Gardes des Marais Drookiens
Les Gardes des Marais viennent de la planète Drookia VI, située à l’extrême nord du Segmentum Obscurus, et sont connus pour leur infanterie légère et leurs escadrons de cavalerie montés sur rekhorns, aux talents d’éclaireurs et d’infiltrateurs sans pareil. Leur monde est presque totalement recouvert de marécages baignés dans la brume et seules quelques villes, îlots de civilisation émergeant du brouillard, maintiennent une présence impériale sur la planète. La population rurale est ainsi entièrement livrée à elle-même et ce n’est qu’une fois par génération qu’elle est tenue de fournir des hommes à la Garde Impériale. L’honneur et les liens du sang sont plus importants que tout le reste pour un Drookien, et tout ennemi de sa famille mérite au mieux le mépris, au pire la mort. Les clans passent le plus clair de leur temps à venger d’obscures vendettas, lançant des raids sur les terres de leurs rivaux, pillant, massacrant et volant sans vergogne avant de s’enfuir, le butin chargé sur le dos de leurs rekhorns.
La majorité d’un régiment Drookien est constituée d’infanterie qui sera souvent déployée là où leurs compétences pourront être utilisées à bon escient. Les plus habiles (et souvent les plus violents) des soldats font des éclaireurs et des tirailleurs irremplaçables. Les Commissaires assignés à ces troupes pour le moins indociles se sont rapidement rendus compte que le meilleur moyen de les canaliser était de se servir de leur haine des étrangers. En assimilant l’ennemi à un clan rival, et en précisant si possible qu’une bonne insulte aurait été proférée à l’égard des ancêtres des hommes du régiment, les Commissaires s’assurent de leur motivation…
Les escadrons de cavalerie Drookiens favorisent les tactiques de frappe et de repli, approchant très discrètement de l’adversaire et l’engageant si les circonstances sont favorables. Ce terme est d’ailleurs un euphémisme car les troupes montées drookiennes ne sont pas renommées pour leur courage sans faille face à un ennemi supérieur, et ont tendance à s’égailler dans la nature plutôt que déclencher un affrontement à l’issue incertaine. Par le passé, un grand nombre de désertions ont eu lieu et depuis, le régiment n’est jamais déployé sans une importante proportion de Commissaires pour encadrer les troupes.
La Bataille de Traitor’s Moss
À la fin de la dix-septième année de croisade du Maître de Guerre Komanov contre les séparatistes de l’Hégémonie Canis, en 448.M41, les lignes de ravitaillement impériales se trouvèrent étirées au-delà de leurs limites et coupées de tout support logistique. La flotte était empêtrée dans une chasse aux pirates et aux contrebandiers de la Voile Opaline, et les troupes au sol se retrouvèrent livrées à elles-mêmes et incapables de se redéployer efficacement. Komanov devait se sortir de cette impasse et l’opportunité lui fut donnée par un événement tout à fait inattendu.
Le 72e Drookien commandé par le Colonel Woortan explorait alors le monde d’Aelian VII en préparation de l’invasion du système dans son entier. L’impuissance de la flotte impériale à appréhender les pirates de la Voile Opaline avait retardé l’avancée des troupes dans ce secteur et le 72e s’était retrouvé séparé du reste de la croisade, ses hommes forcés de survivre des ressources de la planète. C’est alors que la 12e Armée de l’Hégémonie Canis arriva sur Aelian VII. Le premier signe de la venue de troupes en orbite fut une escarmouche entre des cavaliers Drookiens et des éclaireurs ennemis effectuant des repérages des velds du continent principal d’Aelian. Woortan multiplia les patrouilles mais commanda à ses hommes d’observer les troupes adverses de loin et d’éviter tout accrochage : il lui fallait connaître les plans et les effectifs de la 12e Armée sans avoir à révéler lui-même le nombre réduit de ses forces. Il réalisa que s’il parvenait à attirer l’Hégémonie Canis sur Aelian, et plus précisément dans les marennes qui bordaient les plateaux et les landes, il pourrait bénéficier des compétences de ses troupes sur ce terrain et retenir l’ennemi le temps que le reste de la croisade arrive en renforts.
Une patrouille adverse fut capturée et après l’interrogatoire musclé de rigueur, Woortan se servit des codes d’identification soutirés pour s’assurer que les transports de l’Hégémonie Canis se poseraient où il le désirait. La zone en question était une ceinture de bourbiers et de fanges qui allait devenir connue sous le nom de Traitor’s Moss. Au moment où les Drookiens prenaient position au milieu de la fange, les vaisseaux ennemis se jetèrent dans la gueule du loup. Calculant sans le savoir leur trajectoire à partir d’une balise placée par les Gardes des Marais, les cargos cyclopéens chargés d’hommes et de chars initialisèrent leur descente depuis l’atmosphère de la planète. Lorsque le premier atterrit, il devint évident que sa masse titanesque ne serait jamais supportée par le sol instable et il commença à donner de la gîte puis à sombrer lentement. Les autres transports tentèrent d’altérer leurs vecteurs d’approche mais leur inertie trop importante rendit inutile tout changement de coordonnées. En quelques minutes, ils se retrouvèrent tous embourbés, leurs occupants tentant désespérément de s’échapper.
Alors qu’ils abandonnaient leurs vaisseaux condamnés, ils furent pris sous les tirs croisés des gardes du 72e. Ceux-ci émergèrent du brouillard tels des ombres fantomatiques et taillèrent en pièces un nombre de troupes incalculable. Au même instant, leurs cavaliers chargèrent à travers la bruine là où les rétrofusées des transports avaient vaporisé l’eau des marais, et achevèrent de leurs longues lances les séparatistes désemparés. En une heure seulement, ceux qui n’avaient pas été exterminés étaient en fuite, pour être finalement rattrapés et capturés dans la semaine. Lorsque la croisade arriva trois mois plus tard, Woortan remit au Seigneur de Guerre Komanov les prisonniers faits lors de l’opération. Cette action eut un écho retentissant et se répandit comme une traînée de poudre sur les mondes de l’Hégémonie Canis. Cela mina ses fondations et mena finalement à la victoire de l’Imperium au bout de sept années de guerre supplémentaires.
Le taux de pertes réalisé ce jour-là par le 72e est resté inégalé par d’autres régiments Drookiens : à Traitor’s Moss, moins de 900 Gardes mirent en déroute 20000 séparatistes. Woortan reçut par la suite le commandement d’un corps d’armée complet pour sa victoire sur Aelian VII.
Source
- White Dwarf N°112 (Août 2003)