Chute de Malvolion (Nouvelle)
Il n’était pas encore midi, mais l’air était déjà chaud et humide. Le soldat Karl Grauss, du Quinzième Mordian, essuya la sueur de son front et poussa de nouveau sur la barre de fer. Cela faisait bien dix minutes qu’il s’évertuait à ouvrir cette maudite porte dans cette atmosphère moite, mais elle n’avait pas bougé d’un pouce. Il fit une pause et se tourna vers le Major Hecht qui épaulait nerveusement son Fusil Laser, prêt à tirer. Des gouttes de sueur ruisselaient sur son visage, mais celles-ci n’étaient pas seulement dues à la chaleur.
« Qu’attendez-vous ? » siffla l’officier entre ses dents.
Grauss haussa les épaules. Il ne savait rien de ce qui se passait ici, rien de plus que ce que leur avait raconté Hecht, à lui et aux autres gars de la Seconde Compagnie. Il leur fallait retrouver la station de pompage du delta et savoir pourquoi elle ne répondait plus aux appels radio depuis trois jours. Un boulot banal, somme toute.
Grauss secoua encore le levier dans tous les sens jusqu’à ce qu’il sentît le mécanisme d’ouverture céder. Lâchant la barre en métal, il s’attaqua à la porte elle-même, réussissant enfin à la faire bouger. Dans le couloir derrière lui, juste après le major, se trouvaient six autres gardes de la Seconde Compagnie, collés le long du mur, leurs Fusils Laser serrés contre eux. Grauss n’aimait pas ce qu’il faisait, se lancer comme ça dans l’inconnu et ouvrir des portes sur Dieu sait quoi, il n’aimait vraiment pas. Mais c’était un Garde de Fer ! On ne pouvait trouver plus discipliné et déterminé dans la Garde Impériale et ce n’était certainement pas cette maudite porte qui allait lui résister, pas aujourd’hui.
Les soleils étaient bas sur l’horizon, éclairant cette étrange installation d’une lumière rougeâtre. Ils étaient arrivés à la station de pompage ce matin à l’aube. Située au confluent des canaux d’irrigation qui alimentaient toute la région du delta et plus d’une douzaine de fermes hydroponiques, elle ressemblait à un assemblage d’entrepôts et d’habitations modulaires. Grauss s’étonnait de n’avoir vu aucune trace de vie depuis son arrivée, pas même celle de ces satanés échassiers qui piaillaient partout ailleurs. Le pire fut d’entrer dans la station de pompage. L’atmosphère y était trop lourde, comme si quelqu’un avait réglé le système de climatisation sur "tropical". La radio restait muette, et même les appels de vive voix étaient restés sans réponses… pourtant, Heimer criait sacrément fort.
La porte céda enfin et Grauss l’ouvrit d’un coup sec. Il se mit de côté pour laisser passer Hecht, le major s’avança en levant son Fusil Laser. Ils entrèrent dans une sorte d’atelier hydroponique coiffé d’un toit en céra-vitre, supporté par des piliers métalliques qui commençaient à rouiller dans l’atmosphère humide. Des échantillons de plantes étaient stockés un peu partout dans la salle. La passerelle était faite de grillage que la moisissure rendait glissant. Les Mordians se dispersèrent dans la serre, leurs uniformes collés à la peau par la sueur.
Parnell poussa un cri dans le fond. Grauss arriva peu après, suivi du major. « Qu’est-ce que c’est que ce machin ? » demanda Parnell en désignant une zone de culture éclairée par des lumi-lampes. Hecht jeta un coup d’œil sur les appareillages qui pulvérisaient régulièrement des nutriments dans le bac de culture et recula, d’un air dégoûté. Grauss eut un haut-le-cœur en regardant la "chose" qui ressemblait à un champignon globulaire pourri et boursouflé, de la taille d’une tête humaine. Ça dégageait une odeur pestilentielle tout en émettant une pulsation régulière. Aucun des Mordians ne s’y connaissait en horticulture et, de toute manière, ils n’avaient pas passé assez de temps sur Malvolion pour connaître la flore locale. Tous sentaient cependant que cette chose n’était pas naturelle, peut-être ne venait-elle même pas de ce monde.
« Brûlez-moi ça. Chopez un Lance-Flammes et brûlez-moi tout ça ! » cria Hecht en s’éloignant. Grauss était sur le point d’obéir lorsqu’il entendit le bruit caractéristique d’un Fusil Laser, tout près, à deux ou trois bâtiments de là. Six tirs de Fusil Laser à pleine puissance, suivis de plusieurs tirs d’armes automatiques. Les intercoms de la Seconde Compagnie se remplirent tout à coup de hurlements et de cris. L’escouade se tourna vers la sortie et se précipita dehors. Ces cris ne pouvaient venir que de l’autre escouade.
