Bataille de Malak
Les dévoreurs de mondes !
Les bourreaux sacrés du Dieu du Sang !
L’infâme Légion de Khorne !
Nul n’honore plus le Seigneur
des Crânes, nul ne s’engage plus
dans la bataille en son Nom.
Nombreux sont ceux qui traitent
les World Eaters de fils brisés,
fragmentés, d’un père détruit.
Ces sots tombent bien vite sous les
dents des armes ensanglantées, leurs
crânes jetés sur une pile d’offrandes.
Pourtant, malgré toutes leurs boucheries
sacrées, aucun dans cette fraternité bénie par
le sang ne peut se comparer à son géniteur.
Il est l’ouragan acéré. Il est la bête
implacable, la fureur incarnée, le demi-dieu
cramoisi du carnage. Il est l’Ange Rouge.
Démons et mortels ont tué et ont lutté
pour avoir l’honneur de combattre
dans ombre charnelle.
Il est Angron, le dévoreur de monde,
et sa venue annonce la mort.
DÉBUT DE LA VIDÉO >>
L’image apparaît, vacillante, granuleuse, saturée de parasites. Le bruit des hélices gravitationnelles et le tremblement de la caméra suggèrent un Servocrâne ou un appareil d’enregistrement similaire. Un grand espace apparaît. Il laisse supposer un plafond haut et caverneux et des empilements de formes rectangulaires sous des bâches. Un entrepôt. L’éclairage se limite à des colonnes grisâtres filtrant d’ouvertures invisibles au-dessus. Des silhouettes aux vêtements étranges se déplacent dans les flaques de lumière. Plusieurs portent des cuirasses noires et des armes en bandoulière. Une autre est affublée d’une grande robe et de stylets d’écriture à la place des doigts. Une femme puissamment bâtie traverse l’image, vêtue d’une tenue à mi-chemin entre un costume de bouffon et la combinaison sombre d’un assassin.
Deux éléments unissent les silhouettes. La première est le "I" stylisé qu’elles portent toutes quelque part sur elles, cousu sur leurs vêtements ou sous forme de pendentif. L’autre est qu’elles transportent des brassées de bois vers un bûcher. À présent, le capteur audio détecte des voix qui s’approchent rapidement et sont accompagnées du bruit d’une chose lourde traînée sur le sol en pierre.
« …n’avons pas le temps pour cette comédie, Sigfyrd. Tu n’écoutes pas, l’Ange Rouge arrive ! Il ne peut pas être banni, plus depuis que la galaxie est déchirée en deux. Plus depuis que les marées de la Mer des Âmes se déversent sur le fief de l’Empereur-Dieu. »
L’impact d’une claque retentit. Un Acolyte passe et grimace devant une chose hors du champ de vision, puis se hâte de déposer son fagot. Une autre voix parle maintenant, toujours en se rapprochant. Le raclement reprend.
« Garde le nom de l’Empereur-Dieu hors de ta sale bouche de radical, Prendis. Tu es indigne de le prononcer. »
Les protagonistes apparaissent. L’un d’eux, corpulent et courroucé, porte un grand manteau bouffant, avec un large chapeau sur ses cheveux noirs et gras. L’autre, traîné par ses poignets entravés, est un homme plus petit, au crâne rasé, vêtu d’une robe cramoisie en lambeaux. Il a une lèvre fendue et un œil poché. À la vue du bûcher et du poteau qui s’y dresse, il lutte de plus belle et sa voix s’élève.
« Sigfyrd ! Tu ne peux pas faire ça ! Tu ignores les sacrifices que j’ai faits, les vies perdues pour apprendre ce que je sais ! »
Le chasseur de sorcières semble impassible. Avec l’aide de le grande femme et d’un des soldats, il soulève Prendis et l’attache au poteau. Un dessin est maintenant visible sur le torse du petit homme, un "I" stylisé eu centre d’une rune en forme de crâne. La caméra ne peut se focaliser dessus sans que l’image ne se déforme. Essoufflé, Prendis reprend rapidement.
« Huit jours, huit heures, huit minutes. C’est le délai entre son bannissement et son retour ! Chaque fois, il revient sur le site d’un massacre épouvantable, toujours précédé de ses Augures Écarlates ! Ce sont des avertissements de l’Empereur-Dieu ! »
« Laisse-moi deviner, » l’interrompt Sigfyrd tandis qu’un des soldats lui tend un Lance-Flammes. « Ils sont huit. »
« Oui ! » s’exclame Prendis. « La Pluie de Sang, les Stigmates Impies, la Tempête de Haine… »
« Et à quoi sert ce prétendu savoir entaché d’hérésie ? » demande Sigfyrd tout en testant l’allumeur du Lance-Flamme dans un claquement sec.
« Je sais où il est revenu cette fois ! » hurle Prendis, avec le désespoir d’un homme dont l’œuvre d’une vie s’embrase sous ses yeux. « Je sais où il va ! Nous devons les prévenir ! L’Orphéon Psychique doit être réduit au silence. Il va attirer Ang… »
Le rugissement du Lance-Flammes étouffe les derniers mots, suivi du crépitement du brasier, et les cris stridents de l’homme.
« Contactez Dame Emagna, » ordonne Sigfyrd à quelqu’un hors champ en regardant la silhouette sur le bûcher se tordre et brûler.
« Dites-lui que les mensonges des radicaux ont été étouffés. »
La pièce n’était plus que ruine. La dévastation était si absolue que même le capitaine du vaisseau aurait eu du mal à déterminer s’il s’agissait d’un pont d’armement ou d’une chapelle, d’un poste d’équipage ou d’une baie de lancement. Les murs, le plafond et le sol étaient carbonisés, striés de longues entailles irrégulières. Il n’y avait pas d’air. Un pan de mur avait été ouvert sur l’espace, une blessure béante percée à travers la cuirasse du Conqueror. Le contenu de la pièce avait été aspiré dans le vide.
Tout mortel encore piégé ici après la fermeture des volets d’urgence aurait été tué par la décompression explosive ou le vide de l’espace. De toute façon, aucun mortel n’aurait pu endurer le tourbillon de violence ayant ravagé la pièce.
Mais la créature qui se tenait au cœur du saccage n’était pas un mortel et ne souffrait pas de leurs faiblesses. Elle ne remarqua même pas l’environnement hostile qui l’entourait. Angron observa l’espace qu’il avait détruit sans se soucier de ce qu’il était, ni de la raison pour laquelle il l’avait saccagé. Il ne se souvenait que de la rage incandescente qui avait palpité au rythme des coups de marteau frappant son esprit, et du torrent de violence qui avait déferlé en lui. À présent, il n’y avait plus que la colère qui couvait constamment en lui, cette fournaise qui le consumait de l’intérieur depuis d’innombrables siècles. Et le martèlement interminable des Griffes du Boucher.
Un vague souvenir remonta à la surface : celui d’un être semblable à lui, mais inférieur, un frère emporté par le temps et la guerre. Il se souvint de son assurance quand il lui avait dit que des demi-dieux tels qu’eux pouvaient supporter n’importe quelle douleur, même celle des Griffes, qu’elle finirait par s’émousser et refroidir comme le fer tiré de la forge, qu’il suffisait de la travailler avec le marteau de la volonté jusqu’à ce qu’elle se replie sur elle-même pour en tirer une force nouvelle.
Le mépris bouillonna en Angron comme de la lave débordant d’un cratère en ébullition. Les mots de son frère n’étaient pas de la gentillesse, mais une insulte née de l’ignorance. Angron les voyait comme ceux d’un seigneur gâté réconfortant son chien affamé en lui disant que sa faim en ferait un meilleur chasseur.
Angron n’était pas dupe. Certaines blessures saignaient sans jamais guérir. Il y avait des nuances de souffrance dans la vie qui ne s’émoussaient jamais, mais qui s’affûtaient, voire s’aggravaient avec le temps. Les rares répits dans sa douleur éternelle n’existaient que pour accentuer les prochains pics de souffrance.
La douleur ne le renforçait pas, mais elle ne l’affaiblissait pas non plus. Elle était juste là. La chose qui renforçait Angron était simplement Angron.
Il arpenta la pièce en ruine jusqu’au bord de la brèche qu’il avait créée. Dans un instant de lucidité, il prit conscience qu’il se trouvait au sommet d’une des étranges flèches gothiques ayant jailli de la coque du Conqueror comme des éperons osseux difformes. Criblant les structures d’une manière semblant aléatoire, les pièces et les corridors de ces tours n’avaient pas les cloisons aussi solides que les murs extérieurs épais de la structure principale du vaisseau. C’était, selon Angron, une faiblesse inexcusable engendrée par la sorcellerie corruptrice. Il avait fendu la peau du bâtiment de l’intérieur avec une facilité déconcertante.
Un souvenir tenta d’émerger au milieu de la désolation brûlante de ses pensées, celui d’une époque où le Conqueror n’avait pas de telles faiblesses.
« Il suffit. Tirez les griffes Ursus ! »
La voix d’un fantôme. Elle résonnait depuis les puits sombres de la mémoire, si coagulés de vieux sang qu’ils étalent devenus noirs.
Le souvenir glissa entre ses doigts et disparut. C’était un grain de sable sur le sol de l’arène, éclaboussé de sang et transformé en boue écarlate. Angron enfonça ses serres dans le métal avec frustration. Ses lèvres se retroussèrent sur les crocs hérissant sa bouche.
Il regarda à travers la brèche les étoiles dispersant l’obscurité veloutée au-delà. Le pouls de leurs lumières lointaines battant au rythme du martèlement infini dans son esprit.
Il haïssait leur pureté.
Il les haïssait parce qu’elles ne pouvaient pas ressentir la douleur.
Il les haïssait parce qu’un jour, bien qu’elles vivent pendant des millions de vies humaines et brûlent presque aussi furieusement que lui, elle finirait par mourir de leur plein gré.
Angron se souvint d’autres étoiles dominant des champs de bataille et des mondes en flamme, ou en toile de fond de vaisseaux embrasés qui se livraient la guerre dans le vide impassible. Elles lui rappelaient des spectateurs installés dans leurs sièges surélevés, loin de la douleur et de la haine de ceux qui combattaient pour les divertir.
« Arrogantes… » grogna-t-il. La voix d’Angron évoquait des rochers déchiquetés se broyant les uns les autres pour former des débris en fusion au cœur d’un volcan déchaîné. C’était le grondement des chenilles de chars écrasant les os, le crépitement des flammes au milieu des ruines. Elle résonnait à travers le vide au mépris des faibles lois physiques de la réalité.
Angron haïssait les étoiles avec la même passion qu’il haïssait toutes les autres choses de l’existence. Pourtant, leur ardeur lointaine n’était rien comparée à l’éclat surnaturel de la lumière qui l’attendait quelque part devant lui. Il la haïssait avec encore plus de véhémence.
Les étoiles brûlaient d’un feu né de la réalité. La lumière au devant était différente, bien plus douloureuse à contempler, et engendrée par le chant d’une sorcellerie sournoise.
Bien que la pièce dans laquelle il se trouvait fût vaste et haute de plafond, l’élu de Khorne se sentit soudain confiné comme un animal dans une cage. Il se jeta vers le vide. Il allait affronter la lueur sans contrainte et avec colère.
Angron déploya ses ailes et s’envola dans les ténèbres. Tout comme les restrictions du son dans le vide n’avaient aucune prise sur la matière Warp concentrée de sa forme corporelle, les notions d’inertie ou d’apesanteur ne l’affectaient pas. Il ne volait pas par un processus banal de déplacement d’air ou de force appliquée. Il volait parce qu’il le voulait, et sa volonté était capable de dominer la réalité. Angron combattait l’existence comme n’importe quel autre adversaire, et comme n’importe quel autre adversaire, il la brisait sans effort.
Il prit de l’altitude jusqu’à ce que la coque du Conqueror défile sous lui comme le corps d’un léviathan dans les profondeurs marines. La lumière des étoiles blanchissait le flanc tribord du vaisseau tout en plongeant le flanc bâbord dans l’obscurité. Angron grimaça à la vue de la corruption du Warp ayant enfoncé profondément ses vrilles dans son ancien vaisseau amiral.
Un être plus sentimental aurait ressenti de la tristesse ou du regret devant ce spectacle. L’Ange Rouge n’éprouvait qu’une rage et une douleur sans fin. Le Conqueror n’était ni plus ni moins souillé par le Chaos que lui, et lui aussi combattrait pour Khorne. Comme son maître, il récolterait un butin glorieux au nom du Dieu du Sang.
La structure cyclopéenne du pont était située près de sa quille, et elle se dirigeait maintenant vers lui. Angron battit à nouveau des ailes, pivotant dans le vide, pour se percher au sommet d’une flèche crénelée telle une énorme gargouille cramoisie. Il tourna son regard courroucé au loin, vers la lumière qui se faisait plus brillante et proche à chaque instant.
Elle n’illuminait pas l’œil mais l’esprit. Le Primarque Démon sentait que sa source était encore lointaine ; il lui faudra plonger encore une fois au moins dans les flots déchaînés du Warp. Pourtant, il sentait déjà sa chaleur incorporelle grésiller contre sa chair, percevait son aura psychique distante mais intense, et goûtait la souillure grasse de sa sorcellerie sur sa langue fourchue.
Angron haïssait la sorcellerie avec une intensité presque égale à celle du Dieu Sombre dont le pouvoir coulait en lui. Il aurait volontiers remonté cette piste jusqu’au bout, que le soi-disant Maître de Guerre le lui ordonne ou pas. Rien n’avait jamais dissipé les souffrances du Primarque déchu, mais le massacre aveugle de sorciers les rendait certainement plus supportables, au moins pendant les quelques instants nécessaires pour dissiper leurs tours de passe-passe et les démembrer.
Pourtant, quelque chose d’autre l’attirait vers cette balise mystique. Son attraction était aussi magnétique qu’exaspérante… mais aussi douloureusement familière d’une manière indéfinissable. Cela ne faisait qu’alimenter les flammes de sa colère, et ses griffes se resserrèrent et déformèrent le métal tandis que les Griffes martelaient sans cesse sous son crâne.
D’autres souvenirs déferlèrent dans la chaleur infernale de son esprit. Il revit sa rébellion, ses camarades de Desh’ea mourant les uns après les autres, lui qui brûlait de les rejoindre, mais qui se faisait enlever par un être lumineux qu’il haïssait plus que tout.
Campé devant les murs du palais de cet être, il défiait Ses protections et Ses armes, et sacrifiait sa chair et son sang à Khorne. Puis il se dressait, paré d’hémoglobine et de cuivre brûlant, et combattait à nouveau, au nom du Seigneur des Crânes.
Pourquoi cette balise psychique avait-elle fait resurgir des pensées de son père hors du bourbier sanglant de sa mémoire ? Angron ne voulait pas penser à l’Empereur, et il savait que la lumière devant lui n’était pas celle de l’Astronomican. Mais cette familiarité exaspérante persistait, comme une écharde logée dans la viande de son esprit. Il rejeta la tête en arrière et rugit, d’un son résonnant dans le vide comme un coup de tonnerre. Il apprendrait la nature de cette lueur infâme bien assez tôt, et alors, il ravagerait autant que nécessaire pour l’éteindre.
Angron ne se battrait pas seul, même s’il se souciait peu de telles choses. Se détournant de la lueur, il observa sa flotte. Tel un coin dentelé, une véritable armada de vaisseaux renégats s’étendait derrière le Conqueror. D’anciens cuirassés et croiseurs de la Marine Impériale se disputaient leurs positions avec de redoutables bâtiments Space Marines, d’étranges navires du Mechanicum Noir, et même avec quelques vaisseaux appartenant ou pris à des mercenaires Xenos. Au cœur de leur formation naviguait un Space Hulk immense au dus duquel scintillait un portail Warp. Il était vaguement conscient qu’il s’agissait du Clarion Dire, commandé par le Seigneur Karakka Bloodfist et censé récupérer un butin sur Malakbaël pour le Fléau. Si Abaddon comptait sur Angron pour défendre cet agrégat d’épaves qu’il appelait un vaisseau, ou pour faciliter sa mission, il serait déçu. Cette seule présomption le fit grincer des crocs avec fureur.
Presque tous les navires rassemblés présentaient un certain degré de corruption, qu’il s’agisse d’extrusions de chair métallique luisantes de sang, de chaînes d’airain barbelées évoquant des tentacules, de têtes de chiens géantes aux mâchoires enflammées, ou d’une myriade d’autres difformités. Angron distinguait également des dizaines de schémas de couleur et d’héraldiques différents. Certains étaient affichés avec une fierté martiale, d’autres semblaient avoir été peints à la hâte et étaient parés de traces d’explosion et de cadavres empalés.
Des dizaines de bandes renégates, de Chapitres félons, de régiments déchus et de Legios Titaniques hérétiques étaient présentes. Mais les vaisseaux des World Eaters les surpassaient tous en nombre. Partout, l’emblème se répétait : une planète condamnée piégée dans des mâchoires. Il apparaissait sur d’antiques barges de combat aux coques de cuivre terni couvertes de sang, sur les proues et les flancs de croiseurs et d’escorteurs parés de teintes écarlates et d’os, et même sur quelques vaisseaux portant encore les vestiges du blanc et du bleu de leur Légion.
Angron ignorait et se moquait de savoir comment un si grand nombre de ses World Eaters avaient pu se retrouver ici. Il ne doutait pas qu’il s’agissait du plus grand rassemblement de leurs forces depuis les derniers jours de le guerre vaine d’Horus. Un mécanisme ou une machination les avait tous rassemblés pour le suivre dans l’assaut de la balise surnaturelle, mais s’il en était l’origine, il ne s’en convenait pas. Peut-être était-ce dû au Fléau ?
Cette pensée raviva la colère d’Angron. Il n’avait pas besoin de cette armée immense sur ses talons, Il n’avait pas besoin de renforts et n’appréciait pas l’implication de faiblesse qu’elle représentait.
Pourtant, il savait quelle dévastation inimaginable elle pouvait déclencher. Il entrevoyait le bain de sang cataclysmique à venir, la montagne de crânes élevée en hommage à Khorne. Cette pensée décupla l’ire des Griffes, le délogeant de son perchoir. Dans un nouveau rugissement, Angron sauta dans le vide et battit furieusement des ailes, comme si cette violence pouvait chasser la douleur.
Alors qu’il volait, Angron vit d’autres vaisseaux dédiés à Khorne surgir du Warp. Leurs coques abîmées libéraient des flots d’ectoplasme qui s’effilochaient et striaient le vide de filaments empyréens. Ils lui évoquaient des entrailles, les tripes arrachées d’un ennemi, répandues encore fumantes sur le sol.
Les retardataires espéraient s’imposer dans la formation, chacun essayant de se placer aussi près que possible du glorieux Conqueror. Angron vit les ponts d’armement s’activer et les tourelles pivoter tandis que les navires cherchaient à se frayer un chemin, les crocs sortis pour menacer les membres inférieurs de la meute. Un énorme cuirassé de classe Oberon, paré de toute la panoplie des World Eaters, dispersa un essaim de frégates en se plaçant à une proximité insolente du vaisseau amiral. Angron se demanda un instant si Khârn était à bord. L’agressivité caractérisée de la manœuvre évoquait sa franchise brute, et l’Ange Rouge ne doutait pas que son ancien écuyer se trouvait quelque part au milieu de ce déploiement de forces.
Quelle taille atteindrait la flotte, se demandait-il ? Et combien de temps pouvaient attendre autant de dévots du Seigneur des Batailles avant que leur patience ne s’effrite, avant qu’ils ne tournent canons et lames les uns contre les autres et ne fassent des offrandes écarlates à Khorne ?
