réconfortante du Bien Suprême, et pourtant ils se fiaient à lui. Ils le suivaient toujours, et le considéraient comme digne de diriger.
L’Orca se posa avec un bruit d’hydraulique à peine perceptible et sa rampe arrière s’ouvrit avec un léger sifflement. La lumière dure et blanche d’Arthas Moloch inonda l’intérieur, accompagnée d’un tourbillon de cendres et de poussière. Farsight décela une légère odeur de pourriture dans l’air. Une nouveauté quelque peu déplacée sur ce monde sans vie. Il se demanda ce que cela présageait.
Les T’au émergèrent de leur appareil dans la zone où ils avaient livré leur ultime Kauyon désespéré. Les équipes de Cibleurs descendirent la rampe et se déployèrent en cordon. Farsight et ses deux camarades suivirent.
Les ruines étaient couvertes de cadavres et de machines de guerre carbonisées. Des marcheurs de combat titanesques gisaient là où ils étaient tombés, noircis par le feu.
À la surprise de Farsight, cependant, les épaves et les corps s’étaient bien plus dégradés que ce à quoi il s’attendait. Les miasmes de la décomposition empuantissaient l’air.
« Fascinant, » commenta O’Vesa, l’excitation dans sa voix infirmant sa tentative de respect pour les morts. Il tapota furieusement sur son unité d’avant-bras, libérant un essaim de microdrones bio-échantillonneurs. « Le statut de monde mort d’Arthas Moloch s’étend aux plus petites formes de vie bactériennes. Même si l’on tient compte des microbiomes des cadavres eux-mêmes, cet état de décomposition dans un environnement aussi stérile, dénué de charognards ou d’organismes nécrophages… C’est inexplicable ! »
Farsight acquiesça. Beaucoup de morts étaient squelettiques et leur équipement était couvert de rouille.
« Une analyse ? » demanda-t-il à O’Vesa, en scrutant les alentours. « Trop tôt encore, » répondit le scientifique. « Mais je pense que ce monde est en train de développer une humidité atmosphérique et une biosphère microbienne. »
« Ou peut-être qu’il aurait toujours dû les posséder, et que quelque chose qui les supprimait a disparu ? » hasarda Ob’lotai 10-0. C’était une idée aussi anormale que dérangeante, songea O’Shovah, mais d’une certaine manière, elle semblait juste.
Les Cibleurs se mirent en route sur son ordre, se frayant un chemin à travers la dévastation vers le site de l’Estrade Stellaire. En toute honnêteté, Farsight savait que c’était tout ce qu’il était revenu voir. Il devait savoir si les be’gel avaient vraiment détruit l’Estrade, et les Molochites avec. Et si ce n’était pas le cas ? Peut-être repartirait-il en orbite pour bombarder les vestiges jusqu’à les vaporiser ? Cela suffirait-il ? Puis les restes de l’Estrade apparurent, et Farsight sentit un poids quitter ses épaules.
« Par la rupture des liens ! » s’exclama Ob’lotai 10-0. Un champ de gravats parsemé de cadavres be’gel et gue’la en décomposition occupait l’emplacement de l’Estrade. O’Shovah avait l’impression qu’un être titanesque avait abattu un marteau au centre de la structure et que l’onde de choc avait tout détruit sur son passage.
« Haut Commandeur, » dit O’Vesa d’une voix étouffée. « Regardez !»
Farsight suivit son geste jusqu’à l’endroit où l’un des microdrones planait au-dessus d’un crâne be’gel noirci près du centre de l’Estrade brisée. Au début, il prit la tache verte dans l’orbite du crâne pour un morceau de chair. Mais en s’approchant, Farsight fut étonné de constater qu’il s’agissait de la tige d’une plante, poussant sur la terre maintenant exposée.
Il s’agenouilla pour inspecter cette petite pousse apparemment impossible. Il remarqua qu’elle n’était pas seule, mais c’était la plus développée.
« Haut Commandeur, qu’est-ce que c’est ? » s’enquit Ob’lotai 10-0. Farsight sentit quelque chose s’alléger en lui lorsqu’il répondit.
« Je crois, mon vieil ami, que ça pourrait être une lueur d’espoir. »
« La vie dans les étoiles n’est que folie et désordre. Seuls les êtres pensants sont assez arrogants et ignorants pour tenter de lui imposer leur ordre.
Le désaccord véhément qui divise les espèces quant à la façon de régir le vide ne fait que me donner raison.
Pourtant, chacune jure d’avoir raison envers et contre tout. Comment en jugent-elles ?
En guerroyant, en remportant des batailles.
En semant le plus grand désordre.
Il est triste que cette ironie leur échappe. »
- Baronne Phyllistra la Chasseresse,
Corsaire Aeldari, Bande des Soleils Noirs
À Suivre…
Source
- Les Arches Fatidiques : Farsight, produit par le design studio Games Workshop, 2023
- Conflits Alpha Legion
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