Hecht et ses hommes arrivèrent à la dernière position connue de leurs compagnons, et les y trouvèrent effectivement, enfin ce qu’il en restait. C’était comme si les corps des Gardes Impériaux étaient passés sous une moissonneuse-batteuse : il y en avait partout. Le major et ses hommes scrutèrent les ténèbres à la recherche d’ennemis. Les yeux de Grauss étaient rivés sur un cadavre appuyé à un agri-tracteur, décapité. En détournant le regard du corps, Grauss vit un camion-cargo avec une étrange cargaison enchaînée sur la plate-forme arrière : une sorte d’énorme bulbe qui devait certainement venir du delta à cause de la boue séchée sur ses côtés. À l’arrière du bulbe se trouvait ce qui semblait être un système de propulsion : ce devait donc être une sorte de vaisseau spatial, mais cette chose le rendait malade, son apparence, son aura, l’ensemble se cumulait et provoquait chez lui un profond dégoût. Il s’approcha et découvrit qu’il n’y avait rien de technologique dessus, cela semblait… organique, semblable aux immondes plantes de la serre mais en beaucoup plus grand. Ce devait être la chose qu’avaient trouvée les gens de la station, ils avaient dû la ramener pour pouvoir l’étudier.
Il y eut soudain un nouveau cri suivi de tirs de Fusil Laser derrière lui. Grauss se retourna juste à temps pour voir le soldat Parnell voler au travers du hangar dans une gerbe de sang. Les Fusils Laser de l’escouade illuminèrent la salle en essayant de prendre pour cible une ombre qui se déplaçait à une vitesse incroyable. Une ombre avec des griffes. Elle sectionna le Major Hecht au niveau du torse. Son corps tomba lourdement sur le sol, le doigt encore crispé sur la gâchette de son Fusil Laser.
L’ombre se jeta sur Grauss. Il hurla de terreur en tirant sur l’horreur.
Il se réveilla en sursaut. La sueur coulait sur son visage et sa tête lui faisait atrocement mal. Cela faisait deux semaines que ce qu’il restait de l’escouade était revenu de la station de pompage, un cauchemar auquel seul lui et trois autres membres de la Seconde Compagnie avaient survécu. Grauss était un vétéran de plusieurs campagnes, il avait déjà connu le contrecoup des combats, mais c’était bien la première fois qu’il le vivait aussi mal. Ce qu’il avait senti, vu, touché, cette horreur Xenos… tout cela hantait son esprit nuit et jour.
Génovore…
Grauss se leva de sa couchette et s’habilla. Dehors, il pouvait entendre des bruits de véhicules et il sentait la présence rassurante d’êtres humains. Il fallait qui s’occupe l’esprit pour calmer le traumatisme. Il sortit sur la route, et regarda pendant un long moment les transports de troupes et les camions de la logistique qui se croisaient dans un ballet maladroit. Étrangement il pleuvait en pleine saison sèche, de fines gouttes chaudes qui humidifiaient la route et la rendaient peu à peu boueuse. L’eau ruisselait sur les pentes douces du toit modulaire des tours du complexe 132/5 et les faisait scintiller à la lumière des astres solaires encore visibles à travers la couverture nuageuse.
L’évacuation continuait.
En traversant la route entre deux transports rugissants, il tenta de se rassurer. Il avait tué cette chose avec son Fusil Laser, elle et deux autres de plus, puis, avec l’aide des survivants, ils avaient fait exploser la station de pompage, le nettoyage par le vide. Ils avaient réussit à garder la tête froide, comme tout bon Garde de Fer de Mordian. Ils étaient ensuite partis faire leur rapport au Commissaire qui avait, grâce à l’Empereur, pris la bonne décision.
Mais étrangement, il ne se sentait pas mieux.
Grauss interpella le Colonel Tiegl qui supervisait le chargement des camions. Debout sur un tertre de terre derrière des bancs de bio-culture, le Colonel avait l’air d’avoir chaud en plus d’être énervé. Des colons étaient regroupés autour de lui pour essayer de le convaincre d’emporter plus de leurs outils agricoles, sans lesquels ils allaient soi-disant être ruinés. Le Colonel mit fin à leurs jérémiades en voyant approcher Grauss.