Au bout du compte, ces questions n’avaient aucune importance, car ni le Conqueror ni lui n’attendraient plus longtemps pour le savoir. Le vaisseau était sorti de l’Immaterium pour caler un cap astromantique en vue de son dernier saut Warp vers le Système Malak. Que ces repères aient été finalisés ou non, Angron ordonnerait une translation. Il ne craignait pas la Mer des Âmes, et se moquait du sort de ceux qui le suivaient. Que les plus forts survivent ; ils s’avéreraient peut-être capables de prendre des crânes loyalistes sur Malakbäel.
Alors que l’Ange Rouge plongeait vers l’une des baies d’embarquement du Conqueror, il sentit à nouveau l’éclat intrusif de la balise, et sa rage s’enflamma à son contact. Les Griffes du Boucher martelaient, inexorablement son esprit, et il se jura de noyer dans le sang cette maudite lumière jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus jamais être allumée.
• • •
Dans un lieu aussi surnaturel que lointain, le sanctuaire d’une Arche Fatidique perdue dans les marées du Warp, un énorme orbe de cristal palpitait et brillait en montrant Angron disparaître sur le pont d’embarquement du Conqueror. Trois colosses cuirassés se tenaient à équidistance autour de la sphère, leurs bâtons de force brandis. Le feu sorcier qui bondissait entre les têtes des bâtons illuminait les trois guerriers-mystiques il dansait sur les Armures Énergétiques déformées arborant la livrée des Scourged. une bande adoratrice de Tzeentch.
Leur chef portait une robe ample sur son armure. Son casque s’ornait d’une paire de cornes recourbées, et sa visière était lisse et sans yeux. Son nom était Apophari Quen, Primat de la Cabale du Narrouvrage, et il était le maître de l’Arche Fatidique baptisée Stygian Heart. Quand Quen parlait, sa voix suintait dans l’air alentour en un concert de murmures entrelacés.
« Même de loin et avec le Warp pour alimenter notre sorcellerie, notre surveillance de la bête est ardue. Sa nature même repousse la magie. »
« Pourtant, nous en avons vu assez, non ? » gronda Memnech Krade. Grand Magister des Nonuples Maudits, la garde d’élite de Quen, il portait une imposante Armure Terminator mutée. Il n’avait ni casque ni tête, mais voyait la vérité immuable à travers les neuf yeux jaunes qui avaient poussé sur sa cuirasse.
« En effet. La bête fond sur Malakbäel. Si nous ne nous hâtons pas, elle va piller notre trésor. »
« Cela ne doit pas être permis, » cracha Lakshet-Dans-l’Ombre, le troisième. Il était voûté, sa carapace tordue et festonnée d’ouvertures vox et de capteurs auditifs. C’était à la fois la bénédiction et la malédiction des Scourged d’entendre tous les mensonges proférés par les mortels, mais lui l’avait poussée à une extrémité macabre. Aucun son, aucune pensée n’échappait à ses perceptions surnaturelles. À la fois maître espion et Grand Aruspice de la Cabale, c’était lui qui avait le premier appris l’existence de Malakbäel et de son trésor occulte.
« Cela n’arrivera pas, » répliqua Quen. « La duplicité à l’œuvre sur Malakbäel, les pouvoirs interdits libérés… ce sont autant de joyaux destinés aux doigts habiles de l’Architecte. Les stupides chiens de Khorne ne doivent pas les saccager. »
« Et le trophée d’Abaddon ? » intervint Krade alors qu’ils abaissaient leurs bâtons et que l’image du Conqueror disparaissait de leur orbe de vision.
« La Cabale a dévasté Aelech IV comme il l’a commandé, » rétorqua Quen. « Nous avons livré sa babiole par la faille de la chambre rituelle. »
« Il cherche quelque chose d’autre ici, sinon il n’aurait pas envoyé le Clarion Dire avec l’ost d’Angron, » insista Krade. « Il le saura si nous volons ce qu’il désire. »
« Mais pas la même chose que nous, » objecta l’espion. « Même moi j’ignore quel colifichet intéresse le Maître de Guerre, mais je sais que ce n’est pas l’engin réveillé par les sbires du Trône. Tant que notre attaque ne gêne pas les agents d’Abaddon, je ne vois pas comment nous pourrions l’irriter. Notre présence ne fera qu’augmenter l’armada d’Angron, non ? »
« Tant de navires, tant de guerriers, » scanda le Grand Magister. « Quelle force les adorateurs du cadavre possèdent-ils sur Malakbäel, pour qu’on envoie un tel ost l’affronter ? »
« Tzeentch nous aidera dans cette entreprise, » répondit Quen. « Quelle est la puissance de cette sorcellerie, et comment pourrons-nous l’utiliser en faveur de l’Architecte ? Il verra et il nous aidera. »
« De plus, si nos adversaires sont aussi nombreux que tu le crains, la bête et ses sbires seront sur nos talons, » ajouta Lakshet-Dans-l’Ombre, d’une voix à l’accent moqueur. « Qu’ils s’entre-déchirent pendant que nous récupérons notre butin. »
« Nous devrions envoyer des éclaireurs pour évaluer la force de l’ennemi, » reprit Krade. « Tu l’as dit toi-même, l’éclat étrange perturbe nos augures. Ce n’est pas dans nos manières de combattre à l’aveuglette. »
« Tu as assez d’yeux pour nous tous, Krade, » déclara Quen. « J’écoute ton conseil, mais je ne peux le suivre. Tout retard serait inadmissible. La bête arriverait avant nous et saccagerait notre objectif. L’Architecte ne nous aurait pas dévoilé ce secret pour nous voir échouer. Prévenez les capitaines de la Funesteflotte. Nous partons en guerre ! »
Flotte Quartus
Les Flottes de la Croisade Indomitus étaient d’immenses organisations composées de plusieurs Groupes de Combat, tous d’énormes flottilles à part entière, assez fortes pour conquérir des sous-secteurs entiers. Malgré leur puissance, ces armadas étaient chargées de stabiliser une galaxie sombre et agitée, et leurs routes étaient jonchées de dangers.
Lorsque la Flotte de Croisade Indomitus Quartus quitta son système de rassemblement, elle le fit à grand renfort de fanfares. Des centaines de vaisseaux transportèrent des milliards de guerriers dans les ténèbres, tous déterminés à reconquérir les systèmes de l’Imperium Sanctus après l’anarchie et l’horreur de la Noctis Aeterna. Ses Groupes de Combat établirent leur cap et plongèrent dans le Warp, chacun selon les ordres initiaux donnés à leurs maîtres de groupe respectif.
La Flotte Quartus était chargée de se diviser et de se diriger vers l’est et l’ouest galactique. Son rôle était de sécuriser et de fortifier les systèmes déjà purifiés par les Groupes de Combat de plusieurs autres Flottes de Croisade Indomitus, tout en purgeant les régions voisines de tout élément hostile restant.
Ce n’était pas le rôle le plus glorieux, mais le Maître de Flotte Trinicus Abcondis comprenait qu’il n’aurait pas été ordonné si le Seigneur Guilliman ne l’avait pas cru nécessaire. Il était donc déterminé à faire son devoir au mieux de ses capacités, et à assurer la purge et la fortification de tous les sous-secteurs où ses Groupes de Combat étaient envoyés. Malgré ses bonnes intentions, cependant, les ennuis d’Abcondis se multiplièrent rapidement.
Périple Maudit
Il y eut d’abord la campagne des Astres Bargheist. Les Groupes de Combat Cerastus, Gamma et Lambdax s’étaient rués pour aider le Chapitre des Rift Stalkers à conclure sept années de conflit meurtrier contre les forces hérétiques de cette région. Hélas, la victoire vira au bain de sang lorsque les Orks de la Waaagh! Grukk attaquèrent alors que les armées impériales célébraient leur triomphe. Une missive lugubre avertit le Maître de Flotte Abcondis que les trois Groupes de Combat étaient aux abois et seraient engagés dans les Astres Bargheist pour longtemps encore.
La Folie de Kelmer succéda à une série de victoires de plus en plus improbables sur les cultes du Sous-secteur d’Ysmar. Le Maître de Groupe Kelmer engagea l’intégralité de la force Forthrax dans l’attaque du Système Stygion. Ses lieutenants et ses conseillers l’avaient enjoint à la prudence, mais le noble belliqueux n’en eut cure. Il préféra aller asséner en personne ce qu’il croyait être le coup de grâce sur le quartier général ennemi. L’embuscade tendue par les forces de l’Alpha Legion et des Night Lords fut sauvage et lui coûta plus d’un tiers de ses effectifs, et Kelmer y perdit la vie. Yosharo DuGal, le Maître de Chapitre des Void Talons, réussit à extraire les forces restantes et prit le commandement, mais la défaite n’en fut pas moins infamante.
D’autres conflits émergèrent. La Ceinture d’Agorad, soi-disant pacifiée, dévoila une infestation de cultes xenos qu’il fallut huit mois pour éradiquer. Sur Jormangast, des séparatistes renégats assassinèrent l’illustre oracle Asclemanda, privant ainsi le Groupe de Combat Kilox de sa maîtrise du Tarot Impérial. Le pillage généralisé des rations et la pénurie de carburant ralentirent la force Dominus de plusieurs semaines durant la Poussée Dhorique. Les raids incessants des Drukharis freinèrent l’avancée dans la Nébuleuse de Porphys, peu avant qu’Abcondis lui-même ne soit blessé lors de l’abordage du Honour of Terra, son vaisseau amiral, par des Space Marines du Chaos. Le Maître de Flotte fut incapable de remplir ses fonctions pendant sa convalescence et, lorsqu’il retourna au front, des tempêtes Warp avaient surgi de nulle part pour bloquer l’élan de sa flotte vers l’est.
Abcondis approchait du point de rupture. On l’entendit observer que, si la malchanceuse Cinquième Flotte était considérée comme maudite, il n’osait imaginer ce que l’on disait de la Quatrième. Les conditions empyréennes s’étaient tellement dégradées sur la trajectoire de la flotte Quartus que toutes les communications astropathiques était presque impossible et que même le plus court des sauts Warp était suicidaire. Abcondis était si désespéré qu’il avait chargé ses agents les plus fiables de demander de l’aide par tous les canaux disponibles, même ceux qualifiés de suspects, voire illégaux. Il devait trouver un moyen pour que la Quatrième Flotte puisse rattraper son programme de conquêtes et honorer son devoir envers le Seigneur Guilliman.
L'Orphéon Psychique
La réponse au dilemme d’Abcondis vint de Dame Emagna, une Inquisitrice de l’Ordo Hereticus. Lorsque l’humble Emagna au crâne rasé se présenta dans son sanctuaire de commandement, le Maître de Flotte la prit d’abord pour une scribe égarée. Lorsqu’il apprit sa véritable identité et contempla sa rosette de l’Ordo, il craignit qu’elle ne soit venue le juger pour ses échecs. Abcondis fut donc dérouté lorsque Dame Emagna révéla enfin qu’elle était venue à la fois pour le soutenir et pour demander son aide en retour.
Emagna lui parla de la planète Malakbäel, dans le Système Malak, que le hasard avait placé à la limite de l’avancée Est de l’armada. Sur ce monde, les agents d’Emagna avaient découvert un antique dispositif archéotechnologique d’une taille immense et d’une puissance potentiellement incroyable. L’opinion des Technoprêtres à son service était que cette machine, dont la spire de siphonnage plongeait jusqu’au noyau de la planète, datait du Moyen-Âge Technologique. Pourtant, Emagna assura à un Abcondis alarmé qu’elle et ses camarades avaient effectué les tests les plus rigoureux possibles pour vérifier la pureté spirituelle de l’appareil, qui ne portait ni la marque d’Intelligences Abominables, ni celle de la corruption du Warp, malgré son âge presque incalculable.
Cet appareil, l’Inquisitrice Emagna l’avait baptisé l’Orphéon Psychique. Elle pensait que, s’il était réveillé, il deviendrait une balise localisée et un canal de communication rivalisant avec l’Astronomican sacré. Abcondis n’avait pas besoin qu’elle lui expose les avantages qu’une telle machine conférerait à ses forces aux abois. En revanche, il fut plus difficile à convaincre de la rationalité et de la viabilité d’un tel plan. Tout comme l’Astronomican, l’artefact avait besoin de Psykers humains pour servir à la fois d’ancrage et de carburant. De fait, Emagna comptait sur la position d’Abcondis, associée à sa propre autorité incontestable, pour lever les derniers obstacles qui l’empêchaient de s’approvisionner en mutants psychiques et d’insuffler la vie à l’Orphéon.
Abcondis faillit défier l’Inquisitrice et réfléchit longtemps à ses choix, mais en fin de compte, elle incarnait l’autorité des saints Ordos de l’Empereur, et la solution à tous ses problèmes. Abcondis accepta.
Un Phare dans la Nuit
La distorsion temporelle du voyage Warp a longtemps affecté les efforts de l’Humanité pour triompher de gouffres séparant les étoiles. C’est pour cette raison que chacune des Flottes de Croisade Indomitus maintient son propre Tempus Indomitus, défini comme le passage du temps local enregistré par le vaisseau amiral de l’armada. Quand les éléments de la flotte se regroupent, ils règlent leurs propres chronos sur ce temps local, même s’il diffère du leur de plusieurs années. |
Durant les premières semaines suivant le réveil de l’Orphéon Psychique, des liens astropathiques solides furent rétablis entre tous les Groupes de Combat de la Flotte Quartus en route vers l’Est; un exploit particulièrement impressionnant vu les tempêtes Warp faisant encore rage sur un demi segmentum, et la dispersion des forces en question sur près d’une vingtaine de sous-secteurs. D’après les Navigators impériaux, la lumière psychique invisible de l’Orphéon était aussi galvanisante et vivifiante que celle de l’Astronomican. Elle donnait l’impression que quelqu’un avait ajusté une lentille sur une puissante lanterne et en utilisait le faisceau concentré pour percer l’obscurité. L’effet était si fort que même les ouragans empyréens autour du Système Malak commencèrent à s’apaiser.
Au bout de deux mois, selon le Tempus Indomitus de la Flotte Quartus, les Groupes de Combat Alphae, Domitius, Forthrax et Jovia avancèrent vers de nouveaux territoires avec une vitesse et une efficacité sans précédent. D’autres armadas plus éloignées avaient stabilisé leur situation auparavant compromise. Les tempêtes Warp étaient pratiquement nulles dans un rayon de cent années-lumière autour de Malakbäel, apparemment étouffées par le rayonnement de l’Orphéon Psychique. Mais si la Flotte Quartus bénéficia largement de cette situation, d’autres forces impériales en profitèrent également.
Tout au long de la Purge d’Amnaris, par exemple, les infâmes Word Bearers virent leurs sombres rituels contrariés par le chant de l’Orphéon Psychique. Ce conflit se déroula sur les mondes du Système d’Amnaris, à deux sauts Warp de Malakbäel et à l’intérieur de la sphère d’influence de l’artefact. Déjà soutenus par des Gouverneurs Planétaires félons, des milices hérétiques et de nombreux cultes du Chaos, les Word Bearers comptaient également invoquer un grand nombre de Démons afin de les aider à combattre le Groupe de Combat Jovia. Mais leurs efforts furent vains : les entités qui se manifestèrent furent immanquablement brûlées par un rayonnement invisible quelques minutes après avoir percé le voile. D’autres Démons fuirent l’éclat de l’espace réel et refusèrent de revenir. Seules les hordes de Khorne semblèrent capables de se frayer un chemin dans la réalité, mais même elles finirent carbonisées et désintégrées.
Pendant ce temps, le conflit sur Schvëddor II changea de manière spectaculaire lorsque la lumière de l’Orphéon Psychique s’y concentra. La Force Opérationnelle IV du Groupe de Combat Alphae était bloquée depuis presque six mois dans le Système Schvëddor, incapable de percer une brèche dans la chaîne de planètes et de stations spatiales fortifiées par les Iron Warriors et leurs alliés hérétiques. L’une des chambres de la Mire de l’Orphéon Psychique fut dirigée vers Schvëddor II, avec l’intention d’envoyer un message astropathique pour vérifier si des renforts supplémentaires étaient nécessaires. Mais quand le rayonnement invisible de l’artefact enveloppa le monde, les Psykers loyalistes sur Schvëddor II virent leurs pouvoirs décuplés. Ils puisèrent dans cette réserve de puissance inopinée et les armées de l’Empereur-Dieu remportèrent la victoire en moins d’une semaine. Ce fut cet assaut qui permit de briser les défenses ennemies dans tout le système, et si les Psykers loyalistes de Schvëddor II furent consumés et tués par leurs efforts miraculeux, ils devinrent des martyrs glorieux aux yeux de leurs camarades.
Les victoires s’enchaînèrent. Le Maître de Flotte Abcondis restait sur ses gardes, car les capacités de l’Orphéon Psychique lui restaient nébuleuses et susceptibles de se manifester de manière imprévue. Pourtant, il ne pouvait nier l’efficacité de la machine ni le nombre croissant de conquêtes qu’elle apportait. Abcondis déplaça même son quartier général dans le Système Malak, retirant des éléments du Groupe de Combat Alphae du front pour les mettre en garnison sur Malakbäel et les planètes voisines, Malakra, Malakvar et Malakshet. En moins d’un an, selon le Tempus Indomitus de la flotte, la spirale de l’échec s’était enrayée, puis inversée. La Flotte Quartus avait rattrapé le programme exténuant qui lui avait été fixé. Abcondis n’en craignait pas moins l’Inquisitrice Emagna ou l’étrange Orphéon Psychique, mais il était de plus en plus convaincu d’avoir pris la bonne décision en se fiant aux deux.
Abcondis était loin d’imaginer les immenses osts hérétiques convergeant sur sa position. Mais d’autres avaient perçu le danger et se dirigeaient vers Malakbäel, poursuivant leurs propres objectifs.
Les Yeux de Titan
Peu d’organisations impériales sont aussi secrètes que les Chevaliers Gris et capables de rivaliser avec leur puissance martiale et psychique. Chapitre de Space Marines composé de templiers psychiques versés dans la doctrine et le savoir permettant de lutter contre les Démons, ils sont une arme sans pareille dans la lutte de l’Imperium contre le Chaos. Mais leurs effectifs réduits obligent les Chevaliers Gris à employer des méthodes ésotériques de reconnaissance pour s’assurer de déployer leurs forces là où elles seront les plus efficaces. Cette divination stratégique est effectuée par leurs Prognosticars, qui étudient d’étranges miroirs argentés et démêlent les écheveaux des prophéties pour découvrir où les pires menaces surnaturelles apparaîtront.
C’est dans ces miroirs que les Prognosticars furent témoins de l’embrasement d’une balise psychique, entourée de pieux imprudents, et brillant si vivement dans le Warp qu’elle perçait les gouffres les plus profonds de l’Empyrée. Ils discernèrent d’innombrables routes sanglantes se chevauchant, s’enchevêtrant et convergeant à la base de la balise. Un géant en armure se détachait en arrière-plan et levait une main griffue dont l’ombre aussi noire que menaçante s’étendait à l’infini. Puis la silhouette disparut tandis que les flammes de la balise s’avivaient et grimpaient aussi haut que le faite des montagnes, et que les cieux se paraient de cramoisi. Les dévots entourant le brasier se retournèrent pour fuir, mais quelque chose était parmi eux, un monstre qui les fauchait à coups de hache. À chaque fois que la créature frappait, le son d’un marteau percutant une enclume résonnait de plus en plus fort jusqu’à ce que, dans un dernier impact titanesque, le bûcher explose et que la vision s’achève dans un jet de flammes aveuglant.