« Par le Trône d'Or, ces gens vont me rendre dingue, » murmura Tiegl au Garde Impérial. « Je veux juste leur sauver la vie, à eux et à leurs proches, emporter leurs biens les plus chers, et la seule chose qui les inquiète, c’est leurs sales cultivators ! Je suis à deux doigts de leur dire ce que vous avez vu pour leur mettre une bonne trouille. »
« Et ainsi causer une panique générale ? »
« Non, vous avez raison, » soupira Tiegl. « Mais dites-moi, je croyais que vous deviez rester au calme à l’infirmerie ? Ce n’était pas les ordres du médic ? »
« Ça me rend fou, mon Colonel. Je veux dire ne rien faire, ça me rend dingue. Donnez-moi quelque chose pour m’occuper, pour que je pense à autre chose, que je fasse sortir cette… chose de ma tête. »
Le Colonel acquiesça. « Nous avons besoin de conducteurs. Vous savez conduire ? »
« J’me débrouille. »
Tiegl consulta son nanordinateur de poche, et pointa de son stylo un gros camion garé près d’un silo à grain. « Prenez l’unité 177. »
« Quel est le programme ? »
« Je veux que l’évacuation soit terminée à quinze heures. Je ne veux pas d’excuse. Tout ce que nous n’aurons pas chargé restera ici, et c’est valable pour ces maudits fermiers. Le point de ramassage se trouve à dix-neuf heures d’ici, sur la plaine de Nacine. D’après mes informations, nous devrions trouver six transporteurs stellaires prêts à nous faire monter jusqu’aux Croiseurs de la flotte en orbite. Huit autres convois doivent arriver au même point de ralliement, il vaudrait mieux être à l’heure. J’ai pas envie de rester ici si ça tourne mal. »
« Et si ça tourne mal, on fait quoi ? »
« Eh bien dans ce cas, on montrera à ces foutus Xenos comment se bat un Mordian. Soixante-dix mille hommes de notre division sont déployés un peu partout sur cette planète, sans compter plus de trente mille Phyriens. Le Général De Caen m’a aussi informé que des divisions blindées allaient débarquer d’ici quelques heures. On parle même de l’aide des Chapitres. »
« C’est rassurant de savoir ça. Ce n’était peut-être qu’une menace isolée, mais il vaut mieux être prêt à tout, non ? »
« Dans ce cas, préparez-vous dès maintenant. Le niveau d’alerte est monté d’un cran. Personne ne vous l’a dit ? »
« Dit quoi ? »
« Les Astropathes ont perdu le contact avec l’Astronomican et ne peuvent plus communiquer avec les systèmes proches. Nous sommes coupés de l’extérieur. L’Ombre est déjà dans le Warp. Ils arrivent, mon gars, et droit sur nous, on n’y coupera pas ! »
Les vaisseaux de transport étaient posés sur le sol de la plaine de Nacine comme de gigantesques léviathans échoués sur une plage, dégorgeant des rivières de blindés au milieu de nuées de soldats. La plaine fut rapidement envahie par les forces impériales. Même du haut de son poste de commandement sur le vaisseau-amiral, trois cents mètres au-dessus de sol, le Général De Caen pouvait entendre le rugissement des chars de la division Paladian. Reposant ses magnoculaires sur son bureau, il hocha le tête de satisfaction. Le Colonel Grizmund avait déployé ses troupes comme prévu, peut-être même plus vite encore. Un bon déploiement comme dans les livres d’instruction. Il regarda le ciel bleu, il pouvait voir au moins à dix kilomètres à la ronde. Il ne pourrait pas être pris par surprise.
Debout sur la plate-forme d’observation, De Caen resplendissait dans son uniforme d’apparat. Derrière lui, assis devant les pupitres de transmission, deux Serviteurs aveugles et trois Adjudants de Mordian supervisaient les convois d’évacuation grâce au tableau de contrôle face à eux. Les grésillements du système radio créaient un fond sonore très désagréable. Hanff, l’un des Adjudants, s’approcha du Général pour lui remettre une feuille sur laquelle une transmission était retranscrite.
« Les rapports des points d’évacuation, mon Général. La plupart des convois sont déjà partis à notre rencontre. Le Colonel Teigl du complexe 132/5 nous informe qu’il arrivera environ vers quinze heures. »
« Pourquoi si tard ? »
« C’est là où a eu lieu l’accrochage, mon Général. J’imagine que le Colonel Tiegl doit faire particulièrement attention. »
« Vous n’êtes pas là pour imaginer, soldat, je veux des faits. » Malgré tout, le Général connaissait Tiegl de réputation, et il lui faisait entièrement confiance.
« Et ça ? » demanda De Caen en regardant la feuille. « Le complexe 344/9 ? »
« Ils n’ont pas encore embarqué, mon Général. Ce sont des hommes des régiments Phyriens. Je… Je ne sais pas pourquoi ils ne sont pas encore partis. »
« Contactez-les, et demandez-leur ce qu’ils attendent. Dites-leur que si je suis obligé de venir les chercher moi-même, je risque d’en écorcher un ou deux pour me défouler. »
« À vos ordres, mon Général. »
Le vaisseau fut secoué par le passage d’un Croiseur à basse attitude. Son ombre s’étendait sur la plaine en même temps qu’il avançait. Dix mille hommes de plus à débarquer se cette Plaine. L’endroit serait-il assez grand ?
« L’Ariadne, pile à l’heure,. » dit Hanff en se dirigeant vers la console de communication.
Un homme de grande taille à la forte mâchoire et à l’allure martiale s’avança et se mit au garde-à-vous devant le Général. Sa tenue de combat pourpre était caractéristique des tankistes Paladians.
« Colonel Grizmund au rapport, mon Général. Nous sommes prêts à nous déployer où vous le désirez. »
De Caen salua le Colonel et lui indiqua la carte d’état-major posée sur son bureau.