Experts en divination et en lecture des signes, les Chevaliers Gris apprirent beaucoup de cette vision, et ses présages les inquiétèrent au plus haut point. De plus, ils parvinrent à déterminer où, sinon comment, le désastre se produirait. Les Grands Maîtres du Chapitre ne tardèrent pas à rassembler une Force de Frappe importante de la Quatrième Confrérie et à l’envoyer dans le Système Malak sous le commandement du redoutable Frère-Capitaine Drystann Cromm. Son devoir était de découvrir tout ce qu’il pouvait sur la nature de la catastrophe imminente et l’empêcher par tous les moyens de se produire.
Les Chevaliers Gris voyageaient à bord d’un élégant Croiseur d'Attaque nommé Unrelenting, un vaisseau forgé pour livrer les guerres les plus cauchemardesques et endurer les pires épreuves. Malgré cela, ils furent surpris par la facilité avec laquelle leur bâtiment traversa les marées du Warp alors qu’ils approchaient du Système Malak. Leur Navigator fut impressionné par la radiante psychique merveilleuse qu’ils traversaient, tandis que leurs Astropathes découvraient le plus formidable réseau de communication empyréen qu’ils aient jamais rencontré.
La source de ces miracles se révéla bien vite lorsque l’Unrelenting sortit du Warp dans le Système Malak. Incrédule face à l’étrange sorcellerie à l’œuvre, mais ne sentant aucune corruption évidente, le Frère-Capitaine Cromm ordonna de révéler le vaisseau au groupe de navires impériaux en orbite géostationnaire au-dessus de Malakbäel. Les Chevaliers Gris arrivèrent rapidement, sans laisser au Maître de Flotte Abcondis le temps de dissimuler quoi que ce soit qui puisse susciter leur colère ni de rappeler les patrouilles dispersées dans le reste du système. Quelques instants après, Abcondis se trouva en présence du Frère-Capitaine Cromm et d’une bande de ses Paladins d’élite, qui s’étaient téléportés à bord du Honour of Terra sans prévenir.
Malgré son ancienneté, même Abcondis n’avait jamais entendu parler des Chevaliers Gris. Pourtant, il eut le bon sens d’être terrifié par eux. Campé dans son Sanctum de commandement, face à des colosses en armure exigeant des réponses, le Maître de Flotte se demanda s’il allait finalement être exécuté pour ses péchés. Abcondis parvint pourtant à garder son sang-froid et répondit au mieux à toutes les questions des Space Marines au sujet de l’Orphéon Psychique. Il vanta les mérites de la machine et les victoires que ses forces avaient remportées grâce à elle, et souligna que tout ce qui s’était passé ici portait le sceau de l’Inquisition.
Le Frère-Capitaine Cromm perçut l’honnêteté et l’honneur du Maître de Flotte. Bien sûr, s’il s’avérait que l’homme avait été dupé par des serviteurs des Dieux Sombres, cela ne le sauverait pas. Cromm informa Abcondis qu’il se hâterait à la surface de la planète pour inspecter l’Orphéon Psychique par lui-même, et qu’il trouverait et interrogerait à la première occasion Dame Emagna, que l’on avait aperçue pour la dernière fois dans le Sanctum de l’artefact. Le Chevalier Gris ne laissa planer aucun doute quant à ce qui se produirait si cet appareil s’avérait souillé par l’hérésie.
Cromm en avait entendu assez pour pressentir la véritable nature de la machine. Il savait qu’un ost impie serait attiré par sa lumière, comme l’avaient prédit les Prognosticars. L’intuition lui souffla qu’il était trop tard pour éteindre l’artefact, et il ordonna à Abcondis d’utiliser son autorité pour rallier toutes les forces disponibles dans le Système. Ils s’y dresseraient contre les ténèbres, mais par la suite, il obtiendrait ses réponses concernant les origines et la nature de l’Orphéon.
Le Grand Rassemblement
Le Maître de Flotte Abcondis avait mérité sa position. Roboute Guilliman l’avait choisi personnellement parmi nombre de candidats, le jugeant sage, compétent, doté d’un sens tactique exceptionnel et, surtout, d’une fiabilité et d’un charisme prodigieux. L’amiral chevronné avait affronté des hérétiques et des Xenos, et avait frôlé la mort à plusieurs occasions. Il avait croisé le fer avec les griffes des horreurs Tyranides lorsqu’elles s’étaient frayé un chemin jusque sur le pont de son vaisseau amiral pendant la bataille de la Baie d’Orenghuld.
Pourtant, la visite des Chevaliers Gris ébranla le vétéran. Il remit en question la confiance qu’il avait en Dame Emagna, en sa sainteté de ses actes, et en la machine qu’il avait contribué à réveiller. Le doute menaçait de s’insinuer dans son cœur. Il se demanda s’il n’était pas devenu involontairement complice d’une hérésie. Cependant, il garda ses craintes pour lui, affichant la façade d’un commandant confiant, sûr de ses choix et vertueux dans ses actions. Ils devaient lui vouer une foi absolue, car si les Chevaliers Gris avaient raison, alors un ennemi comme ils n’en avaient jamais affronté fondait sur eux en ce moment même.
Abcondis avait peut-être des doutes sur la pureté de l’Orphéon Psychique, mais il était certain de son efficacité. Portées par des canaux psychiques étincelants, les demandes de renforts urgents partirent de Malakbäel vers chaque Groupe de Combat de la Flotte Quartus. Abcondis ne souhaitait pas voir les conquêtes de sa flotte abandonnées, mais le Frère-Capitaine Cromm n’avait laissé aucun doute sur la gravité de la menace. Chaque Maître de Groupe reçut l’ordre de renvoyer toutes les forces possibles vers Malakbäel sans mettre en péril leurs propres fronts. Les missives furent envoyées avec un cryptage de niveau vermillon. Chacune indiquait clairement que si Malakbäel et l’artefact étaient perdus, les conséquences pour la Flotte Quartus seraient désastreuses.
Abcondis déploya les vaisseaux et les soldats du Groupe de Combat Alphae à travers le Système Malak dans une dispersion défensive efficace. Son propre Honour of Terra gravitait au-dessus de Malakbäel au cœur de l’équivalent de deux forces opérationnelles. D’autres firent assignées à l’étuve du Monde-Jungle de Malakra, à la mégaplanète industrielle de Malakvar et à Malakshet la gelée, avec ses agri-grottes géothermiques. Pendant ce temps, la Force Opérationnelle X, sous le contrôle du Maître de Groupe Ira Threnodar, fut divisée en petits groupes d’interception et patrouillait désormais le système, prête à répondre rapidement à toute menace ou tout appel à l’aide. La majorité des troupes terrestres du Groupe de Combat fut affectée à la garnison des principaux centres de population de Malakbäel, qui était jusqu’à récemment un Monde-Sanctuaire oublié, et à l’immense Forteresse de Lumière fut érigée autour de l’Orphéon Psychique.
Profitant du rayonnement de la machine et de son influence apaisante sur le Warp, des dizaines de forces opérationnelles convergèrent sur le Système Malak. Quelques jours après que le Maître de Flotte eut envoyé les messages astropathiques, les premiers vaisseaux glissaient dans l’espace réel et filaient vers l’intérieur du système, des info-penons tournant en boucle et leurs canons activés. Depuis le Cry of Wrath, son vaisseau de classe Mars, l’Amiral Aquilant Ignacious Pell dirigeait trois forces opérationnelles du Groupe de Combat Betaris. Le Maître de Groupe Zavadan Mael était venu en personne à bord de l’Incendor, son croiseur de classe Dictator, accompagné de quatre forces opérationnelles du Groupe Domino. Mené par la Barge de Bataille Song of Sorrows, le contingent du Groupe Forthrax surgit du vide, commandé par le Maître de Chapitre Yosharo DuGal lui-même.
Des renforts impériaux continuèrent d’affluer dans le Système Malak, au point d’évoquer le rassemblement initial de la Flotte Quartus. La Chanoinesse Verity Kade, de l’Ordre du Suaire d'Argent, à la tête du détachement du Groupe de Combat Irasmus, établit son Sanctum à bord du Mercy in Death, un croiseur léger de classe Dauntless. La Maîtresse de Groupe Persepha Xeng et Bountiful Hate, son antique porte-vaisseaux de classe Némésis, arriva avec pas moins de cinq forces de frappe du Groupe de Combat Jovia. Le Maître de Groupe Josiah Bolsett III, du Groupe de Combat Kilos, apparut au milieu des hymnes et des fanfares, son rapide Warhawk de classe Mercury à l’avant-garde de deux grandes forces opérationnelles.
Abcondis œuvra sans relâche pour accueillir, renseigner, intégrer et redéployer les vaisseaux, les appareils de soutien et les énormes armées terrestres de chaque nouvelle formation. Il assigna de nombreux contingents à la défense des quatre mondes, s’assurant que chacun avait un commandant du niveau d’un Maître de Groupe à sa tête. Il étoffa la flotte de patrouille de Threnodar avec des forces opérationnelles toutes fraîches jusqu’à ce qu’elle rivalise d’importance avec un Groupe de Combat. Il affecta même des éléments du Groupe Forthrax à la surveillance de la ceinture d’astéroïdes Malakandrias, dans la zone baptisée "Crique Stérile", afin de s’assurer qu’aucun hérétique n’utilise le champ de débris pour s’approcher sans être vu. La force défendant le Système Malak devint bientôt véritablement colossale, sa puissante concentrée si énorme qu’elle semblait presque absurde. À chaque nouvelle vague de renforts, le Maître de Flotte se sentait un peu plus serein, un peu mieux préparé pour affronter la terrible menace prédite par les Chevaliers Gris.
Le Frère-Capitaine Cromm s’était entretenu avec Dame Emagna et avait trouvé ses arguments suffisamment convaincants pour l’épargner, du moins jusqu’à ce que le combat ait eu lieu. Il était ensuite retourné à bord de son croiseur pour diriger ses guerriers dans les rites d’avant-bataille. Cromm espérait obtenir de nouvelles informations sur le péril en approche.
Dame Emagna elle-même s’était inquiétée de l’apparition des Chevaliers Gris. Bien qu’elle ne fût pas hérétique et qu’elle se considérât comme une puritaine convaincue, même une fanatique comme elle ne pouvait nier la nature douteuse de la technologie qu’elle avait éveillée sur Malakbäel. Elle était également consciente des opérations secrètes de ses agents, à la fois pour supprimer ce qu’elle percevait comme de l’alarmisme infondé de la part d’Inquisiteurs rivaux, mais aussi pour faciliter les rituels de cultes hérétiques dans plusieurs sous-secteurs qui attiraient les tempêtes Warp ayant immobilisé la Flotte Quartus. Emagna savait que, d’un point de vue qu’elle qualifiait de limité, ses mains étaient rouges de sang impérial. Lorsqu’elle découvrit que les Chevaliers Gris n’étaient pas là pour la punir, mais pour l’avenir d’une menace contre l’artefact, sa ferveur s’enflamma de plus belle. La valeur de son travail allait être mise à l’épreuve et trouverait la consécration que ses rivaux hérétiques cherchaient à empêcher. Une fois les Chevaliers Gris de retour sur leur vaisseau, Dame Emagna entreprit de renforcer les protections spirituelles de la Forteresse de Lumière. Si les Traîtres parvenaient jusqu’à la surface de Malakbäel, elle les verrait tous brider pour avoir tenté d’atténuer l’éclat de ce qu’elle croyait être l’Orphéon Psychique de l’Empereur-Dieu.
Les heures passèrent tandis que les adeptes impériaux surveillaient leurs Auspex à la recherche du moindre signe d’envahisseur. Ces heures devinrent d’abord un jour à l’échelle Malak, puis deux, puis trois. Toujours aucun signe d’attaque. Au bout d’une semaine, le Maître de Flotte Abcondis savait que des doutes circuleraient. Pourquoi avait-il amassé une force si immense pour qu’elle reste inactive ? Combien de temps dureraient les précieuses réserves de nourriture et de carburant pour une telle concentration de forces, même avec la solide chaîne de réapprovisionnement de la flotte ? Pourquoi ces soldats avaient-ils été arrachés à leur zone de guerre et à leurs camarades alors qu’ils auraient pu rester et combattre de vrais ennemis pour l’Empereur-Dieu ? Abcondis et ses subordonnés ordonnèrent de strictes routines d’entraînements et de prières pour occuper leurs forces, mais le doute tentait toujours de s’insinuer dans le cœur de l’officier. Avait-il réagi avec excès ? Les Chevaliers Gris avaient-ils raison ?
Il fut presque soulagé quand, à la septième heure du huitième jour, un ost hérétique assez importante pour conquérir un système jaillit du Warp à la lisière de la zone impériale.
Dans le Brasier
Le Stygian Heart et sa Funesteflotte surgirent en formation serrée dans l’espace réel et accélèrent jusqu’à la vitesse d’attaque. Si les hérétiques furent intimidés par les forces immenses déployées contre eux, ils n’en laissèrent rien paraître. Un fer de lance composé de cuirassés monstrueux et de grands croiseurs mutants entourait le léviathan qu’était le Stygian Heart, tandis que des essaims de navires d’escorte plus petits et de Machines-Démons gigantesques se déployaient autour d’eux. Leur vecteur d’attaque fut rapidement calculé : l’ost fonçait droit sur Malakbäel, en méprisant totalement les autres planètes.
D’ordinaire, l’arrivée d’une telle force d’invasion aurait semé la panique. Au lieu de cela, des ordres calmes furent diffusés par le réseau vox impérial et transmis par glanure laser d’un élément de la flotte à un autre. Des réacteurs s’embrasèrent et des navires gothiques de plusieurs kilomètres glissèrent silencieusement en formation, leurs auspicateurs accrochant la flotte hérétique sous une multitude d’angles. Des hymnes résonnèrent sur les ponts d’armement et tonnèrent dans les coursives tandis que les équipages s’affairaient. Sur les mondes du Système Malak, les défenseurs se préparèrent avec une confiance à toute épreuve, galvanisés par les premiers rapports indiquant qu’en dépit de leur nombre colossal, les envahisseurs n’étaient pas à la hauteur des forces déployées contre eux.
Le Maître de Flotte Abcondis se dressait sur le pont du Honour of Terra. Impassible, il regardait les écrans principaux. Il n’avait pas besoin de donner d’ordres, ses subordonnés connaissaient leur rôle dans son plan. À moins d’un événement imprévisible majeur, il n’aurait pas à intervenir, et il connaissait tous les travers de la microgestion. Aussi demeura-t-il en simple spectateur tandis que les Maîtresses de groupe Threnodar et Xeng dirigeaient les forces opérationnelles des Groupes de Combat Alphae, Dominus et Jovia sur une trajectoire d’interception. Il observa les forces opérationnelles se détacher des flottes de défense en orbite autour de Malakvar, Malakshet et Malakbäel, se déplaçant comme une seconde vague dont la mission serait de porter le coup de grâce une fois que la première vague aurait ralenti l’adversaire et divisé sa formation.
Abcondis resta de marbre quand les premières bordées de torpilles emplirent le vide, crachées par les tubes des envahisseurs comme des défenseurs. Il observa les glyphes suivant les échanges de lances, les dommages subis par les vaisseaux et les essaims de navires d’attaque. L’expérience lui souffla que l’ennemi était arrivé rapidement et intelligemment, en exploitant le besoin des Loyalistes de défendre chaque monde d’une manière qui contrebalançait, dans une certaine mesure, l’immense différence de nombre. Malakvar à l’apogée de son orbite et l’alignement de Malakra obligeaient les vaisseaux impériaux à contourner son sillage gravitique, donc certaines forces tarderaient à rejoindre le combat, tandis que d’autres étaient trop éloignées pour être utiles. Les schémas de tir des Traîtres indiquaient des équipages vétérans et des capitaines aguerris avec des milliers d’années d’expérience du combat spatial.
Mais rien qui ne put juguler la fureur de la Flotte Quartus. Des milliers de torpilles convergèrent vers les hérétiques. Les flux vidéo permirent à Abcondis d’observer les escortes hérétiques trembler, puis éclater. Il vit des rayons découper des Machines-Démons géantes, ou les perforer de la proue à la poupe, les transformant en épaves secouées par des explosions internes.
Les plus gros vaisseaux hérétiques luttèrent avec talent et férocité. Chacune de leurs actions semblait calculée pour se rapprocher de Malakbäel tout en gagnant du temps. Comme s’ils attendaient quelque chose, pensa Abcondis. Cette observation l’incita à ordonner même à ses flottilles les plus éloignées de se mettre en état d’alerte. Le Maître de Flotte serait damné par le Warp avant de laisser la complaisance le faire succomber à la ruse des hérétiques.
Abcondis vit les Space Marines des Void Claws mener de nombreux abordages pour saborder un cuirassé de classe Desecrator aux couleurs des Red Corsairs. Quelques minutes plus tard, un vaisseau de classe Repulsive aux mutations répugnantes éclata sous les bordées du Resplendent d’Ira Threnodar et de trois frégates de classe Tempest.
Minute par minute, le conflit penchait toujours plus en faveur des défenseurs loyalistes. La deuxième vague impériale pleinement engagée et la formation hérétique brisée, les derniers vaisseaux capitaux ennemis furent détruits ou mis en fuite. Seul le Space Hulk cyclopéen continuait à approcher de Malakbäel. Abcondis se détendit enfin. Il était temps de lancer l’attaque finale sur le colosse, et d’ordonner le cessez-le-feu au reste du Système. Il songea même à appeler l’Unrelenting pour demander au Frère-Capitaine Cromm s’il n’avait pas été un peu alarmiste. Soudain, des cris montèrent des puits d’auspicateurs, suivis des premiers rapports choqués d’adeptes observant les frontières du Système. En quelques secondes, tout bascula.
L'Assaut sur Malak
Le Maître de Flotte Abcondis savourait son plaisir. Ses officiers s’étaient acquittés de leur tâche d’une manière admirable, et leurs équipages n’avaient pas démérité. Il y avait une certaine beauté dans le ballet de destruction qui avait vu la flotte hérétique attirée et taillée en pièces. Le Space Hulk monstrueux se battait encore, mais cerné et en infériorité numérique, il ne résisterait plus longtemps.
« Mon seigneur, j’ai des missives urgentes pour vous. » La Maîtresse du Vox avait enfreint le protocole en se présentant au Maître de Flotte en personne, mais un coup d’œil à son expression signifia à Abcondis que l’heure n’était pas aux reproches.
« Qui en est l’auteur ? » demanda-il.
« Dame Emagna et le Frère-Capitaine Cromm, » répondit-elle. Abcondis la regarda d’un air éberlué. Il allait lui demander de poursuivre lorsqu’il fut distrait par l’affolement qui se répandit sur le pont de son vaisseau. Des officiers se levèrent de leur poste en jurant, et échangèrent des cris tout en gesticulant devant des écrans. Sa confusion céda à l’angoisse lorsqu’il s’aperçut que ses vétérans d’élite étaient au bord de la panique. Puis un rugissement assourdissant éclata dans l’air tout autour de lui.
« DU SANG POUR LE DIEU DU SANG ! »
Les Psykers et Astropathes reliés à l’Orphéon Psychique marmonnaient, les yeux révulsés, des vrilles d’ectoplasme s’agitant paresseusement autour d’eux. L’instant d’après, leurs murmures s’étaient mus en une cacophonie assourdissante de cris d’épouvante, ponctuée de hurlements et de divagations à propos de l’Ange Rouge, de tempêtes de sang bouillonnant, et d’une lame d’une taille colossale qui fendait les cieux pour trancher des mondes entiers.
Dame Glori Emagna priait l’Empereur-Dieu dans le sanctum de commandement de l’Orphéon Psychique quand les cris avaient commencé. Elle entendit le nom qui s’échappait de centaines de bouches distendues, et comprit alors que ses rivaux, loin d’avoir succombé à l’hérésie comme elle les avait accusés, n’avaient fait que la mettre en garde contre cette catastrophe imminente. Cependant, Dame Emagna n’était pas du genre à se remettre en question. À ses yeux, il s’agissait là d’une bénédiction de l’Empereur-Dieu, une épreuve digne de son formidable Orphéon Psychique. Au milieu de ses subalternes hébétés et terrorisés, elle donna des ordres pour préparer les défenses de la forteresse, activer les silos laser orbitaux, et avertir chaque vaisseau présent dans le système qu’un Seigneur Démon était venu leur offrir la bataille de leurs vies.
À bord de l’Unrelenting, le Frère-Capitaine Cromm et ses hommes virent leurs miroirs de divination argentés se fendiller et commencer à saigner. Les sceaux gravés sur leur navire de guerre, leur armure, et tatoués sur leur peau, se mirent à luire d’une lumière sacrée. Sentant une douleur cuisante lui vriller le crâne, Cromm se rendit compte que la véritable menace était sur le point de se révéler. Son vaisseau n’avait pas participé à l’assaut contre le Stygian Heart et sa flotte, car la bataille n’avait pas nécessité l’intervention des Chevaliers Gris. Mais là, tout avait changé. Cromm transmit un avertissement au Maître de Flotte Abcondis et sonna le branle-bas de combat. Cette fois, leur présence serait capitale.
Ni l’alerte d’Emagna ni celle des Chevaliers Gris n’arrivèrent à temps pour soutenir la cause impériale. La lumière du fanal et l’apaisement du Warp furent aussi favorables aux World Eaters qu’à leurs ennemis. Associés à l’agressivité avec laquelle ils pilotaient leurs vaisseaux de guerre, ils permirent à leur armada de surgir de l’Immaterium avec une rapidité fulgurante. Sous leurs yeux ébahis, les opérateurs d’Auspex détectèrent des dizaines, puis des centaines et des milliers de contacts hostiles. Bientôt, les écrans d’augure étaient envahis d’une telle quantité de runes rouges qu’ils semblaient baignés de sang. Leurs visages stupéfaits soulignés par la lueur infernale, ils récitèrent leur litanie de châtiment en s’efforçant de suivre le torrent d’appareils hérétiques qui se déversait dans les franges septentrionales du système Malak. La taille de la flotte renégate était ahurissante. Pas un seul guerrier Loyaliste dans tout le système ne pouvait se dérober à cet effroyable constat : ils étaient submergés.
Les Pointes du Trident
Seul un capitaine fou ou téméraire risquerait de se translater au-delà du Point de Mandeville d’un système, car il risquerait démerger à l’intérieur d’une planète ou d’une étoile, et de connaître ainsi une fin atroce. |
Arpentant les environs cauchemardesques du pont du Conqueror, Angron réfléchissait à sa stratégie. Il était distrait non seulement par le martèlement des Griffes du Boucher, mais également par l’éclat aveuglant de l’Orphéon Psychique. Dès l’instant où son vaisseau avait translaté dans l’espace réel, Angron avait eu l’impression de se tenir face à une fournaise dont les feux invisibles calcinaient sa chair. Des êtres inférieurs auraient sans doute pris la fuite. Mais Angron, endurci par une éternité de douleur, n’éprouvait qu’un désir furieux de noyer ce phare ésotérique dans un océan de sang.
Malgré toute sa damnation, Angron demeurait un Primarque. Son esprit brisé pouvait encore absorber des informations stratégiques à un rythme spectaculaire. En outre, s’il s’était mu en une impitoyable machine de destruction, Angron n’était pas sot. Il se souciait moins de la vie de ses adeptes que de sa propre existence, mais il les considérait comme une arme qu’il pourrait manipuler pour atteindre ses buts. En un instant, l’Ange Rouge évalua la disposition de la défense impériale, et la façon dont ce déploiement avait été bouleversé par l’assaut d’une troisième force inattendue. Il se moquait des idiots qui l’avaient précédé au combat, mais il avait conscience de l’avantage stratégique qu’ils lui avaient donné. Il transmit ses ordres par une série de grondements monosyllabiques, mettant en branle un plan aussi simple que direct, parfaitement adapté à la situation.
L’assaut de l’Armada de Khorne serait divisé en trois branches, tel un trident. La première, formée autour de la Funesteflotte Clarion Dire fonçait vers Malakra. Ce serait une feinte pour forcer les défenseurs de ce monde à se retrancher dans la crainte d’une attaque. Elle pourrait même attirer des renforts en provenance de Malakvar. Cependant, plutôt que de les attaquer, elle utiliserait la gravité de Malakra pour se propulser à travers les lignes ennemies avant de fondre sur Malakbäel. La deuxième, menée par la barge de combat des World Eaters Exsanguinator, se déploierait au-dessus du plan écliptique de Malakbäel.
Sa trajectoire l’amènerait à traverser la bordure de la ceinture d’astéroïdes de Malakandrias pour attaquer de front les défenses de Malakbäel. À la tête de la troisième, Angron et le Conqueror raseraient l’étoile Malak avant de jaillir de sous le plan écliptique de Malakbäel en un assaut meurtrier destiné à étriller les défenseurs impériaux avant de frapper le monde lui-même.
Le Devoir et la Mort
Une fois l’attaque lancée, la réponse impériale fut rapide mais oscilla entre panique et détermination. Chaque être vivant dans le Système Malak avait entendu le cri de bataille féroce d’Angron. Même s’ils n’avaient aucune notion de la situation dans le vide ni du contexte, sa fureur surnaturelle les emplit d’une terreur instinctive. Les troupes de l’Astra Militarum qui garnissaient les défenses de la planète tremblaient, leurs Pistolets Bolters aboyant sans cesse alors qu’elles s’efforçaient de rétablir l’ordre. La panique se propagea parmi les groupes d’ouvriers dans les entrailles des vaisseaux impériaux. Des révoltes éclatèrent, entravant temporairement le fonctionnement des enginariums et des ponts d’armement, obligeant leurs supérieurs à répliquer à grands coups de fouets.
Les individus exposés au spectacle terrifiant de l’armada World Eaters avaient encore plus de raisons de s’alarmer. Dans ces conditions, la Flotte Quartus se distingua par son courage, car si certains de ses ports et station d’augure se figèrent d’épouvante, ailleurs, le devoir et la foi prirent le pas sur la peur, le fracas de l’activité martiale remplaçant les cris d’angoisse.
Pour sa part, le Maître de Flotte Abcondis réagit avec célérité. En vérité, une partie de lui avait attendu qu’une nouvelle menace, bien plus grave, se présente, et il était prêt l’affronter. Les ordres d’Abcondis irradièrent du réseau vox intra-système, leur cadence et leur complexité augmentant à mesure que les adeptes du strategium et les cogitateurs tactiques du Honour of Terra l’abreuvaient d’analyses et de conseils. D’abord par petits groupes, puis par formations entières, les vaisseaux de guerre loyalistes affluaient. De fait, la Maîtresse de Groupe Threnodar fut contrainte d’abandonner sa poursuite du Stygian Heart, l’Arche Fatidique endommagée en profitant pour se replier, semant des flammes et des débris dans son sillage.
Malgré toute leur discipline, les défenseurs impériaux étaient pris à contre-pied. De nombreux appareils World Eaters avaient surgi du Warp loin au-delà du Point de Mandeville du système, et fondaient sur leurs victimes à une vitesse fulgurante. Comble de malheur, les Maîtresses de Groupe Threnodar et Xeng avaient détourné un grand nombre des réserves de défense lors de leur combat contre le Stygian Heart. À cela s’ajoutait le fait que le Maître de Flotte Abcondis avait donné la priorité à la défense de Malakbäel. Par conséquent, Malakra et Malakvar n’avaient que deux détachements en mesure de les protéger. Pendant ce temps, seule une unité opérationnelle du Groupe de Bataille Forthrax rôdait aux alentours de la ceinture de Malakandrias.
Dans des circonstances normales, une telle concentration de puissance martiale aurait été suffisante. Mais contre l’avalanche de vaisseaux de Khorne qui s’abattit sur le système, il n’en fut rien. La Force Opérationnelle VI du Groupe de Bataille Forthrax fit partie des premières pertes. Conscients des conséquences s’ils faisaient preuve de làcheté, et galvanisés par la présence de Space Marines Void Talons parmi leurs rangs, ces guerriers désespérés cherchèrent à harceler l’Exsanguinator et sa flotte. Sous le commandement du Capitaine des Void Talons Ugoshi, les Loyalistes espéraient utiliser les astéroïdes comme couvert pour tendre des embuscades aux vaisseaux hérétiques et les aborder partout où c’était possible tout en attirant des navires plus imposants dans la ceinture, où ils pourraient être vaincus et détruits.
À l’Âge de l’Imperium, la guerre spatiale représente un mélange de technologie avancée, d’anachronisme et de pensées sclérosées. Ainsi, des vaisseaux incroyablement puissants sont-ils capables de bondir entre des systèmes stellaires tout en employant de vastes groupes de serfs pour traîner les batteries d’artillerie, en communiquant d’un pont à l’autre via des tubes en laiton, et en étant dotés d’un personnel mal formé et superstitieux. |
Leurs efforts furent aussi tragiques que futiles. La puissance de feu hérétique était telle qu’un grand nombre des vaisseaux de la force opérationnelle furent désintégrés dès l’instant où ils émergèrent de la ceinture d’astéroïdes. Certaines de ses actions d’abordage réussirent et virent un escadron de vaisseaux de troupes de la Militarum Traitoris sabordé. Cependant, elles se heurtèrent à des contre-charges frénétiques qui les repoussèrent et les clouèrent à leurs têtes de pont. Le Capitaine Ugoshi fut tué lors d’une de ces manœuvres, massacré par des Berzerkers après avoir abattu plus d’une dizaine d’ennemis. Une poignée de vaisseaux de guerre du Prince Démon Dreagh’or mordit à l’hameçon qui lui fut tendu et poursuivit les Loyalistes dans la ceinture ou ils furent anéantis. Mais étant donné l’immensité de la flotte hérétique, ces pertes étaient insignifiantes. Lorsque l’Exsanguinator déchiqueta le Croiseur d’Attaque des Void Talons, le Noble Blade, par une série de bordées tonitruantes, puis ouvrit la voie de Malakbäel, la Force Opérationnelle VI était brisée.
De l’autre côté du Système Malek, le fer de lance du Clarion Dire s’abattit à une vitesse suicidaire sur le Monde-Jungle de Malakra. Les défenseurs de la planète étaient sous le commandement de l’Amiral Aquilant Ignacious Pell, l’un des héros les plus décorés du Groupe Betari. Relié à son servo-trône sur le pont du Cry of Wrath, son croiseur de classe Mars, Pell évalua rapidement ses options. Le Maître de Flotte Abcondis lui avait ordonné d’atténuer l’assaut ennemi par tous les moyens nécessaires. Pell était conscient que les forces à sa disposition n’étaient pas suffisantes. La question qui le taraudait était de savoir si en appelant des renforts, il aurait une chance de sauver Malakra, ou s’il ferait le jeu de l’ennemi en détournant de nouveaux vaisseaux de Malakbäel.
Conscient qu’il devait obéir aux ordres du mieux qu’il le pouvait, il demanda des renforts urgents, et rappela en toute hâte les deux forces opérationnelles qu’il avait envoyées à l’assaut du Stygian Heart. Alors que leurs capitaines rebroussaient chemin vers Malakra, d’autres renforts dirigés par la Chanoinesse Verity Kade fendaient l’orbite de Malakshet. La Chanoinesse zélote était impatiente de rallier le combat. À cause de son orbite lointaine, le monde gelé était le plus éloigné des envahisseurs, et Kade n’avait aucune intention de rester spectatrice pendant que ses alliés se battaient et mourraient au nom de l’Empereur-Dieu. Elle détourna trois forces opérationnelles de Malakshet, ne laissant que les formations capables de se mobiliser rapidement pour opérer les bunkers et les agri-grottes du monde. Le fer de lance de Kade n’atteindrait pas Malakra avant les envahisseurs, mais sa fureur s’abattrait sur eux une fois qu’ils seraient totalement engagés conte la flottille de Pell.
Les forces opérationnelles rappelées par Pell arrivèrent quelques minutes avant l’apparition des vaisseaux renégats, doublant son effectif. La flotte de défense de Malakra demeurait en infériorité numérique, mais pas au point d’être incapable de résister jusqu’à l’entrée en lice de la Chanoinesse. Des navires de guerre impériaux se déployèrent dans le vide, cogitant des solutions de tir tandis que leurs ponts résonnaient de prières. Sur Malakra, l’infanterie loyaliste effectuait les dernières vérifications en marmonnant des litanies d’armement, les yeux rivés sur les cieux. L’amiral Aquilant Pell attendit que ses ennemis se divisent en groupes d’assaut et entament leurs raids d’attaque, cherchant des voies à travers lesquelles des modules de largage pourraient gagner la surface. Il fronça les sourcils en voyant les vaisseaux hérétiques affluer sans adopter de formations d’attaque, suivant des trajectoires qui les rapprocheraient dangereusement de l’atmosphère de Malakra. Un instant, il se demanda si les hérétiques comptaient simplement assaillir le monde sans engager la flotte de défense, ce qui aurait été suicidaire, ou pire, s’écraser droit sur Malakra. Ses yeux s’écarquillèrent quand il comprit leur plan.
Les ordres de Pell résonnèrent dans toute la flottille, car tous les appareils ouvrirent le feu en même temps et virèrent sur des trajectoires d’interception. L’artillerie pilonna l’ennemi. Des torpilles jaillirent de tubes de lancement alors que des nuées de vaisseaux d’attaque et de bombardiers décollaient de leurs bases. Dans le vide, des tuyères s’embrasèrent alors que les vaisseaux impériaux disséminés cherchaient à resserrer les rangs pour bloquer la voie de l’ennemi. Cependant, dans les guerres spatiales, les distances sont vastes, et il est impossible d’échapper aux forces d’inertie et de la gravité. Les appareils de Khorne fendirent le vide à une vitesse foudroyante pour plonger volontairement dans le puits gravitique de Malakra, lui permettant de les happer et de les faire pivoter sur son axe.
Cette manœuvre aurait été extrêmement risquée même pour un petit appareil et dans des conditions contrôlées. Là, les hérétiques affluèrent en masse en faisant feu de toutes leurs pièces, sans se soucier des vaisseaux de guerre impériaux disséminés sur leur passage. Certains, éventrés par des tirs de canons et de rayons, dévièrent de leurs trajectoires et furent entrainés dans l’atmosphère de Malakra. Ils s’écrasèrent dans des boules de feu sur les malheureux défenseurs, rasant des centaines de kilomètres de jungle et de fortifications. D’autres entrèrent en collision avec les vaisseaux loyalistes chargés de les intercepter, leurs capitaines assoiffés de sang rompant leur formation pour les éperonner. Des appareils des deux camps furent dévastés, leurs équipages vomis dans le vide, alors que des tempêtes de feu s’élevaient des niasses de débris qui étalent autrefois des vaisseaux de guerre. Le Clarion Dire percuta un escadron d’escorteurs de classe Sword les faisant exploser sous l’ampleur de sa masse sans même perdre de vitesse. De violents échanges de tirs eurent lieu entre les deux flottes lorsqu’elles traversèrent leurs lignes mutuelles. Les Boucliers Void s’effondrèrent sous les bombardements ; des arsenaux et des chapelles de propulsion explosèrent comme des étoiles miniatures ; des torpilles d’abordage fendirent le vide mais ratèrent leurs cibles, entrainant leurs passagers vers une mort ardente à travers l’atmosphère de Malakra.
Aussi soudainement qu’il avait commencé, le massacre s’interrompit. Le Clarion Dire et la majeure partie de son fer de lance s’étaient projetés à travers les lignes impériales, en direction de Malakbäel. Dans leur sillage, la flottille impériale mutilée essayait encore de manœuvrer pour les pourchasser. La moitié de Malakra s’était transformée en une tempête de feu grêlée d’immenses cratères. Les capitaines hérétiques les plus enragés avaient rompu leur formation pour harceler le reste des appareils loyalistes. D’ailleurs, seule une frappe par téléportation des Terminators Ultramarines à partir du Croiseur d’Attaque Prandium avait empêché à un groupe de World Eaters d’occire l’Amiral Pell.
Furieux et consterné, Pell demanda à la Chanoinesse Kade de changer de cap pour se diriger vers Malakbäel. Ses forces s’élanceraient dès qu’elles se seraient extraites du champ de débris au-dessus de Malakra, mais elles ne pourraient jamais rattraper le fer de lance hérétique avant qu’il ait atteint sa proie.
Guerre Stellaire
Le Maître de Flotte Abcondis avait amassé pas moins de huit forces opérationnelles autour de Malakbäel. Un rassemblement égal à n’importe lequel des trois fers de lance hérétiques. Il savait toutefois que si les trois convergeaient en même temps, rien ne pourrait les arrêter. Il comptait sur Pell pour ralentir et perturber celle au-dessus de Malakra. Il en resterait deux, l’une décrivant un arc depuis la bordure de la ceinture d’astéroïdes de Malakandrias, l’autre suivant une trajectoire d’attaque directe depuis le dessous du plan elliptique. D’antiques augures d’alerte enfouis dans les cogitatcurs du vaisseau d’Abcondis se mirent à sonner en détectant le Conqueror, qu’ils classifièrent en menace alpha-primus de classe vermillon. Ce fut ce qui le décida. Il accéda aux demandes de la Maîtresse de Groupe Threnodar de lui laisser carte blanche à son groupe d’interdiction. Elle et la Maîtresse de Groupe Xeng devaient mener la pleine puissance de la force de patrouille du système - privée des vaisseaux trop endommagés durant la bataille contre le Stygian Heart - afin d’intercepter le Conqueror et son fer de lance, et s’assurer que cette abomination n’arrive jamais à moins de vingt mille kilomètres de Malakbäel.
Rappelant leurs vaisseaux de la bataille engagés contre le Stygian Heart, Threnodar et Xeng se mirent en route accompagnés des sept forces opérationnelles sous leur commandement. Ce fut une violente contre-attaque, impliquant de fiers navires de guerre de la Navis Imperialis, des White Scars, des Imperial Fists, des Howling Griffons, et de l’Adeptus Mechanicus de plusieurs Mondes-Forges. Si elle avait continué de sillonner les étoiles, une telle force aurait pu libérer des dizaines de systèmes solaires et anéantir d’innombrables ennemis de l’Humanité. En l’occurrence, baignée par l’éclat de la couronne infernale de Malak, elle fonça droit vers la flotte de guerre d’Angron.
Le vide se transforma en charnier lorsque les deux flottes se rencontrèrent. Les World Eaters et leurs alliés avaient l’avantage numérique, même sur cette énorme flottille impériale, mais Threnodar et Xeng menaient la force la plus disciplinée. Un grand nombre des vaisseaux de guerre des World Eaters se battirent comme des canidés enragés, sans se soucier les uns des autres, cherchant à traquer et à mutiler une proie après l’autre. Œuvrant à l’unisson, les capitaines impériaux parvinrent à attirer les vaisseaux hérétiques dans des souricières avant d’effectuer des manœuvres d’esquive et de réduire l’ennemi en charpie par des salves longue portée.
Le cuirassé de classe Desecrator Gouger fut détruit de cette manière, de même que le Murderlust de classe Hades et l’ignoble grand croiseur de classe Retaliator Deathblow, qui avait vomi son feu sur Terra elle-même durant le dernier coup d’éclat d’Horus.
Alors que la formation hérétique se fragmentait, les vaisseaux Space Marines se faufilèrent dans les brèches pour lancer des actions d’abordage. Le Copiste Vorn Dylas des Imperial Fists entreprit un nettoyage pont par pont qui vit ses guerriers saisir celui du Bloodied Fang' et tourner son artillerie sur ses frégates d’escorte. Hibogen Khan conduisit ses escorteurs White Scars dans une série de raids courageux pour étriller les croiseurs d’attaque hérétiques 'Hound’s Maw et Skullclaimer. Pendant ce temps, la Maîtresse de Groupe Threnodar menait une formation de trois cuirassés impériaux - dont son Resplendent - pour anéantir le Conqueror.