« Pour l’instant, nous jouons le rôle de chien de garde. Certains de mes hommes ont déniché près du delta des formes de vie Xenos, il y a maintenant deux semaines. D’après les rapports, les indigènes auraient trouvé une sorte de spore qui pourrait servir d’éclaireur aux Tyranides. Ils ont réussi à la réveiller. L’Empereur seul sait depuis combien de temps cette sonde émet son signal, mais maintenant que l’Ombre est tombée sur ce quadrant de la galaxie, nous pouvons être sûrs qu’il a été entendu. Je voudrais que vous vous déplaciez vers le sud pour couvrir l’avancée des convois d’évacuation qui arrivent du delta. »
« Nous partons immédiatement mon Général. Nous les rencontrerons en route. »
« Bien, bien… » De Caen se tourna vers Hanff. « Des nouvelles de ces foutus Phyriens ? »
Cela ne faisait que six heures qu’ils étaient arrivés au complexe 344/9, mais déjà le soldat Nink sentait que quelque chose ne tournait pas rond. Quelque chose de grave allait arriver, il en était persuadé. Les Phyriens étaient en train de charger des caisses dans les camions de transport derrière les silos, à l’ombre des soleils jumeaux, qui commençaient à cogner dur sur les casques en métal des pauvres soldats. Le Sergent Syra Gallo jeta une caisse de plus entre les mains de Nink.
« Tu veux pas la fermer un peu, tu nous feras des vacances. Évidemment que quelque chose va arriver, espèce de crétin ! C’est pour ça qu’on est là ! C’est pour ça qu’on aide ces culs-terreux à évacuer leur planète et qu’on se casse le dos à fourrer toutes ces maudites caisses dans ces foutus camions ! »
Nink regarda le visage tout rouge du Sergent et eut l’impression qu’il allait exploser.
« Me r’garde pas comme ça, sacré nom de nom. Ni aucun d’entre vous ! » Le Sergent jeta un regard circulaire sur les hommes du Quatrième Régiment qui s’étaient tous arrêtés pour le regarder. « Par l’Empereur, arrêtez de geindre comme des bonnes femmes, on est des Gardes Impériaux quand même ! On est ici parce que quelque chose va mal ! J’veux dire qu’le Maître de Guerre ne s’est pas dit "Tiens… Pourquoi ne pas déployer trente mille Phyriens sur Malvolion, après tout, il ne se passe jamais rien sur cette planète, non ?" Est-ce qu’il a dit un truc pareil, hein ? Évidemment qu’il a pas dit une nullerie de ce genre ! On est là parce qu’on est des Gardes Impériaux, les gens nous aiment pour ça. Les femmes se jettent à notre cou juste parce qu’on est là quand il faut, vous croyiez tout de même pas qu’elles font ça par plaisir, vous avez vu vos têtes ? Allez, magnez-vous ! Mettez-moi toutes ces maudites caisses dans ce camion. Et laissez-moi vous dire une dernière chose… » Gallo arrêta de crier et grimaça en regardant ses hommes. « On est des Phyriens du Quatrième Régiment. On est des tueurs. Y’a intérêt que c’qui arrive soit salement méchant, parce qu’une fois qu’y va s’pointer ici, il va nous trouver et on va lui botter le derrière tellement de fois qu’il va souhaiter ne jamais être né ! »
La clameur monta d’un peu partout, même Nink cria de fierté. Il était fort le Sergent pour les discours ! Les colons de Malvolion qui passaient dans les parages se demandaient ce qui se passait, mais de toute manière ils étaient bien trop tristes pour se mêler à la joie des Phyriens. Mais en son for intérieur, Gallo aurait voulu savoir pourquoi il avait été débarqué dans ce trou paumé, comme tous les autres.
« On reçoit des signaux répétés du QG de Nacine, » cria l’officier de communication Binal au sergent.
« Ouais, ouais, c’est bon j’arrive… »
« C’est le Général en personne, Sergent. Il voudrait savoir pourquoi on est pas encore partis et il a pas l’air content du tout… »
Gallo s’assit sur une caisse pour souffler et regarda Binal. « On bouge pas parce qu’on n’en a pas encore reçu l’ordre. Dites-lui ça. »
« J’lui ai déjà dit, Sergent. Mais il veut savoir pourquoi on n’en a pas encore reçu l’ordre. »
Gallo se releva et essuya ses mains sur son treillis. « Dites-lui que je vais demander moi-même au Major. » Gallo s’éloigna et se demanda s’il devrait décidément tout faire tout seul sur cette fichue planète.
Le Sergent arriva au mess des officiers, le climatiseur toussotait faiblement en soufflant un air chaud. Gallo avait vu le Major et deux de ses officiers disparaître à l’intérieur, en grande discussion avec des colons sur les conditions d’évacuation. Mais c’était plus d’une heure auparavant.
« Major ? Major Hunnal ? »
Gallo inspecta plusieurs pièces, mais ne trouva rien. Énervé, il appela une escouade pour l’aider dans ses recherches. Cinq hommes arrivèrent, en tenue de combat phyrienne, l’un d’eux apporta le Fusil Laser du Sergent.
« Séparez-vous et retrouvez-moi le Major. »
Ce furent Gallo et un soldat du nom de Matlyg qui trouvèrent Hunnal, les deux officiers et les six colons. Enfin, ce qu’il en restait. Réduits à l’état de pulpe d’os et de chair, ils étaient éparpillés sur le sol et les murs d’une pièce. Matlyg se retourna pour vomir pendant que le Sergent essayait de crier.
Une chose que Gallo avait tout d’abord prit pour un des piliers de la pièce se déplaça. Vite… tellement vite ! Deux énormes membres chitineux de la taille d’un homme adulte tranchèrent le soldat malade, séparant son thorax du reste de son corps dans une gerbe de sang qui éclaboussa le visage du sous-officier impérial. Gallo retrouva soudain l’usage de ses jambes, et se mit à courir dans les couloirs en hurlant et en tirant derrière lui. Lentement la Mante Tueuse cessa d’imiter la couleur du mur, laissant apparaître ses plaques de chitine iridescentes et se jeta à la poursuite de l’homme qui courait.
« Barrez-vous ! Barrez-vous, tous ! »
Ses tirs ne touchèrent pas son poursuivant qui s’avançait dans l’encadrement de la porte. La radio répandait des cris de panique sur tous les canaux. Gallo essaya de trouver les autres membres de l’escouade. En arrivant dans une pièce éloignée, il trouva deux soldats qui avaient l’air terrifiés. Il les plaqua sur le mur en contreplaqué et essaya de leur expliquer ce qu’il avait vu. Tout à coup, une griffe de deux mètres de long traversa le mur et transperça l’un des Gardes. Du sang jaillit de sa bouche ouverte de stupeur puis il s’effondra sur le sol pendant que la griffe disparaissait. Gallo se jeta sur le côté alors qu’une nouvelle griffe de chitine traversait la paroi pour décapiter au passage le second Garde Impérial.
« Il peut nous voir ! Même au travers des murs, il peut sentir les battement de nos cœur ! »
Gallo s’enfuit de nouveau pour essayer d’échapper à la monstruosité. Le convoi de camions était au même endroit, mais il n’irait probablement plus nulle part. Des dizaines de transporteurs étaient renversés sur la route, plusieurs étaient en flammes. Des Phyriens couraient dans tous les sens, tirant à travers la fumée provoquée par les explosions. Les fermiers et leurs familles fuyaient dans l’anarchie la plus totale en hurlant de panique. Ces cris… Des cadavres couvraient le sol, aucun n’était intact, ils avaient tous été massacrés avec cette même violence inhumaine.
Gallo trébucha sur Nink, enfin sur son torse. Ses jambes étaient un peu plus loin dans les fourrés. Le jeune Garde Impérial n’était plus qu’un amas de chair sanguinolente, ses entrailles pendaient mollement sur le sol. Le plus horrible était qu’il vivait encore. Il trouva la force d’attraper la jambe de Gallo et le supplia de l’emmener avec lui. Le Sergent tira un seul coup de Fusil Laser dans la tête du Garde. C’était tout ce qu’il pouvait faire pour lui.
Il se jeta à couvert pendant qu’un groupe de fermiers fuyait devant une créature monstrueuse. Elle était plus grande qu’un homme, son corps chitineux bondissait, propulsé par ses pattes puissantes. Les griffes du Génovore attrapèrent le premier colon, lui tranchant net les deux bras. Il profita alors de son impulsion pour se jeter sur le fermier suivant.
Tout comme la Mante Tueuse, il bougeait tellement vite…
Gallo réalisa soudain deux choses. La première était que jamais il ne pourrait oublier les cris de ces pauvres gens, du moins pas tant qu’il vivrait. La deuxième était que ça ne serait pas très long.
Il vit de nouveau la créature en forme de mante religieuse, en train de découper un camion avec son équipage. Le corps de Binal reposait à quelques pas de lui. Gallo put le reconnaître grâce à la radio qui était posée près de lui : sa tête elle, n’était plus là. Il rampa jusqu’à lui, attrapa la radio et se cacha sous un camion. Il mit quelques secondes à trouver une fréquence.
« 344/9 ! 344/9 ! Attaque Tyranide ! Je répète : attaque Tyranide ! Je… »
Il n’eut pas le temps de répéter. Un Génovore l’attrapa par un pied et le tira vers lui avant de le transpercer de sa deuxième paire de griffes. Bien qu’inintelligible, sa dernière transmission fut plus claire encore que des mots. Son hurlement fut reçu six cents kilomètres plus loin sur la plaine de Nacine.
Le canal était maintenant calme. De Caen se retourna pour éviter les regards de ses subordonnés. Ce son… Ce cri… Il devait appeler la division de Grizmund qui avait quitté la plaine quarante minutes plus tôt pour se diriger vers le convoi 132/5. Mais alors qu’il se dirigeait vers la console de communication, le ciel s’obscurcit tout à coup. Des spores blanchâtres tombaient du ciel ténébreux. En touchant le sol, ils éclataient en projetant de l’acide sur les Mordians paniqués qui commençaient à courir aux postes de combat. Même le métal des vaisseaux spatiaux se décomposait sous l’effet de la substance corrosive. Les projecteurs des Croiseurs s’allumèrent automatiquement dans l’obscurité ambiante, éclairant les spores comme des phares transpercent la neige en hiver. De gigantesques formes se détachaient sur le ciel.
Des Harridans, les bio-vaisseaux Tyranides. De Caen avait déjà lu de nombreuses informations sur ces créatures, mais en voir de ses propres yeux, cette taille, cette odeur, c’en était trop pour son esprit. Des nuées de créatures aux formes rappelant vaguement celles de chauve-souris géantes, descendaient du ciel. Les Gargouilles tournaient autour des vaisseaux posés sur le sol, abattant les Gardes Impériaux paniqués. Une pluie de Bio-Plasma ravageait les rangs des Mordians qui cherchaient des couverts pour se protéger.