L’assaut loyaliste s’était avéré extrêmement efficace, mobilisant tout le talent et le courage des capitaines, des équipages et des troupes d’abordage pour mutiler leurs ennemis hérétiques. Mais une bataille contre Angron n’est jamais facile. Alors que les trois cuirassés convergeaient vers le Conqueror, le vaisseau amiral hérétique fonça soudain sur eux. Tel un gladiateur aguerri, il se joua de tous les tirs déchaînés contre lui, ses boucliers hyperrésistants et sa coque à toute épreuve absorbant les projectiles de ses adversaires. Les batteries du Conqueror crachèrent leur fureur, touchant le Veracity de classe Oberon et forçant le Blade Aquilant déjà endommagé à interrompre son attaque. Puis vinrent les Griffes Ursus, des harpons colossaux qui embrochèrent la coque du Resplendent pour le rapprocher de lui. Ce fut à ce montent que l’Ange Rouge prit son envol.
Boucherie
Les vaisseaux qui combattirent à la lisière de la couronne de Malak seraient à jamais dotés d’une étrange signature énergétique qui souillerait leurs signaux vox et les émissions de leurs propulseurs Warp. |
Angron avait attendu avec impatience que l’ennemi arrive à portée, à peine conscient des rapports décrivant le bain de sang qui éclaboussait le système. Plus il s’approchait du brasier psychique sur Malakbäel, plus il accaparait ses pensées. Au montent où Threnodar et Xeng menèrent leur contre-offensive contre son fer de lance, il était ivre de rage et de douleur, incapable de donner des ordres cohérents. Mais l’équipage d’Angron savait ce qu’il avait à faire : tout massacrer.
Conscient que son vaisseau plongeait telle une lame dans le cœur de la formation ennemie, Angron laissa le courroux de la guerre l’embraser. D’un geste, il fracassa les portes d’une cloison, puis fonça à travers la structure du Conqueror telle une bête libérée d’un piège.
Des alarmes hurlèrent et des portes anti-explosion se refermèrent derrière lui. Sourd et aveugle à tout ce qui l’entourait, l’Ange Rouge traversa un sas et émergea dans l’espace.
Il fut accueilli par la fureur de la guerre spatiale. L’étoile Malak brillait au-dessus de lui, si proche qu’il voyait des bouffées de plasma s’élever paresseusement de sa surface pour balayer le vide. Le regard furieux de l’astre projetait d’étranges jeux d’ombre et de lumière sur les vaisseaux et brouillait leurs silhouettes. Mais pour les sens surnaturels d’Angron, l’Orphéon Psychique sur Malakbäel brillait bien plus fort. Il avait l’impression qu’il allait calciner la chair sur os cuivrés et que son chœur hurlant risquait d’arracher son esprit. Il se tordit de douleur jusqu’au moment ou le martèlement des Griffes du Boucher et sa propre rage l’incitèrent à passer à l’action.
Angron vit l’énorme cuirassé impérial traîné par les Griffes Ursus. Le bâtiment continuait de se battre, le Conqueror et lui se tirant dessus à bout portant. Angron laissa échapper un hurlement de colère qui se propagea à travers le vide, puis plongea telle une torpille. Il fut frappé par un rayon et manqua d’être tranché en deux, mais son corps surnaturel se reforma en quelques secondes. Il s’élança en avant. Une immense falaise métallique apparut lorsqu’une frégate impériale se glissa entre sa cible et lui, tentant de briser les chaînes des Griffes Ursus dans une manœuvre d’éperonnage désespérée. Rugissant de hargne, Angron fila à travers les tirs d’artillerie du vaisseau, sa rage métaphysique flamboyant autour de lui. Les ailes repliées, lames brandies en avant, il frappa le flanc bâbord. Mû par sa volonté démoniaque, et au mépris de toutes les lois physiques, il se fraya un chemin à travers les plaques de blindage, les ponts, les systèmes vitaux, les arsenaux et des formes humaines hurlantes avant de surgir à tribord de la frégate. Tout autour de lui, des explosions éclataient, des débris tourbillonnaient, et des silhouettes étaient happées par le vide sous l’effet d’une violente dépressurisation. La frégate fut secouée d’explosions secondaires et dévia de son cap. Elle dériva dans le champ de tir avant du Conqueror et fut criblée de rayons. Angron plongea vers le cuirassé pris au piège.
Un dernier blizzard de tirs défensifs enveloppa Angron alors que le Resplendent tirait de toutes ses pièces dans sa direction. Il fut désintégré et se rematérialisa dans un halo écarlate, avant d’être atomisé une nouvelle fois. À bord du pont du Resplendent, Ira Threnodar ordonna à son équipage de lui confirmer la destruction de la cible, et se mit à arpenter son perchoir, la main sur le manche de son sabre énergétique, le regard furibond. Des officiers transmirent des rapports faisant état de graves dégâts de combat, de surcharge des systèmes, de corruption d’esprits de la machine, de torpilles d’abordage en approche, et de l’impossibilité de déloger les énormes harpons qui avaient percé la proue. Mais tout ceci n’avait aucune importance comparé à la confirmation que le monstre dans le vide était bien mort.
Soudain, un cri de rage inhumain déchira l’air alors que tous les écrans sur le pont viraient au rouge. Un brasier éclata dans la fosse strategos au cœur du pont, les cris des adeptes et des Serviteurs en feu noyés par le rugissement des flammes qui se muèrent en une voix féroce beuglant des serments infernaux. Angron se dressa parmi les flammes, lames en main, et se jeta sur l’équipage de Threnodar. Les dents serrées, la Maîtresse de Groupe dégaina son sabre tandis que ses subordonnés fuyaient en hurlant et se prépara, tétanisée de peur, à mourir avec honneur.
Le cours de la bataille changea lorsque le Resplendent mourut dans l’étreinte du Conqueror. Non seulement le vaisseau amiral du groupe de patrouille impérial était mort, mais le nombre, la férocité et le talent martial des World Eaters commençaient à se faire ressentir. Les cuirassés jumelés Despoiler Slaughter et Harvest s’engouffrèrent dans la brèche ménagée par le Conqueror et vomirent des hordes de Métadracs et des nués de modules de largage. Elles engloutirent le Veracity, la bataille faisant rage à travers sa coque et ses ponts alors que des osts de Berzerkers, de cultistes du sang et de Machines-Démons déchiquetaient des rangées de soldats et de Technoprêtres. Pendant ce temps, pour chaque embuscade réussie par les vaisseaux loyalistes, une autre capotait sous l’effet des mitraillages effectués par les appareils World Eaters surgissant aux abords de la zone d’engagement. Le Munificence, le Lord Solar, le vénérable Manifest Menace et même la Barge de Bataille White Scars Steed of Kumblai virent leurs réacteurs détruits, leurs ponts d’armement incendié, leurs passerelles et enginariums envahis par des troupes d’abordage assoiffées de sang. La dévastation d’Angron se propagea d’un vaisseau à l’autre. Traversant des ouragans de projectiles de tirs, il poursuivit sa route, semant la ruine dans son sillage.
Percée
Voyant la bataille pencher en défaveur de ses forces, et consciente que tout délai laisserait les World Eaters cerner sa flottille, Xeng ordonna la retraite. Tirant tous azimuts, les vaisseaux loyalistes survivants effectuèrent des manœuvres d’esquives, cherchant à se désengager. Certains parvinrent à s’échapper. D’autres, encerclés par des meutes de vaisseaux guerre hérétiques ou submergés par des groupes d’abordage, furent abandonnés à leur sort. Atterrissant parmi les flèches gothiques du Conqueror, Angron beugla sa colère tandis que ses forces lançaient la curée. Ceux qui étaient trop endommagés pour suivre le rythme ou aux prises avec des bâtiments impériaux blessés moururent sur place. Mus par la soif de sang, les World Eaters poursuivirent leur route dans le flamboiement de leurs propulseurs, leurs réacteurs à plasma poussés à la limite de leur tolérance alors que leurs capitaines ordonnaient d’accélérer, toujours plus. Malakbäel et l’Orphéon Psychique se trouvaient droit devant, éclairés par les feux de la guerre qui battait son plein.
Alors que la bataille faisait rage autour de l’étoile Malak, l’Exsanguinator et sa flotte avaient assailli les défenses autour de Malakbäel. Plutôt que de laisser les attaquants dicter la bataille, le Maître de Flotte Abcondis plaça les Forces Opérationnelles Alphae II et Irasmus VII en arcs de flanc, tandis que le Maître de Groupe Bolsett menait un détachement de la Force Opérationnelle Kilos II à la rencontre de l’avant garde ennemie. Les formations hérétiques ayant été durement éprouvées par le combat autour des astéroïdes de Malakandrias, le plan d’Abcondis avait une chance de fonctionner. Leurs éléments les plus avancés engagèrent la force de Bolsett sans soutien, et subirent de lourdes pertes. Tandis que les Force Opérationnelles Alphac II et Irasmus VII prenaient l’ennemi en tenaille, Bolsett et ses vaisseaux se replièrent. Profitant de la dispersion ennemie, les troupes de flanc loyalistes fondirent sur les hérétiques et détruisirent de nouveaux appareils sous de violentes bordées et des volées de torpilles. Puis ils se désengagèrent à leur tour, entrainant de nombreux escadrons World Eaters loin de l’attaque principale.
La stratégie d’Abcondis priva la force de Dreagh’or de plusieurs vaisseaux et de son élan. Cependant. Elle ne parvint pas à stopper totalement l’assaut, qui se mua en une série de coups de boutoir contre les zones orbitales extérieures de Malakbäel. Des vaisseaux de guerre loyalistes, des plateformes de défense et de silos d’armement déchaînèrent une tempête de feu qui éviscéra un vaisseau hérétique après l’autre. Mais l’Exsanguinator poursuivit sa route, plongeant dans la zone d’engagement, suivi de dizaines de vaisseaux de guerre hérétiques. Des plateformes de défense tremblèrent et se brisèrent sous les bombardements. Des appareils des deux camps prirent feu et sombrèrent dans le vide. Des armées entières livraient des guerres d’abordage dans un concert de fusillades et de cris.
Soudain, l’Unrelenting des Chevaliers Gris surgit pour attaquer de front l’Exsanguinator, Abcondis et le Maître de Chapitre DuGal ralliant leurs vaisseaux amiraux à la contre-offensive soudaine. La bataille de Malakbäel aurait pu être gagnée à cet instant, les Loyalistes exterminant un ennemi avant de se tourner vers le suivant. Mais peu après, Angron et son fer de lance frappèrent, dispersant les derniers vaisseaux de Xeng sur leur chemin. Le Conqueror plongea telle une lame dans le cœur des défenses impériales, ses propres vaisseaux d’escorte, blessés mais toujours aussi résolus, se déployant pour harceler les formations loyalistes dans une orgie de sang.
Le Maître de Chapitre DuGal rassembla plusieurs Forces Opérationnelles pour attaquer les nouveaux venus tandis qu’Abcondis cherchait à repousser la contre-offensive contre l’Exsanguinator, mais la lueur d’espoir avait disparu. Désormais à force égale, et entraînées dans des engagements désespérés, les deux flottes emplirent l’espace de tirs, de sang et de débris de métal, luttant pour la suprématie. À travers le carnage, Angron volait, à peine conscient de la bataille titanesque autour de lui. Poussant un hurlement sanguinaire, il plongea dans l’atmosphère de Malakbäel en direction du fanal psychique.
Angron fendit l’atmosphère supérieure de Malakbäel, des flammes bouillonnant autour de lui, une traînée de fumée noire souillant le ciel dans son sillage. Il savait précisément où aller. À cette distance, l’Orphéon Psychique ressemblait à une constellation miniature de flots d’énergie empyréenne et d’étoiles spirituelles flamboyantes, qui s’imprimait dans sa vue Warp telle l’image résiduelle d’une explosion.
Angron se moquait du reste de Malakbäel. Il ne s’intéressait pas aux babioles que convoitait Abaddon, et se fichait de savoir si le Fléau s’en emparerait. Il ne voulait qu’une chose : éteindre le fanal et tuer tous ces immondes sorciers et ces Loyalistes pleurnichards qui avaient contribué à sa conjuration. Et si ses feux le brûlaient ? En son for intérieur, Angron espérait qu’enfin, l’assaut psychique qui arrachait des lambeaux de son essence métaphysique suffirait à le détruire pour de bon.
Alors que les flammes de sa rentrée atmosphérique brûlaient, des bancs de nuage semblables à des montagnes flottantes apparurent au-dessous de lui. Des éclairs zébraient leurs profondeurs. Angron replia ses ailes, poussa un rugissement féroce, et plongea vers eux. Un coup de tonnerre éclata lorsqu’il frappa les nuages et qu’ils se désintégrèrent, dispersés comme si une ogive atomique avait détoné en leur sein.
Alors que les nuages se retiraient ; la citadelle impériale apparut au-dessous. Angron vit un vaste dôme central, couvert de plusieurs couches de blindages et de Boucliers Void. Hérissé de tours et emplacements d’armes. Des fortifications, des batteries d’artillerie anti-orbitale, des hangars blindés et des réseaux de tranchés creusées dans les gravats d’anciens sanctuaires et de jardins de prières qui s’étiraient du dôme à perte de vue. Angron supposait que les architectes de la citadelle la trouvaient magnifique. Il n’éprouvait que du mépris en la contemplant. Ça ne valait pas le Palais de l’Empereur.
Des dizaines d’installations Icarus au sommet des toits et des flèches pivotèrent pour suivre Angron. Une grêle de tirs convergea vers lui. Sa fureur atteignit de nouveaux sommets alors que les Griffes du Boucher pilonnaient son esprit et que des tirs de laser roussissaient sa peau. Poussant un beuglement, il descendit en slalomant entre les tirs de DCA, chassant les missiles avec ses lames, ballotté par les détonations. Angron sentit l’air s’ioniser autour de lui. De l’énergie crépita sur son armure, et l’instant d’après, il fut pris dans l’explosion d’un canon laser anti-orbital. La douleur dévorait chaque once de son être alors que sa forme corporelle était réduite en cendres. Un instant, il fut tenté de ne pas réagir, d’être projeté dans l’Empyrée pour être recraché quelque part où le massacre recommencerait.
Comme à plusieurs reprises au cours de ces derniers jours, sa fureur et sa haine réprimèrent sa pulsion. Une soif de tuer insatiable reconstitua son enveloppe corporelle, et il s’élança en avant, bien trop furieux pour mourir.
Fondant sur la citadelle loyaliste, il vit de minuscules silhouettes se précipiter sur les banquettes de tir et prendre position sur les créneaux. Ils braquèrent leurs armes dans sa direction en criant des ordres et des prières. Distinguant des Space Marines parmi eux, il retroussa ses lèvres en un rictus. Il s’abattit parmi les Boucliers Void dans un craquement de surpression, puis déploya ses ailes dans un fracas assourdissant, et vira, les tirs loyalistes le pourchassant dans le ciel. Il plongea sa hache Brise-Échine dans le flanc d’une tour blindée avec la force d’un météore. Des fissures explosèrent à travers le ferrobéton renforcé et les étages supérieurs s’ébranlèrent avant de s’effondrer dans une avalanche de corps et de gravats.
Angron poursuivit son plongeon en direction d’un toit grouillant de soldats, puis atterrit sans ralentir, et se mit à courir, taillant dans la chair à tour de bras avant de se jeter du toit pour s’envoler à nouveau. Il piqua entre de nouvelles tours, détruisant des emplacements Icarus et des plateformes de combat dans d’énormes explosions.
Alors qu’il plongeait dans un canyon artificiel entre de hauts remparts, le hurlement de moteurs et d’une nuée de missiles annonça l’arrivée d’une volée d’escorteurs Valkyrie. Angron essuya leurs tirs sans sourciller et s’élança parmi eux dans un rugissement. Il les faucha en plein vol, et empala le denier avec sa lame Samni’arius, avant de battre des ailes et de prendre de l’altitude pour projeter l’appareil au sol comme une météorite. L’engin s’écrasa sur le toit d’un silo de défense orbital. Quelques instants plus tard, des explosions apocalyptiques firent imploser l’installation.
Pendant tout ce temps, Angron sentait le fanal psychique palpiter dans son esprit, mais il résista à la tentation de foncer vers lui. Son but n’était pas uniquement de triompher. Il voulait ridiculiser tous ceux qui avalent offensé le Dieu du Sang et leur montrer que leur forteresse n’était rien de plus qu’un vulgaire taudis.
Alors que cette pensée perçait la brume rouge de son esprit, Angron battit des ailes et s’éleva dans les airs avant de piquer pour atterrir sur les remblais face aux portes colosses de la citadelle. Une douleur quasi transcendantale le saisit lorsque le martèlement des Griffes et le cri de l’Orphéon Psychique se mêlèrent dans son crâne. À cet instant, Angron perçut non pas la citadelle devant lui, mais les remparts du Palais de l’Empereur devant lesquels il s’était jadis tenu pour défier la fureur des artilleurs sur les murs. Malgré l’éclat psychique aveuglant, il distingua une silhouette dorée qui le considérait d’un air impassible, le disséquant du regard.
« Je ne reculerai pas, » cracha Angron, et tandis que Malakbäel réapparaissait dans son champ de vision, il vit des centaines de soldats courir en hurlant dans les tranchées. Des chars s’élancèrent dans sa direction en laissant un sillage de fumée noire, leurs tourelles pivotant dans sa direction. D’énormes emplacements d’armes sur les remparts se tournèrent vers lui.
« Que la douleur vienne ! Que le sang coule pour le Seigneur des Crânes ! Fuyez ou résistez, peu importe. Je vous transformerai en offrandes ! »
Angron se dirigea vers les portes. À chacun de ses pas, ses fissures couraient dans le sol, d’où s’échappaient une lumière infernale et une fumée sulfureuse. Les canons loyalistes ouvrirent le feu, et de nouveau, Angron se retrouva englouti dans une tempête de tirs. Des Bolts et des tirs de laser ricochaient sur son armure. Des explosions l’enveloppaient de flammes tandis que des mares de sang et d’ichor grésillaient dans son sillage. Poussé par une haine féroce, Angron accéléra et courut droit dans l’ouragan de projectiles en poussant un hurlement de rage si puissant que le verre armé se fendit, que des cœurs explosèrent et que des pelotons de soldats entiers prirent leurs jambes à leur cou, saisis de panique.
« DU SANG POUR LE DIEU DU SANG ! »
Angron fonça vers les tranchées et les traversa en faisant tournoyer ses lames, ses ennemis s’écroulant dans des geysers de sang, comme jetés dans des hachoirs à viande. Des dizaines de têtes tombèrent dans la boue imbibée d’hémoglobine. D’un coup de Brise-Échine, il envoya un char Leman Russ au loin, l’engin écrasant tout son passage avant d’exploser dans une boule de feu. Un déluge de projectiles s’abattit sur Angron, soulevant des fontaines de boue et de lambeaux de chair, mais il n’avait aucune chance de le ralentir. Les Griffes continuaient de marteler son esprit. Sa volonté n’était plus qu’un hurlement infini de haine et de fureur. Même les ondes psychiques du fanal ne parvenaient pas à apaiser son courroux.
Tout devint flou lorsqu’Angron battit des ailes pour accélérer sa charge et fonça vers les portes. Des cris et des prières désespérées déferlent sur lui en même temps qu’une marée de sang. Chaque coup de sa lame mettait fin à des dizaines de vies. Il jetait des véhicules sur le côté comme de vulgaires poupées de chiffons, leurs coques enfoncées, leurs munitions détonant pour arroser les Loyalistes de shrapnel brûlant. Rien ne pouvait l’arrêter.