De Caen dégaina son Épée Énergétique pour se défendre contre une Gargouille qui l’attaquait. Il lui trancha la tête d’un geste ample, projetant un mucus sur le sol.
Il glissa.
En se relevant il sentit la terre trembler. L’acide corrosif s’attaquait au superstructures des vaisseaux les faisant s’effondrer sous leurs propres poids. Les transporteurs s’écroulaient sur le sol, d’autres explosaient. De nouvelles créatures surgirent du rideau de fumée qui remplissait rapidement la plaine.
Les Termagants et les Hormagaunts bondissants se jetaient sur les Gardes Impériaux. De Caen réalisa qu’ils étaient des milliers, des millions. Tellement nombreux… Beaucoup trop nombreux… Il tua un Xenos, en décapita un autre, coupa le bras du suivant. Un bruit immonde le fit se retourner juste à temps pour voir Hanff fondre sous l’effet corrosif des spores mines. En un instant, il ne resta plus qu’une masse informe de son officier.
En se retournant, il vit le Termagant tirer mais ne sentit pas les scarabées commencer à percer la cage thoracique. Le Général De Caen mourut en quelques secondes, le cœur perforé par les projectiles vivants de l’Écorcheur Tyranide.
Le convoi avait quitté le complexe 132/5 que depuis deux heures lorsqu’un changement climatique intervint. Une tâche noirâtre apparue dans le lointain, comme un orage, sauf qu’elle grandissait à vue d’œil. Depuis sa cabine, Grauss voyait le ciel bleu se couvrir d’épais nuages noirs. Tout autour de la tâche noire grandissante se formait un maelström de nuages qui commençaient à tournoyer. Cela ressemblait à un cyclone, les nuages tournaient très vite. Ils s’étendirent encore plus, et commencèrent à déverser une pluie âcre semblable à du pus. Tous les phares et les essuie-glaces du convoi long de deux kilomètres se mirent en marche à l’unisson.
« Qu’est ce que c’est que ce truc ? » demanda le soldat Femlyn.
« Changement de direction vers l’ouest, nouvelles coordonnées 17.3. Accusez réception ! » La voix du Colonel Tiegl semblait serrée dans sa gorge. Le convoi était lent à répondre et maladroit à la manœuvre, mais il prit progressivement la direction indiquée.
L’air devenait chaud et humide. Grauss réalisa en quelques secondes que cela lui rappelait la station de pompage. Deux camions s’étaient retournés en glissant dans le bas-côté de la route. Trois autres s’immobilisèrent, leur axe de transmission brisé. Le Colonel Tiegl les laissa sur place, ainsi que leurs équipages.
« La plaine de Nacine n’existe plus ! Notre seul espoir est de rejoindre la Ruche de Malvo 8 ! Tout le monde se dirige vers l’ouest ! » cria-t-il sur toutes les fréquences.
Grauss consulta sa carte routière. Malvo 8 était à plus de mille kilomètres, jamais ils n’y arriveraient. Jamais.
Il appuya sur l’accélérateur.
La division blindée Paladian fuyait la plaine de Nacine. Tout espoir de retrouver le convoi 132/5 était perdu. En fait tout espoir était perdu, point à la ligne.
Le Colonel Grizmund fit se retourner la colonne de blindés pour faire face à l’ennemi. Le terrain bourbeux ne facilitait pas les mouvements des Leman Russ. En l’espace de quinze minutes, le champ aride sur lequel ils se trouvaient était devenu un marécage où poussaient des plantes Xenos qui commençaient déjà à absorber les nutriments de la terre. Dans une heure, le Colonel savait que les petites plantes qu’il voyait allaient devenir des grands arbres et transformer le marais en une jungle impénétrable.
Grizmund n’avait pas une heure devant lui, et il ne verrait jamais l’arrivée de la jungle. Les obusiers de ses chars tiraient coup sur coup, essayant d’arrêter la marée de créatures qui se dirigeait vers eux. Les monstruosités étaient annihilées par la puissance de feu des escadrons de Leman Russ.
Puis ses chars commencèrent a exploser. Des Biovores commençaient a tirer des Spores Mines qui immobilisaient les tanks et détruisaient les armes. Des nuées d’Hormagaunts submergeaient les blindés, les Guerriers Tyranides tiraient leurs munitions vivantes et dirigeaient l’essaim par la puissance de leur esprit. Les Zoanthropes, reconnaissables à leurs membres atrophiés et à leur énorme cerveau, flottaient au-dessus de la masse grouillante et détruisaient un char à chaque éclair d’énergie psychique.
Grizmund voyait les griffes des Rôdeurs déchirer les plaques de blindage comme du papier. Il cria aux artilleurs d’accélérer leur cadence de rechargement.
Puis le Carnifex fut sur eux et il écrasa deux Leman Russ dans sa charge. La dernière chose que vit le Colonel fut le tube du Canon Venin qui se tournait vers lui.