Angron fut soudain écœuré par ces pitoyables obstacles que l’Imperium appelait soldats. Ils n’étaient pas dignes. Beuglant de rage. Il s’élança dans les airs en brandissant sa hache et sa lame pour frapper les portes blindées de la citadelle. Celles-ci s’écroulèrent, cédant sous la force de sa volonté comme sous la puissance de ses coups.
D’énormes gonds éclatèrent et des chaînes se brisèrent, soumises à une violence bien supérieure à leur seuil de tolérance. Angron aperçut des rangées de soldats et de chars se rassembler sur la place d’appel avant que la masse métallique des portes ne s’écrase sur eux et les réduise à des tas de chair sanguinolents projetés en l’air.
Angron rejeta la tête en arrière, déploya ses ailes et poussa un rugissement de défi. Les nuages élimés s’étaient colorés de rouge et de noir et filaient sur un ciel teinté d’écarlate. Il sentit les vents du Warp se lever, s’opposant à l’aura apaisante de l’Orphéon Psychique. Des traînées de feu déchiraient les cieux et Angron se rendit compte que ses guerriers en orbite devaient lâcher des modules de largage et des bombes sur la planète afin d’appuyer son attaque. Il perçut le mugissement de cors Warp dans le vent et comprit que de l’autre côté du voile de la réalité, les Démons de Khorne rejoignaient le massacre. Angron ne fut pas surpris, tant la moisson de crânes et de sang serait abondante après cette bataille apocalyptique.
« Mais ce ne sont pas les vôtres, » maugréa-t-il, alors que sur la place d’appel, ses ennemis recouvraient leurs esprits et ouvraient le feu. Dans un grondement effroyable, un char super-lourd surgit d’une arche en forme d’Aquila, et tira un énorme projectile sur lui. Angron le chassa d’un geste. L’explosion fit s’écouler un pan entier du corps de garde, et le Primarque Démon se tourna vers les rangs qui s’opposaient à lui.
Les Griffes du Boucher le martelaient, encore et encore. La forteresse s’étirait telle une plaie béante devant lui ; il n’avait plus qu’à se pencher pour lut arracher le cœur. Des ennemis mortels surgirent de dizaines de sas et de trappes, des officiers terrifiés leur hurlant de tirer de toutes leurs pièces. Au-delà, l’Orphéon Psychique flamboyait telle une supernova et l’accablait de sa chaleur détestable. Angron accueillit la douleur tandis qu’il tuait, encore et encore. Sans jamais s’arrêter.
La Tempête de Sang
Alors qu’Angron s’enfonçait dans la Forteresse de Lumière et que l’impasse se poursuivait dans le vide, la bataille de Malakbäel dégénéra en anarchie. Des milliards d’individus périrent en quelques heures. Même l’influence de l’Orphéon Psychique ne pouvait neutraliser la puissance d’une telle offrande à Khorne, si bien que l’aura surnaturelle du Dieu du Sang s’amplifiait.
Relié à son pupitre de commandement par des magna-liens, le Maître de Flotte Abcondis s’efforçait de garder l’équilibre malgré les soubresauts de son vaisseau amiral. Il était l’œil d’une tempête constituée d’officiers, de Technoprêtres, de rapports stratégiques, d’alertes de dégâts, d’ordre transmis en toute hâte et de prières grandiloquentes. Abcondis luttait pour garder son emprise sur la stratégie globale, tandis que ses subordonnés étaient chargés du contrôle de l’Honour of Terra.
Dans le vide, l’Amiral Pell prenait peu à peu le dessus sur le fer de lance du Clarion Dire. Pendant ce temps, la bataille au-dessus de Malakbäel s’était scindée en trois engagements distincts. L’Exsanguinator menait encore une vaste force renégate loin au-dessus du pôle nord de la planète. La bataille s’était mue en une sorte de corps à corps acharné. Le Croiseur d’Attaque des Chevaliers Gris menait les forces loyalistes. D’après les rapports, il était coincé en une danse mortelle avec l’Exsanguinator, chaque vaisseau arrachant des pans de coque à l’autre.
Le second conflit faisait rage près de l’équateur de la planète, au-dessus des nuages écarlates qui s’agitaient tel un tourbillon de sang. Le Conqueror ainsi que plusieurs grands croiseurs hérétiques avaient atteint l’atmosphère supérieure de Malakbäel et vomissaient des modules de large et des bombes sur la Forteresse de Lumière. Le Maître de Chapitre DuGal menait ses Space Marines Void Talons, ainsi que les Imperial Fists et les Howling Griffons qui avaient survécu à la retraite tragique de la Maîtresse de Groupe Xeng pour tenter de les arrêter. Un grand nombre des forces Space Marines étaient engagées dans des assauts d’abordage, défiant la fureur psychotique des World Eaters dans l’espoir d’endiguer le flot des forces renégates atteignant la surface. Cependant, le Maître de Flotte Abcondis nourrissait des doutes. Les données stratégiques faisaient état d’un monstre dévastant la Forteresse de Lumière, et d’un nombre croissant d’hérétiques traversant la brèche créée par l’abomination. Surtout, des pics lui avaient montré un ost de chars World Eaters et de Machines-Démons filant à travers les cieux à des vitesses fulgurantes, non pas à bord de modules de largage, mais portées par une arche de feu surnaturelle.
Persuadé que cet assaut sur la planète présentait une menace bien plus grave que la survie de l’Exsanguinator, le Maître de Flotte Abcondis avait créé la troisième zone d’engagement. Il avait ordonné au Honour of Terra de changer de cap, avait rallié les vaisseaux d’attaque les plus imposants à ses côtés, et se forgeait une voie à travers le Conqueror et sa flottille d’invasion. La manœuvre avait attiré l’attention de dizaines d’appareils hérétiques plus petits, qui se jetaient par vagues sur la formation d’Abcondis. Certains cherchaient à défendre une zone de largage secondaire, où des vaisseaux de débarquement Titans dégorgeaient des Machines-Démons chargés d’attaquer les sanctuaires côtiers de Malakbäel. Les autres semblaient déterminés à atteindre et à aborder le vaisseau amiral loyaliste lui-même.
L’un de ces vaisseaux plongea à travers les tirs de défense de la formation d’Abcondis et survécut assez longtemps pour jeter une nuée de modules de largage Dreadclaw sur le Honour of Terra. Le Maître de Flotte avait conscience du potentiel meurtrier représenté par les troupes d’abordage World Eaters, mais son propre vaisseau n’était pas sans défense. Il comprenait non seulement une énorme garnison de soldats de la Marine, mais aussi plusieurs manipules de Robots Kastelan offerts par un Magos de haut rang martien, ainsi qu’une garde d’honneur d’Ultramarines menée par le redoutable tueur répondant au nom de Lieutenant Scipion.
Le Maître de Flotte envoya des requêtes urgentes pour une mise à jour tactique et reçut sa réponse sous la forme d’un lien-vox issu de Scipion. S’attendant à ce qu’il lui annonce qu’il en avait presque terminé avec la soixantaine de World Eaters qui devaient être à bord, Abcondis fut consterné en entendant le rapport sinistre du Lieutenant. Les intrus étaient menés par un monstre, un personnage tristement célèbre appelé Khârn le Félon. L’effroi dans la voix de Scipion en disait long. Apparemment Khârn avait déjà arraché les ponts d’armement supérieurs arrière, ses adeptes et lui massacrant un nombre effroyable de défenseurs impériaux tout en résistant à des tirs qui auraient dû les tuer dix fois. Scipion signala que dans sa fureur, Khârn avait abattu plusieurs de ses propres guerriers, ce qui ne l’avait pas empêché d’atteindre les sanctuaires des turbo-ascenseurs arrière de la passerelle de commandement. Scipion et ses Frères de Bataille se précipitaient pour les intercepter, mais si le Maître de Flotte voulait survivre, Scipion admit qu'il devait abandonner le vaisseau sur-le-champ.
L'Arche Mutilée
Alors que la bataille faisait rage, le Stygian Heart s’était replié dans un sillage de flammes et de débris. Sa foi ébranlée, sa Funesteflotte détruite, Apophari Quen et ses magisters avaient tenté de lire dans les augures le meilleur plan d’action. Quen demeurait convaincu que Tzeentch les avaient envoyés à Malakbäel pour s’emparer de son fanal magique. Il voulait que les Narrouvrages restent à l’affût jusqu’à ce que la bataille prenne fin et que les deux camps soient affaiblis. Krade, au contraire, plaidait pour qu’ils fuient. C’était, selon lui, la décision la plus sage et ils avaient encore une Arche Fatidique avec laquelle mettre en œuvre la volonté de Tzeentch. Lakshet-Dans-l’Ombre, qui avait écouté en silence, prit enfin la parole. D’après lui, une voix étrange murmurait dans les conduites et coursives de l’Arche ; une créature de bruits blancs et d’écrous vrombissants. Quen, toujours optimiste, demanda s’il pourrait s’agir de Tzeentch.
Ce fut à ce moment-là que les trois Scourged sentirent l’Arche frémir et entendirent le vrombissement de moteurs lointains changer de cadence. Stupéfaits, ils virent des éclats de cuivre et d’argent volter à travers les murs, le plafond et même le sol. Krade se pencha en silence et cueillit un mécanisme délicat sur le sol qu’il contempla, hébété.
Partout dans le Stygian Heart, des plaques et des fils endommagés se reconstituèrent comme de la chair vivante. Des systèmes d’armement et de protection qui existaient bien avant que la race humaine n’esquisse ses premiers pas s’animèrent. D’étranges volutes de foudre parcoururent les couloirs et se glissèrent entre des moniteurs saturés de parasite. À l’intérieur de sa chambre rituelle caverneuse, le portail Warp de l’Arche vrombit, une énergie empyréenne tourbillonnant en réponse à l’arrivée d’un être d’une malveillance éternelle. Perchée au sommet de l’épine courbée du Stygian Heart, l’entité marmonnait, écœurée par l’état du grand vaisseau. Vashtorr l'Arkifane brandit son énorme marteau d’airain et frappa la coque, juste une fois. Aussitôt, le bâtiment fit demi-tour en direction de la bataille.
Assaut Infernal
Les flammes de la guerre se propageaient à la surface de Malakbäel et se dressaient encore plus haut dans le vide. Des Machines-Démons renégates de la Legio Carnivorum et de la Legio Scarifactor traversèrent les cités-sanctuaires au bord de la mer de Saint Gedawel. Les forces terrestres de la Flotte Quartus ripostèrent du mieux qu’elles purent. Les Chevaliers de la Maison Terryn effectuèrent des manœuvres de flanc pour tenter de frapper les Titans depuis l’arrière tandis que les Sœurs de l’Ordre de Notre Dame des Martyrs et des régiments d’artillerie de Krieg et d’Ulathu cherchaient à retenir l’attention des Titans à l’avant. Ces tactiques furent terriblement coûteuses, les machines-divines massacrant des milliers de Loyalistes, mais elles ralentirent la progression hérétique. Aux pieds des machines, des guerriers mutants et des Serviteurs du Mechanicum Noir pillaient les technologies loyalistes et capturaient des soldats et des pèlerins pour de futures expériences. Débordés, les pelotons de Krieg firent de leur mieux pour repousser les techno-hérétiques, mais ils moururent pour la plupart.
Dans l’hémisphère sud de Malakbäel, la grande cité-spatioport du Heaume Sacré brûlait. C’est là que des éléments des Sons of Medusa et des Imperial Fists avaient renforcé les régiments de l’Astra Militarum chargés de protéger le spatio-port. Ils affrontaient les hordes du Seigneur Invocatus, qui s’abattit des cieux ensanglantés sur une vague de flammes surnaturelle. Alors que les bombardements orbitaux pilonnaient la ville, les chars et les Machines-Démons écrasaient les lignes loyalistes. La où les Sons of Medusa tentèrent de les attirer dans des batailles blindées, les World Eaters éventrèrent leurs formations, laissant un sillage de destruction, mais refusant de se laisser enliser. Là où les Imperial Fists s’enfonçaient dans des positions fortifiées, les osts d’Invocatus les prirent en tenaille ou fondaient depuis des hauteurs pour semer la dévastation. Le sang coulait à flots le long des colonnades sanctifiées. Des têtes tranchées tapissaient le sol. À mesure que le combat s’intensifiait, des vagues de modules de largage se succédaient pour exploiter la tête de pont de plus en plus large.
Le Sanctum de l’Empereur-Dieu Resplendissant ; les temples du Mont Ephnari ; la Bibliothèque des Pèlerins Stellaires – chaque site sacré se mua en charnier alors que les troupes loyalistes tentaient de repousser l’assaut frénétique de millions d’adeptes de Khorne. Des lacs de sang emplissaient les cratères laissés par les explosions et noyaient les cadavres. Des monticules de têtes décapitées s’élevaient toujours plus haut parmi les sanctuaires en feu. D’innombrables voix entonnaient des prières de combat au Dieu du Sang. En réponse, les nuages rouges et noirs filaient dans les cieux tandis que le sol grondait et se fissurait. Même la lumière aveuglante de l’Orphéon Psychique était incapable de dissiper les brumes carmin qui se rassemblaient sur chaque champ de bataille, ni les entités démoniaques à la peau écarlate qui chargeaient parmi elles, galvanisées par le massacre.
Les Démons de Khorne vacillaient telles la flamme d’une bougie, leurs cris et leurs cors de guerre résonnant comme s’ils venaient de bien plus loin. Cela ne les rendait pas moins terrifiants aux yeux des soldats loyalistes confrontés à des abominations mythiques, dont les sabots réduisaient le sol en bouillie et soulevaient des tonnes de crânes. Plus d’un régiment de l’Astra Militarum fut mis en déroute par l’assaut féroce des Démons. Et même si la lumière de l’Orphéon Psychique les immolait les uns après les autres pour les renvoyer dans le Warp, les Démons avaient déjà laissé de terribles blessures dans les lignes de bataille impériales et fait basculer une myriade de soldats dans une terreur démente. Au milieu de cette anarchie, les bouchers des World Eaters et leurs alliés s’en donnaient à cœur joie.
Mais c’est dans l’enceinte de la Forteresse de Lumière que le bain de sang fut le plus effroyable. La fureur surnaturelle d’Angron atteignit de nouveaux sommets lorsqu’il se fraya un chemin dans les vagues de défenseurs frénétiques. À mesure que sa rage augmentait, sa masse spirituelle enflait dans le Warp, au point de voiler la lumière de l’Orphéon Psychique. Profitant de cette éclipse surnaturelle, une foule de Démons de Khorne parvint à se manifester. Pas moins de huit Buveurs de Sang déchirèrent le voile pour combattre auprès d’Angron. Des batteries de Canons à Crânes bombardèrent les bastions internes de la forteresse de volées de crânes explosifs, fracassant les remparts et faisant exploser les portes blindées. Des milliers de Sanguinaires et d’Équarrisseurs traversèrent les brèches, que des Ogryns munis d’énormes mantelets s’efforçaient de colmater.
Les World Eaters et leurs alliés mortels se déversèrent dans le corps de garde principal en hurlant des cris de guerre. Avançant parmi le chœur des hordes et leurs bannières pourpres, des Seigneurs des Crânes qui pulvérisèrent les murs de la forteresse et ouvrirent de nouvelles brèches. Des cornes de guerre cuivrées retentirent comme des coups de tonnerre entre les tours vacillantes de la Forteresse de Lumière alors que les artilleurs loyalistes faisaient pleuvoir un déluge de tirs sur les envahisseurs. Le carnage atteignit des proportions apocalyptiques.
En Son Nom
Les Loyalistes avaient conscience que la situation se dégradait rapidement autour de l’Orphéon Psychique. Refusant d’abandonner son vaisseau amiral, le Maître de Flotte Abcondis donna des ordres à tous les vaisseaux dotés de modules de largage de cesser le combat en orbite et de se redéployer pour renforcer les défenseurs du fanal. Les rapports stratégiques lui indiquaient que l’Amiral Aquilant Pell arriverait bientôt à Malakbäel avec des renforts navals. Abcondis espérait que cela lui permettrait de stabiliser la guerre dans le vide et de repousser, sinon détruire, le Conqueror. Les forces de la Navis Imperialis étaient mal en point, mais encore nombreuses, leurs unités éparpillées affluant depuis tout le système pour s’ajouter à leur nombre. S’il parvenait à instiller un semblant d’ordre dans cette folie, Abcondis était certain qu’ils pourraient encore vaincre leurs ennemis. Son rassemblement représentait une vaste portion de la Flotte Quartus – une défaite était impensable, quel que soit l’effectif des hérétiques.
C’est ainsi qu’un nouveau déluge de modules de largage stria les cieux au-dessus de la Forteresse de Lumière en hurlant des hymnes d’identification loyalistes, accompagnés d’une succession de vaisseaux d’attaque de la Navis Imperialis. Des chasseurs Lightnings et Thunderbolts plongèrent à travers les nuages écarlates pour engager les nuées de Métadracs et Démons de Khorne à ailes de chauves-souris qui grouillaient dans les cieux. Des escorteurs Space Marines et des volées d’intercepteurs louvoyaient entre les tours en feu pour amener les Forces de Frappe de l’Adeptus Astartes au combat, avant de leur fournir des tirs de couverture. Pendant ce temps, des officiers de la Marine en orbite lâchaient des rideaux de bombes et de rayons sur les quartiers extérieurs de la citadelle. Certains prièrent pour les âmes des Loyalistes pris dans le souffle des explosions alors que leurs cogitateurs de visée faisaient état de dégâts catastrophiques.
Rien de tout cela ne suffit à ralentir Angron. À grands coups de lame et de poings, le Primarque Démon des World Eaters se frayait un chemin sanglant à travers les lignes de défense. La Porte des Saints, conçue pour résister à des armes de siège super-lourdes et à tirs de fuseurs nourris, tomba d’un unique revers de Brise-Échine. Les zones de barricades labyrinthiques, les couloirs de tir, et les souricières du Bastion du Gardien ne firent rien pour impressionner Angron et sa garde d’honneur de Buveurs de Sang ; les Loyalistes qui tinrent bon et parvinrent à tirer sur cet aréopage de Seigneurs Démons aussi terrifiants ne purent que crier leur désespoir quand les envahisseurs se frayèrent un chemin sur des kilomètres de ferrobéton et d’adamantine renforcé. Angron mena un ost de Démons et d’hérétiques dans l’Escalier Galant et, après une bataille féroce, terrassa les vaillants Imperial Fists qui se tenaient sur son chemin. De l’autre côté des ponts, enjambant le Resonatum, l’ultime approche de l’Orphéon Psychique était dégagée, et le dôme blindé du Sanctum apparut dans toute sa splendeur à la horde d’Angron.
Soudain, la voix tonitruante de l’Inquisitrice Glori Emagna retentit à travers tous les laudaphones et transpondeurs vox de la citadelle. Elle déversa tout son mépris sur les osts d’invasion, les exhortant à se prosterner devant leurs divinités impies, car le jugement de l’Empereur allait s’abattre sur eux. Alors qu’elle délivrait son message depuis un sanctuaire-vox sous le Belvédère de Concentration, ses adeptes les plus loyaux se hâtaient d’un poste à l’autre et faisaient tout leur possible pour désactiver les protocoles écréteurs qui modéraient la puissance de l’Orphéon Psychique. Le reste de l’armée privée d’Emagna tenait en respect les tech-magi horrifiés pour les dissuader d’interférer avec cet acte de technohérésie. Les prêtres martiens crièrent à l’Inquisitrice de s’arrêter mais leurs appels restèrent lettre morte. Emagna était convaincue que la lumière de l’Empereur-Dieu était la dernière et la meilleure arme de son arsenal. Elle avait décrété qu’elle brillerait de tout son éclat.
Alors que le dernier écréteur s’éteignait, la plainte des Psykers implantés atteignit un crescendo désespéré. Des composantes psychiques crépitèrent sur toutes les surfaces du Sanctum alors que les vagues d’énergie tourbillonnant autour du Resonatum accéléraient. Angron, qui survolait le vaste tunnel toroïde hurla de douleur lorsqu’une onde de choc colossale le frappa. La peau fumante, il tomba et s’écrasa sur un pont. Tout autour de lui, les Démons de Khorne furent décimés par la déferlante de radiante invisible.
Une deuxième onde de choc suivit la première, bannissant de nouveaux Démons dans le Warp. Au même moment, la puissance de l’Orphéon Psychique enflait au point que Loyalistes et hérétiques entendait le hurlement des Psykers dans leur esprit. À travers le Système Malak, et même le long des canaux astropathiques reliant chaque système et sous-secteur où les forces loyalistes utilisaient l’énergie de l’Orphéon, l’éclat psychique provoqua des migraines, des visions, des voix étranges et des phénomènes bizarres. Mais malgré tous ces effets secondaires, le plan de Dame Emagna semblait fonctionner.
Angron Invaincu
Bannir une entité démoniaque requiert de connaître le véritable nom de cette entité et de le répéter avec une intonation précise dans le cadre d’une litanie d’abjuration complexe. Plus le Démon est puissant, plus le rituel et ses pratiquants doivent l’être également. |
Soudain privés de leurs alliés démoniaques, la World Eaters perdirent de leur élan. Les guerriers de l’Hereticus Astartes continuaient de se jeter en avant avec une fureur aveugle, mais leurs adeptes et leurs alliés de la Militarum Traitoris furent gravement ébranlés par la disparition d’êtres qu’ils considéraient comme l’incarnation de la puissance de Khorne. Les tirs loyalistes continuaient de pleuvoir de toutes parts. Soucieuses de tirer profil de ce brusque changement stratégique, les forces Space Marines lancèrent de terribles contre-attaques. Les artilleurs et les guerriers, qui, quelques instants auparavant, s’efforçaient de repousser l’assaut d’entités infernales, furent soudain libres d’épancher leur colère sur les alliés des Démons. Des hymnes à l’Empereur-Dieu résonnèrent alors que les alliés se rassemblaient et ripostaient.
Des hordes démoniaques menant la charge de Khorne, il ne restait plus qu’Angron et les huit Buveurs de Sang. Perclus de douleur, ils avancèrent péniblement vers l’Orphéon Psychique, comme s’ils luttaient contre un ouragan psychique. Lorsque des volées de tirs impériaux les prirent pour cible, deux Buveurs de Sang furent bannis dans le Warp, hurlant de fureur et d’outrage. La rage d’Angron était à son comble. Être ainsi bombardé de sorcellerie hostile le poussa au paroxysme de la colère et de souffrance. Malgré tous ces millénaires de massacre, de haine et de douleur, il n’avait jamais connu une telle sensation. Autour de lui, les Buveurs de Sang avançaient en rugissant ou battaient furieusement des ailes, luttant pour progresser à contre-courant. Pourtant, les traits bestiaux d’Angron se tordirent en un semblant monstrueux de sourire. Ce n’était pas une expression de joie, mais d’exaltation pure et sanguinaire. Relever un tel défi, jeter chaque once de sa rage contre cette avalanche de sorcellerie, frôlait la catharsis et poussait Angron à se battre toujours plus fort.
Brandissant Brise-Échine, il plongea ses dents dans le pont sur lequel il se tenait, se servant du manche comme d’une canne, puis planta Samni’arius dans le sol pour se traîner vers son objectif. Alternant entre chaque arme, il prit de l’élan et se mit à courir. Sa crinière était en feu, et ses ailes en lambeau fumaient comme du parchemin brûlé, mais il ne ralentit pas. Entraînant le reste des Buveurs de Sang dans son sillage, Angron s’enfonça dans l’éclat du fanal avec une détermination psychotique. Fonçant à travers une immense arche, il pénétra dans le Sanctum de l’Orphéon Psychique.
Émergeant à proximité du plafond du dôme, Angron s’élança le long du portique cerclé de fer du Belvédère de Concentration, lorsque des charges bénies déposées par les adeptes de Dame Emagna détonnèrent sous ses sabots. Pris par surprise, Angron tomba parmi des débris en feu, laissant une traînée de flammes tourbillonnantes. Il heurta le sol du Sanctum assez fort pour y creuser un cratère et fut aussitôt noyé sous un déluge de tirs venus de tous les côtés. Les Chevaliers Gris de la Force de Frappe du Frère-Capitaine Cromm jaillirent des portes et des escaliers menant aux catacombes. Appuyés par les Fils du Tempestus de l’armée privée de Dame Emagna, ils lâchèrent salve après salve de munitions bénies sur le Primarque-Démon. Pendant ce temps, depuis le sanctuaire-vox à proximité du Belvédère de Concentration, Emagna ajoutait sa voix amplifiée aux rites de bannissement entonnés par les Chevaliers Gris.
Angron se leva du cratère en poussant un hurlement de fureur si assourdissant qu’un grand nombre des Fils du Tempestus titubèrent avant de s’effondrer, les mains plaquées sur leurs casques à l’intérieur desquels leurs tympans et leurs globes oculaires avaient explosé. En réponse, Cromm augmenta l’amplification vox de son gorgerin, et ses frères l’imitèrent. Une soixantaine de Chevaliers Gris se rapprochèrent d’Angron, certains vêtus d’Armures Terminator, d’autres pilotant d’immenses Cuirassiers, tous mitraillant le Primarque des World Faters de tirs de projectiles et d’énergie psychique. Angron beugla de rage, mais tomba sur un genou, frappé par les assauts incessants de l’Orphéon Psychique et des Chevaliers Gris. Il commença à vaciller, sa peau s’assombrissant et se fendillant, des nuages de cendres émanant de sa silhouette ravagée. Jamais une entité Warp n’avait été soumise à une attaque surnaturelle aussi colossale et concentrée. Même la hargne infinie d’Angron était incapable de la repousser.
Le premier Buveur de Sang à surgir dans le Sanctum déploya ses ailes et fondit droit sur les Chevaliers Gris. Voyant le Démon arriver, deux pilotes de Cuirassiers tournèrent leurs armes vers lui. Leurs tirs de Psycanon déchiquetèrent le Buveur de Sang, mais dans son plongeon mortel, il percuta les Cuirassiers avec la force d’un chasseur lancé à pleine allure. Deux nouveaux Buveurs de Sang traversèrent les arches du Sanctum, suivi de deux autres. L’un d’eux donna un coup de fouet, projetant une immense ligne de feu qui ouvrit la porte du sanctuaire vox et s’enroula autour de Dame Emagna. Les prières amplifiées de l’Inquisitrice s’interrompirent alors qu’on l’arrachait, baignée de feu, de son sanctum. Hurlant des rites d’abjuration et tirant sur le Buveur de Sang avec son Pistolet Bolter, l’Inquisitrice fut hissée dans les airs jusqu’au moment où elle se heurta à la lame de la hache du Démon. Sa tête tomba plusieurs mètres plus bas, son expression toujours figée en un masque de fureur zélote.
Les Buveurs de Sang plongèrent en direction des Chevaliers Gris. Même affaibli par le martèlement de l’Orphéon Psychique, chacun d’entre eux était un terrifiant seigneur de guerre des légions démoniaques de Khorne, une menace que les Chevaliers Gris ne pouvaient ignorer. Ordonnant à ses frères de retenir les Buveurs de Sang, le Frère-Capitaine Cromm avança avec ses Paladins pour achever Angron. Les autres Chevaliers Gris tournèrent leurs armes vers le ciel et brandirent leurs lames crépitantes tandis que les Buveurs de Sang s’abattaient sur eux. Libéré de la fureur des Chevaliers Gris, Angron se releva. Son enveloppe surnaturelle crépitait et grésillait, tandis que des averses de sang éteignaient les feux qui le nimbaient et que les plaies dans son cuir noirci se refermaient. Alors que Brise-Échine s’animait dans une gerbe écarlate, Angron se rua sur Cromm et ses Paladins. Une salve de Bolts bénis lui arracha des morceaux de chair, sans toutefois l’empêcher de faire tourner sa hache en un arc meurtrier qui arracha la tête et les épaules d’un Paladin. Angron reçut une lance de force en pleine poitrine et répondit en plongeant Samni’arius dans le casque de son adversaire.
Chantant encore des rites de bannissement, Cromm s’avança et abattit son Marteau Tueur de Démons Némésis. Son premier coup cueillit Angron sous la mâchoire et fit reculer le Primarque monstrueux. Son revers percuta la tempe d’Angron, projetant sa tête sur le côté et faisant jaillir une gerbe d’ichor bouillonnant. Sentant la victoire à portée de main, Cromm frappa une troisième fois. Rapide comme l’éclair, Angron laissa Samni’arius tomber au sol et saisit le manche du marteau de Cromm. Il abattit Brise-Échine avec une force météorique. L’arme plongea dans le cimier du casque de Cromm dans un vrombissement suraigu, puis, fidèle à son nom, poursuivit sa course à travers le métal et la chair, libérant un geyser de sang.
Angron jeta la carcasse mutilée de Cromm sur le côté, puis poussa un cri de fureur et de douleur lorsque la pulsation la plus intense de l’Orphéon Psychique explosa dans sa tête. Voilà ce qu’il était venu détruire, se rappela-t-il. Le regard dévorant du fanal était la seule chose qu’il pouvait voir. Ses feux l’engloutissaient comme une tempête solaire qui érodait son essence même. Affaibli, blessé et attaqué de toutes parts, mû par une rage si pure qu’elle devait être transcendantale, Angron battit de ses ailes élimées et s’éleva dans les airs. Il survola le Sanctum qui résonnait de puissance psychique débridée, puis frappa l’Orphéon Psychique de sa lame et de sa hache.
En cet instant, la fureur d’Angron le transforma en un fanal surnaturel, une singularité d’une micro seconde reliant l’espace réel au Warp. Lorsqu’il frappa, il puisa non seulement dans sa rage absolue mais aussi dans celle du Dieu du Sang et de tous ses fidèles.
Angron fit tournoyer sa hache et son épée en direction de la machinerie de l’Orphéon Psychique. Les dents affûtées de Brise-Échine vrombirent en crachant des morceaux de chair imbibés de sang. L’entité infernale nichée dans la lame Samni’arius tremblait d’impatience à l’idée de se repaître de l’énergie psychique du fanal. Au-dessous d’Angron, les Buveurs de Sang survivants hurlaient en se tordant, comme plongés dans une rage extatique. Les Chevaliers Gris, titubaient, et un grand nombre d’entre eux tombèrent à genoux en serrant leur tête alors que les sceaux gravés dans leur armure s’embrasaient.
Angron voyait toute cette scène au ralenti, au milieu d’une brume écarlate de plus en plus épaisse. Alors que ses armes s’approchaient de la surface métallique de la machine psychique, sa vue Warp fut bombardée de visions fulgurantes. Elles l’assaillirent tels les projectiles qui l’avaient mitraillé lorsqu’il s’était tenu face aux remparts de la Forteresse de Lumière. Elles ne durèrent que quelques millisecondes, et pourtant son esprit les absorba toutes. Angron vit des tueurs de toutes les races et credos, une multitude de guerriers et d’assassins disséminés dans une galaxie en guerre. Chacun deux assenait son coup de grâce de concert avec le sien.
Angron et son environnement se figèrent comme les dents engorgées de chair d’une hache tronçonneuse. Brise-Échine et Samni’arius furent séparées de l’Orphéon Psychique par quelques molécules. La lumière ardente du fanal se répandit dans tout son être, sans laisser le moindre recoin de son âme noire dans l’obscurité. Cependant, la douleur et la colère qui le ravageaient avaient dépassé même le seuil de tolérance sensorielle d’un Démon. Une sorte de silence et de sérénité s’abattit sur lui. Les Griffes du Bûcher se turent et l’absence de leur percussion sanglante était assourdissante.
Quelque chose bougea dans l’air immobile, quelque chose capable d’instiller l’effroi chez le Primarque Démon des World Eaters. Angron ne pouvait pas tourner la tête pour regarder, mais il sentait quelque chose de colossal s’agiter derrière son dos. Le mouvement était si gigantesque qu’il dépassait sa compréhension. Il ébranlait la trame de la réalité et affolait le Warp. Une tempête de haine hurlait autour d’Angron. La colère le balayait comme un ouragan. Angron sentit l’entité brandir une arme dont la lame était plus large que la circonférence d’un monde, et dont le tranchant pouvait scinder l’espace et le temps. Il ignorait comment il pouvait le savoir, mais il ne pouvait s’y dérober. Il sentit la fureur de l’entité battre contre lui tel un bûcher d’étoiles torturées, et la terreur l’envahit.
Il voulut se tourner pour affronter le colosse, même si cela eût été le geste de défi le plus futile de l’histoire de la réalité. Ce n’était ni la haine ni la folie qui le gouvernait. En cet instant, libéré de toute colère et douleur, Angron était lucide et refusait de mourir le dos tourné à la lame tueuse d’étoiles.
Mais les désirs d’Angron ne revêtaient aucune importance. Même sa volonté indomptable ne pouvait pas l’emporter sur la force qui semblait clouer la réalité sur place tel un combattant vaincu courbant l’échine. Angron sentit un dieu de la guerre ramener son épée en arrière. Il l’entendit rugir en enfonçant son arme, le fracas si épouvantable qu’il en devenait palpable. Angron mêla son rugissement à celui de la divinité alors qu’il se préparait à son annihilation.
Mais la lame ne se fraya pas un chemin à travers Angron ni ses guerriers. Au lieu de cela, il sentit l’énergie titanesque du feu meurtrier et de la folie sanguinaire déferler en lui alors que l’arme traversait son enveloppe corporelle. Des milliards de lames sacrificielles s’enfoncèrent dans la chair au moment même où Angron plongeait ses propres armes dans cette balise dont le signal rayonnait à travers les étoiles.
La réalité reprit son cours. La violence explosa de toutes parts. Une douleur incommensurable secoua le corps d’Angron alors qu’il s’était transformé en réceptacle d’un raz de marée de haine qui jaillissait de son être pour se déverser dans la machine psychique.
L’énergie canalisée dans Angron se répandit à travers les mécanismes de l’Orphéon Psychique, provoquant une succession de détonations écarlates. L’air fut aspiré du Sanctum en une fraction de seconde. Un feu infernal envahit la structure.
Angron sentit son enveloppe charnelle se désintégrer et entendit les hurlements lointains des Buveurs de Sang alors qu’ils étaient projetés dans le Warp. Toutes les autres personnes présentes dans la salle furent atomisées en un instant, mais la conscience incorporelle d’Angron subsista. Il fut transporté dans les airs au milieu d’une tempête de feu. Il vit les sorciers dans leurs alcôves et les Astropathes dans leurs salles prendre feu et être réduits a des nuages de cendres alors qu’un océan de rage les engloutissait. Il sentit la Malédiction Meurtrière de Khorne s’élever dans le dôme brisé tel un geyser de sang surnaturel jaillissant dans l’atmosphère de Malakbäel. L’énergie se mit à rayonner vers l’extérieur. Elle courait le long de canaux psychiques créés pour transmettre des messages d’ordre et d’espoir, et qui, maintenant, agonisaient, submergés par la folle et la rage.
Angron n’était qu’un spectre dans les flammes, une ombre ballottée dans le maelström. La fureur et la douleur saturaient son être, mais au même moment, sa perception de la réalité s’élargissait alors même qu’elle se rebasculait derrière le voile donnant sur le Warp. L’espace d’un instant, il se demanda si Khorne lui avait offert une once de sa propre vision de la réalité. Ou bien était-il une dernière fois assailli de visions arrachées aux esprits des âmes agonisantes avant d’être jeté dans le néant ?
Quoi qu’il en soit, Angron vit des étoiles frémir et couler comme du sang, et des éclairs noirs poignarder des paysages urbains grouillant d’assassins hurlants. Des images défilèrent devant ses yeux : des bannières ornées d’Aquilas, maculées de taches rouges qui s’agrandissaient tandis que les symboles inscrits sur elles se transformaient en crânes grimaçants et en runes de Khorne ; un énorme cœur en airain qui palpitait en pompant un sang empoisonné autour d’un corps formé d’innombrables mortels entremêlés et hurlants : des lames luisantes qui lacéraient la chair de l’espace réel tandis que des rangées de Démons du Dieu du Sang s’engouffraient dans les plaies. Angron vit tout cela sans éprouver la moindre once de satisfaction ni de désarroi. Il ne sentait que la douleur de la dissolution qui s’estompait lentement. Son seul espoir était que sa fin serait absolue et que l’Ange Rouge connaîtrait enfin la paix.
Soudain, il sentit un flot d’énergie empyréenne le traverser tandis que son enveloppe corporelle se reformait. Ouvrant les yeux, il découvrit un paysage inconnu hérissé de dômes d’habitation, de tours-vox et de remparts battus par une pluie pourpre et fumante. Il sentit Brise-Échine et Samni’arius dans ses poings. Il vit des soldats loyalistes fuir à la vue de sa manifestation, et des miliciens renégats hurler leur joie.
Tels des couteaux poignardant son esprit, les Griffess reprirent leur martellement incessant. Il poussa un beuglement de rage et de chagrin face à son existence maudite. Puis, ses ailes battant dans un fracas tonitruant, Angron s’élança dans la mêlée pour massacrer ses ennemis au nom du Dieu du Sang.
La Malédiction Meurtrière
La destruction de l’Orphéon Psychique provoqua une explosion si cataclysmique qu’elle fendit Malakbäel en deux. Cette détonation physique se répercuta dans le Warp sous la forme d’une éruption d’énergie empyréenne qui se mua rapidement en tempête Warp. Des milliards d’individus perdirent la vie en quelques minutes.
Avec la mort de l’Orphéon Psychique, la guerre de Malakbäel connut une fin aussi brutale que dévastatrice. Les forces terrestres épargnées par l’explosion initiale se retrouvèrent coincées sur un monde en pleine désintégration, ébranlé par des éruptions de magma, des tremblements de terre ainsi que l’effondrement de l’atmosphère et du champ magnétique de Malakbäel. Une poignée d’évacuations réussirent, la plupart menées par des pilotes Space Marines bravant les cieux ardents pour arracher leurs camarades aux griffes de la mort. Une multitude d’autres échouèrent, les modules de largage fauchés en plein vol par des rochers dérivant dans le vide et des armées englouties par des océans de roche en fusion.
Au même montent, une onde de choc empyréenne jaillit de l’Orphéon Psychique et ravagea le système, déchiquetant la trame de la réalité. De nombreux vaisseaux de guerre loyalistes et hérétiques furent arrachés à l’espace réel et projetés dans le Warp. Certains émergèrent dans d’autres endroits et d’autres lieux ; d’autres disparurent à jamais. Ceux qui échappèrent à la désintégration furent broyés ou éventrés par les débris de l’explosion. Malakra, déjà en feu, fut heurtée par un morceau de Malakbäel de la taille d’un continent. Toute forme de vie demeurant à la surface de la planète fut anéantie en quelques minutes. Malakvar et la lointaine Malakshet essuyèrent des tempêtes de débris qui balafrèrent les terres et étouffèrent l’atmosphère. Fonçant à la rescousse des forces impériales au-dessus de Malakbäel, l’Amiral Aquilant Pell et ses vaisseaux survivants foncèrent tète baissée dans l’explosion et subirent des pertes colossales.