Le convoi 132/5 fonçait vers l’ouest. Il avait rejoint la route principale qui menait à la Cité-Ruche de Malvo 8. Il avait tout d’abord réussi à distancer l’orage, mais celui-ci l’avait finalement rattrapé et il se remettait à pleuvoir. Devant lui s’étendait un ciel encore bleu, caractéristique de la saison sèche sur Malvolion, mais les hommes savaient parfaitement ce qu’il en était derrière.
Femlyn vérifia l’état du chargeur de son Fusil Mitrailleur. Grauss sortit son Pistolet Laser de son holster et le tendit à son équipier.
« Vérifie-le. Mon fusil aussi, » ordonna-t-il.
Les essuie-glaces du véhicule avaient du mal à enlever le liquide épais qui tombait du ciel. Grauss tenta de ne pas penser aux spores qui heurtaient la vitre du camion et à l’amas de liquide organique que les essuie-glaces rejetaient à grand-peine.
Les feux-stop du camion de devant s’illuminèrent soudain. Femlyn cria perdant que Grauss freinait à la dernière seconde, pour finir par emboutir le pare-chocs du véhicule qui venait de piler devant eux Le trafic radio devint très chargé. Grauss descendit du camion pour voir ce qu’il se passait à l’avant du convois lorsque quelque chose jaillit de l’arrière du véhicule et sauta sur le capot du 177 en pliant le métal blindé. La créature regarda le Garde Impérial dans les yeux pendant ce sembla être une éternité, la lumière des projecteurs illumina ses dents acérées comme des poignards. Femlyn jeta à Grauss son Pistolet Laser. Le Garde Impérial bascula en arrière et tira sur l’Hormagaunt. Le tir fut précis et arracha l’arrière de la boite crânienne de la bête.
Les colons fuyaient la route, en prise à une panique générale.
Le camion de devant avança de nouveau, roula une dizaine de mètres et tomba dans le fossé. Quatre Termagants se jetèrent sur la cabine, mais seul les deux premiers l’atteignirent, les autres ayant été écrasé par la chute du camion. Grauss remonta dans sa cabine et se remit en route. Femlyn tirait par la fenêtre du camion, ses douilles ricochaient sur le sol. Le convoi avançait tant bien que mal, certains camions restaient sur le bas-côté et Grauss dut ralentir pour dépasser une carcasse en flammes. Une créature se jeta sur le capot, Grauss se baissa rapidement et Femlyn tira une rafale sur la chose à travers le pare-brise.
Un véhicule plus petit arriva à son niveau, et se maintint à la même vitesse. C’était une des jeeps de l’escorte, ses Bolters Lourds jumelés tiraient vers l’avant du convoi. Grauss fit signe au conducteur d’avancer et ralentit pour le laisser passer. Quelques secondes plus tard, une sorte de grosse sphère organique vint s’écraser sur la route. L’acide commença à attaquer le bitume. Grauss accéléra pour passer sur le mucus qui recouvrait la section de route. Les pneus de ses roues commencèrent à fumer.
Derrière-eux, sur la route, le convoi continuait d’avancer. Les véhicules d’escorte balayaient les champs alentour pour éloigner les Lictors qui s’approchaient. Les Termagants se faisaient écraser sous les roues des camions. Touchés par plusieurs Écorcheurs, un camion quitta la route pour rouler quelques mètres dans les champs avant de s’immobiliser définitivement. Des Spores Mines tombaient régulièrement, l’une d’elles toucha le véhicule d’escorte qui explosa dans une gerbe de sécrétions acides.
Les blindés d’escorte du convoi, quatre Chimères et une demi-douzaine de Chars Leman Russ en camouflage Mordian, se traînaient péniblement sur la route derrière le convoi qui fuyait pied au plancher. Des Hormagaunts submergèrent deux des Chimères, recouvrant leur carrosserie avant de s’engouffrer à l’intérieur. Les deux autres Chimères s’arrêtèrent et commencèrent à tirer sur le flot incessant de créatures. Les Mordians ne pouvaient se résoudre à mourir sans combattre. Un tir de Bio-Plasma détruisit la première. La deuxième reçut un éclair d’énergie verdâtre et explosa quand ses munitions prirent feu. Un de Leman Russ fut détruit par un trio de Lictors qui arrachèrent les plaques de blindage du véhicule comme les pétales d’une fleur. Des spores corrosives réduisirent en pulpe les derniers Leman Russ, le métal ne supportant pas le contact avec l’acide des bio-munitions.
Debout à l’arrière d’une jeep, le Colonel Tiegl s’occupait lui-même de l’arme sur pivot. Il arrosait la route d’une pluie tirs, libérant le chemin pour les derniers camions encore capables de rouler. L’explosion d’une spore l’aspergea d’un liquide épais qui commença à attaquer sa peau après quelques secondes.
Avant même que la jeep ne sorte de la route, le Colonel n’était déjà plus qu’un tas de chair sanguinolente qui pendouillait au bout de la poignée du Bolter Lourd. Les spores nécrotiques en avaient terminé avec lui.
Femlyn tirait d’un côté avec son Fusil Mitrailleur tandis que Grauss s’occupait de l’autre avec son Fusil Laser, ne conduisant le camion que d’une seule main. L’unité 177 ne se déplaçait plus, les pneus, l’arbre de transmission et le moteur avaient été touchés par des Écorcheurs, ne laissant que des trous fumants.