Malgré tout, les morts furent sans doute les plus chanceux, car ils échappèrent à la Malédiction Meurtrière. Le bain de sang de la Bataille de Malak servit d’offrande rituelle, Angron fit office de lame sacrificielle, et l’énergie de l’Orphéon Psychique fut le vecteur à travers lequel l’énergie se répandit. Le châtiment des mortels pour avoir interféré avec la magie s’était manifesté.
Les malheureux encore coincés dans le Système Malak furent les premiers à sentir l’emprise de la malédiction. Des combattants mortels s’efforçaient de secourir leurs camarades, d’échapper à l’anéantissement de Malakbäel, ou de porter le coup de grâce à leurs ennemis. L’instant d’après, ils titubaient en tremblant et en haletant alors qu’une pellicule de sang leur voilait les yeux et que leurs veines saillaient telles des cordes bleues et noires sous leur peau. L’un après l’autre, les maudits rejetèrent la tête en arrière et hurlèrent de rage avant de se jeter sur les êtres vivants les plus proches. Ils ne faisaient plus la différence entre amis et ennemis. Ils ne pouvaient pas parler, sauf pour beugler des louanges à Khorne, le Dieu du Sang. Certains tournèrent leurs armes contre les soldats alentour, ou déchainèrent toute la puissance meurtrière de leurs énormes machines de guerre. D’autres jetèrent leurs armes pour massacrer leurs victimes à grands coups de dents et de poings.
Les pilotes d’évacuation hurlaient de fureur en fonçant droit sur ceux qu’ils étaient venus sauver, alors même que les réfugiés se jetaient les uns sur les autres dans une rage meurtrière. Des vaisseaux de guerre dérivaient dans le vide tandis que des membres d’équipages enragés s’entre-tuaient, ou déchargeaient leurs canons sur tout ce qu’ils voyaient, allié ou ennemi. Cependant, tous ne succombèrent pas à la malédiction. Quelques individus furent épargnés, mais ils vécurent l’horreur de voir leurs anciens alliés se retourner contre eux. Des hurlements sanguinaires résonnèrent à travers les agri-rottes de Malakshet parmi le fracas des armes et l’aboiement des Bolters. Sur Malakvar, des chars loyalistes se ruèrent sur des formations de leur propre infanterie, tirant à l’aveuglette avant d’être détruits par des tirs d’arme lourde à bout portant. Sur le pont de son vaisseau amiral, l’Amiral Aquilant Pell termina son illustre carrière en étant dévoré vivant par son propre équipage. Le massacre était cauchemardesque et incessant.
Parmi toute cette folie et cette destruction, Vashtorr l’Arkifane sillonnait le vide, insensible au carnage qui se répandait autour de lui.
Le Butin de l'Arkifane
Aux commandes du Stygian Heart et de ses systèmes, Vashtorr naviguait dans le maelström de dévastation tel un batelier infernal. Il se dirigea vers la carcasse de Malakbäel, utilisant les nombreuses batteries de l’Arche Fatidique pour se frayer un chemin à travers la ruine. Les yeux luisants de concentration, Vashtorr s’empara de quelques épaves et fragments de plateformes de défense au passage, certaines encore peuplées de mortels enragés. Il les fusionna en boucliers ablatifs, calculant les angles d’encastrement et de déflexion pour qu’ils absorbent et dévient l’impact des plus gros fragments de Malakbäel.
L’Arkifane n’était pas affecté par la Malédiction Meurtrière – ce n’était pas un mortel et il ne subissait pas leurs faiblesses. En outre, les guerriers à bord du Stygian Heart étaient protégés par l’aura de Vashtorr qui entourait le vaste vaisseau. L’Arkifane les sentait s’efforcer de regagner le contrôle du vaisseau ou de déployer des troupes dans la coque supérieure pour l’atteindre. Il ne lui fallut pas beaucoup d’efforts pour verrouiller des sas sur leur chemin, retourner des systèmes de défense contre eux, ou activer des golems de métalloderme et de rouage pour repousser les hérétiques. Cependant, plus ils luttaient contre lui, plus les anciens maîtres du Stygian Heart l’intriguaient. Ils étaient inventifs, rusés et déterminés. Des rouages Warp se mirent en branle dans son esprit. Des schémas se dessinaient avec une complexité fractale pour créer des machines de cause et d’effet. Parvenant à une décision soudaine, Vashtorr rassembla une portion de son pouvoir et, d’un frottement du manche de son marteau contre la coque du vaisseau, fit disparaître les Narrouvrage survivants dans le Warp. Il avait un rôle à confier à des serviteurs aussi ingénieux et intelligents. Il leur proposerait un marché et ils formeraient un rouage admirable parmi ses mécanismes habilement conçus.
Mais pour l’heure, une tâche plus urgente l’attendait. Au milieu de la dévastation, il repéra la coquille brisée de Malakbäel juste devant lui. Le monde s’était fendu en deux le long de profondes fissures creusées par la spire de siphonnage géothermique de l’Orphéon Psychique. Le cœur en fusion de Malakbäel s’était répandu dans le vide, où il se refroidissait et se durcissait. L’Arkifane poussa un grondement de mépris lorsqu’il vit que la matière avait formé une rune de Khorne titanesque. Vashtorr considérait ces mises en scène divines comme gauches. Se concentrant sur son objectif, il repéra le chant psychique de l’artefact qu’il était venu chercher, émanant du cœur de monde brisé. D’une pensée, il guida l’Arche Fatidique dans sa direction.
Plus Vashtorr approchait de Malakbäel, plus il devenait difficile de protéger le vaisseau. D’énormes rochers percutaient sa coque de toutes parts. Morceau par morceau, le Stygian Heart se désintégrait. Grommelant sous sa barbe, Vashtorr manipula la structure du vaisseau et entraîna son portail Warp à l’avant, l’Arche s’ouvrant telle une fleur cauchemardesque pour lui livrer passage. Façonnant un énorme bouclier de métal en fusion autour du portal, Vashtorr déchiqueta d’autres sections du hulk pour former un escalier qu’il gravit. À mesure qu’il avançait, traînant le portail Warp dans son sillage, l’escalier métallodermique se fendait derrière lui et se rassemblait devant lui. Il s’étirait jusqu’au cadavre éviscéré de Malakbäel, où le chant Warp résonnait aux oreilles de Vashtorr.
Enfin, aux confins de l’ombre projetée par le monde dévasté, il se tint devant une paroi en roche ignée, d’où saillait un énorme morceau de pierre noire. Aucun scientifique mortel n’aurait pu expliquer comment ce corps étranger avait pu résister pendant des millénaires à des températures et à des pressions inimaginables à proximité du cœur d’un monde. Vashtorr lui, le savait. Il trouvait même ce procédé fascinant. Mais cela n’avait rien à voir avec la mission de ce jour. Alors, plutôt que de s’émerveiller du passage de cette roche à travers l’histoire et la réalité, l’Arkifane leva son marteau et assena un coup puissant.
Une énergie aveuglante jaillit de l’impact. Des débris martelèrent le bouclier autour du portail Warp de Vashtorr, provoquant une série d’explosions qui indiquaient que l’artifice de l’Arkifane ne tiendrait pas longtemps en ce lieu hostile. D’une main griffue, Vashtorr s’empara de la masse noire. Le chant qui résonnait à l’intérieur l’appelait depuis longtemps. Ce serait, se dit-il, la pierre angulaire de son œuvre. Avec une délicatesse frôlant la révérence, Vashtorr poussa la masse et la guida à travers l’enveloppe vacillante du portail Warp. Il jeta un dernier regard autour de lui et hocha la tète pour lui-même, tel un ouvrier satisfait de ses efforts. Puis l’Arkifane traversa la surface du portail Warp et disparut.
Luca est officier d’artillerie supérieur à bord du Léviathan de commandement de la Générale Emsgaart. Comme tout bon soldat de Volpone, il est fier de son statut, et à juste titre. Le véhicule avance au milieu d’une formation de cinq régiments d’infanterie et de blindés. Pour reprendre les mots de la Générale, ils sont le coup de marteau qui écrasera les hérétiques et reconquerra la cité de Deng-Var. Luca a entendu Emsgaart et ses lieutenants parler. Il sait qu’une fois que Deng-Var sera tombée, Carvetha Primus leur appartiendra, et que ce monde est la clé qui leur ouvrira la porte du système entier. Triompher en ce lieu sera gage d’une large victoire pour la Force Opérationnelle IX du Groupe de Combat Jovia, sa troisième conquête d’affilée. En vérité, la lumière du fanal d’Abcondis s’est révélée une bénédiction pour eux tous.
Quelque chose se trame autour du sanctuaire astropathique à l’arrière de la passerelle de commandement. Les acolytes de l’Astropathe Nori sont agités. Plusieurs d’entre eux ont traversé le lourd rideau en velours voilant le sanctuaire, et Luca entend Nori fulminer malgré le tumulte sur le pont. Luca déteste Nori parce que c’est un sorcier, en dépit de l’avantage stratégique que ses pouvoirs peuvent représenter. De manière peu charitable, il espère que Nori est en train de souffrir.
Soudain, une bouffée d’énergie pourpre jaillit du sanctum astropathique et pour disparaitre aussitôt. Intrigué, Luca se lève de son trône, et regarde autour de lui. Il se demande avec une certaine culpabilité si son souhait envers Nori ne s’est pas exaucé. Il voit des acolytes et des officiers tituber en tremblant, les mains plaquées sur les tempes. La Générale Emsgaart est à genoux et secoue la tête. Des adeptes s’effondrent sur leurs trônes, ou se précipitent au secours de leurs camarades.
Luca est sur le point de les imiter quand une chaleur lui picote la peau. Un élancement fulgurant lui vrille le crâne, comme si quelqu’un lui enfonçait des clous dans le cerveau. Sa vision se brouille et tout vire à l’écarlate. Il chancelle puis s’effondre contre son poste. Son grondement de douleur se mue en cri alors qu’une fureur aveugle se répand en lui comme une traînée de poudre. Il serre son poing jusqu’à ce que ses articulations craquent. Incapable de se retenir, il balance son poing dans un écran, le plastiverre lui coupant la peau.
Luca est vaguement conscient des voix qui l’entourent et rugissent comme des bêtes. Un cri de panique retentit. Une fusillade éclate. Quelqu’un hurle au secours tandis que des poings s’écrasent dans la chair et que des camarades se jettent les uns sur les autres en beuglant de haine et de rage. Luca tente de parler mais les paroles qui jaillissent de sa bouche ne sont pas celles qu’il voulait.
« Hnnngcrânes… pourrr… Khorne ! »
La dernière pensée cohérente de Luca, alors que le pont de commandement sombre dans l’anarchie, est qu’il va déchiqueter la gorge de Nori à grands coups de dents. Luca fracasse ses instruments avant de se lancer dans la mêlée sanguinaire. Son poing heurte la commande d’activation manuelle, projetant un signal à travers les systèmes du Léviathan. Des lumens virent à l’écarlate, baignant l’équipage d’une lumière rouge sang avant que le canon principal du Léviathan n’ouvre le feu.
Un projectile de la taille d’un Taurox jaillit de la proue du Léviathan. Il file au-dessus de rangées de soldats de Volpone qui se battent avec des fusils, des lames ou à mains nues. Le projectile s’écrase dans une compagnie de Chimère du 164e de Volpone. Quelques instants auparavant, ces transports opéraient une avancée sur les blocs d’habitation à la périphérie de Deng-Var. Ils étaient sur le point de renverser les barricades hérétiques érigées à la hâte qui bloquaient la Voie Processionnelle 848 en direction des quartiers intérieurs de Deng-Var. Plusieurs transports blindés explosèrent. D’autres furent projetés sur le toit, ou s’arrêtèrent net, noyés de flammes.
Des soldats de Volpone bondissent hors des épaves. Certains sont en feu, d’autres si gravement blessés qu’ils ne devraient même pas être en état de se tenir debout et encore moins de combattre. Et pourtant, c’est ce qu’ils font. Parmi eux figure le Sergent Anders Drake, qui a survécu aux guerres de l’Empereur pendant huit ans. Drake ne prenait jamais plaisir à étriller ses hommes comme certains de ses pairs. Il se sentait responsable d’eux. Et voilà qu’il beugle de rage en tirant de son Pistolet Bolter dans le ventre de son opérateur vox, faisant exploser l’homme dans une gerbe de viscères. La Garde Ulvaska se jette sur Drake en tenant un éclat de baïonnette brisée. Son bord effilé a tranché deux de ses doigts. Des crocs poussent dans la chair autour de ses yeux injectés de sang. La lame s’enfonce dans l’épaule de Drake, puis le sergent enfonce le canon de son arme entre les dents d’Ulvaska et lui fait sauter la cervelle.
« Au nom de Khorne ! » rugit Drake. Certains des Volpone – ceux assez lucides pour combattre comme des êtres doués de raison – se regroupent. Ils se déplacent en meute en hurlant alors que des éclairs de douleur leur transpercent le crâne. Ils tournent leurs armes vers l’escouade du Sergent Haklyn tandis que les soldats sortent de leur Chimère. Drake et Haklyn sont des amis proches depuis trois ans, et là, Haklyn se rue sur Drake pour enfoncer ses serres dans ses yeux. Les deux Sergents heurtent le sol en essayant de porter le coup de grâce. Ils sont tous les deux anéantis lorsqu’un escadron de Stormtalons des Hawk Lords les survole en tirant sans discrimination.
Les escorteurs rasent les positions impériales, puis mitraillent les Traîtres qui s’entretuent derrière leurs barricades. Les pilotes Space Marines font serpenter leurs appareils entre les blocs d’habitations en grondant dans leurs microphones. Frère Uradus n’a pas succombé à la Malédiction Meurtrière, mais ses camarades l’ont assailli et fauché en plein vol. Les frères Armandus, Voldwyn et Korr ne se sont pas attaqués ; ils chassent en meute. À l’intérieur de son cockpit, Voldwyn a commencé à fusionner avec ses commandes. Ses nerfs et ses muscles s’étirent depuis son armure pour envahir les instruments du Stormtalon.
La meute de Voldwyn passe au-dessus d’une foule enragée qui se répand à travers les voies processionnelles du sanctuaire de l’Empereur-Dieu Vigilant. Une unité d’avant-garde de l’Ordre de Notre Dame des Martyrs est entrée en territoire ennemi. Leur mission était double : protéger les membres du clergé réfugiés dans le sanctuaire et garder les forces renégates occupées jusqu’à ce que les Volpone puissent intervenir pour les submerger. À présent, les Sœurs de Bataille se battent les unes contre les autres tandis que des soldats luttent contre des prêtres assoiffés de sang sous le regard impassible des saints sculptés dans la pierre.
Des missiles fusent d’un char de combat Exorcist et frappent le Stormtalon de Korr. L’appareil tombe à travers le toit du sanctuaire en semant une traînée de feu. Sa détonation fait voler en éclats l’effigie en verre de Saint Heldrin le Gracieux, emplissant l’air d’esquilles de verre étincelantes.
Sœur Kerenna se détourne de l’explosion pour protéger son visage. Des fragments de verre s’écrasent contre son Armure Énergétique. L’un d’eux lui entaille le cuir chevelu, laissant une ligne de douleur cuisante dans son sillage. Sœur Kerenna ne s’en soucie pas. Ses Sœurs ont perdu la tête. Elle ne comprend pas ce qui se passe, mais se cramponne à sa foi face aux horreurs qui l’entourent. Sœur Helenica a elle aussi réussi l’épreuve de l’Empereur-Dieu, mais elle a été décapitée par la lame d’une Sœur Repentia enragée.
« Sois maudite, » crache Sœur Kerenna en soulevant la Repentia de terre par une salve de Bolts.
Des guerrières aux prises les unes avec les autres la bousculent. Du sang lui éclabousse le visage. Sœur Kerenna ne peut pas laisser sa volonté se briser, parce qu’elle sait qu’elle a été épargnée dans un but bien précis. Elle a toujours eu une excellente vision stratégique. La Chanoinesse Felicita a même dit qu’elle pourrait lui succéder un jour. Felicita a dégénéré en tueuse sanguinaire ; des cornes sortent de ses orbites et sa bouche est hérissée de crocs aiguisés. Kerenna, elle, demeure indemne et distingue un schéma dans cette folie. Elle voit les plus lucides prendre le contrôle sur leurs camarades plus faibles ou plus bestiales. Déjà, des meutes se forment. Si cette tendance se poursuit, une fois que le massacre sera terminé, il ne restera qu’une vaste armée sauvage d’âmes corrompues. Elle est persuadée d’être la seule à avoir eu cette révélation, que sa vie a été préservée par l’Empereur-Dieu pour qu’elle puisse servir de messagère divine. Elle avertira les autres. Elle…
La sœur n’a même pas le temps de souffrir, réduite en charpie par la grêle de tirs qui a ratissé le sanctuaire. Relié à sa machine de guerre par la prise d’Unité d'Impulsion Cérébrale incrustée dans la base de son crâne, le Princeps D’Genue hurle à ses Moderatii de tirer, tirer, tirer jusqu’à ce que les Méga Bolters Vulcan du Warhound tombent à cours de munitions. Du sang coule de ses yeux, mais D’Genue n’a plus besoin de voir à travers eux. Il regarde à travers les flux vidéo du Venatoris Brutalor et hurle son besoin désespéré de noyer le monde dans le sang.
D’Genue n’en aura pas l’occasion. Une salve de fuseur-éclateur et de missiles Krak jaillit des fenêtres d’un bloc d’habitation, visant l’articulation du genou droit de son Warhound. Des câbles se rompent. Le métal se déchire. Mutilé, le Venatoris Brutalor titube et percute un autre bloc d’habitation avant de s’effondrer.
Émergeant du bloc d’habitation où ils s’étaient retranchés, le Sergent Vétéran Klaudis et ses Frères de Bataille s’engagent sur la voie processionnelle. Certains rechargent leurs armes lourdes, la chute du Titan n’ayant pas étanché leur soif de sang. Klaudis a arraché son casque et l’a jeté. Les insignes des Ultramarines sur ses épaulières Mark X sont couverts d’empreintes ensanglantées. Dans un poing, il manie son épée tronçonneuse incrustée de morceaux de chair, et dans l’autre une tête qu’il tient par les cheveux. Il ne se rappelle plus à qui elle appartient. Il sait seulement qu’elle fera une bonne offrande. Des veines noires sillonnent son visage blême autour de ses yeux rouges.
Voyant que la bataille continue de faire rage au-delà de l’épave en feu du Titan, Klaudis guide ses guerriers dans cette direction. Ses pensées sont tumultueuses, bouillonnantes de rage, mais deux choses lui apparaissent avec une clarté absolue. La première est qu’il va massacrer les faibles et mener les forts. La seconde est qu’il le fera au nom de Khorne. Rejetant la tête en arrière, il pousse un cri de bataille féroce avant de mener la charge dans les masses qui entourent le sanctuaire.
« DU SANG POUR LE DIEU DU SANG ! »
« Peu importent les mensonges que nous
autres mortels racontons pour préserver
notre frêle santé mentale ; les dieux et
les démons ont toujours régi le sort de
cette galaxie. La civilisation, la religion,
la technologie, l’espoir… Rien que des
rideaux que nous tirons sur nos yeux
pour ne pas voir l’effroyable vérité.
Jadis, ils suffisaient, fût-ce pour un
temps. Ce n’est plus le cas. Nous vivons
une ère terrible, où tout ce que nous
refusions de voir s’impose désormais à
notre regard. Au moins pouvons-nous
nous consoler en nous disant qu’il s’agit
désormais d’une ère d’honnêteté… »
- Extrait des Discours d’Idas l’Hérétique, 8e Méditation
À Suivre…
Source
- Les Arches Fatidiques : Angron, produit par le design studio Games Workshop, 2023
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