« Regarde, là-haut ! » s’écria Femlyn.
Des petits points lumineux apparaissaient dans le ciel noir. Ils s’approchaient rapidement et Grauss put distinguer des rétrofusées se mettre en marche. Des Modules d’Atterrissage qui entraient dans l’atmosphère, cela ne pouvaient être que ça. Une dizaine, deux, trois dizaines…
« Loué soit l’Empereur ! » haleta Grauss.
Les premiers modules atterrirent.
Ils étaient venus, comme promis. L’Adeptus Astartes. Les Space Marines en armures jaunes des Lamenters brillaient sous la lumière des soleils mourants lorsqu’ils sortirent de leurs Modules d’Atterrissages, adoptant une position de combat.
L’élite des guerriers de l’Imperium se déploya, armée de Bolters, de Lance-Flammes et de Fuseurs. Les Termagants les Hormagaunts étaient annihilé par leur puissance de feu. Les Lances-Flammes purifiaient le sol de la végétation Xenos, les Gargouilles s’écrasaient sur le sol, les ailes déchirées, et les tirs de Fuseur vaporisaient les Rôdeurs.
Grauss resta bouche bée devant un tel déchaînement de puissance. Un Space Marine écrasa le crâne d’un Guerrier Tyranide avec son Gantelet Énergétique, un autre tira un Missile Antichar sur un Zoanthrope qui explosa dans les airs.
Les Mordians, revigorés par la charge furieuse des Lamenters, se lancèrent dans la mêlée. Grauss tua un Hormagaunt en le coupant en deux d’un tir de Fusil Laser. À sa droite, quatre Space Marines tuèrent un Lictor sous les rafales de leurs Bolts
« Nous pouvons survivre, nous le pouvons ! » pensa triomphalement Grauss.
Un cri inhumain fit se retourner le Garde Impérial, Femlyn venait d’être tranché deux par un Carnifex. Son Canon Venin tirait sans discontinuer alors que ses griffes gigantesques s’abattaient sur les Mordians.
Deux Lamenters ouvrirent le feu sur la monstruosité venue d’ailleurs, et lorsqu’elle se retourna, son visage disparut dans une gerbe de plasma. Malgré tout, ses deux énormes griffes s’abattirent sur les Space Marines, les décapitant tous les deux.
Grauss s’arrêta dans sa course. Il avait toujours pensé que les Space Marines étaient immortels, tels des incarnations vivantes de l’Empereur-Dieu de Terra. Ils ne pouvaient pas mourir !
Et pourtant, c’était vrai. Il regarda le casque fendu d’un des cadavres, le visage du mort semblait paisible.
Il s’éloigna, mais vit de nouveau un Lamenter se faire couper en deux par un Lictor à une quinzaine de mètres. Un Rôdeur en emporta trois de plus, déchirant leurs armures de ses puissantes griffes.
Puis Grauss vit ce qu’il y avait de pire, ce qu’aucun œil humain n’avait jamais encore vu. Quatre Space Marines Lamenters fuyaient devant la marée ennemie.
Ils couraient, cherchant un abri contre le Zoanthrope qui les poursuivait. La créature volante envoya un éclair qui frappa le premier, le faisant disparaître dans une gerbe d’énergie et continua de se rapprocher des trois autres. L’un d’eux bifurqua sur la droite mais fut arrêté par un Guerrier Tyranide qui lui sectionna les jambes. Un autre encore fut touché par un éclair du Zoanthrope, tomba au sol et se retrouva submergé par des Termagants.
Le dernier parcouru vingt mètres de plus avant de disparaître dans une boule d’énergie qui le frappa dans le dos.
Grauss ne pouvait y croire.
Durant les vingt premières minutes de l’assaut, les Lamenters avaient creusé un trou dans la marée Tyranide. En à peine cinq minutes, ils s’étaient fait exterminer.
Deux Lamenters tuèrent un Carnifex en le criblant de balles de Bolter mais furent massacrés par un flot de Termagants avant de pouvoir recharger leurs armes.
Grauss vit s’avancer un Tyran des Ruches qui découpait les Space Marines comme un fermier fauchant les blés. Les formes monstrueuses des Biotitans se détachaient dans le lointain.
Le dernier des Lamenters mourut trente-minutes après avoir posé le pied sur Malvolion.
Le convoi était en flammes.
Désespéré, Grauss se jeta dans un trou d’obus. Il sentait la végétation Xenos pousser sous son dos. Sa peau était recouverte de parasites et de champignons.
À l’horizon, il put distinguer les nuées de Voraces qui commençaient à tout assimiler, ne laissant derrière elles que la roche à nu. Elles dévoraient la planète tout entière.
Le soldat de première classe Karl Grauss recommanda son âme à l’Empereur-Dieu et à ses parents disparus il y avait bien longtemps de cela. Il repensa à son pays natal qu’il n’avait pas vu depuis tant d’années et ferma les yeux lorsqu’il mit le canon du Fusil Laser dans sa bouche…
Source
- ABNETT DAN, La Chute de Malvolion, White Dwarf N°82 (Février 2001)